Fauves hongrois, 1904-1914

Fauves hongrois au musee MatisseAu musée Matisse, le contraste, à la veille de la Toussaint, entre le ciel gris et bas, le froid piquant du Nord et l’explosion de couleurs de ces Fauves hongrois a quelque chose de revigorant. D’autant que les œuvres présentées au Cateau-Cambresis (après une première halte au Musée d’art moderne de Céret cet été) sont totalement inédites en France.

Le public hongrois lui-même ne les a découvertes qu’en 2006 : l’aventure picturale commencée dans les années 1900 quand des peintres sont venus de Hongrie se mêler à la vie créative bouillonnante à Paris, puis poursuivie dans les colonies artistiques hongroises, a été interrompue dès la Grande guerre. Et l’histoire du XXème siècle, avec ses deux Guerres mondiales et ses révolutions, a eu raison de ces œuvres et ces artistes. Il a fallut attendre le début des années 2000 pour qu’à Budapest des étudiants se mettent en projet, avec la Galerie Nationale Hongroise, de les retrouver pour les faire connaître. Après deux années de recherches acharnées, dans le pays et un peu partout en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis (les tableaux étaient cachés dans les réserves des musées de province ou chez les particuliers), de vingt-cinq au départ, la "collection" des Fauves hongrois réunissait deux-cent-cinquante peintures. Elles firent l’objet d’une grande exposition à Budapest, dont sont issus les cent-cinquante tableaux présentés en France (la troisième et dernière étape sera Dijon du 13 mars au 15 juin 2009).

Fauves hongrois au musée Matisse, expositionDans ces paysages, natures mortes, portraits et autoportraits se lisent de grandes influences de la peinture française de l’époque : Cézanne, Gauguin, Derain, Van Gogh… et bien sûr Matisse.
Se contenter de ce déchiffrage serait pourtant restrictif. Les Hongrois venus en France ont découvert la peinture moderne et le fauvisme et ont ensuite importe ce "choc culturel" dans leur pays, y initiant une révolution picturale. Mais d’une part ils ne se sont aucunement constitué en mouvement (l’appellation "fauvisme hongrois" est rétrospective) et d’autre part ils ont mêlé l’inspiration occidentale à une manière spécifiquement hongroise, une gestuelle et une utilisation des couleurs originales qui ont donné lieu à des oeuvres singulières, en particulier dans les paysages.
Avec une audace inouïe, les Rippl-Ronai, Czobel autres Bornemisza associent des couleurs vives, voire violentes (vert et rouge, rose et orange, orange et violet) qui ne s’entrechoquent pas, ne se "mangent" pas les unes les autres mais au contraire se valorisent. Ces villages, maisons, églises, vues frontales où la perspective est très peu présente n’ont pour autant rien d’un carnaval. Cernés de larges traits bruns, compartimentés, ces aplats de couleur pure sont soutenus et structurés par un solide sens de la composition et un grand équilibre architectural. La souplesse et la puissance du geste, associées au plein de peinture et à la simplification des formes impriment aux paysages verdoyants et aux maisons colorées une présence exceptionnelle qui ne peut que séduire immédiatement le spectateur.

Fauves hongrois, 1904-1914
Jusqu’au 22 février 2009
Musée Matisse Le Catau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois
Audio guide gratuit (français, anglais, néerlandais)
Visites guidées sans réservation le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis

Images : Sándor Ziffer, Vieux pont à Nagybánya, 1908, Huile sur toile, 50,5 x 65 cm, Collection Lorenz Czell et Sándor Ziffer, Paysage d’hiver à la barrière, début des années 1910, Huile sur toile, 91,5 x 109,3 cm, Budapest, Magyar Nemzeti Galéria

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Picasso / Manet : Le déjeuner sur l'herbe, Musée d'Orsay

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbeCette exposition, l’un des volets du triptyque "Picasso et les maîtres" présenté en même temps au Louvre, au Grand Palais et au Musée d’Orsay, constitue une formidable démonstration de la créativité de Picasso, de sa faculté, non pas de copier ou d’imiter, mais de repenser une œuvre, en cherchant, en s’amusant, avec liberté et obstinément.

Combien de versions du Déjeuner sur l’herbe a-t-il réalisées ? Pas moins de vingt-six, entre février 1960 et août 1961, dont la moitié est ici visible. De l’œuvre d’Edouard Manet, il a tiré l’essentiel, comme le côté un peu artificiel, ou du moins "prétexte" du cadre de plein air : en la démantelant, puis en l’effaçant de plus en plus, Picasso fait apparaître cette clairière comme un simple écrin qui permet de concentrer toute l’attention sur les personnages.
Avec ceux-ci, Picasso va aborder de multiples possibilités, tout en conservant sa prééminence au personnage central, le nu féminin, qui, à l’époque, placé à côté des deux hommes vêtus, fit scandale.

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbe, exposition au Musée d'Orsay Objet de son obsession chez le peintre qui n’a cessé toute sa vie de figurer des femmes, il s’en empare pour mieux enfler, parfois jusqu’à la démesure, réduire ou déplacer ses rondeurs féminines. Ce qui ne l’empêche pas de faire subir à ses voisins toutes sortes de variations quant à leur emplacement, leurs accessoires ou leurs vêtements (dans les cas où il conserve ces derniers)…

Déformés, déstructurés, on pourrait se dire que ces Déjeuners n’ont plus rien à voir avec l’œuvre de 1863. Pourtant, la rupture n’est pas tout à fait consommée. La vision d’ensemble que permet la scénographie de l’exposition, fraîche, aérée et bien pensée, avec le tableau de Manet au centre, donne une frappante impression de continuité. Peut-être tient-elle aux couleurs qui, malgré les différences de tonalités, plus ou moins foncées voire très claires, se retrouvent toujours (vert sombre, blanc, noir, gris, une touche de bleu) ; peut-être tient-elle surtout à la charge érotique du tableau, que Picasso, à travers ces jeux de recompositions, a longuement, passionnément réinterprétée.

Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur, Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Picasso Pablo (dit), Ruiz Blasco Pablo (1881-1973), Le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet, 27 février 1960, Huile sur toile, 114 x 146 cm, Collection Nahmad © Succession Picasso 2008 et Edouard Manet, Le déjeuner sur l’herbe, 1863, Huile sur toile, 2,080 x 2,645 m, Paris, musée d’Orsay © Patrice Schmidt, Paris, musée d’Orsay

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Vicky Cristina Barcelona. Woody Allen

Woody Allen, Vicky, Cristina, BarcelonaElles sont américaines, jeunes, belles, et contentes de venir passer leur été à Barcelone. Cela ne fait pas deux minutes qu’elles ont débarqué qu’on est déjà tout content aussi de faire partie du voyage.
Le film démarre en trombe, avec une voix off qui débite, en anglais, mais au rythme de la langue de Cervantes, c’est-à-dire à toute allure, le portrait de nos deux touristes : Vicky, la brune (Rebecca Hall), sage et cultivée, solidement fiancée, qui sait ce qu’elle veut dans la vie en général et ce qu’elle vient faire là en particulier : approfondir sa thèse sur l’identité catalane. Cristina, la blonde (Scarlett Johansson), glamour et rêveuse, qui sait ce qu’elle ne veut pas et vient ici chercher tout le reste. Rappliquera vite le beau, le brun, le charmant, le dragueur, aussi léger qu’obstiné, l’artiste peintre : Juan Antonio, joué par un Javier Bardem très en forme. María Elena (voici Penélope Cruz, qui atteint des sommets), artiste peintre également, ne tarde pas à les rejoindre : elle est l’ex-femme de Juan Antonio, mais avec qui le "ex" n’est pas tout à fait consommé…
Prenez les quatre pendant quelques semaines, mélangez, et il ne reste plus qu’à déguster le cocktail signé Woody Allen, fait d’amour (beaucoup), d’humour, de cris et de larmes. S’y ajoute une pointe de philosophie, où le film parle sans ambages de la vie, de ce qu’on sait et de ce qu’on croit savoir, de ce qu’on veut et de ce qu’on ne veut pas, de ce qu’on peut et de ce qui advient. C’est un régal, avec tous les clichés de l’Espagne que nous aimons, bien normal puisque c’est précisément pour ceux-là que Vicky et Cristina sont venues, et qu’on était fermement décidé à les suivre…

Vicky Cristina Barcelona
Un film de Woody Allen
Avec Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Javier Bardem, Penelope Cruz…
Durée 1 h 37

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De Miró à Warhol. La Collection Berardo à Paris

Ernst, Musée du Luxembourg, expo Miro à WarholL’exposition présente une sélection issue de l’ensemble de 862 oeuvres que le grand entrepreneur portugais José Berardo a mis à la disposition du Centre Culturel de Bélem à Lisbonne depuis juin 2007.

Les soixante-quatorze tableaux, dessins et sculptures visibles au Musée du Luxembourg à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 22 février 2009 permettent de traverser les principaux mouvements picturaux du XXème siècle, Berardo ayant constitué à partir du début des années 1990 une très riche collection d’art moderne, tant européen qu’américain.

Le parcours se découpe sobrement en quatre parties : Dada et le surréalisme (autour de Miró, Magritte, Chirico, Masson, Ernst, Breton, Tanguy, Dali…) ; l’abstraction géométrique en Europe dans l’entre-deux-guerres (Mondrian, Gonzales, Vantongerloo…) ; le Pop Art américain (Warhol, Lichtenstein et autres Tinguely) et le Nouveau réalisme français (Klein, Villeglé notamment) ; les recherches de l’après-guerre, avec Vieria da Silva, Jean-Paul Riopelle, mais aussi Joan Mitchell ou Pierre Soulages.
Cette chronologie est précédée d’une "mise en bouche" donnant le goût et l’esprit de la collection de José Berardo : éclectisme haut de gamme, avec Pollock, Picasso et Nicolas de Staël côte à côte, tandis que le peintre portugais Amadéo de Souza-Cardoso est également mis à l’honneur.

Si l’exposition, didactique, ne prétend à une quelconque exhaustivité, cette judicieuse sélection permet de confronter et regrouper un grand nombre d’artistes qui furent les acteurs des révolutions artistiques des années 1910 aux années 1960.
Une, deux œuvres maximum de chaque peintre ou sculpteur suffisent à souligner le bouillonnement, la frénésie, voire la compétition dans cette soif de renouveler la peinture, entre figuration bousculée, abstractions, non figurations ou encore peintures gestuelles : il s’agissait, de toutes ces manières, d’en finir avec un système de représentation hérité de la Renaissance.

L’aperçu d’ensemble donne vraiment envie d’aller visiter le musée José Berardo à Lisbonne, bénéficiaire de sa collection pendant dix ans (au bout de ce délai l’Etat aura une option d’achat exclusive). En attendant, l’inlassable collectionneur continue d’amasser oeuvres d’art moderne mais aussi d’arts africain et brésilien, de mobilier Art déco, azulejos, minéraux, faïences, étains, et même des collections botaniques (que l’on peut voir au Montepalace à Madère). Son but à chaque fois ? "Garder la mémoire d’une culture". On dirait que l’entreprise a plutôt bien commencé…

De Miró à Warhol. La Collection Berardo à Paris
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – Paris 6ème
Du 16 octobre 2008 au 22 février 2009
Horaires d’ouverture : lun., ven., sam., de 10 h 30 à 22 h
mar., mer., jeu., de 10 h 30 à 19 h et dim.et jours fériés de 9 h 30 à 19 h
Entrée 11 € (TR de 6 € à 9 €)

Image : Max Ernst Coquilles-fleurs, 1929, huile sur toile – Musée Collection Berardo, Lisbonne © Adagp, Paris, 2008

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Cowboy angels. Kim Massee

Kim Massee, cowboy angelsDès le début, on pense au Petit Prince, si seul qu’il veut apprivoiser un renard, ou à un petit chien abandonné par son maître, qui court derrière un inconnu pour plutôt se faire apprivoiser lui-même. Ainsi débute Cowboy angels, avec Pablo, un gosse de onze ans délaissé par sa mère, sans géniteur dans les parages et qui demande à Louis, un joueur de poker en déroute, de l’emmener en Espagne retrouver son père. Démarre alors un road-movie entre un homme méfiant et endurci et un enfant plein de bagout, de vivacité et de ressources, mais en manque de protection et d’attention, presque en manque de tout. Ceux qui l’ont aidé à se construire sont les différents amants de sa mère. On les découvrira successivement au cours de ce voyage Paris-Barcelone-Paris via Bayonne, avec, au bord de l’eau, une superbe rencontre… celle-là féminine.

Si Cowboy angels souffre de baisses de rythme à certains moments, il révèle l’indéniable talent de Kim Massee, franco-américaine, directrice d’acteurs et réalisatrice de courts et moyens métrages, qui a produit elle-même son premier long métrage. Tourné entre la France et l’Espagne, mais bourré de références américaines, notamment Bob Dylan et les grands films de western, il nous plonge avec naturel et simplicité dans l’univers singulier, dans le monde très attachant qui se crée entre Louis et Pablo, enrichi au fil des rencontres, tour à tour désopilantes ou affectueuses.

Kim Massee a formidablement choisi ses acteurs, à commencer par son propre fils dans le rôle de Pablo, mais aussi l’irrésistible Thierry Levaret dans celui de Louis, jusqu’aux rôles secondaires, tous impeccables. Ils participent de cette ambiance chaleureuse qui fait de Cowboy un film dans lequel on se sent drôlement bien.

Cowboy angels
Kim Massee
Avec Diego Mestanza, Thierry Levaret, Françoise Klein
Durée 1 h 40

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Aller voir les Nymphéas

Aller voir les Nympheas de Monet à l'OrangerieSi vous avez envie de peinture mais craignez de rencontrer la foule chez Picasso & Co, profitez donc de la lumière automnale et de ces belles journées pour aller vous perdre dans le jardin aquatique de M. Monet.

L’Orangerie, construite sous Napoléon III pour y entreposer les plantes fragiles du jardin des Tuileries pendant l’hiver abrite depuis en 1927 les Nymphéas de Claude Monet. Une installation conforme au vœu de l’artiste, qui avait décidé, dès les années 1910, de les offrir à l’Etat. Les deux salles en ellipse qui en sont tapissées (les toiles ont été marouflées à même les murs) ont été créées spécialement à cet effet.

Les travaux aboutis en 2006 ont permis de mettre fin aux errements qui perduraient depuis les années 1960, époque où, pour accueillir la donation Walter-Guillaume, des aménagements avaient privé les Nymphéas de leur positionnement de choix.

Ils sont désormais et comme à l’origine superbement et simplement éclairés à la lumière du jour, offerts à la contemplation du visiteur venu ici se poser un peu, se fondre dans ces étendues de couleurs, d’eaux et de végétaux. Il y reviendra certainement tant est vrai qu‘"un paysage ne vous imprègne pas en un jour".
Monet a prononcé cette phrase magnifique et prometteuse pour expliquer les quatre années qu’il a laissé passer entre la création de son "jardin d’eau" à Giverny et le début de son entreprise picturale. Sa justification s’est d’ailleurs avérée prophétique puisque de 1897 à sa mort en 1926, il ne cessa de peindre encore et toujours le jardin de sa propriété des bords de Seine, avec son pont japonais, ses iris et ses nénuphars blancs.
Si cette longue fresque d’eau (91 mètres de long au total des huit compositions) est si apaisante, les teintes de bleu constellé de blanc, de vert, de brun et parfois de rose n’y sont pas pour rien ; on est loin du verdâtre morbide des eaux stagnantes. Ici se reflètent les nuages, une ondulation douce semble parcourir le bassin, les fleurs éclore, les saules pleureurs couler avec une tranquillité extrême, la nature suivre son lent mouvement.
Un temps, en 1909, Claude Monet avait envisagé "d’employer à la décoration d’un salon ce thème des nymphéas : transporté le long des murs, enveloppant toutes les parois de son unité, il aurait procuré l’illusion d’un tout sans fin, d’une onde sans horizon et sans rivage ; les nerfs surmenés par le travail se seraient détendus là, selon l’exemple reposant de ces eaux stagnantes et, à qui l’eût habitée, cette pièce aurait offert l’asile d’une méditation paisible au centre d’un aquarium fleuri".
Le peintre a fait mieux que cela, en offrant au public ce moment de grâce qu’il a si bien décrit et qui, un siècle après, lui est toujours aussi nécessaire.

Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries – 75001 Paris
TLJ sf le mardi, le 1er mai et le 25 décembre, de 9 h à 18 h
Métro : 1, 8, 12 station Concorde
Bus : 24, 42, 52, 72, 73, 84, 94 arrêt Concorde
Entrée : 7,5 € (TR : 5,5 €)
Gratuit le premier dimanche de chaque mois

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Le mystère et l'éclat. Pastels du Musée d'Orsay

Le mystère et l'éclat, exposition de pastels à OrsayLes dessins au pastel, apparus au XVème siècle, adorés au XVIIIème avec Chardin et autres Quentin de La Tour, puis délaissés par le le néo-classicisme ont connu un regain d’intérêt dans la seconde moitié du XIXème siècle.

Le Musée d’Orsay rappelle cet engouement et son succès en présentant jusqu’au 1er février une sélection de 118 œuvres issues de ses collections qui en comptent plus de 300.

Un chemin buissonnier en quelque sorte, à côté de la déferlante de la peinture cette saison à Paris, et une première pour l’institution, qui n’avait jamais proposé d’accrochage exclusivement consacré à cette technique.

Une visite d’autant plus conseillée que le parcours se révèle particulièrement riche et, en outre, des plus agréables, dans une belle scénographie de bleus et de mauves. Où l’on découvre que bien des maîtres de la fin du XIXème siècle se sont essayés au pastel, tels Manet, Renoir, Millet, Pierre Puvis de Chavannes…
On aime la douceur des contours et la subtilité des couleurs de ces touches crayeuses et grasses, qui donnent aux portraits davantage de proximité que la peinture, et une impression de vie que n’autorise pas forcément le dessin. Les personnages de Manet prennent ainsi parfois une autre tournure, moins frontale, malgré le réalisme un peu cruel de Madame Emile Zola.

La technique a aussi fait le régal des impressionnistes, comme Boudin, Monet, Pissaro, qui y ont vu le moyen de composer de splendides paysages tout en fondus et délicatesse, profitant du rendu exceptionnel de la lumière du trait au pastel. Une esthétique un peu brumeuse, diaphane, faite d’estompes et de nuances.

Le vaste espace dédié à Degas est sans doute le plus beau du parcours, où danseuses et baigneuses se succèdent dans une explosion de couleurs, d’audace, de grâce et de sensualité, alors que la dernière partie, consacrée aux symbolistes, ne fera peut-être pas l’unanimité. Elle permet toutefois de saluer, par exemple, l’exercice de style de Georges Desvallières, qui avec son impressionnant tableau des Tireurs à l’arc, confirme les possibilités du pastel pour mettre en valeur les volumes (bonjour la musculature de ces athlètes dignes des canons grecs…). Odilon Redon, avec un Grand vitrail a quant à lui rendu à merveille l’ambiance et la splendeur mi-ombre mi-couleur du gothique.

Enfin, le Musée d’Orsay a eu la bonne idée de présenter également des créations contemporaines. On peut notamment admirer, à côté de portraits du XVIIIème, une Lilette dans les feuillages (ou Jardin d’hiver) de Sam Szafran, évocatrice et intrigante à la fois, mettant en scène une femme assise dans le coin d’une immense végétation ciselée, d’un bleu décoratif et délicat… Ce pastel superbe et captivant montre si besoin en est que cette technique n’a pas fini d’inspirer les artistes.

Le mystère et l’éclat. Pastels du Musée d’Orsay
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay – 1, rue de la Légion d’Honneur, Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Image : William Degouve de Nuncques (Monthermé, Ardennes, 1867 – Stavelot, Belgique, 1935) "Nocturne au parc royal de Bruxelles", 1897, Pastel, 65 x 50 cm – Paris, musée d’Orsay © RMN (Musée d’Orsay) / © Hervé Lewandowski

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Entre les murs. Laurent Cantet

Entre les murs, Laurent Cantet, François BégaudeauC’est un film qui laisse un peu perplexe.

D’abord, il faut peut-être éviter la fausse bonne idée consistant à lire le livre de François Bégaudeau (1), écrit comme un scénario, juste avant d’aller en voir l’adaptation cinématographique : autant se réserver la surprise des dialogues et de la bouillonnante énergie, déjà présents dans le livre de l’ancien professeur de français.

Ensuite, il y a la Palme d’Or descernée par le jury de Sean Penn au dernier Festival de Cannes et l’hystérie qui s’en est suivie dans les médias comme dans le monde politique, grandes déclarations à l’appui : celles-ci ne manquèrent pas d’intriguer le grand public. Qu’ont-ils découvert qu’ils ne soupçonnaient point ?

Voici le film enfin projeté en salle. Et, curieusement, l’on en sort avec l’impression d’avoir vu une "petite chose". Laquelle, au fait ? Documentaire ou film ? Les milieux autorisés sont unanimes : il s’agit d’un film. L’affaire est entendue, remarque faite qu’étant inspiré de l’expérience d’un professeur de français jouant son propre rôle dans un collège du XXème arrondissement de Paris avec des élèves dudit collège pour interprètes, réalité et fiction se trouvent intimement mêlées.

Peu importe, si le résultat est convaincant. Il l’est assez. Mais il est avant tout attachant. L’empathie avec François Marin (noble personne, louables intentions et pédagogie plutôt fine) joue à plein régime. L’attachement à ces mômes de 13, 14 ou 15 ans, insupportables mais désarmants est immédiat. Les échanges, parfois enjoués, parfois violents, entre le professeur et ses élèves de quatrième évoquent bien souvent le jeu théâtral. Car pour ces ados, tout semble affaire de représentation et de spectacle. François est nécessairement pris (au piège ?) dans ce jeu, dont il détient toutefois en grande partie les clés : celles de la langue.
Là se trouve la trame de fond et le véritable intérêt d‘Entre les murs, livre comme film : l’affrontement incessant entre les élèves et leur professeur est avant tout l’affrontement de deux langages. François Marin a pour mission de leur faire apprendre le sien, qui est celui de la société dominante et que ces jeunes ont du mal à accepter et surtout à s’approprier. Avec la maîtrise du verbe, se joue pourtant leur avenir. Tel est l’enjeu de l’action qui se déroule sous nos yeux, telle est la force du film, et son ressort dramatique. Peut-être ne faut-il pas en chercher d’autre.

Entre les murs
Un film de Laurent Cantet
Avec François Bégaudeau, Esmeralda Ouertani, Boubacar Touré, Angelica Sancio, Burak Ozyilmaz, Nassim Amrabt, Louise Grinberg
Durée 2 h 08

(1) Editions Verticales (2006), Prix France Culture-Télérama
Egalement en Folio, 290 p., 6,30 €

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Georges Rouault. Chefs-d'oeuvre de la collection Idemitsu

Georges Rouault, chefs-d'oeuvre de la collection Idemitsu à la Pinacothèque de ParisPeintre catholique adepte des couleurs sombres, ne se rattachant clairement à aucun grand courant pictural du XXème siècle, Georges Rouault (1871-1958) n’est pas a priori un peintre des plus attrayants.

Il mérite pourtant d’être connu au delà de ces poncifs tant sa peinture est belle, parfois gaie et, bien souvent, évoque une gamme d’émotions profondes.
Telle est la découverte que nous réserve l’exposition présentée à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 18 janvier 2009.

D’une manière très vivante, les 70 tableaux issus de la prestigieuse collection japonaise Idemitsu (riche de plus de 400 œuvres) sont organisés autour des grandes amitiés de Georges Rouault, qui sont autant de pistes biographiques et artistiques.
Gustave Moreau, son maître, dont il fut après sa mort le premier directeur du musée qui lui a été consacré ; Matisse, qu’il connut dans l’atelier de Moreau et dont il demeura toute sa vie l’ami ; Léon Bloy, le romancier et critique avec qui les divergences artistiques n’empêchèrent pas une solide amitié ; Ambroise Vollard, son marchand d’art et éditeur qui selon sa méthode lui acheta dès 1913 la totalité de son atelier ; le couple de philosophes Jacques et Raïssa Maritain auprès de qui le natif de Belleville vécut à Versailles ; enfin l’écrivain André Suarès : de cette dernière amitié est né Passion, l’un des plus célèbres ouvrages illustrés de Rouault.

Délaissant le côté religieux de son œuvre, l’exposition souligne au fil des salles le rapprochement qui peut être fait avec la peinture japonaise, conforté sur ce point par le succès que Georges Rouault connut très tôt au Japon. Il est vrai que l’écriture picturale de l’artiste, avec ses cernes noirs (qui peuvent également rappeler, dans une toute autre direction, les vitraux moyenâgeux) et certaines de ses compositions évoquent les estampes traditionnelles Ukiyo-e.

Il n’en demeure pas moins que la peinture de Rouault est à admirer avant tout pour ce qu’elle est : esthétiquement passionnante, multiple et séduisante.
Se laisser choquer, d’abord, par l’outrance, les grands aplats de couleur pure et la violence de ces Hécate guerrière, Juge et autre Lutteur. Admirer ensuite la stylisation qui confine parfois à l’esquisse, comme avec cette Petite écuyère, impression trompeuse tant est fin le travail des couleurs et des ombres. S’émerveiller devant la grâce de Bacchanales parfaitement composées dans une alliance de teintes chair et turquoise, sur des volumes qui ne sont pas sans rappeler Cézanne et Picasso. Ou encore devant la sensualité provocante de ces Baigneuses, en pensant peut-être à l’état de nature cher à Gauguin.
Voyez aussi cette Femme au tambourin : qui a dit couleurs sombres ? Voici du bleu, du jaune, du vert lumineux. Quel profil, quelle classe dans ce portrait, quelle superbe ambiance décorative. Un peu plus loin, Madame X évoquera une non moins grande majesté.

Et puis il y a l’émotion face à ce Clown de face, aux teintes pastel relevées de noir, qui semble tout tourné vers son monde intérieur. A quoi pense-t-il ? Cette étrange expression méditative n’est-elle pas celle d’un homme qui doute ? La Tête de femme, yeux démesurés sur un visage penché vers l’avant suscitera les mêmes questions.

On finira par les vues de Georges Rouault. Elles nous montrent un paysagiste au sens de la composition sûr, imprimant sérénité, vie et équilibre. Que ces toiles aux empâtements épais paraissent éloignées des tout petits paysages du début, ceux peints au temps où Moreau conseillait à ses élèves de "peindre la nature" ! Pour autant, sur un autre support, dans d’autres formats, avec une autre technique et un style pictural fondamentalement différent, il s’en dégage la même tranquillité d’un artiste qui malgré ses dénonciations des travers de la société des hommes, a foi en ce monde, tel ce "modèle de l’intégrité absolue, de la patience acharnée et du travail dévorant, de l’inflexible fidélité à la vision intérieure que sont les premières exigences de l’art", trouvé par Jacques Maritain en son ami Rouault.

Georges Rouault. Chefs-d’oeuvre de la collection Idemitsu
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
TLJ de 10 h 30 à 18 h, les 25 déc. et 1er janv. de 14 h à 18 h
Nocturnes les premiers mercredi du mois jusqu’à 21 h
Entrée 9 € (TR 7 €)

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A Toulouse : Cinespaña 2008

Cinespana 2008Ce vendredi 3 octobre, Cinespaña redémarre pour une treizième édition de promotion du cinéma espagnol en France.

Six distinctions seront remises samedi 11 octobre au cours de la soirée de clôture, honorée de la présence du parrain du festival, Jorge Semprún :
– la Violette d’Or du Meilleur long métrage ;
– le Prix du Meilleur court métrage ;
– le Prix du Meilleurs Documentaire du jury Raíces ;
– le Prix Révélation descerné par le jury Etudiant ;
– le Coup de coeur des lecteurs de la Dépêche du Midi ;
– mais aussi le film préféré du public.

Cette année, un hommage est rendu au comédien (plus de deux cents rôles), réalisateur (trente films) et écrivain Fernando Fernán Gómez, tandis que la rétrospective est consacrée, en sa présence, au directeur de la photo lauréat de quatre Goyas, José Luis Alcaine. Chef opérateur de plus de cent films, il a notamment travaillé avec Pedro Aldomovar dans Attache-moi et Volver.
A noter aussi, le cycle scolaire mis en place avec l’Inspection Académique de Midi-Pyrénées qui présente une sélection de films aux collégiens et lycéens.
Enfin, la convivialité promet d’être comme toujours de la partie dans la cour de la Cinémathèque de Toulouse avec des rencontres-débats, apéro-concerts et autres rendez-vous au restaurant ou au bar à tapas.
Bon festival à tous !

Les lieux de Cinespaña
A Toulouse :
Cinémathèque – 69 Rue du Taur
Instituto Cervantes – 31 Rue des Châlets
Cinéma ABC au centre culturel Alban Minville 67 Allée de Bellefontaine
où l’ABC s’est transporté pour la durée de ses travaux de rénovation
Cinéma UGC – 9 allées Franklin Roosevelt
Ecole Supérieure d’Audiovisuel (ESAV) – 56 Rue du Taur
Casa de España – 85 avenue des Minimes
Cinéma Utopia – Rue Montardy
A Tournefeuille
Cinéma Utopia – Allées des Sports (31170)
Et pour tout savoir sur la programmation : Cinespaña 2008

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