Les Bienveillantes. Jonathan Littell

En 2006 le prix Goncourt a été attribué à un roman, Les Bienveillantes, qui laisse le lecteur bien perplexe : son côté « documentaire », qui met en scène une grande tragédie historique, peut apparaître comme le plus intéressant, même au prix d’une lecture éprouvante, tandis que le côté « romanesque », lorsqu’il s’agit du destin individuel du narrateur, a beaucoup de mal à passer le cap de la vraisemblance.

Maxime Aue nous raconte son histoire d’officier nazi durant la deuxième guerre mondiale : pendant des centaines de pages nous sont décrites des scènes de massacres sur le front Russe. Si lui-même n’est pas censé participer activement aux tueries, il assure une fonction de renseignement de manière à garantir la sécurité de l’armée allemande au fur et à mesure de ses conquêtes. Il assiste aux exécutions de civils (Juifs essentiellement) sans états d’âme.

Il est blessé au cours de la défaite de Stalingrad (où il gagne promotion et décorations) et est chargé par la suite de l’évaluation de la main d’œuvre des camps de concentration. Finis, pour le lecteur, le sang et la cervelle qui giclent, nous passons aux corps décharnés, aux fumées nauséabondes et aux statistiques de mortalité. A cette occasion Aue est amené à fréquenter la crème des responsables nazis : Himmler, Eichmann, etc. Le roman paraît très documenté et nous fait participer de l’intérieur aux problèmes d’intendance : « Depuis que le Reichsführer a décidé d’affecter Auschwitz à la destruction des Juifs, nous n’avons que des problèmes. Toute l’année dernière nous avons été obligés de travailler avec des installations improvisées ».

Comment se présente à travers son récit Max Aue ? Un officier sérieux, homosexuel, à la psychologie perturbée par l’amour immodérée qu’il porte à sa sœur jumelle, et qui adhère, mais sans fanatisme semble-t-il, à l’idéologie génocidaire. Le lecteur peut ajouter au portrait son penchant pour les cadavres et la merde, et aussi l’hypothèse qu’il est le meurtrier de son beau-père et de sa mère. Quant à la façon dont il a tué son meilleur ami, il le raconte lui-même.

La fin du roman n’aide pas du tout à la vraisemblance d’un tel portrait. On a l’impression que Jonathan Littell se débarrasse à la va vite de son livre et de son sinistre personnage. Les péripéties finales sont dignes du final d’une modeste bande dessinée, comme s’il s’était rendu compte du caractère improbable de la rencontre entre l’Histoire et cet individu imaginé.

Andreossi

Les Bienveillantes. Jonathan Littell

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Septièmes ImageSingulières à Sète

imagessingulieres_curtisNous avons déjà parlé ici de ce festival de photographie documentaire aussi attachant que passionnant, qui se déroule chaque année dans la belle ville de Sète. C’était il y a quatre ans. Désormais, ces rendez-vous photographiques en sont à leur 7ème édition : elle permet de vérifier que la mobilisation ne faiblit décidément pas.

On retrouve les attraits désormais bien connus d’ImageSinguières : la gratuité de toutes les manifestations, regroupant une quinzaine d’expositions, projections et rencontres (seul le programme est, pour la première fois, devenu payant – 1 euro !) ; la diversité (et bien souvent l’originalité) des lieux d’exposition (du Centre régional d’art contemporain au Boulodrome, en passant par la gare SNCF) ; la richesse et la qualité des sélections bien sûr ; le travail d’un photographe invité enfin.

imagesingulieres_bieke_depoorterCette année, l’artiste invitée à résidence est la Belge Bieke Depoorter, pensionnaire de l’agence Magnum âgée de moins de trente ans. On découvre ses vues de Sète dans la toujours aussi chouette chapelle du Quartier Haut. En fait, en première approche, Sète ne se voit pas du tout ! Et pour cause, Bieke Depoorter ne s’intéresse qu’aux intérieurs nuit… Il n’empêche : c’est superbe. Les personnes photographiées dans leur univers ne posent pas – ou alors avec un naturel fou – et il s’en dégage une sensibilité extraordinaire. Gens simples au sens social, mais dont l’intérieur est déjà un monde : un piano faiblement éclairé sur lequel une très vieille femme se courbe pour jouer, une femme sans son bain comme dans un refuge, un vieil homme en chemise de nuit écossaise et chaussettes, très soigné, dans son salon chargé d’étoffes et de tableaux… Soudain, l’endroit où ils vivent semble les définir autant que leurs visages (que l’on ne voit pas toujours, du reste) : ce sont deux intériorités qui se rejoignent et, à travers elles, c’est bien une certaine image de Sète que l’on croit percevoir.

imagesingulieres_brezillonSi aux Chais des Moulins est présentée une exposition collective de photographes chiliens du Festival de Valparaiso, avec lequel ImageSingulières initie un partenariat, la Maison de l’Image documentaire fait place à l’Amérique du Nord : à l’étage, des portraits de Stéphane Lavoué (1) réalisés dans le Vermont succèdent à deux très émouvants ensembles de photographies d’Indiens. D’un côté, celles d’Edward Curtis, vieilles d’un siècle, somptueuses (quel dommage de les avoir accrochées dans l’escalier !), d’un autre celles, contemporaines, de Jérôme Brézillon, prises dans la réserve de Pine Ridge (Dakota) : en couleurs, dépourvues de l’esthétique des premières, elles ne permettent aucune prise de distance au spectateur et en sont d’autant plus déchirantes.

 

ImageSingulières

A Sète dans l’Hérault (34)

Jusqu’au 31 mai 2015

(1) L’exposition de Stéphane Lavoué sera visible LEICA STORE, 105-109 rue du Faubourg Saint Honoré – Paris 8° du 18 juin au 30 septembre 2015

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Les 21e Rencontres Cinémas d'Amérique latine à Toulouse

Rencontres des cinemas d'Amerique latine de Toulouse 2009Les Rencontres des Cinémas d’Amérique latine ont démarré ce vendredi jour du printemps et se déroulent jusqu’au dimanche 29 mars à Toulouse.

Conformément à une tradition désormais bien établie, elles seront l’occasion de distinguer les films les plus marquants de la production cinématographique contemporaine venue d’Amérique latine, avec :

– le Grand Prix Coup de cœur et le Prix du Public Intramuros (sept longs métrages inédits en France),
– le Prix Découverte de la Critique Française de Cinéma et ceux des Cheminots Cinéphiles (six premiers films inédits en France),
– le Prix de la FIPRESCI (premiers films),
– le Prix Signis, qui récompensera l’un des sept documentaires en compétition,
– les prix Courtoujours du CROUS et Signis des meilleurs courts-métrages.

Egalement au programme de ces 21e Rencontres :
Otra mirada / Autre regard : un zoom sur des longs-métrages repérés pour leur traitement formel original
– Un panorama de la production récente, présentée pour la première fois à Toulouse
– Une rétrospective sur le documentaire chilien post-dictature
– Un hommage aux cinquante ans de cinéma cubain, lancé grâce à la naissance de l’Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie en mars 1959
– Un retour sur le Jeune cinéma argentin, vague novatrice apparue il y a une dizaine d’années
– Des sélections spéciales pour le jeune public
– Les rendez-vous des professionnels : Cinémas en Construction pour aider des films en post-production, Cinéma en Développement, plateforme de projets et Cinéma sans Frontière, nouvelle initiative pour promouvoir la diffusion des œuvres, soutenue par l’Union Européenne et qui permettra à une trentaine de professionnels d’Europe et d’Amérique latine de se réunir et d’échanger.

Et bien sûr, cette très sympathique manifestation fait la part belle aux rencontres – à la librairie Ombres Blanches notamment -, aux débats, aux concerts, sans oublier le tango avec projection de films, démonstration et… initiation.

Toutes les infos sur
le site de l’Association Rencontres Cinémas d’Amérique Latine de Toulouse
Et aussi :
Peliculas, le journal sur Mediapart
Le blog sur arte.tv

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Raymond Depardon – Paul Virilio. Terre natale

terre_natale_ailleurs_commence_iciQue sont nos racines devenues ? Pourront-elles résister encore demain ?

Dans ses trois documentaires (dont le dernier en date La vie moderne) consacrés au monde paysan, Raymond Depardon montrait des éleveurs de moyenne montagne en voie de disparition.

L’exposition visible à la Fondation Cartier jusqu’au 15 mars 2009 permet de prolonger et d’élargir la réflexion sur le maintien des peuples minoritaires sur leur terre natale. Dans un documentaire de 33 minutes, le photographe et cinéaste (accompagné de Claudine Nougaret à la prise de son) a donné la parole à ceux qui, au Brésil, au Chili, en Bolivie, en Afrique et même en France, en Bretagne et en Occitanie (où l’on retrouve Raymond Privat) voient leur enracinement menacé, et par là même leur langue maternelle.

Le film est saisissant – son impact est en outre renforcé par le dispositif de projection sur un écran monumental de huit mètres sur dix -, donnant à voir des visages immenses au regard franc, et à entendre des langues auxquelles l’on ne comprend goutte mais à la portée universelle. Dans la forêt amazonienne, deux très jeunes femmes répètent « Je veux protéger ma terre-forêt ». Elles sont calmes et dignes, des victimes en résistance. Comme si elles puisaient leur force – impressionnantes de détermination – de leur terre et l’entretenaient avec leurs mots. Mais en creux, de façon poignante, on entend cette question : « Que nous restera-t-il si on nous enlève notre terre et notre langue ? ». Plus loin, au Chili, bout de continent battu par les vents, une femme mapuche, seule avec ses enfants raconte combien il est difficile pour elle de survivre, combien bien peu de son peuple sont encore près d’elle. Elle sourit, serre ses filles autour d’elle, et puis pleure, se tait, s’excuse : « Je n’ai plus de mots ». Et c’est, précisément, le plus bouleversant.

En écho à ces témoignages, la seconde partie de l’exposition est une interpellation de l’urbaniste et philosophe Paul Virilio sur les risques qui menacent à l’échelle planétaire. A travers des installations video, Paul Virilio dénonce l’importance des mouvements migratoires, actuels et plus encore des décennies à venir, liés à la mondialisation et aux changements climatiques. L’exode rural fait place à l’exode urbain, qui fait enfler les gares et les aéroports, lieux « d’outre-ville », de départs. Les villes moyennes disparaissent au profit de mégapoles de plusieurs dizaines de millions d’habitants. Les camps de réfugiés se multiplient et grossissent. « Le nomade est celui qui n’est nulle part chez lui », tandis que le sédentaire devient celui qui « très mobile, est partout chez lui, avec son téléphone mobile et son ordinateur portable ».

Ces réflexions entrent en résonance avec l’autre documentaire de Raymond Depardon présenté en première partie du parcours, montrant l’extraordinaire rapidité avec laquelle on peut faire le tour de la planète, en passant par ses grands centres urbains – pour y voir une uniformisation effrayante. Ou comment la question des racines est ici mise en perspective, de façon vertigineuse, avec celle des distances et du devenir de l’espace géographique même.

Raymond Depardon – Paul Virilio
Terre natale – Ailleurs commence ici
Jusqu’au 15 mars 2009
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail – 75014 Paris
TLJ sauf le lundi, de 11 h à 20 h, nocturne le mardi jusqu´à 22 h
M° 4 et 6, Raspail ou Denfert-Rochereau, bus 38 ou 68, RER B, Denfert-Rochereau
Entrée : 6,50 € (TR 4,50 €)
Accès libre pour les moins de 18 ans le mercredi de 14 h à 18 h

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Les plages d'Agnès. Agnès Varda

Les plages d'Agnès, Agnès VardaCe film ne ressemble à aucun autre. Autobiographie. Mémoires.
Pour tracer les grandes lignes de sa vie, Agnès Varda s’est emparé de ce qui constitue sa plume depuis plus de cinquante ans : la caméra. Pour y placer son sujet devant : elle. Osé.
Le fil est chronologique. Il commence donc par les plages de son enfance, celles de la mer du Nord, dont les noms l’enchantent encore aujourd’hui. Dans une scène d’ouverture magnifique – installation de miroirs anciens sur le sable, alors que le vent agite son écharpe colorée – Agnès Varda plante quelques photos et donne le ton : calme, enjoué, clair. Drôle de projet, confit-elle. "Pas de nostalgie". Ce qui n’empêche pas la passion pour les photographies, même celles de familles inconnues trouvées dans les brocantes.

En 1940, la guerre pousse sa famille de Belgique jusqu’à Sète. Là, pendant quatre ans, les cinq enfants et leur mère vivront à bord d’une péniche, à la Pointe-Courte.
Avec des comédiens d’aujourd’hui et en couleurs, Agnès recrée les scènes, retrouve les blouses et les chants de ses souvenirs, réincarne son passé.
Juste avant la Libération, les Varda "montent" à Paris ("comme si la France était verticale !" souligne joliment la cinéaste) ; pour Agnès, c’est l’école du Louvre, lecture sur les quais et débuts dans la photographie pour le théâtre.

Et puis le cinéma vient vite, alors qu’elle n’a encore vu que neuf ou dix films dans sa vie. Mais elle s’est "lancée" ; dit-elle si simplement. La Pointe-Courte, Cléo de 5 à 7, etc. Sa fille Rosalie ; ses amis artistes ; et puis Jacques Demy, et encore leur fils Mathieu…
Comment raconter cette vie si riche, faite de rencontres, de créations, de voyages ?
En mettant ensemble des bouts de tout cela, sans chercher à leur donner une cohérence. En accolant, comme les pièces d’un puzzle, les photos, les scènes reconstituées, les extraits de films, d’installations et d’expositions, pour donner à voir les lieux qui ont compté, les gens qu’elle a aimés, les oeuvres qu’elle a réalisées.

Le lien se fait comme par magie avec la voix d’Agnès, omniprésente, et son image d’aujourd’hui, celle d’une octogénaire pleine de sagesse et de malice. Ce tout disparate tient parfaitement debout, armuré par un savant montage, mais peut-être plus encore par la simplicité, le naturel et la fantaisie d’Agnès Varda, qui en ne cessant de parler d’elle nous renvoie à des questions qui pourraient être qu’est-ce qu’une vie ?, qu’est-ce qui lui donne une cohérence ?, "qu’est-ce qui "fait" une personne ? qu’est-ce qui lui donne son unité ? Sur les magnifiques plages d’Agnès se trouvent beaucoup de réponses.

Les plages d’Agnès
Un film documentaire d’Agnès Varda
Durée 1 h 50

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A Toulouse : Cinespaña 2008

Cinespana 2008Ce vendredi 3 octobre, Cinespaña redémarre pour une treizième édition de promotion du cinéma espagnol en France.

Six distinctions seront remises samedi 11 octobre au cours de la soirée de clôture, honorée de la présence du parrain du festival, Jorge Semprún :
– la Violette d’Or du Meilleur long métrage ;
– le Prix du Meilleur court métrage ;
– le Prix du Meilleurs Documentaire du jury Raíces ;
– le Prix Révélation descerné par le jury Etudiant ;
– le Coup de coeur des lecteurs de la Dépêche du Midi ;
– mais aussi le film préféré du public.

Cette année, un hommage est rendu au comédien (plus de deux cents rôles), réalisateur (trente films) et écrivain Fernando Fernán Gómez, tandis que la rétrospective est consacrée, en sa présence, au directeur de la photo lauréat de quatre Goyas, José Luis Alcaine. Chef opérateur de plus de cent films, il a notamment travaillé avec Pedro Aldomovar dans Attache-moi et Volver.
A noter aussi, le cycle scolaire mis en place avec l’Inspection Académique de Midi-Pyrénées qui présente une sélection de films aux collégiens et lycéens.
Enfin, la convivialité promet d’être comme toujours de la partie dans la cour de la Cinémathèque de Toulouse avec des rencontres-débats, apéro-concerts et autres rendez-vous au restaurant ou au bar à tapas.
Bon festival à tous !

Les lieux de Cinespaña
A Toulouse :
Cinémathèque – 69 Rue du Taur
Instituto Cervantes – 31 Rue des Châlets
Cinéma ABC au centre culturel Alban Minville 67 Allée de Bellefontaine
où l’ABC s’est transporté pour la durée de ses travaux de rénovation
Cinéma UGC – 9 allées Franklin Roosevelt
Ecole Supérieure d’Audiovisuel (ESAV) – 56 Rue du Taur
Casa de España – 85 avenue des Minimes
Cinéma Utopia – Rue Montardy
A Tournefeuille
Cinéma Utopia – Allées des Sports (31170)
Et pour tout savoir sur la programmation : Cinespaña 2008

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