Marie-Antoinette au Grand Palais

Exposition Marie-Antoinette au Grand Palais : portrait de la ReineJamais exposition au Grand Palais n’avait, semble-t-il, été à ce point mise en scène.
Le propos est affiché d’emblée : une pièce en trois actes.
Le fait est que l’ensemble est pour le moins théâtral ; c’est même à une tragédie qu’il nous est donné d’assister.

La vie, la personnalité et le goût de Marie-Antoinette devenue Reine de France en 1774 sont ainsi présentés en trois grandes parties.

Premier acte : la vie très encadrée de l’archiduchesse d’Autriche, de la dauphine de France et de la Reine.
Deuxième : le temps des libertés, des choix de décors, avec en point d’orgue Le Petit Trianon.
Troisième acte : le temps du destin, dénoué place de la Concorde un certain 16 octobre 1793.

Le visiteur verra ainsi quelques trois cents tableaux, sculptures, dessins, manuscrits, meubles et objets décoratifs. Pour l’accompagner, une discrète musique classique qui varie d’un espace à l’autre, tout comme les couleurs : rouge pour l’enfance autrichienne, bleu pour les débuts à la cour, vert pour la période des libertés. Naturellement la partie consacrée à l’enfermement au Temple, à la critique et à la fin de Marie-Antoinette le plonge dans une obscurité quasi-complète.

Scénographie réussie et façon agréable de suivre l’itinéraire de Marie-Antoinette, même si l’on apprend rien de vraiment frappant au fil de l’exposition.
Ceci dit, et pour l’anecdote, à regarder les bustes sculptés par Boizot, et autres Lemoyne, et les innombrables tableaux – y compris celui peint par Elisabeth Vigée-Le Brun, le premier jugé digne d’être envoyé à sa mère par la Reine – on s’aperçoit que celle que les Français avait surnommée lAutrichienne était loin d’incarner la grâce. Menton effacé et double-menton pesant, nez fort et yeux globuleux, ovale peu dessiné : si Marie-Antoinette était, selon Vigée-Le Brun exceptionnelle par l’éclat de son teint, elle ne brillait guère en revanche par la finesse de ses traits.

Exposition Marie-Antoinette au Grand Palais : gobelet pour la Laiterie de RambouilletGrande beauté en revanche autour d’elle sur le plan des arts décoratifs : le goût éclectique et raffiné de la Reine associé au savoir-faire des artisans de l’époque – et à des dépenses inconsidérées ! – est l’occasion d’admirer aujourd’hui des pièces exceptionnelles.
Il faut dire que la petite Marie-Antoinette a grandi au milieu de mobiliers et objets de choix ; les goûts de sa mère l’impératrice Marie-Thérèse se portant sur des meubles en marqueterie de style Boulle, des porcelaines chinoises et japonaises, des laques d’orient, des services rocaille d’une grande finesse… dont on peut découvrir plusieurs exemples remarquables.

Plus loin, on admirera l’adorable coffret à bijoux sur pieds créé par Martin Carlin (placage et marqueterie de bois de rose, filets de buis et d’ébène, porcelaine de Sèvres, bronze doré, velours et soie), offert à Marie-Antoinette pour son mariage : bouquets de fleurs polychrome, frise vert émeraude et or, splendeur de "simplicité" si l’on ose dire.
A cligner des yeux également, le secrétaire à cylindre et la table en auge de Riesener, décorés de nacre découpée en losange et enserrée dans une résille de laiton. Ils ornaient le boudoir de Fontenaibleau, en harmonie avec les murs d’or et d’argent semés de fleurs.
A défaut de pouvoir tous les citer, à signaler aussi, les chefs d’oeuvre de la Manufacture royale de Sèvres, avec notamment ce service "riche en couleurs et riche en or". Polychromie des motifs de roses et de végétaux, fond marine sur lequel se détachent les rubans de perles, associé à une abondance de l’or, simplicité des formes, formats relativement réduits des pièces, cet ensemble est une merveille d’équilibre. Il s’agissait du service dont la Reine se servait pendant son séjour forcé aux Tuileries, alors contrainte à un style de vie plus sobre qu’à Versailles…

Marie-Antoinette
Galeries nationales du Grand Palais
(entrée par le square Jean Perrin)
Jusqu’au 30 juin 2008
Tous les jours de 10 h à 22 h, sauf le jeudi jusqu’à 20 h
Fermé le mardi
Entrée 10 € (TR 8 €)
Audioguide en français, anglais et japonais (5 €)

Images : Portrait de la reine Marie-Antoinette, dit « à la rose », Elizabeth Louise Vigée-Le Brun, Versailles © Photo Rmn
Gobelet du service de la Laiterie de Rambouillet, Manufacture royale de Sèvres, Porcelaine, 11 x 10 x 11,5 cm, Musée national de Céramique © Photo RMN / Martine Beck-Coppola

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Venises. Paul Morand

Paul Morand, Venises, L'Imaginaire GallimardA la fois mémoires d’une longue histoire d’amour commencée en 1906 et consignée en 1971, autobiographie sélective et carnets de voyage d’un hôte fidèle, Venises est sans doute le "classique" pour commencer avec Venise, si l’on ne l’a pas déjà fait avec Marcel Proust.
Proust que l’on croisera très vite avec Morand, qui aime à rappeler sa rencontre avec l’écrivain, à évoquer leur commune fascination, et qui à son sujet observe :
« Où était la Venise de Proust, sinon en lui-même ? A travers toute la Recherche, Venise restera le symbole de la liberté, d’affranchissement contre la mère, d’abord, ensuite contre Albertine ; Venise c’est l’image de ce que la passion l’empêche de réaliser ; Albertine lui cache Venise comme si l’amour offusquait tous les autres bonheurs. »

La promenade dans les Venises de Paul Morand a le charme des souvenirs splendides mais un peu lointains, ce parfum poudré des salons aux ors vieillis mais dont subsiste l’essence, résistance au temps et aux temps, raffinement obstiné, vénération de ce qui est beau et ne s’oubliera pas.

La plume fine comme une lame de Paul Morand ne paraît aujourd’hui nullement émoussée ; par ses formules géniales, tour à tour lyriques ou satiriques, il continue d’enchanter.
Dans le texte consacré au marché du Rialto, il nous fait même rêver. Cette Venise-là existe-t-elle encore :
« Dans la cuisine italienne, le rôle des herbes, peu utilisées ailleurs, vendues par de vieilles herbières édentées ; une alchimie de fanes, de laîches des marais, de cresson doux, de mélisses, de lichens comestibles ; dix variétés de cerfeuils, des menthes à l’infini, origan, marjolaine, de petites mousses d’assaisonnement qui, écrasées, composent les sauces, dont cette salsa verde, arrosant le bouilli, inconnues même en Provence. » ?

Venises. Paul Morand
L’Imaginaire Gallimard (1971) 215 p.

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Rencontres de la Villette 2008 : L'appartement

L'appartement, art brut aux rencontre de la VilletteVisiteurs et lecteurs franciliens, vous avez jusqu’au 27 avril pour vivre une expérience qui ne ressemble à nulle autre. Son énoncé, déambulation théâtrale dans une exposition d’art brut ne doit en rien vous effrayer.
La proposition ne coûte que 6 €, dure 40 minutes et a lieu dans le cadre des Rencontres de la Villette 2008, treizième édition d’une manifestation de cultures urbaines qui se plaît à mélanger les disciplines. L’état d’esprit est franchement au dialogue, à l’ouverture et à la découverte.

Avec L’appartement, vous entrerez dans l’un de ces petits mondes comme on les aime, cohérent, singulier et décalé, tellement humain.

Du petit salon rouge, lumières tamisées, piano, meubles anciens, tableaux, des voix vous entraînent vers le couloir, puis dans la grande cuisine, longue table, linge suspendu, pain, café chaud, tartes, tableaux. En face, le séjour, clair, canapé, télé, tableaux. Enfin la chambre, coiffeuse, miroirs, voile blanc sur le lit, tout en en féminité, encore des tableaux.

Dans chacune des pièces, vous aurez fait fait étape pour écouter autant les mots que les voix des comédiens professionnels (handicapés) de la compagnie de L’Oiseau-Mouche, disant des lettres, des fragments d’écrits de malades mentaux. Aimanté, vous aurez aussi contemplé longuement ces tableaux d’art brut issus de la collection de la galerie abcd à Montreuil. (1)

Le corridor est entièrement consacré à des dessins d’Adolf Wölfli, l’un des plus célèbres artistes de l’art brut, la chambre à ceux d’Aloïse Corbaz. Dans le séjour, de nombreuses oeuvres ne manquent pas de fasciner. Ce qui frappe le plus dans ces dessins, c’est peut-être le détail, la minutie avec laquelle ils ont été réalisés. Il faut s’approcher de près pour voir que la moindre "ornementation" est motif figuratif ; parfois ce sont des mots écrits tout petits comme un fil ininterrompu qui complètent le trait. Les compositions sont très denses mais finalement ordonnées.
Dans le dessin à l’encre de Lubos Piny, l’un des plus impressionnants de l’exposition, se mêlent hyper-réalisme des organes, vision éclatée du corps humain et mise en évidence des liens du fonctionnement organique. Impossible à décrire mais à voir absolument.

L’on se sent bien dans ce lieu, à écouter ces voix parfois accompagnées de musique. Le vocabulaire, pictural ou non, de ces artistes nous parle. A cette fatigue, à ces passions, à ces peurs et à ces délires, l’on entend des échos résonner en nous. L’ambiance intime et le décor ancien de l’appartement renvoient à une intériorité et à un passé rassurant. Comme si la vision de ces folies-là nous reposait.

L’appartement, Déambulation théâtrale dans une exposition d’art brut
Rencontres de la Villette 2008, Grande Halle, studio 1
Les 18, 19, 25 et 26 avril à 17 h, 18 h 30 et 21 h ; le 24 avril à 19 h et 22 h
Entrée 6 €
Entrée libre à l’exposition/projection le mer. à partir de 19 h et le dim. à partir de 14 h
Conception et réalisation : Bruno Decharme, Kate France et Sylvie Reteuna
En partenariat avec la galerie abcd, la Cie de L’Oiseau-Mouchet et la Cie La Sibylle

(1) L’art brut désigne les oeuvres spontanées, échappant à toute influence culturelle, réalisées par des personnes créant en dehors des normes esthétiques convenues, par exemple par les pensionnaires d’asiles psychiatriques. Ce terme a été inventé en 1945 par Jean Dubuffet.
Lire le billet sur Le plancher de Jean
Dossier assez fouillé sur le site de la galerie abcd.

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Les soldats de l'éternité. Pinacothèque de Paris

Les soldats de l'éternité à la Pinacothèque de ParisMettez-vous à la place de ces archéologues qui, un jour de mars 1974 découvrirent dans la région du Shaanxi une nécropole remplie de soldats de terre cuite à échelle humaine !

La fastueuse tombe du premier empereur de Chine, Qin Shihuangdi, jusqu’alors légendaire, était enfin mise à jour, plus de deux mille ans après sa construction au cours du IIIème siècle avant notre ère.

Ces heureux archéologues pouvaient-ils soupçonner ce jour-là l’étendue de leur découverte ? Il s’est avéré par la suite que le mausolée était constitué de plusieurs fosses. L’une, la moins vaste, contenait soixante-hui statues en terre cuite. La deuxième, de plan irrégulier, recelait des chars et des cavaliers.

Enfin, la fosse n° 1, la plus spectaculaire, de 230 mètres de long sur 60 de large, abritait près de 7 000 soldats, soit une armée entière, du simple fantassin à l’officier supérieur.

Les fouilles les plus récentes ont révélé que ces militaires étaient accompagnés de civils, fonctionnaires ou encore artistes. Comme si le Premier Auguste Empereur avait conçu son mausolée tel un microcosme, ou un modèle idéal du monde sur lequel il avait exercé sa domination, et entendait ainsi continuer à régner après sa mort.

Jusqu’au 14 septembre, l’on peut admirer une vingtaine de ces fascinantes statues à la Pinacothèque de Paris, place de la Madeleine.
Le face-à-face avec ces guerriers de l’éternité, dans la douce pénombre où ils sont baignés, saisit d’une telle émotion que l’on ne peut s’empêcher de penser à celle qu’éprouvèrent certainement les chercheurs, il y a plus de trente ans, à des milliers de kilomètres d’ici.

Une belle sélection d’objets (vases, bassins, cloches, armes, ornements…), éclairée d’une solide présentation, met en lumière des éléments matériels et culturels du royaume Qin, y compris avant que celui-ci ne s’impose à cet ensemble de territoires qui deviendra l’immense Chine.

L’exposition permet ainsi de mieux comprendre comment en 221 avant J.C., l’Auguste Empereur Qin, à la tête d’une dynastie qui ne dura plus de quinze années, unifia le pays, ses routes, ses murailles, sa monnaie, son écriture, mit en place les institutions politiques qui perdurèrent jusqu’au XXème siècle et se fit édifier une nécropole dépassant toute mesure, afin d’assurer, par une armée d’argile, son éternité.

Les soldats de l’éternité
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Jusqu’au 14 septembre 2008
Tlj de 10 h 30 à 18 h
Le 1er mai et le 14 juillet de 14 h à 18 h
Nocturne jsq 21 h les lundi 12, 19, 26 mai et 2, 9, 16 juin 2008
Entrée 10 € (TR 8 €)

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Le Dernier Titien et la Sensualité de la peinture

Le dernier Titien et la sensualité de la peinture à l'Académie de VeniseL’Académie de Venise réunit quelques vingt-huit tableaux que Titien a réalisés dans la dernière partie de sa longue vie, entre 1550 et 1576.

Les chefs-d’oeuvre venus d’un peu partout en Europe se répondent et se complètent au fil d’un accrochage particulièrement heureux.

Les deux premiers ne font pas mentir le titre de l’exposition, avec Venere che benda Amore, merveille de tendresse et de douceur et Danae dont le corps nu resplendit de lumière sur le draps blanc, recevant la pluie d’or dont on croit sentir la chaleur. Une atmosphère encore réchauffée par le carmin du rideau qui abrite la couche de Danaé. Les blancs et les rouges des deux toiles, leur commune sensualité créent un magnifique ensemble.

La manière de peindre de Titien à cette période, plus libre que jamais, bien qu’il ne travaillât presque exclusivement que pour la cour d’Espagne, semble lui avoir autorisé une expression des sentiments des plus hardies.

Ainsi, toujours dans la série des grandes toiles mythologiques et religieuses, qu’il appelait "poésies", Santa Margherita con il drago saisit par l’effroi qui s’en dégage.
Si l’on devine le plaisir du peintre à placer au centre du tableau le beau corps de Sainte Marguerite, soulignant sa torsion par le drapé de la robe relevée par le dragon et les bras nus tendant la croix de l’autre côté, il a imprimé à son visage un intense désarroi, auquel fait écho l’ensemble du décor : nature sombre où, sous un ciel d’orage gisent corps du dragon et crâne humain ; étoffe verte de la robe qui contribue à créer une ambiance fantastique.
Tout à côté et tout en contrastes, l‘Annuciazione : au ciel lourd et au monstre répondent les anges, à la frayeur du visage penché répond une onde de bonheur ; tout n’est ici que lumière, quiétude et légèreté.

De tableau en tableau, y compris avec la sélection de portraits, dont le célèbre et impressionnant Autoritratto du Prado, les thèmes et les inspirations dialoguent dans une diversité et une cohérence remarquables.

L’exposition se termine naturellement avec la Pieta (qui est à demeure à l’Académie de Venise), destinée, selon la volonté du peintre, à orner sa sépulture dans l’église Santa Maria Gloriosa dei Frari. Titien est mort avant de pouvoir l’achever, ce qui fut finalement fait par Palma le Jeune. Le tableau n’est peint que par touches, et même avec les doigts. Testament ô combien poignant que ce tableau aux formes sans contours, ni pratiquement de couleur, où le peintre juste avant sa mort s’est représenté en vieillard implorant agenouillé aux pieds de la Vierge qui soutient le corps exsangue de son fils.

Le Dernier Titien et la Sensualité de la peinture
Galeries de l’Académie de Venise
Exposition prolongée jusqu’au 4 mai 2008
Du mardi au dimanche de 8 h 15 à 19 h 15
Lundi de 8 h 15 à 14 h
Entrée : 10 € (TR : 7 €)
Gallerie dell’Accademia di Venezia
Campo della Carità – Dorsoduro 1050
30130 Venezia

Image : Danae, Vienna, Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie

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Les chansons de Claude François en BD

Claude François en bande dessinée, petit à petitPourquoi se priver de célébrer, comme tout un chacun, les trente ans de la disparition de Claude François… mais en BD ?

Les lecteurs de maglm connaissent bien ces bandes dessinées, recueils de jeunes dessinateurs, qui mettent régulièrement à l’honneur des pans de notre patrimoine chansonnier (lire le billet sur un tout autre Claude, notre grand Nougaro) mais aussi littéraire (avec les contes notamment) et poétique (cf les poèmes de Jacques Prévert).

Ces BD sont aussi le prétexte pour revisiter en quelques lignes le parcours d’un artiste.
En matière de Claude François, si bon gré mal gré l’on connaît par coeur ses principaux succès, et, depuis le film Podium, l’on tient de la bouche de Benoît Poelvoorde soi-même que Cloclo pratiquait quotidiennement le "yogging", demeuraient encore quelques lacunes.

Avec cette divertissante bande dessinée, voici de quoi apprendre par exemple que Claude François l’Egyptien était un grand pro, qu’il maîtrisait tout artistiquement parlant, de ses disques jusqu’à ses spectacles, des chorégraphies aux costumes, en passant bien sûr par le choix de ses fameuses Clodettes… Bref, il ne laissait rien au hasard ; ce qui rend encore plus cruel son accident fatal dans sa salle de bain.

Trente ans donc qu’il n’est plus là et plus de trente ans que son disco entraînant est de toutes les fêtes ; ça valait bien une BD… lisez-là et écoutez : le disque se met à tourner tout seul dans la tête…

Les chansons de Claude François en BD
Editions petit à petit, 96 p., 15 €

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Le premier venu. Jacques Doillon

Le premier venu, Jacques DoillonCosta, garçon vif et inquiet, débarque du train à Abbeville ; Camille, déterminée et énigmatique ne le lâche pas. Bientôt Cyril, jeune flic souriant et tranquille complètera le trio.

Pourquoi Camille s’obstine-t-elle à coller Costa, ce voyou de petit calibre qui lui a visiblement fait du mal pendant la nuit ? Un viol ou quelque chose qui y ressemble, en tout cas qui mérite des excuses. Elles viennent. Mais cela ne suffit pas. Camille veut aimer ce "premier venu"‘. Et pour l’aimer, il faut qu’il soit "beau" ; sinon elle n’est qu’une pauvre fille. Rendre beau ce gars un peu minable : la jeune femme ne manque pas d’ambition. Mais il faut dire qu’il y a matière à rédemption : Costa a abandonné depuis belle lurette sa femme et leur petite fille. Le rétablissement du lien sera donc le cheval de bataille de Camille.

Variations et multiples reflets des sentiments, mouvement incessant de l’adolescence, lumière fine des paysages maritimes du Nord, ce film porte la grâce infinie de la caméra de Jacques Doillon.
Ses dialogues, dignes d’un travail de haute-couture, ont dans la bouche des personnages, y compris ceux des milieux populaires et à l’accent du Nord bien marqué, un naturel confondant.
Ils sont incarnés à la perfection, avec Gérald Thomassin, que le réalisateur retrouve plus de quinze ans après Le petit criminel ; Clémentine Beaugrand, révélation ultra-convaincante ; mais aussi Guillaume Saurrel (le flic amoureux), Gwendoline Godquin (Gwendoline), Jany Garachana (le père)…

Et, cerise sur le gâteau, plus le film avance, plus il adopte le ton de la comédie. L’on se surprend à rire – d’abord discrètement en se demandant si l’on ne commet pas une faute de goût – puis de plus en plus franchement. Qu’il est beau, léger et élégant, ce cinéma-là.

Le premier venu. Jacques Doillon
Avec Gérald Thomassin, Clémentine Beaugrand, Guillaume Saurrel, Gwendoline Godquin, Jany Garachana, François Damiens…
Durée 2 h

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Le Musée national du Message biblique Marc Chagall

Musée national du Message Biblique Marc Chagall"Depuis ma première jeunesse, j’ai été captivé par la Bible. Il m’a toujours semblé et il me semble encore que c’est la plus grande source de poésie de tous les temps. Depuis lors, j’ai cherché ce reflet dans la vie et dans les Arts (…) Au fur et à mesure de mes forces, au cours de ma vie, bien que parfois j’aie l’impression que le monde est pour moi un grand désert dans lequel mon âme rode comme un flambeau, j’ai fait ces tableaux à l’unisson de ce rêve lointain. J’ai voulu les laisser dans cette maison pour que les hommes essaient d’y trouver une certaine paix, une certaine religiosité, une spiritualité, un sens de la vie (…) Et tous, quelle que soit leur religion, pourront y venir et parler de ce rêve, loin des méchancetés et de l’excitation (…) ; dans l’Art comme dans la vie, tout est possible si, à la base, il y a l’Amour."

Inauguré en 1973, le Musée national du Message biblique à Nice a été conçu par l’architecte André Hermant, en étroite collaboration avec l’artiste, qui décida lui-même de la disposition des tableaux : dix-sept grandes toiles inspirées par la Genèse, l’Exode et le Cantique des Cantiques.
Marc Chagall les a peintes entre 1956 et 1966 et en a fait aussitôt donation à l’Etat. Il a également créé, pour le Musée, bâtiment sobre et moderne, une mosaïque surplombant une pièce d’eau et des vitraux pour l’auditorium.

Le tout est une splendeur absolue ; il ne séduira pas seulement les croyants, tant la beauté des toiles et la sérénité qui se dégage des lieux appellent au recueillement et à la contemplation.
Dans la première salle, l’accrochage des douze peintures illustrant les deux premiers livres de l’Ancien Testament obéit davantage aux rapports de couleurs des tableaux qu’à l’ordre du récit biblique. Les épisodes traités par l’artiste sont très axés sur l’humain et les motifs qui sont siens (personnages mi-hommes, mi-bêtes, oiseaux, poissons volants, hommes et femmes en lévitation, soleil et lune, couples et maternités…) semblent y trouvent leur place naturelle.
L’utilisation des couleurs dans leur complémentarité et leur succession relève de la virtuosité ; les compositions peuplées et vivantes mais jamais surchargées contribuent à conférer à l’ensemble un sentiment d’apesanteur.

Musée national du Message Biblique Marc Chagall, Cantique des CantiquesDans la deuxième salle, beaucoup plus intime, cinq tableaux à dominante rouge sont consacrés au Cantique des Cantiques, autre livre de l’Ancien Testament. Si le caractère sacré est bien présent, notamment avec la représentation de Jérusalem et de David, ces peintures sont avant tout une exaltation de l’amour de l’homme et de la femme, où couples enlacés, colombes, arbres multicolores, ânes paisibles n’évoquent que douceur, sensualité et poésie.

Musée national du Message biblique Marc Chagall
Avenue Docteur Ménard – Nice (bus n° 22)
De mai à octobre de 10 h à18 h
De novembre à avril de 10 h à 17 h
TLJ sauf le mardi
Entrée : 6,50 € (TR 4,50 €)
Gratuit jusqu’à 18 ans et le premier dimanche du mois.

Images : La Création de l’homme’ et Le Cantique des Cantiques II », © ADAGP, Paris, 2002

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La route. Cormac McCarthy

La route, Cormac McCarthy, L'OlivierLa terre est couverte de cadavres et de cendre, et du ciel grisâtre tombe une pluie glacée. La civilisation n’est plus et les survivants s’entre-dévorent.
Dans ce monde d’après-apocalypse, un homme tente avec son fils de continuer à vivre. Contraints de fuir sans cesse, ils avancent vers la côte en poussant un pauvre charriot, y entassant ce qu’ils trouvent.

Il y a celui qui a connu le monde d’avant et essaie de s’adapter à ce qui n’a pas de nom ; et il y a l’enfant qui ne connaît que celui-ci mais a besoin de son père pour le comprendre. Deux êtres démunis face à l’inhumain, face à l’indicible. Pourtant, pour le père comme pour le fils, il s’agit justement de cela : dire.
Comment dire ce qui est quand ce qui est n’est que ravage et barbarie ? Comment montrer ce qui est bon quand le mal l’a de toute évidence emporté ? Comment exprimer les sentiments quand un seul semble subsister : la peur ? Comment transmettre ce qui nous a construit quand de cela plus rien n’est visible ? Et pourquoi choisir de continuer et ne pas accepter la mort qui se présente à chaque pas ?

De toutes ces questions, McCarthy ne fait pas une thèse mais un récit d’une simplicité biblique qui nous tire vers sa fin avec une force inouïe.
L’on en ressort complètement sonné, sonné d’avoir lu l’inimaginable ; sonné par l’émotion finale.
Et sonné par le talent de Cormac McCarthy qui d’une trame mince comme un fil et d’une plume asséchée à l’extrême créé un monde qui s’appelle une histoire, qui a pour nom littérature et dont la puissance et la valeur nous paraissent soudain infinies.

Le monde allait être bientôt peuplé de gens qui mangeraient vos enfants sous vos yeux et les villes elles-mêmes seraient entre les mains de hordes de pillards au visage noirci qui se terraient parmi les ruines et sortaient en rampant des décombres, les dents et les yeux blancs, emportant dans des filets en nylon des boîtes carbonisées et anonymes, tels des acheteurs revenant de leurs courses dans les économats de l’enfer.

La route de Cormac McCarthy
Editions de L’Olivier
256 p., 21 €

L’auteur de Non ce pays n’est pas pour le vieil homme a reçu pour La route le prix Pulitzer 2007.
Ce roman s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires aux Etats-Unis.

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Dans la vie. Philippe Faucon

Dans la vie, Philippe FauconCela aurait pu être l’histoire de deux familles, l’une juive, l’autre arabe, hostiles l’une à l’autre ou simplement indifférentes. Parce qu‘"ils n’ont pas la même religion, parce qu’ils ne mangent pas comme nous, parce qu’eux et nous n’avons rien en commun" comme le dit au début du film Halima, la mère musulmane de l’infirmière employée chez Esther, une dame juive devenue handicapée.

Le fils d’Esther, neuropsychiatre, est dépassé. Sa mère qui a encore toute sa tête ne supporte pas d’être clouée dans un fauteuil, ne supporte plus ces dames des compagnie qui se succèdent. Elle préfèrerait mourir, elle aimerait la paix.

La jeune infirmière propose l’aide de sa mère Halima, qui d’abord repousse l’idée, puis l’accepte, puis la fait accepter par son mari, puis l’impose au reste de la famille. Puis, enfin, lève haut le front face au voisinage, à la communauté musulmane, dont il se trouve toujours un membre pour lui demander si elle n’a pas honte de travailler pour une juive, de gagner chez elle l’argent de son pèlerinage à la Mecque.

Alors l’histoire devient celle de deux femmes, deux femmes nées sous le même soleil d’Algérie, qui ont ensuite continué leur vie et élevé leurs enfants à Toulon, chacune dans leurs traditions et leur religion.
Toutes deux découvrent cette autre, que l’on croyait trop Autre pour la fréquenter ; toutes deux échangent des souvenirs, deviennent complices, finalement se mettent à s’aimer.

Dans la vie est un film un peu lent, calme comme l’est le débit des protagonistes. Sur fond de tensions communautaires, Philippe Faucon ne propose pas une vision angélique mais donne voix à deux mères que l’expérience a assagies, qui en viennent à considérer davantage ce qui les unit que ce qui les divise.
Le réalisateur a l’ambition discrète. Il n’assène pas, mais en peu de phrases et quelques scènes, il offre un regard qui sonne juste, équilibré et touchant.

Dans la vie. Philippe Faucon
Avec Sabrina Ben Abdallah, Ariane Jacquot, Zohra Mouffok…
Durée 1 h 13

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