Amour. Michael Haneke

Amour, Michael Haneke

C’est sans doute l’une des plus belles histoires d’amour du cinéma. Mais l’une des plus dures aussi : l’amour face à la maladie, à la déchéance, à la mort qui galope vers soi. Anne et Georges, octogénaires parisiens, intellectuels et cultivés (elle était professeur de piano) voient leur retraite complice et gaie ébranlée le jour où Anne est victime d’un accident vasculaire cérébral, qui la laisse partiellement paralysée et la conduit à s’enfoncer chaque jour davantage dans la décrépitude.
Bouleversé mais présent plus que jamais, Georges la soigne, subit ses crises, lui fait faire ses exercices de rééducation, jusqu’au jour où il doit apprendre à lui changer ses couches, jusqu’au jour où il doit la nourrir à la petite cuillère, jusqu’au jour où…

La première scène montre le couple la veille de l’accident au théâtre des Champs-Elysées, où ils sont venus écouter Alexandre Tharaud (joué par soi-même), ancien élève d’Anne, avant de rentrer en bus dans leur appartement bourgeois. A partir de ce moment, la caméra ne sortira plus de l’appartement, espace auquel se réduit désormais la vie du couple.
Haneke a le chic pour créer des ambiances étouffantes ; il aime le clos, qu’il filme en longs plans fixes. Si cette manière fait mouche pour traiter sans complaisance du naufrage de la vieillesse, elle s’avère tout aussi efficace pour montrer la force de l’amour : face à l’insistance de Anne, Georges lui fait promesse de ne plus la laisser aller à l’hôpital, il l’aide autant qu’il le peut, lui parle sans cesse, ne sortant pratiquement plus lui-même. Plus encore, il fait barrage contre le monde extérieur, infirmière peu délicate, gendre arrogant, mais surtout leur propre fille Eva, qui voudrait voir sa mère sortir de "là", sans pouvoir reconnaître que c’est pourtant "là", auprès de son aimant mari qu’elle est le mieux.
Au cours d’une scène déchirante, Georges envoie promener Eva car il n’a même plus la force de répondre à ses questions, il ne peut même plus prendre en charge l’inquiétude de l’entourage. Il n’a plus que l’énergie du dernier combat, celui de son amour pour Anne, jusqu’au bout de ses forces à elle, jusqu’au bout de ses forces lui.

Les plans interminables face à une Anne chaque jour un peu plus diminuée et toujours si aimante, face à un Georges si amoureux et chaque jour un peu plus brave et un peu plus triste à la fois sont parfois à la limite du soutenable. C’est un miroir que Michael Haneke nous tend ; c’est si frontal, donc brutal, que l’on en sort comme sidéré. En même temps, le film longtemps nous habite car la puissance de l’amour qui unit ces deux êtres-là est finalement, au-delà de leur sort commun de mortels, ce qui fait leur singularité. En cela, c’est davantage un film sur l’amour que sur la mort et aucun autre titre que celui-là ne lui aurait mieux convenu. Et aucun autre comédien n’aurait pu incarner ce personnage amoureux fou et lucide, blessé et courageux comme le fait Jean-Louis Trintignant. Il porte le film comme il porte Anne jusqu’au bout, merveilleusement.

Amour
Un film de Michael Haneke
Avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert
Durée 2 h 07min
Sorti en salle le 24 octobre 2012
Amour a reçu la Palme d’Or au Festival de Cannes 2012

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3 réflexions au sujet de « Amour. Michael Haneke »

  1. Ayant eu la chance de voir ce film en ouverture du festival du film à la Rochelle au début du mois de juillet, je suis ravie de lire toutes ces "beaux mots " que tu écris qui me rappellent combien ce film ,est beau puisqu’il montre une situation très difficile de vie(la vieillesse, la maladie, la souffrance physique, mais aussi et surtout morale )et que bien souvent on occulte, tellement elle nous fait peur !!!
    Félicitations de savoir parler de ce film et de ce qu’il nous dit ,avec autant de finesse et justesse ; Il est évidemment que c’est un film sur l’Amour qui peut lié deux êtres ou bien l’expression de ce qu’a été la vie de ces deux personnes pendant de nombreuses années .
    Par sa"présence" que l’on a envie de qualifier de naturelle , tellement elle nous est devenue familère, bien sûr, Jl Trintigant porte le film , l’habite complètement , mais il ne faut pas oublier le jeu d’Emmanuelle Riva qui est remarquable car celui-ci demande beaucoup de "composition ", et que cette dernière a été une grande actrice en son temps.

  2. Rebonjour, j’ai beaucoup hésité à voir ce film étant donné que ce que vit le personnage principal m’a été familier un temps. Je le conseille pour les acteurs et la grande retenue du réalisateur. Bonne après-midi.

  3. Merci Dasola,
    c’est vrai que le sujet est dur et peut renvoyer à des expériences personnelles éprouvantes, ce qui rend le réalisateur d’autant plus méritant d’avoir su le traiter avec retenue comme vous le soulignez si justement.
    à bientôt
    Mag

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