Cécile de La Folie. Marc Chadourne.

L’auteur n’insiste pas beaucoup sur ce qui apparaît pourtant comme le thème majeur de ce roman oublié, prix Fémina en 1930 : les conséquences traumatisantes de la guerre, qui agissent en sourdine sur l’individu qui a subit cinq ans de combats, entre 1914 et 1919. Marc Chadourne lui-même a connu pareil destin, et sa biographie dit qu’il a mené « une vie errante » après cette guerre. Il est entré au Ministère des colonies, et a terminé sa carrière comme professeur aux Etats-Unis. Traducteur de Joseph Conrad, il a produit 17 livres, couronnés par le grand prix de l’Académie Française en 1950.

Le roman conte l’histoire d’amour entre François Mesnace et Cécile de La Folie. Ils se sont fréquentés jeunes et avant de partir au front il lui demande une relation davantage charnelle, qu’elle refuse. On ne sait rien de ce qu’il vit pendant ces années, mais il n’est plus le même homme à son retour. Ainsi, à la fête du 14 juillet 1919 : « Qu’avaient-elles apporté ces cinq années ? Elles s’achevaient en fumées, rumeurs et pétarades. Une liesse funèbre célébrait le retour dans la fourmilière. Que valait de revenir se perdre, insignifiante unité, dans cette masse d’êtres tous assujettis au destin de se suivre, de se presser, de s’imiter, de se recommencer ? » Et aussi : « L’idée de mort, née de l’expérience de la guerre, le hantait de nouveau, obstinée à le convaincre que tout effort allait au néant ».

De retour chez Cécile, même interrogation : « Qu’est-il revenu faire ici ? Etre là ou ailleurs aujourd’hui. Oui, mais pourquoi en lui cette dolence, cette envie de prendre sa tête dans ses mains, de s’abandonner à des rêves ? ». Cécile n’a pas changé dans ses sentiments, qui restent d’une remarquable ténacité malgré les errements de François. Elle connaît pourtant bien des déboires : pianiste, elle s’use à donner des leçons de piano qui entravent ses possibilités de carrière plus prestigieuse ; elle doit aussi prendre soin de son père malade ; son frère n’est qu’un fardeau de plus.

Sans rompre véritablement, François se détache, et même la complicité des débuts autour de la culture (« Ils ont ouvert ensemble un livre merveilleux. Du côté de chez Swann, d’un auteur inconnu ») tend à disparaître. La patience de l’une ne peut suffire aux penchants erratiques de l’autre et chacun avance vers son destin tragique.

Le roman est agréable à suivre, dans un style sans graisse superflue, ponctué de références littéraires bienvenues : Goethe, l’Arioste, François Villon, et le philosophe Schopenhauer, qui nous laisse méditer sa sentence : « L’essentiel est ce qui dure, non ce qui devient toujours ».

Andreossi

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