Film Socialisme. Jean-Luc Godard

Film socialisme, Jean-Luc GodardNul besoin d’un récit au sens traditionnel, nul besoin de tout comprendre pour aimer.
Pendant 1 h 40, Jean-Luc Godard montre des images et donne à entendre des mots, des bruits, de la musique, voire des dialogues entiers. D’abord sur un paquebot de croisière, où l’enchaînement des images (magnifiques) est tel qu’il évoque un clip : c’est la première partie, intitulée Des choses comme ça. Puis il s’attarde auprès de la famille Martin, dans le garage qu’elle tient et dans sa maison : c’est Notre Europe, où il donne largement la parole aux enfants. Enfin, reprise d’un rythme plus rapide dans Nos humanités, avec des pans d’histoires et d’Histoire (la nuance semble l’objet même de l’interrogation de Godard) autour de l’Egypte, la Palestine, Odessa, Hellas, Naples et Barcelone. Autant d’étapes de la croisière en Méditerranée du début, la boucle se boucle. Et aussi cette mention, parmi les textes du film, selon laquelle il y eut un groupe de Résistants près de Toulouse, dont le nom était Martin.

La part absconse de Film Socialisme faite, son propos ne saurait totalement échapper. Et ce discours-là n’est pas seulement dénonciation d’un monde gouverné par l’argent ("Les hommes ont inventé l’argent pour ne pas avoir à se regarder dans les yeux" fait-il dire à l’économiste Bernard Maris), d’une Histoire chargée de crimes commis par les régimes totalitaires et de mensonges. Jean-Luc Godard tient aussi un propos tourné vers l’avenir, passant le micro aux plus jeunes pour demander quelques comptes à leurs aînés et les secouer de questions, notamment "Quo vadis Europa ?". En eux, il concentre la musique, la lecture (Florine lit Les illusions perdues de Balzac appuyée contre la pompe à essence, un lama à ses côtés), la peinture (son petit frère peint un paysage de Renoir). La liaison avec le passé est très présente tout au long du film. La multitude d’images, l’époustouflant montage, tous les choix de Godard font lien avec l’Histoire. Celle des origines de notre civilisation autour du bassin méditerranéen, l’Egypte, Jérusalem, la Grèce antique, mais aussi la Renaissance, mais aussi le XXème siècle. Vision du monde bien sûr ; l’entassement de personnages de toutes nationalités sur le paquebot de croisière est un médium fort efficace pour l’embrasser, montrer sa globalisation qui ne fait ni unité ni égalité.

Tout cela, Godard l’ancre formidablement dans l’époque d’aujourd’hui. Sa mise en scène est à cet égard une signature de son approche contemporaine. Toutes sortes d’images s’entremêlent : des siennes en haute et basse définition aux images prises avec appareil photo ou récupérées sur Internet, des images d’une grande pureté aux images les plus floues, de l’enchaînement trépidant aux longs plans séquences, des extraits de télévision aux films d’archives… Godard dresse un état des lieux, un état de l’art de l’image et il semble que lui seul pouvait le faire. Comme lui seul ramasse en un seul film le poids des médias, des écrans individuels et du numérique ; l’héritage culturel, la philosophie et les sciences ; la France pays où l’on ne peut plus dire être mais seulement avoir ; l’Europe qui se cherche ; l’Afrique oubliée ; l’argent ; le vent, le soleil et les arts, Joan Baez et Alain Bashung. Rien de moins qu’une vision du monde, brillante, captivante.

Film Socialisme
Réalisé par Jean-Luc Godard
Avec Catherine Tanvier, Christian Sinniger, Agatha Couture
Durée 1 h 42

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La Galerie Blumann

Frederique Callu, Nikon ni soumiseC’est dans l’ambiance feutrée de la place des Vosges à Paris que Chantal Blumann a ouvert en juillet 2009 sa galerie dédiée à l’art contemporain. Elle y expose aussi bien de la peinture, de la photographie, de la sculpture que des comics, avec la volonté "de rendre l’art accessible au plus grand nombre, de faire émerger de nouveaux talents et de proposer des photos numérotées à prix juste". On sent chez cette marchande d’art, en parlant avec elle et en parcourant sa galerie une envie de démocratisation et de désacralisation de l’art qui mettent tout de suite à l’aise.
Parmi les artistes permanents, Yvon Cochery et ses Aztek en résine, Ottmar Hörl et ses Carlin qui présentent l’avantage de ne pas salir ni aboyer, mais aussi plusieurs photographes femmes telles que Frédérique Callu, Vanessa Vercel, Diane Von Schoen et Hélène Desmazières.
On aime particulièrement les photos de voyage de Frédérique Callu, prises sur pellicule blanc et noir argentique puis sobrement colorisées de quelques touches de pigment jaune, ou sa série classieuse et urbaine sur la séduction et la féminité.
Dans une tout autre veine, mais aussi maîtrisée, les photos de Diane Von Schoen nous plongent ans l’univers équestre, en délicat noir et blanc ou en couleur éclatante. Sa série montrant un cavalier vêtu de noir sur un magnifique cheval blanc, vus de profil ou de dos sont grandioses d’intimité, de respect et de solitude.

Galerie Blumann
4, Place des Vosges 75004 Paris
Tel: 01 42 76 04 09

Image : Frédérique Callu – Nikon, ni soumise, 80 x 80 cm

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L'Arracheuse de temps. Fred Pellerin

Fred Pellerin, L'Arracheuse de temps à l'EuropéenDécouvert hier soir sur la scène de L’Européen à Paris : Fred Pellerin, un Quebecois de 33 ans qui exerce le joli et singulier métier de conteur. Conteur pour adultes : chez Monsieur Pellerin, ça veut dire emporter, faire rire et émouvoir. Et Fred est aussi musicien et chanteur.
La disproportion entre le talent de l’artiste et l’exiguïté de la salle saute vite aux oreilles et aux yeux. Autant dire que l’ambiance était chaleureuse, avec sans doute quelques compatriotes attendris aux premiers rangs : cet ancien étudiant en littérature est devenu une star au Québec et on comprend pourquoi.
L’Arracheuse de temps est son quatrième spectacle ; il y conte une histoire fabuleuse tissée de légendes de son village, entendues depuis sa tendre enfance de la bouche de sa grand-mère, de son père et des vieux du coin. Dès la première phrase, on est suspendu à ses lèvres et à son sacré accent québécois, et, captivé, on ne lâche pas la corde pendant près d’une heure et demie. La pièce mélange personnages hauts en couleurs rudement bien croqués et fantastique des contes de fées, avec, pour le frisson, une Camarde qui ne manque pas de souffle… Le tout débordant d’humour (talent comique indéniable et jeux de mots en tout genre), d’inventions (néologismes adorables), de poésie et d’imagination.
Parfois ce très sympathique garçon pousse la chansonnette, empoigne la guitare ou la mandoline, si ce n’est l’harmonica, tandis que ses pieds battent le rythme avec éclat : là aussi, on sent que, justement, il en a "sous le pied". Il ne s’économise pas, et il n’en a pas besoin : du talent, il en a à revendre.

L’Arracheuse de temps
Fred Pellerin
L’Européen
5, rue Biot, Paris 17e
M°Place-de-Clichy. Tél. : 01-43-87-97-13
Du 1er au 6 juin samedi à 20 h 30 et dimanche à 17 heures
Places de 25 € à 30 €.

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Charles Avery – Onomatopoeia, part 1

Charles Avery, Le Plateau, Stone mouse sellers

Un planisphère, un serpent à bras, un objet exhumé d’un grenier : ainsi s’ouvre l’exposition de l’Écossais Charles Avery présentée au Plateau jusqu’au 8 août prochain.
Elle nous plonge dans le monde inventé par cet artiste de 37 ans aux multiples talents – sculpture, dessin, écriture – qui depuis 2004 dédie son œuvre a une seule entreprise The Islanders, archipel énigmatique dont Onomatopeia est la cité.

La visite s’apparente à la découverte de l’île mystérieuse. Des noms poétiques s’étalent sur le planisphère (Océan analytique, Mer de la clarté), des appellations étranges désignent de magnifiques bustes de bronze coiffés de chapeaux géométriques en papier ou en carton. Surtout, des dessins de très grand format nous racontent ce monde. Un des plus impressionnants présente le port d‘Onomatopoeia. Sur 2 m 40 de hauteur par 5 m 10 de large, s’entremêlent une foule abondante et variée, des animaux curieux, un vendeur de moules / œufs, des bâtiments plus ou moins désaffectés… Fourmillant de détails, le dessin s’examine à loisir dans tous ses recoins. Le trait est brillant, satirique, parfois très dur. Dans ses dessins magistralement composés comme dans ses sculptures, l’artiste allie les lignes souples et libres, réservées aux êtres vivants, aux formes géométriques, très présentes avec les énigmatiques chapeaux et l’architecture de la cité.

Ses textes nous en apprennent davantage sur son monde éclectique, contemporain et inquiétant : à quelques détails de science-fiction près, il ressemble beaucoup au nôtre, avec son Histoire (colonisation par les puissants, élimination des minorités, assimilation au groupe modèle dominant), société stratifiée, asservissement et stigmatisation des étrangers, pauvreté, création de valeur par la marchandisation, spéculation, addictions… Le tout dans un contexte de tourisme de masse moutonnier.

Mais si les extraits de récits d’explorateur (passionnants) de Charles Avery viennent éclairer ses créations graphiques et plastiques, leur lecture n’est pas un préalable nécessaire : les plaisirs de l’intrigue et de l’imagination n’en seront que plus grands en parcourant l’exposition du Plateau, la première exposition personnelle en France de Charles Avery. Un nom facile à retenir et une œuvre à découvrir… absolument.

Charles Avery – Onomatopoeia, part 1
Le Plateau – FRAC Ile-de-France
Place Hannah Arendt, à l’angle de la rue Carducci et de la rue des Alouettes
Paris 19ème
M° Jourdain (11) ou Buttes-Chaumont (7bis), bus 26 – arrêt Jourdain
Du mer. au ven. de 14 h à 19 h et les sam. et dim. de 12 h à 20 h
Jusqu’au 8 août 2010
Entrée libre

Charles Avery, Le Plateau, The bar of the one armed snake

Né en 1973 à Oban, en Écosse, Charles Avery vit et travaille à Londres. Il expose régulièrement dans des galeries en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Italie et à participé à de nombreuses expositions collectives, dont Altermodern pour la 4ème Triennale de la Tate et Walk in your mind à la Hayward Gallery, à Londres en 2009. Son travail a été présenté à la Biennale de Venise et à la Biennale de Lyon en 2007.

Rendez-vous au Plateau :
Chaque dimanche à 16 h visite guidée et gratuite de l’exposition
Jeudi 17 juin à 19 h 30, rencontre avec Charles Avery. Il s’entretiendra avec Nicolas Bourriaud, critique d’art et commissaire de l’exposition Altermodern de la Tate Triennal en 2009 et proposera une lecture de ses textes, récits d’expédition se rapportant au projet The Islanders.
Dimanche 27 juin à 18 h, visite avec Xavier Franceschi, commissaire de l’exposition

Images : Charles Avery Untitled (Stone Mouse sellers) 96 x 132,5 cm et Charles Avery Untitled (The Bar of the One Armed Snake), 2009 Pencil and gouache on board 124 x 164 cm Courtesy Pilar Corrias Gallery Photo Andy Keate

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Copie conforme. Abbas Kiarostami

Copie Conforme, le film

Arezzo, Italie. James Miller, britannique, vient présenter son essai sur la valeur, supérieure selon lui, de la copie sur l’original en art. Une Française, jouée par Juliette Binoche et que le film ne nomme pas, y tient une galerie d’art. Elle suit la conférence, puis emmène James dans un petit village de la campagne toscane.
Ils y passeront tout leur dimanche, et le spectateur avec, suivant mot à mot leurs échanges, seul ressort du film, en tant que tel dépourvu de narration, mais contenant un récit – celui de ce couple – totalement captivant.
De la galerie d’art à Arezzo au petit village, le couple se rend dans un musée, puis dans un café, puis au pied d’une statue, dans un restaurant, dans une église et enfin dans une chambre d’hôtel – avec une fin très ouverte dans celle-ci.
Le tout sur fond de noce quasi-continu, ce village étant un défilé de mariages, un arbre (œuvre d’art du musée) y étant réputé porter bonheur.
Cette succession de lieux structure fondamentalement le film : à chaque étape correspond une nouvelle avancée dans le récit du couple.

Au départ, l’on a affaire à un homme et une femme qui semblent ne pas se connaître, se découvrant au prétexte d’une conversation sur la copie et l’original, lui dans les ressorts classiques de la séduction (brin de philosophie, humour, histoires à raconter), elle davantage dans l’échange, l’argumentation, la construction.
Et puis à un moment très précis, la situation bascule : elle et lui se mettent à parler comme s’ils formaient un vrai couple, marié depuis quinze ans. Le système se met en place comme un jeu, dont le point de départ est l’apparence ; il devient progressivement de plus en plus sérieux, au point que l’illusion semble devenir la réalité des personnages, le spectateur se trouvant alors embarqué à son tour dans le balancement et les interrogations sur l’original et la copie. Paroxysme de cette implication, à la fin du film, les protagonistes semblent chacun à un certain moment s’adresser au spectateur en regardant directement la caméra.

Dire que ce film est passionnant est encore peu dire.
Ce qu’il exprime sur l’homme, la femme, le couple a une force et une résonance universelles. Les deux acteurs, dont William Shimell qui à la base n’est pas comédien mais un célèbre baryton, portent les dialogues avec une évidence époustouflante.
Mais au delà des mots, le travail que leur a fait conduire le metteur en scène iranien passe tout autant par les gestes et les corps. Sur ses hauts talons, dans sa robe tournoyante, Juliette Binoche, ultra-féminine semble en permanence en mouvement, à la recherche de l’équilibre perdu, en quête d’ancrage. Ce qu’elle parvient à rendre de son personnage évoque davantage l’incarnation que l’interprétation, tant son registre en termes d’émotions, de combativité et d’abandon est confondant de naturel. Autour du geste, se joue un jeu copie/original vertigineux avec la statue sur la place, une copie, mais dont l’original a l’humain pour modèle, et à laquelle la femme voudrait que l’homme se conforme dans son geste de protection, et qu’en outre l’homme d’un couple d’âge mûr, de façon paternelle, invite James à imiter.

Les jeux de l’illusion et du miroir sont infinis, tant métaphoriquement que visuellement, avec notamment un renvoi à tous les âges du couple : des nouveaux mariés, des jeunes retraités et enfin des très âgés pouvant à peine marcher – tous des couples très unis – vont successivement se manifester devant nos deux protagonistes.
Ici et là l’on suit les reflets, des édifices dans le pare-brise de la voiture – quelle beauté, de la statue sur la place dans le miroir d’un antiquaire (que l’homme évitera aussi soigneusement qu’il évite la statue elle-même), et enfin, dans l’un des touts derniers plans, reflet de James dans le miroir, tendu du coup au spectateur aussi. Que voit l’homme quand il se regarde dans la glace ? Mystère. Mais dehors sonnent les clochent, baignées dans une lumière toscane magnifique, et prolongées d’une vibration merveilleuse, qui semble ne finir jamais.

Copie conforme
Un film de Abbas Kiarostami
Avec Juliette Binoche, William Shimell
Durée 1 h 46

Juliette Binoche a reçu le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans Copie conforme au festival de Cannes clôturé ce dimanche 23 mai 2010.

Photo © MK2 Diffusion

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Lola. Brillante Mendoza

Lola, Brillante Mendoza

La pluie tombe à seaux, dégouline partout sur Manille, rejoint le fleuve boueux. Une grand-mère (lola en philippin), haute comme trois pommes, toute plissée, menue, avance le long des trottoirs, tenant un petit garçon par l’épaule, un pauvre sac au bras, un parapluie de l’autre main. Il se retourne sans cesse sous le vent, on a mal pour elle. Mais elle continue, décidée, obstinée. Enfin elle s’arrête, on ne sait où dans la rue, près d’un mur. Tente d’allumer une bougie. Avec ce qui tombe, avec ce qui souffle, avec ce petit garçon plus curieux de regarder les autres enfants que d’aider sa grand-mère. Elle finit par y arriver, comment, on se le demande, cependant on a compris que c’est l’endroit où son petit-fils a été assassiné.
Mais lola Sepa n’a pas le temps de s’arrêter ni de s’écouter davantage ; il faut continuer, s’occuper du cercueil, des papiers. C’est difficile, il faut de l’argent, il faut savoir lire aussi parfois, il faut les mots.
Démunie, lola Sepa a pour toute richesse sa famille, ou ce qui lui en reste, et des amis, ou plutôt des voisins, enfin d’autres un peu moins pauvres qu’elle. Ils l’aident comme ils peuvent. Et puis aussi son obstination à accomplir ce qu’elle doit accomplir : organiser les funérailles de son petit-fils et lui rendre justice en faisant condamner le jeune homme qui l’a tué.
Celui-ci est déjà arrêté, en prison, il n’est peut-être pas un grand criminel ; il n’y a sans doute eu qu’une altercation de rue, un vol de téléphone portable qui a mal tourné. En tout cas, sa grand-mère à lui, l’autre lola du film, Puring, pense qu’il est bon garçon. Aussi opiniâtre que Sepa, tout ce qu’elle veut est porter de la nourriture à son petit-fils emprisonné et surtout trouver un arrangement avec lola Sepa pour éviter procès et condamnation. Elle tente de réunir l’argent nécessaire, dont le montant n’est jamais prononcé, mais dont on comprend qu’il est très élevé pour cette famille de vendeurs de légumes des rues de Manille.

Rien n’est dit, raconté ; Brillante Mendoza se contente de montrer, se tenant au plus près de ses personnages, caméra à l’épaule, tout près de cette ville pauvre, grisâtre. Il n’annonce jamais mais nous plonge immédiatement dans cette histoire, d’abord en intrigant le spectateur puis en le happant par la découverte progressive des personnages et de leurs ressorts. Découverte de la ville aussi, exotique dirait-on, mais dont les fonctionnements marchands, administratifs et politiques ne le sont pas tant que cela.
Au milieu de ce monde compliqué, les Lola font ce qu’elles peuvent. Opposées au début – comment pourrait-il en être autrement ? -, elles finiront par entrer en contact, et, comme toutes les grand-mères fatiguées du monde, à se parler, de leur santé, de choses comme ça ; tellement humaines, ces si simples Lola.

Lola
Un film de Brillante Mendoza
Avec Anita Linda, Rustica Carpio, Tanya Gomez
Durée : 1 h 50

Photo © Equation

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Crime et châtiment. Musée d'Orsay

Crime et châtiment, exposition au Musée d'Orsay, Robert Badinter et Jean ClairDeux mois après son inauguration, le souvenir de l’exposition demeure encore vif.
Comment oublier cette guillotine et ces grands tableaux accrochés les uns contre les autres montrant le sang versé, les corps mutilés, la tête qui roule : le meurtre et son implacable sanction ?
Ces meurtres privés et ces assassinats prescrits par nos lois, inlassablement livrés à la contemplation publique, de la Révolution jusqu’à la fin des années 30 (1) ?

Crime et châtiment, titre emprunté au roman de Dostoïevski se propose de mettre en lumière les approches artistiques du crime et de la peine de mort tout au long du XIX° et au début du XX° siècles.
Il apparaît assez rapidement que, plus encore que l’homme, la femme meurtrière a inspiré très largement les peintres, bien qu’elle fût tout à fait minoritaire parmi les assassins. La douzaine de tableaux du meurtre de Marat par Charlotte Corday et la section consacrée à la figure de la sorcière prouvent à quel point les fantasmes des artistes mêlaient violence, mort et érotisme.

Des tableaux de haut vol signés Géricault, Delacroix, Ingres, Goya, Moreau, Munch, Picasso… aux coupures de presse totalement terrifiantes (elles étaient faites pour), en passant par dessins et sculptures, cette exposition riche, dense, érudite s’avère bien à la hauteur de ses ambitions. Elle réalise la démonstration éclatante de la fascination que la mort de l’homme par l’homme exerce sur les artistes et le public, tous avides de gros plans et de détails.
Parmi les vitrines consacrées aux approches scientifiques, l’on retrouve avec effroi les fameux travaux physiognomiques de l’Italien Cesare Lombroso tentant d’établir avec forces études le lien irréfutable entre la forme du crâne, les traits du visage et la propension au crime, théories dont Degas (passionné par le crime en général) était friand, comme le montre sa Petite danseuse de quatorze ans présentée par l’artiste comme un parfait exemple de dangereuse dégénérée.

L’art interroge, met à distance, sublime. Mais ne fait pas écran au fond. On n’oubliera pas non plus la "Justitia" ni le "Ecce, le Pendu", bouleversants dessins à l’encre de Victor Hugo, ni cette porte de prison gravée dans les derniers instants du condamné, tout comme cette fameuse guillotine de noir habillée. L’immense Robert Badinter – l’initiateur de Crime et châtiment – et Jean Clair – son talentueux commissaire, à qui l’on devait la magnifique Mélancolie au Grand-Palais – y tenaient. Ils ont cherché cette machine infernale avec une opiniâtreté égale à celle qu’ils ont dû déployer pour faire accepter leur exposition. On rêverait de pouvoir y trouver un point final : hélas comme la chaise électrique d’Andy Warhol vient le rappeler, le châtiment suprême dans bien des Etats, y compris parmi les dits modernes, est encore d’actualité.

Crime et châtiment
Un projet de Robert Badinter
Commissariat général Jean Clair, de l’Académie française, conservateur général du patrimoine
Musée d’Orsay
Du mar. au dim. de 9 h 30 à 18 h, le jeu. jusqu’à 21 h 45
Jusqu’au 27 juin 2010
Entrée 9,50 € (TR 7 €)

(1) Contrairement à la période inaugurée avec la Révolution et ses exécutions sur la place qui portait son nom, devenue place de la Concorde, de 1939 à la fin des années 1970, les exécutions se sont déplacées à l’ombre des prisons.

Image : Théodore Géricault, Étude de pieds et de mains, 1818-1819, Montpellier, Musée Fabre © Musée Fabre de Montpellier Agglomération photo Frédéric Jaulmes

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Visage, mappemonde de l'au-delà. Yves Simon

Yves Simon, visageDans les pages Débats du quotidien Le Monde daté de ce jeudi 13 mai, l’auteur-compositeur-interprète et écrivain Yves Simon se place résolument, dans les ondulations actuelles du niqab et de la burqa, du côté du visage découvert.

Il le fait de la manière la plus élégante et poétique qui soit, en signant en un quart de page une ode au visage, de toute beauté, pleine de références et plus encore d’humanité.

A lire absolument et à faire partager.

Extraits :

Les visages sont des aimants, comment ne pas être tout simplement heureux de se délecter à une terrasse de café de les voir défiler comme au théâtre, sous nos yeux, deviner les gammes de sentiments et de tourments qui les envahissent, une naissance, une souciance, une jalousie, s’en repaître et se sentir en concordance avec eux – reliés -, en choisir un pour aussitôt l’oublier, ou alors y repenser, cette planète nous a touchés, on aurait pu, on aurait dû, appeler, courir, les choses vont si vite, et Proust qui s’émeut : "Ce regard avec lequel un jour de départ on voudrait emporter le paysage qu’on va quitter pour toujours." (…)
Les visages se rident, ils sourient, ils ravissent ou effraient, ils racontent au monde leur monde, ils sont Hermès sculpté par Praxitèle, Périclès par Crésilas, la Mélancolie, de Dürer, et la Séphora, de Botticelli, les effarés du Tres de Mayo, de Goya, et l’adolescent Rimbaud photographié par Carjat, ils nous percutent, ils nous hantent, ils nous émeuvent. (…).
Chaque visage est un morceau d’univers, un zeste de divinité, une parcelle de Dieu qui à Lui seul serait tous les visages. "Le visage est le lieu du sacré par excellence", dit l’anthropologue David Le Breton. Regarder un seul visage, c’est voir l’humanité tout entière, c’est entrevoir le ciel et les étoiles, se laisser happer par l’infini cosmos "dans un pur arrachement au quotidien, sans plus de référence au religieux".

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Edvard Munch jouera les prolongations

Pinacothèque de Paris, exposition Munch prolongée

On a dit ici tout le bien que l’on pensait de l’exposition « Edvard Munch ou l’anti-Cri » présentée à la Pinacothèque de Paris depuis fin février (lire le billet du 14 mars 2010).
Initialement prévue jusqu’au 18 juillet, l’exposition sera finalement prolongée jusqu’au 8 août 2010.
Au cours de ses deux premiers mois, l’exposition a attiré quelque 180 000 visiteurs, venus découvrir des œuvres présentées au public pour la première fois.
Ce succès a d’ailleurs suscité des demandes de reprises à l’étranger ; elles se concrétiseront à la Kunsthal de Rotterdam, où l’exposition sera présentée du 18 septembre 2010 au 21 février 2011.

Edvard Munch ou l’anti-Cri
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – 75008 Paris
M° Madeleine, lignes 8, 12 et 14
Jusqu’au 8 août 2010
TLJ de 10 h 30 à 18 h (de 14 h à 18 h le 14 juillet)
Nocturne tous les mercredis jusqu’à 21h
Entrée 10 € (TR 8 € – tarif groupe 9,50 € avec audiophones)

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Equi'Wok

Equi'Wok designEn matière de fast-food, l’offre ne manque pas à Paris. Mais si on cherche à concilier rapidité et plaisir du palais, on a vite fait de tourner en rond et en vain, avec des choses insipides, artificielles, trop caloriques ou bien peu nourrissantes – l’un n’excluant hélas pas l’autre.
Il n’empêche, rythme de vie urbain et contexte économique de plus en plus serrés aidant, la vente à emporter ou à avaler sur un coin de table a explosé ces dernières années.

Conjuguer gastronomie et fast-food, tel est l’objectif de la nouvelle enseigne ouverte tout récemment rue Montorgueil : Equi’Wok propose de vrais plats cuisinés – neuf recettes plus le plat du moment, auxquels s’ajoutent trois salades et six desserts – le tout pour retrouver le goût du "fait maison". Le principe : des produits frais tous les jours, la préparation à l’avance des ingrédients qui doivent l’être (agneau mitonné, pâtes al dente…) et la réalisation du plat en une ou deux minutes à la commande grâce à la cuisson au wok. C’est bluffant (vraiment ultra rapide), diététique (les sucs sont déglacés au bouillon de volaille pour éviter d’ajouter du gras au moment de la saisie), facile à emporter et à déguster (fourchette ou baguettes et box blanche jetable), tout simplement bon.

Wok d'Equi'Wok, rue Montorgueil, ParisNourrissant et goûteux, le Paris Paris associe jambon blanc toasté, œufs brouillés, farfalles, fèves, champignons blancs et dés d’emmenthal ; le Nordik est élaboré à partir de saumon et de haddock fumés et d’orge bio ; le Mumbaï avec de l’épaule d’agneau confite, du riz basmati, du radis noir et du naan au fromage.

Si on veut compléter par un dessert, on peut choisir des poirées pochées à la verveine et cardamone ; de petites brochettes de fruits croustillantes ; ou encore, plus gourmande, la mousse au chocolat blanc et noix de Pécan… Le tout dans un joli cocon blanc moderne signé du designer Mathieu Lehanneur et orchestré par Antoine Magnier, conseiller culinaire qui a passé douze ans chez Ducasse. Miam.

Equi’Wok
84, rue Montorgueil – Paris 2ème
Woks à partir de 7,40 €, formule à 8,90 €

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