Titien, Tintoret, Véronèse – Rivalités à Venise

Rivalités à Venise, Titien, Vénus au miroirTitien, Tintoret, Véronèse, mais aussi Bassano, que l’on connaît moins : c’est à une véritable rencontre au sommet que le musée du Louvre nous convie jusqu’au 4 janvier 2010.

Pourquoi faut-il y aller ? Parce que la peinture vénitienne du XVIème siècle ajoute aux acquis de la Renaissance italienne la chaleur de la lumière et la passion de la couleur, et concentre des artistes dont la rivalité a exacerbé le talent.
Le contexte politique vénitien l’explique en partie : alors qu’ailleurs dans la péninsule une seule famille à la tête d’une principauté (comme les Médicis à Florence ou les Gonzagues à Mantoue) privilégie un artiste "officiel" destinataire de l’essentiel des commandes, Venise au contraire est une république où plus d’une centaine de familles de patriciens se partagent le pouvoir. Chacune choisit ses artistes pour asseoir son prestige, multiplie les commandes et favorise la pluralité. Même les institutions jouent sur l’émulation, en attribuant par concours les commandes pour les édifices religieux et publics.
Titien, le patriarche, et le plus renommé d’entre tous bien au delà de la République (l’empereur Charles Quint et son fils le roi Philippe II d’Espagne sont ses amis) ne "régnait" donc pas seul. Malgré ses efforts pour écarter Tintoret de la scène artistique, celui-ci se fit connaître par sa peinture très affirmée et un style bien différent de celui de son aîné. Véronèse en revanche n’a pas eu de mal à décrocher de grandes commandes dès son arrivée à Venise, notamment pour le palais des Doges, car le grand maître le soutenait…

Cette compétition des plus fécondes est parfaitement lisible à travers le parcours, pour lequel les commissaires Vincent Delieuvin et Jean Habert ont choisi des thématiques fortes de la peinture vénitienne et confronté pour chacune d’entre elles des tableaux des différents artistes. Rivalités à Venise réunit ainsi toutes les qualité qu’on voudrait toujours trouver à une exposition : intelligence et clarté du propos, sûreté et audace dans les choix, rythme du parcours, entre rupture et progression des sujets. Qualité des œuvres enfin, puisqu’à ceux du Louvre répondent des chefs d’œuvre venus d’un peu partout, de Vienne, de Londres, du Prado, du Capodimonte à Naples, de Chicago, de Washington…

Sur les mérites respectifs des artistes, chacun se fera son opinion bien sûr, voire verra confortée celle qu’il a déjà. Le fou de Titien le restera et gardera un peu de son dédain pour les démonstratives contorsions des corps de Tintoret. A celle de la pose, on préfère l’apparence du naturel ; aux postures héroïques, les figures de ce monde ; aux musculatures antiques, la délicatesse des chairs ; à la dramaturgie extrême, l’expression toute humaine des sentiments… Comblés donc, les amoureux de Titien observeront l’évolution de sa peinture au fil du temps, grâce à des sujets proches ou identiques traités à différentes époques (Danaé, Tarquin et Lucrèce…).
La virtuosité de Véronèse apparaît de façon éclatante, comme dans le Christ guérissant une femme souffrant d’épanchements de sang de la National Gallery : par l’emploi de couleurs claires et brillantes, il rend parfaitement distincts une foule de personnages, servis par une composition classique superbe, alors que la finesse des traits et l’expression de la femme agenouillée tournant son visage vers le Christ impriment au tableau une grâce inouïe. Harmonie, lumière, richesse de la palette : c’est tout Véronèse et c’est une splendeur.

Rivalités à Venise, Tintoret, Suzanne et les vieillards, ViennePortraits de patriciens et patriciennes, autoportraits, nus féminins (avec notamment une confrontation de Tarquin et Lucrèce de haut vol), scènes religieuses quelque peu "profanées", nocturnes sacrés singuliers (des Saint-Jérôme plus poignants les uns que les autres) … les différentes sections de l’exposition sont tout aussi passionnantes. On s’attarde aussi sur celle consacrée au reflet, qui renvoie notamment à l’un des grands débats esthétiques et théoriques de la Renaissance : le paragone, à savoir la question des mérites respectifs de la peinture et de la sculpture. Dans la suite de Giorgione qui avait peint au tout début du siècle un tableau avec une figure d’homme dont le corps se reflétait à la fois dans une armure polie, un miroir et une fontaine d’eau (aujourd’hui disparu), les artistes vénitiens se sont surpassés dans le domaine du reflet et du miroir en peinture, permettant de représenter tous les aspects d’un personnage sans se déplacer, alors qu’avec une sculpture, le spectateur est obligé de tourner autour… Tintoret a interprété ce thème avec espièglerie (l’humour et la légèreté sont d’autres traits que l’on retrouve chez ces artistes), dans son fameux Suzanne et les vieillards de Vienne. La représentation de cette scène par Jacoppo Bassano, exposée, à juste titre, dans la partie Femmes en péril est beaucoup plus directe et inquiétante. Elle montre au passage l’influence du Titien sur Bassano qui dans son dernier style emprunte au maître sa large touche. Un tableau admirable de simplicité et de clarté dans sa composition, de douceur et de sobriété dans les visages, avec ce goût des chairs blanches éclairées dans une atmosphère sombre chère à Bassano, décidément devenu lui aussi un grand de Venise.

Titien, Tintoret, Véronèse – Rivalités à Venise
Jusqu’au 4 janvier 2010
Musée du Louvre
Hall Napoléon (accès par la pyramide, la galerie du Carrousel ou le passage Richelieu)
TLJ sf le mar., de 9h à 18h, jusqu’à 20h le sam. et jusqu’à 22h les mer. et ven.
Entrée 11 € (14 € si on veut aussi profiter du Musée)

Images : Titien , Vénus au miroir, National Gallery of Art © Board of the Trustees of the National Gallery, Washington
et Tintoret , Suzanne et les vieillards, © Kunsthistorisches Museum, Vienne

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Michel Onfray : le post anarchisme expliqué à ma grand-mère

Le post anarchisme expliqué à ma grand-mère par Michel Onfray au théâtre du Rond PointJeudi dernier, la salle Renaud-Barrault du théâtre du Rond-Point était pleine à craquer, où, à l’heure du déjeuner, Michel Onfray donnait une conférence intitulée "Le post anarchisme expliqué à ma grand-mère".
Derrière ce slogan, le philosophe se moquait des livres de vulgarisation de la pensée et de l’histoire des idées que les intellectuels commettent régulièrement à peu de frais, en s’adressant à leurs lecteurs adultes comme ils le feraient à des enfants.

Rejetant ce genre de démarche simpliste, Michel Onfray, dans l’esprit de l’Université Populaire de Caen, s’attache à revisiter l’histoire de la pensée anarchiste – très multiple et même contradictoire – en revendiquant un droit d’inventaire : retenir les idées qui lui semblent encore de valeur aujourd’hui et repousser les prises de position inacceptables et/ou considérablement datées.

En suivant cette logique du "prélèvement", l’auteur de la Contre histoire de la philosophie trace les contours du post anarchisme, un courant qui existe aussi de l’autre côté de l’Atlantique. Il commence par balayer sans ménagement un certain nombre de dogmes (une de ses grandes affaires) de la pensée anarchiste : le rejet de l’Etat ; le refus des élections ; l’idée selon laquelle le capitalisme ne serait qu’un moment dans le déroulement du monde. Au contraire, pour le philosophe, l’Etat est utile, voter permet de manifester un rapport de force et le capitalisme est une forme consubstantielle du monde – c’est le capitalisme libéral qui est à dénoncer.

Michel Onfray passe ensuite au crible les écrits des auteurs dits anarchistes pour y faire son tri : exit les positions bellicistes, homophobes et phallocrates de Proudhon, mais oui à son pragmatisme ; exit le christianisme de Tolstoï et la négativité de ceux qui sont devenus anarchistes par amertume ; oui à la positivité, à tout ce qui est susceptible de développer la pulsion de vie ; oui à la place de la Justice défendue par Louise Michel, à l’impératif catégorique de La Boétie – "Soyez résolu de ne plus servir et vous serez libre " – réactivé par Thoreau, aux phalanstères de Fourrier, à l’anarcho-syndicalisme d’Albert Camus de L’Homme révolté, à l’éducation, aux plaisirs du corps…

Si la pensée anarchiste a été saignée par la Commune puis par la Guerre de 14-18, avant d’être terrassée par le triomphe du marxisme, l’auteur du Traité d’athéologie pense que, tel le fleuve Alphée, l’anarchisme un temps disparu dans la mer est ensuite réapparu, citant Orwell, la philosophe Simone Weil, Jean Grenier, la French Theory avec Foucault, Deleuze, Bourdieu, Guattari, Lyotard, le Derrida de Politiques de l’amitié et du Droit à la philosophie, mais aussi Mai 68, qu’il considère comme une révolte nietzschéenne pour avoir mis fin à la Vérité "Une", révélée, en mettant en évidence la diversité de vérités, pour avoir fait disparaître les idéaux ascétiques chrétiens et fait surgir de nouvelles possibilités d’existence.

Suite et fin de la conférence en mai, même lieu et même heure : Michel Onfray y proposera un post anarchisme pour aujourd’hui et pour demain.

Calendrier des conférences de l’Université Populaire de Caen au Théâtre du Rond-Point
Théâtre du Rond-Point – 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris
M°Franklin D. Roosevelt, Champs-Élysées Clemenceau
Entrée libre sur réservation

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Le Recours aux forêts. Michel Onfray

Michel Onfray, le recours aux forêts, GaliléeA l’issue de sa conférence Le post anarchisme expliqué à ma grand-mère tenue le 5 novembre dernier au théâtre du Rond-Point, Michel Onfray signait son dernier ouvrage joliment intitulé Le Recours aux forêts, La tentation de Démocrite.

A travers ce texte destiné à être monté à la Comédie de Caen, le philosophe, qui projetait avec quelques amis "en remède aux misères du monde", de se rendre en Islande, "cette terre où la nature compte plus que les hommes", adopte, sans y être allé en raison de la maladie d’un être cher, la "sagesse universelle, païenne, virgilienne" des hyperboréens.

Si Onfray a une très ancienne origine scandinave, ses ascendants se sont implantés voici mille ans en pays normand, où Michel Onfray vit toujours, dans la ville d’Argentan. C’est là, lisant Ronsard et Whitman, qu’il a écrit cette courte pièce, disant son désir de rejoindre, le moment venu, la terre de ses ancêtres dont il est issu.

Dans des pages d’abord violentes, l’auteur du Traité d’athéologie rappelle la folie et la barbarie des hommes, leur vanité, leur petitesse, leur envie, leur opportunisme, leur hypocrisie et leurs trahisons, les maux faits au nom de la religion, les fausses sagesses et la fausse Justice, impostures de tout poil répétées à l’infini.

Puis, se plaçant sous le signe de Démocrite, "ce philosophe, figure du matérialisme radical qui après avoir beaucoup voyagé (…) se fit construire une petite maison au fond de son jardin pour y vivre le restant de ses jours", Onfray livre une ode à la nature, à la simplicité, au repli sur soi pour retrouver la paix, près du ciel, des oiseaux, des fleurs et de l’eau.
Le jeune quinquagénaire y retrouve les goûts et les parfums de son enfance, la fleur de sureau et les groseilles à maquereau, mais aussi son effroi face à la vipère, la couleuvre ou l’orvet, et encore son émerveillement lorsqu’il lève la tête vers le ciel ; enfin, toutes ces choses qui, décidément, et c’est une consolation souveraine, chez lui non plus ne passent pas :

Je veux prendre le temps des nuages
M’abandonner à leurs mousses, à leurs cotons, à leurs veloutés
Rentrer dans la plume de leurs ventres
Dans le duvet de leur esprit
Dans la chair de vapeur de leur âme
Flotter sur eux
Y accrocher mon vagabondage
M’y reposer des hommes
Je veux calculer leurs courses, poussés par le vent
Y guetter le secret du temps à venir
Chercher dans les filasses
Scruter dans leurs panses parfois grises
Me perdre dans la forme de l’un d’entre eux
Solitaire dans un azur insolent
Savoir, déniaisé, qu’on n’y trouve ni les anges
Ni les dieux, ni Dieu
Mais l’haleine des fleurs parties vers les étoiles.

Le Recours aux forêts, La tentation de Démocrite
Michel Onfray
Galilée, 2009, 80 p., 14 €

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Le ruban blanc. Michael Haneke

Le ruban blanc, Michael HanekeLa réalisation est superbe ; elle mérite peut-être à elle seule la Palme d’Or descernée à Michael Haneke au 62ème Festival de Cannes.
Tourné à l’origine en couleurs afin d’imprimer à la pellicule toutes les sensibilités de la lumière, le film a été ensuite longuement travaillé pour obtenir une photo au noir et blanc très délicat, qui restitue la splendeur tristes des paysages ruraux du nord de l’Allemagne.
Les comédiens ont été soigneusement choisis – surtout les enfants – en fonction notamment de leurs traits, pour qu’ils soient crédibles dans le temps du film – 1913. Ces jeunes visages qui pourraient bien avoir un siècle contribuent à l’incarnation époustouflante des personnages, dirigés avec une grande maîtrise par le réalisateur autrichien. La mise en scène, le montage, fluides et rapides, ne se voient pas à force de science de l’art, tout comme la durée du film, bâti sur un scénario solide et délicieusement égarant. Il démarre très vite, avec une succession d’étranges événements survenant dans cette communauté paysanne de Prusse construite autour du pasteur, de l’instituteur, du médecin, de l’aristocrate propriétaire du domaine et de son régisseur. Le médecin est victime d’un "accident" de cheval provoqué par un câble, le fils du baron est brutalisé, un nourrisson exposé au froid glacial… La criminalité se déploie, insidieusement, imprévisible, jamais résolue, à peine regardée en face, de plus en plus cruelle. Alors même que sous la haute autorité morale des institutions et des pères en général, du pasteur en particulier, une éducation stricte est donnée aux enfants, celui-ci allant jusqu’à attacher aux bras de sa progéniture un ruban blanc censé lui rappeler l’impératif de pureté et d’innocence. Innocence, tout est dit ou presque puisque Haneke distille au contraire la thèse de la culpabilité des enfants… Culpabilité qui renverrait à celle, vingt ans après, de la génération qui a mis les Nazis au pouvoir. Cette éducation protestante rigoriste et la violence qu’elle contient auraient engendré des adultes capables du pire.
Est-si simple ? On touche là à la faiblesse du film : son fond. Car au delà des limites de la thèse historique contestable, le film est en tout état de cause totalement monolithique. Si l’on est intimement convaincu des ravages d’un dressage brutal et sclérosant infligé aux enfants, le propos perd de sa force lorsqu’il utilise toujours les mêmes arguments et illustrations. Ne disant qu’une chose, le film tourne sur lui-même et finit par tourner un peu à vide.
Malgré ce manque de nuances, Le ruban blanc reste un magnifique objet cinématographique et réserve même quelques passages émouvants, comme celui où un petit orphelin interroge sa grande sœur et finit par comprendre de la bouche de son aînée si tendre et aimante, mais franche face à ses questions, ce qu’est la mort. Certainement le plus beau moment du film, sur un immense fond noir.

Le ruban blanc (Das Weiße Band – Eine deutsche Kindergeschichte)
Un drame de Michael Haneke
Avec Christian Friedel, Ernst Jacobi, Leonie Benesch…
Durée : 2 h 24 min

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James Ensor au Musée d'Orsay

James Ensor, exposition à Orsay, 2009-2010Tout en contrastes, l’oeuvre du peintre belge James Ensor (1860-1949), présenté au Musée d’Orsay à travers une exposition de 90 tableaux, dessins et gravures, ne cesse d’intriguer au fur et à mesure de la visite.

On découvre d’abord des paysages, des natures mortes et des scènes de genre à la veine naturaliste très marquée. Ce sont les premiers tableaux de l’artiste qui, après ses études à l’Académie de Bruxelles, revient à l’âge de vingt ans dans sa ville natale d’Ostende, peu emballé par sa formation traditionnelle et préférant alors travailler, pour reprendre son expression, sur « la forme de la lumière ».

Sur ce point, ses toiles ne sont pas transcendantes, malgré ses péremptoires affirmations et son dédain pour les impressionnistes, par lui qualifiés de « faiseurs de plein air ». Cette première période – qui sera aussi celle de cuisants échecs, dont l’artiste restera marqué à jamais, comme on le verra par la suite – n’est pour autant pas dénuée d’intérêt. Dans ses scènes d’intérieur de cette ville de Flandre, La coloriste, La femme endormie, ou encore l’immense Mangeuse d’huîtres, Ensor peint des pièces sombres et calfeutrées, des ambiances étouffantes, l’ennui incommensurable de ces heures où tout semble figé, où les objets, le mobilier et les tentures tirées semblent pétrifier les êtres. Dans L’après-midi à Ostende, le regard tourné vers le spectateur de la femme en visite chez une autre plus âgée trempant ses lèvres dans une tasse de thé semble par son expression résumer tout ce qu’évoquent les tableaux de la série.

Quelques années après, l’oeuvre de James Ensor prend toute sa singularité et sa saveur. A la fin des années 1880, souffrant du mauvais accueil qu’il reçoit, époque aussi à laquelle il perd son père et sa grand-mère, il change à la fois de manière et de sujets : «Pour arriver à rendre les tons riches et variés, j’avais mélangé toujours les couleurs… J’ai modifié alors ma manière et appliqué les couleurs pures. J’ai cherché logiquement les effets violents, surtout les masques où les tons vifs dominent. Ces masques me plaisent aussi parce qu’ils froissaient le public qui m’avait si mal accueilli ».

Les tons sont beaucoup plus clairs, voire acides. Des êtres masqués et des squelettes peuplent ses tableaux, renvoyant à l’univers dans lequel le jeune James a grandi, dans la boutique de souvenirs et de curiosités de ses parents, et dont le grand Ensor a continué à peupler son atelier plus tard. On peut en voir certains exemplaires dans l’exposition, comme une étrange sirène, faite d’une queue de poisson, d’un corps en squelette et d’une tête de singe.
James Ensor, exposition à Orsay, 2009-2010, L'IntrigueCes squelettes et ces masquent amusent par le grotesque des scènes, oscillant entre pure fantaisie et satire sociale – on pense aux caricatures de Daumier, au Carnaval, à Guignol – non sans un soupçon d’effroi évidemment comme devant le défilé de tristes mondains de L’intrigue. L’artiste ne craint pas l’ambiguïté, au contraire, associant à ses figurations macabres un registre chromatique gai avec des couleurs pures et pétillantes renvoyant à la fête. D’ailleurs, sous les dehors de la farce, sourd une certaine violence : par exemple dans Les poissardes, en dessous du message «Mort ! Elles ont mangé trop de poisson », les deux vieilles poissardes en question rappellent sous une toute autre forme mais avec une force inouïe l’ennui et l’absence de vie des tableaux naturalistes de jeunesse.

Les innombrables autoportraits de l’artiste manifestent, outre le souci de se voir reconnu, tous les vents contraires qui semblent l’avoir animé : parfois il se représente selon la tradition du genre, devant son chevalet ; plus loin découvrant son visage au milieu d’une foule de masques de tous poils ; à l’occasion, il se dessine au fusain sous les traits d’un beau jeune homme. Mais il y a aussi les poignants L’homme de douleur ou Squelette peintre. Comme si la provocation, le rire suscité par ces Squelettes se disputant un hareng saur n’étaient là que pour habiller élégamment son désespoir.

James Ensor
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris VII°
Jusqu’au 4 février 2010
Tlj sauf le lundi, de 9h30 à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
Entrée 9,50 €, tarif réduit 7 €

Images : Squelettes se disputant un hareng saur, 1891, Bruxelles, Musées royaux des Beaux Arts de Belgique, © MRBAB, Bruxelles © ADAGP, Paris 2009
L’Intrigue, 1890, Koninklijk Museeum voor Schone Kunsten, Anvers, Belgique © Courtesy Lukas-Art in Flanders © ADAGP, Paris 2009

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L'Âge d'or hollandais à la Pinacothèque de Paris

Frans Hals, portrait d'homme, exposition à la Pinacothèque de ParisRembrandt, Vermeer : deux noms qui font rêver tant leurs œuvres, fort différents l’un de l’autre, éblouissent encore par leur virtuosité. Tous deux renvoient à cet âge d’or qu’à connu la Hollande au XVIIème siècle, quand, après les sanglantes Guerres de Religion, les sept provinces du Nord, et notamment la Hollande (majoritairement calviniste) font sécession et acquièrent leur autonomie. De leur côté, les Pays-Bas du sud restent sous domination espagnole et deviennent une base avancée du catholicisme.
La liberté politique et religieuse que connaissent alors les provinces du Nord va profiter à l’économie, aux sciences et à l’art. Grâce à des banquiers et à des marchands entreprenants, la Hollande conquiert le commerce maritime et voit ses villes portuaires (Haarlem et surtout Amsterdam) prospérer considérablement. Les commerçants et les notables cherchent à décorer richement leurs intérieurs, avec des meubles, des objets raffinés et des petits tableaux, faisant ainsi travailler un grand nombre d’artistes. Les peintures n’étant pas admises dans les Temples, les nobles et les bourgeois mais aussi les corporations d’artisans deviennent les principaux commanditaires. Tableaux d’histoire (biblique, antique ou contemporaine), portraits ou scènes de la vie quotidienne (paysages, natures mortes, épisodes de la vie sociale ou domestique), les artistes se spécialisent dans l’un ou l’autre de ces genres afin de s’assurer des débouchés. Une exception cependant : Rembrandt, qui réalisa aussi bien des scènes bibliques, que des portraits de groupe (dont la fameuse Ronde de nuit), des scène de genre et des portraits.

C’est à ce somptueux XVIIème siècle hollandais que la Pinacothèque de Paris redonne vie jusqu’au 7 février 2010 en exposant une centaine d’œuvres du Rijksmuseum d’Amsterdam, essentiellement des peintures, mais aussi des dessins et des objets – notamment des faïences de Delf, l’un des plus grands centres de production de céramique à l’époque.
La sélection de tableaux est représentative de la diversité des sujets et du niveau atteint par les artistes, dont la formation était solidement organisée. Dans la splendide série de natures mortes, celle de Jan Jansz van de Velde constitue un modèle, où ne manquent ni les citrons, ni le verre, ni l’étain, la faïence ou l’étoffe, le tout avec un soin du détail inouï et un sens de la composition assuré : une œuvre à contempler jusqu’à en avoir épuisé tous les éléments, non sans ravissement. Les compositions florales séduisent d’abord par les couleurs qui contrastent sur le typique fond noir, la véracité des fleurs (ah, ces roses anglaises au pétale velouté, on en sentirait le parfum !), puis on remarque ici et là de minuscules insectes, le vert de l’eau du vase un peu croupie, et même quelques fils de toile d’araignée…
Branche particulière du genre, les vanités : le tableau Crânes sur une table d’Aelbert Jansz van der Schoor est presque canonique. Il s’agissait de rappeler aux mortels, avec moult éléments symboliques, la vanité de l’existence en ce monde : y compris le savoir (les livres), tout est vain sur notre bonne terre…
Les paysages sont pour certains d’entre eux assez surprenants. S’y lisent les stigmates des séjours à Rome, partie intégrante de la formation traditionnelle des peintres, qui importaient ensuite la manière italienne pour réaliser leurs paysages : c’est ainsi qu’on en arrive à des vues d’une campagne hollandaise parsemée de ruines antiques et éclairée par une jaune lumière du sud… A la limite du fantastique !

Les portraits forcent l’admiration, notamment ceux de Frans Hals (Portait d’homme et son pendant Portrait de femme exposés côte à côte), de Moses ter Borch, sans compter ceux de Rembrandt, marqué évidemment par le Caravage (bien que lui n’ait jamais mis les pieds en Italie), et dont la force d’expression est presque troublante. Ses scènes religieuses sont tout aussi novatrices, il n’y a qu’à regarder la vibrante Décapitation de saint Jean-Baptiste : tous ces visages sont si humains, si présents et habités, autour de la tête sans vie de Jean-Baptiste !

Un autre coup de cœur, celui-là pour un petit tableau discret signé Adriaen van Ostade. La lettre d'amour de Vermeer, exposition à la Pinacothèque de Paris
Il a pour titre L’atelier du peintre et est placé en début de parcours pour montrer la place des artistes dans leur pays et dans leur époque. Dans une ambiance de travail chaleureuse, éclairée par une fenêtre sur le côté (qui n’est pas sans rappeler un certain Vermeer), trois personnages, dont un peintre, sont plongés dans leur tâche avec grand soin, malgré la rusticité du lieu (les combles). L’endroit où le peintre travaille est protégé par une toile suspendue au plafond. Tout et tous concourent à ce que la peinture soit menée à bien, même dans des conditions peu confortables : ce tableau résonne comme un message sur la condition de l’artiste, susceptible de s’élever grâce à son art, dans un pays déverrouillé des rigidités du système aristocratique.

On termine par le plus touchant – peut-être le plus beau – des tableaux de l’exposition : La lettre d’amour de Vermeer. Regardez les expressions fort différentes des deux femmes – maîtresse de maison et servante. Observez les détails qui créent le moment du tableau, l’instant-clé qu’est cette la scène, juste avant l’ouverture de la lettre. Admirez la composition, le naturel, la délicatesse des couleurs, de la lumière, des visages… A la fin, on croirait les entendre penser ! Une merveille.

L’Âge d’or hollandais, de Rembrandt à Vermeer
Une exposition organisée en association avec le Rijksmuseum, Amsterdam
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – 75008 Paris
Jusqu’au 7 février 2010
TLJ de 10 h 30 à 18 h
25 décembre et 1er janvier de 14 h à 18 h
Nocturne tous les premiers mercredis du mois jusqu’à 21 h
Entrée 10 € (TR 8 €)

Images : Frans Hals, Portrait d’homme, c. 1635, Rijkmuseum, Amsterdam © Department Rijksmuseum, Amsterdam
et Johannes Vermeer, La lettre d’amour, c. 1669-70, Rijksmuseum, Amsterdam, Acquis avec l’aide de Vereniging Rembrandt © Department Rijksmuseum, Amsterdam

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Tosca en direct du Metropolitan Opera de New York

Tosca au Met, mise en scène Luc BondyC’est comment l’opéra au cinéma ? Sans chanteurs, sans orchestre et sans plateau, évidemment ce n’est plus du spectacle vivant… mais sur l’immense écran de la Géode à Paris, et la qualité sonore de la salle, c’est quand même quelque chose !
Le Met reprend cette saison la diffusion en haute définition de ses plus grands spectacles, en direct dans le monde entier (42 pays, un millier de salles). Tosca samedi, Aïda le 24, Turandot le 7 novembre, Les Contes d’Hoffmann le 19 décembre… la programmation est faite pour attirer (avec succès) le grand public. Sauf que lors de sa première au Metropolitan Opera, le 21 septembre dernier, la mise en scène de l’un des plus célèbres opéras de Puccini, signée Luc Bondy a été huée. Ont scandalisé notamment les décors non conformes à "la tradition" de l’oeuvre, la représentation d’un Scarpia entouré de prostituées, ou d’un Cavaradossi embrassant la Vierge sur la bouche… Le metteur en scène français précisait dans Le Monde de samedi que cet accueil était dû à la particularité d’un public de première, "un public de gala pour une grande part venu pour se montrer", et que ces manifestations ne s’étaient pas reproduites lors des représentations suivantes…

Le fait est que la Tosca de ce 10 octobre, en matinée à New-York, en soirée à Paris, fut un régal absolu. Luc Bondy, a fait ressortir toute l’humanité des personnages et de l’histoire, captivante ("un thriller", pour reprendre le mot du metteur en scène) de Tosca. Les jeux d’acteurs accompagnent les chants de façon ultra-convaincante, George Gagnidze dans le rôle de Scarpia est plus abominable que jamais (forcément monolithique), Karita Mattila en Tosca et Marcelo Alvarez en Cavaradossi sont capables de faire passer la variété de leurs émotions d’une façon telle que l’on serait presque heureux de n’être "que" devant l’écran, où l’on peut lire en gros plan la moindre de leurs expressions et en savourer toute la force.
Karita Mattila est une Tosca bouleversante, immense d’humanité, tour à tour calme et brûlante. Et surtout, que dire de Marcelo Álvarez en peintre Cavaradossi ? Velours et puissance, humour et profondeur, la séduction de l’Argentin est totale. Tous deux longuement et justement applaudis.

Le coup d’essai de Luc Bondy à New-York est un coup de maître ; ses choix coulent de source, c’est-à-dire du livret. La lippe libidineuse et le rictus effrayant d’un Scarpia s’adonnant à la luxure est dans la droite ligne de ce personnage tortionnaire, jouisseur et manipulateur. Les décors sont superbes, tout en sobriété et verticalité, chapelle réchauffée d’amour, de fleurs et de peinture au premier acte, tour du château Sant’Angelo avant l’aube au dernier : on commence dans la légèreté, on finit dans la noirceur la plus absolue. C’est Tosca, c’est tout Tosca et il semblait ce soir-là que cela ne pourrait être rien d’autre.

Metropolitan live in HD
La saison 2009/2010 du Met en direct
Jusqu’au 1er mai 2010
Dates et salles sur cielecran.com

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How does it feel ? Ugo Rondinone au CENTQUATRE

Le Centquatre à l'automne 2009Vu de loin, il est un peu difficile à appréhender, ce fameux CENTQUATRE. Centre d’artistes davantage que centre d’exposition, lieu de création multidisciplinaire dont les ateliers peuvent être visités à certains moments, et en même temps ouvert au public jusqu’à 21 h, voire jusqu’à 23 h… Finalement, quand se déplacer dans ce coin du XIXème arrondissement, et pour y voir quoi ? Un an après son ouverture, l’installation de l’artiste suisse aux multiples talents, Ugo Rondinone, dont le titre How does it feel plaît déjà beaucoup, provoque enfin l’occasion d’une visite.

Est-ce le calme de la mi-journée d’un beau samedi d’automne qui rend la surprise si agréable ? Le lieu séduit immédiatement, et son côté un peu inclassable n’y est certainement pas pour rien. L’architecture aux dimensions impressionnantes de la fin du XIXème siècle, qui abritait autrefois le service municipal des pompes funèbres a été conservée, avec ses lignes simples et aérées. Le bâtiment est largement ouvert sur le ciel, soit directement soit grâce à ses verrières, mais il est aussi un univers en soi. A peine fini ou en devenir, brute et élégante, l’enfilade d’espaces, ici jardin, là librairie, plus loin snack, donne envie de s’arrêter partout. Mais l’attrait de l’installation d’Ugo Rondinone l’emporte. Elle est presque au fond, on ne peut pas la louper, une petite maison carrée dont les murs blancs quadrillés de noir figurent des briques.

Tandis qu’une télévision déroule un documentaire sur le montage du projet expliqué par l’artiste, les visiteurs isolés font le tour de l’oeuvre et recommencent, car l’entrée est invisible ! Quant enfin on aperçoit la porte dissimulée dans la façade, on passe de l’espace monumental et semi-ouvert du CENTQUATRE à un lieu petit, carré et parfaitement clos. L’intérieur est aussi minimaliste que l’extérieur. Sol en béton, textile gris aux murs, néons au plafond. Une bande-son diffuse une conversation en anglais entre un homme et une femme. Puis le même dialogue est repris, rôles inversés. Banale et courte, la conversation nous rapproche de Beckett et nous renvoie à nous-même. Un seul regret : que l’on ne puisse s’asseoir, car la douceur et le caractère obsédant des bruissements de voix donne envie de s’installer un moment.

La halte se fera donc dans le passage du CENTQUATRE, les bancs des tables de bois au soleil y invitent. De là, un autre spectacle, lui vivant et improvisé, commence : des jeunes du quartier profitent de l’endroit pour s’entraîner à danser, dans leur coin et ensemble, en silence, ou la musique à l’oreillette. Passionnant à voir (il y a quelques surdoués), réjouissant aussi, car ils ont vraiment l’air de se faire plaisir.
Il faudra quand même finir par partir, après un antépénultième arrêt au jardin, urbain, branché, un programme en soi, suivi d’un dernier à la librairie (tout à fait conseillée). Le restaurant, lui, n’est pas encore prêt, mais on peut se restaurer soit au café-terrasse à l’autre bout, soit carrément sur les tables-bancs-parasols de tout à l’heure, en achetant une pizza à la guitoune.
C’est frais, et ça fait du bien.

How does it feel
Ugo Rondinone
Une manifestation du Festival d’Automne
CENTQUATRE
104 rue d’Aubervilliers / 5 rue Curial – Paris XIX°
Du mar. au dim. de 11 h à 21 h et jusqu’à 23 h les ven. et sam.
Jusqu’au 10 janvier 2010
Entrée libre

A découvrir également du même artiste :
Sunrise east dans le jardin des Tuileries
Jusqu’au 15 novembre 2009, de 7 h 30 à 19 h 30, entrée libre

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Un prophète. Jacques Audiard

Un prophete de Jacques AudiardDurant 2 h 35, le réalisateur de Sur mes lèvres et De battre mon cœur s’est arrêté nous plonge dans l’enfer du monde carcéral. On en sortira que lors de brèves permissions, lesquelles ne sont d’ailleurs que le prolongement d’un même univers : celui du trafic et de la violence.
Le cinquième long métrage de Jacques Audiard n’a pourtant rien d’un documentaire. Le cinéaste raconte une véritable histoire, par laquelle il fait naître et déploie des personnages de fiction, comme seuls les grands romans et les grands films savent le faire.
Au départ, on découvre un jeune arabe de dix-neuf ans, Malik, qui passe à l’ombre pour six ans pour avoir agressé un policier à l’arme blanche. Mais dans l’ombre, Malik paraît y avoir été depuis sa naissance. Famille ? Amis ? Ecole ? Nada. Pense-t-il seulement, est-on tenté de se demander face à cette forme inachevée et muette qui entre là sans aide ni bagages, comme il semble avoir traversé sa courte vie.
La prison, avec ses clans et ses lois, lois arbitraires de la force, Etat dans l’Etat sans droit, amènera le jeune homme à subir de nouvelles règles et de nouveaux codes, puis à les accepter pour s’y adapter, et enfin à devenir quelqu’un.
Le film n’est que coups, virilité, injustice et noirceur. La morale n’a rien à voir dans cette affaire-là. Est-ce à dire que les questions humaines n’y ont pas leur place ? Naturellement non. Se déroulent sous nos yeux la formation d’un homme, la lutte pour la survie dans une société qui pour n’être point animale est bien humaine, mais aussi la chute d’un patriarche et le renversement des jeux de domination. En parallèle, grâce à l’amitié que Malik a nouée avec un ancien détenu, le monde extérieur existe, avec une femme, un enfant. Au début de l’histoire, ces valeurs-là ne semblaient pas exister pour le personnage.
Il est donc long le chemin parcouru par Malik pendant ces deux heures et demi. Pour le spectateur, ce temps long passe vite, tant le scénario est solidement construit (pas si évident qu’il n’y paraît, surtout avec ses excursions hors de prison), tant le fils de Michel Audiard maîtrise son entreprise, filme magnifiquement les lieux et les personnages, et tant ceux-ci sont interprétés de façon saisissante.

Un prophète
Un film de Jacques Audiard
Avec Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif
Durée : 2 h 35

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Renoir au XXème siècle. Grand Palais

Exposition Renoir au Grand Palais, Jeune fille à la colleretteTout n’est que douceur, chaleur et tranquillité. Deux jeunes filles sont plongées dans leur lecture, serrées l’une contre l’autre. Tout près de là, on les retrouve au piano, heureuses et concentrées. Une femme est penchée sur son ouvrage, calmement absorbée. Un enfant dessine, sage et appliqué. Scènes d’intérieur, quotidiennes, plongées dans la même ambiance lumineuse et colorée.
Plus loin, ce sont des nus à profusion, représentés dedans ou en extérieur, en scènes de toilettes devenues classiques ou en version mythologique, des déesses que Titien n’aurait pas boudées. A ces nus, la touche fondue du peintre confère une sensualité ouatée.
Car si Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) a dès la fin des années 1870 abandonné le mouvement impressionniste pour explorer la peinture à son idée, sa manière a gardé de l’époque du Bal du Moulin de la Galette le goût de la lumière, de la touche légère et des contours poudrés.

C’est à cette période de Renoir postérieure à 1880, moins connue, que les Galeries nationales du Grand Palais consacrent leur grande exposition d’automne. On y découvre des tableaux magnifiques et apaisants, où se lit l’admiration et l’imprégnation du peintre des Canotiers pour les grands maîtres. On songe tour à tour à Vélasquez, à Ingres, à Rubens, aux peintres de la Renaissance italienne… Il n’y a là rien de déshonorant, au contraire, car Renoir s’est tout approprié en douceur, optant souvent pour le monumental, mais avec simplicité.

Lui même a d’ailleurs été un modèle pour beaucoup, admiré par Bonnard, Denis, Picasso, Cézanne ou encore Matisse. On peut voir ici quelques tableaux de certains de ses amis, placés à côté de ceux dont ils sont inspirés.
Jeunes filles au piano, RenoirC’est le cas de Picasso (lequel s’est largement livré aux exercices d’admiration, comme l’exposition de l’hiver dernier dans ces mêmes Galeries l’a souligné) mais aussi de Bonnard, dont on peut se délecter de l’un de ses superbes paysages du Midi.
Renoir fait en effet partie du fameux club des "Méditerranéens", pour avoir choisi lui aussi la clémence du climat de la Côte d’Azur, s’installant définitivement à Cagnes-sur-Mer en 1908 pour des raisons de santé. Les vignes et autres paysages enchanteurs qu’il y a composés sont bien dans sa veine, celle d’un certain esthétisme (il voulait avant tout que sa peinture soit jolie) et d’une gaîté recherchée.

Grâce à cette exposition, on redécouvre un artiste paradoxalement singulier – on lui a reproché le côté bourgeois de sa peinture tardive – qui, après s’être lancé dans l’aventure avant-gardiste de l’Impressionnisme, a poursuivi avec passion un chemin tout personnel, produisant une œuvre d’une grande beauté, toujours fraîche et très séduisante.

Renoir au XXème siècle
Galeries nationales du Grand Palais
3 avenue du Général Eisenhower – Paris VIII° (entrée Champs-Elysées)
M° : Franklin-Roosevelt ou Champs-Élysées-Clemenceau
Jusqu’au 4 janvier 2010
TLJ sf le mardi, de 9h30 à 22h les vendredi, samedi, dimanche et lundi
De 10h à 22 h le mercredi et de 10h à 20h le jeudi
Pendant les vacances, du 24 octobre au 8 novembre et du 19 décembre au 3 janvier :
TLJ de 9h à 23h, y compris le mardi
Fermeture exceptionnelle à 18h les 24 et 31 décembre. Fermeture le 25 décembre
Entrée 11 € (TR : 8 €)
Le 3 octobre à l’occasion de la Nuit Blanche entrée gratuite de 19h30 à 0h15

Images : Femme à la collerette rouge, vers 1896, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie © Philadelphia Museum of Art, Legs de Charlotte Dorrance Wright, 1978
et Jeunes filles au piano, 1892, musée d’Orsay, Paris © RMN/Hervé Lewandowski

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