Titien, Tintoret, Véronèse, mais aussi Bassano, que l’on connaît moins : c’est à une véritable rencontre au sommet que le musée du Louvre nous convie jusqu’au 4 janvier 2010.
Pourquoi faut-il y aller ? Parce que la peinture vénitienne du XVIème siècle ajoute aux acquis de la Renaissance italienne la chaleur de la lumière et la passion de la couleur, et concentre des artistes dont la rivalité a exacerbé le talent.
Le contexte politique vénitien l’explique en partie : alors qu’ailleurs dans la péninsule une seule famille à la tête d’une principauté (comme les Médicis à Florence ou les Gonzagues à Mantoue) privilégie un artiste "officiel" destinataire de l’essentiel des commandes, Venise au contraire est une république où plus d’une centaine de familles de patriciens se partagent le pouvoir. Chacune choisit ses artistes pour asseoir son prestige, multiplie les commandes et favorise la pluralité. Même les institutions jouent sur l’émulation, en attribuant par concours les commandes pour les édifices religieux et publics.
Titien, le patriarche, et le plus renommé d’entre tous bien au delà de la République (l’empereur Charles Quint et son fils le roi Philippe II d’Espagne sont ses amis) ne "régnait" donc pas seul. Malgré ses efforts pour écarter Tintoret de la scène artistique, celui-ci se fit connaître par sa peinture très affirmée et un style bien différent de celui de son aîné. Véronèse en revanche n’a pas eu de mal à décrocher de grandes commandes dès son arrivée à Venise, notamment pour le palais des Doges, car le grand maître le soutenait…
Cette compétition des plus fécondes est parfaitement lisible à travers le parcours, pour lequel les commissaires Vincent Delieuvin et Jean Habert ont choisi des thématiques fortes de la peinture vénitienne et confronté pour chacune d’entre elles des tableaux des différents artistes. Rivalités à Venise réunit ainsi toutes les qualité qu’on voudrait toujours trouver à une exposition : intelligence et clarté du propos, sûreté et audace dans les choix, rythme du parcours, entre rupture et progression des sujets. Qualité des œuvres enfin, puisqu’à ceux du Louvre répondent des chefs d’œuvre venus d’un peu partout, de Vienne, de Londres, du Prado, du Capodimonte à Naples, de Chicago, de Washington…
Sur les mérites respectifs des artistes, chacun se fera son opinion bien sûr, voire verra confortée celle qu’il a déjà. Le fou de Titien le restera et gardera un peu de son dédain pour les démonstratives contorsions des corps de Tintoret. A celle de la pose, on préfère l’apparence du naturel ; aux postures héroïques, les figures de ce monde ; aux musculatures antiques, la délicatesse des chairs ; à la dramaturgie extrême, l’expression toute humaine des sentiments… Comblés donc, les amoureux de Titien observeront l’évolution de sa peinture au fil du temps, grâce à des sujets proches ou identiques traités à différentes époques (Danaé, Tarquin et Lucrèce…).
La virtuosité de Véronèse apparaît de façon éclatante, comme dans le Christ guérissant une femme souffrant d’épanchements de sang de la National Gallery : par l’emploi de couleurs claires et brillantes, il rend parfaitement distincts une foule de personnages, servis par une composition classique superbe, alors que la finesse des traits et l’expression de la femme agenouillée tournant son visage vers le Christ impriment au tableau une grâce inouïe. Harmonie, lumière, richesse de la palette : c’est tout Véronèse et c’est une splendeur.
Portraits de patriciens et patriciennes, autoportraits, nus féminins (avec notamment une confrontation de Tarquin et Lucrèce de haut vol), scènes religieuses quelque peu "profanées", nocturnes sacrés singuliers (des Saint-Jérôme plus poignants les uns que les autres) … les différentes sections de l’exposition sont tout aussi passionnantes. On s’attarde aussi sur celle consacrée au reflet, qui renvoie notamment à l’un des grands débats esthétiques et théoriques de la Renaissance : le paragone, à savoir la question des mérites respectifs de la peinture et de la sculpture. Dans la suite de Giorgione qui avait peint au tout début du siècle un tableau avec une figure d’homme dont le corps se reflétait à la fois dans une armure polie, un miroir et une fontaine d’eau (aujourd’hui disparu), les artistes vénitiens se sont surpassés dans le domaine du reflet et du miroir en peinture, permettant de représenter tous les aspects d’un personnage sans se déplacer, alors qu’avec une sculpture, le spectateur est obligé de tourner autour… Tintoret a interprété ce thème avec espièglerie (l’humour et la légèreté sont d’autres traits que l’on retrouve chez ces artistes), dans son fameux Suzanne et les vieillards de Vienne. La représentation de cette scène par Jacoppo Bassano, exposée, à juste titre, dans la partie Femmes en péril est beaucoup plus directe et inquiétante. Elle montre au passage l’influence du Titien sur Bassano qui dans son dernier style emprunte au maître sa large touche. Un tableau admirable de simplicité et de clarté dans sa composition, de douceur et de sobriété dans les visages, avec ce goût des chairs blanches éclairées dans une atmosphère sombre chère à Bassano, décidément devenu lui aussi un grand de Venise.
Titien, Tintoret, Véronèse – Rivalités à Venise
Jusqu’au 4 janvier 2010
Musée du Louvre
Hall Napoléon (accès par la pyramide, la galerie du Carrousel ou le passage Richelieu)
TLJ sf le mar., de 9h à 18h, jusqu’à 20h le sam. et jusqu’à 22h les mer. et ven.
Entrée 11 € (14 € si on veut aussi profiter du Musée)
Images : Titien , Vénus au miroir, National Gallery of Art © Board of the Trustees of the National Gallery, Washington
et Tintoret , Suzanne et les vieillards, © Kunsthistorisches Museum, Vienne
Jeudi dernier, la salle Renaud-Barrault du théâtre du Rond-Point était pleine à craquer, où, à l’heure du déjeuner, Michel Onfray donnait une conférence intitulée "Le post anarchisme expliqué à ma grand-mère".
A l’issue de sa conférence
La réalisation est superbe ; elle mérite peut-être à elle seule la Palme d’Or descernée à Michael Haneke au 62ème Festival de Cannes.
Tout en contrastes, l’oeuvre du peintre belge James Ensor (1860-1949), présenté au Musée d’Orsay à travers une exposition de 90 tableaux, dessins et gravures, ne cesse d’intriguer au fur et à mesure de la visite.
Ces squelettes et ces masquent amusent par le grotesque des scènes, oscillant entre pure fantaisie et satire sociale – on pense aux caricatures de Daumier, au Carnaval, à Guignol – non sans un soupçon d’effroi évidemment comme devant le défilé de tristes mondains de L’intrigue. L’artiste ne craint pas l’ambiguïté, au contraire, associant à ses figurations macabres un registre chromatique gai avec des couleurs pures et pétillantes renvoyant à la fête. D’ailleurs, sous les dehors de la farce, sourd une certaine violence : par exemple dans Les poissardes, en dessous du message «Mort ! Elles ont mangé trop de poisson », les deux vieilles poissardes en question rappellent sous une toute autre forme mais avec une force inouïe l’ennui et l’absence de vie des tableaux naturalistes de jeunesse.
Rembrandt, Vermeer : deux noms qui font rêver tant leurs œuvres, fort différents l’un de l’autre, éblouissent encore par leur virtuosité. Tous deux renvoient à cet âge d’or qu’à connu la Hollande au XVIIème siècle, quand, après les sanglantes Guerres de Religion, les sept provinces du Nord, et notamment la Hollande (majoritairement calviniste) font sécession et acquièrent leur autonomie. De leur côté, les Pays-Bas du sud restent sous domination espagnole et deviennent une base avancée du catholicisme.
C’est comment l’opéra au cinéma ? Sans chanteurs, sans orchestre et sans plateau, évidemment ce n’est plus du spectacle vivant… mais sur l’immense écran de la Géode à Paris, et la qualité sonore de la salle, c’est quand même quelque chose !
Vu de loin, il est un peu difficile à appréhender, ce fameux CENTQUATRE. Centre d’artistes davantage que centre d’exposition, lieu de création multidisciplinaire dont les ateliers peuvent être visités à certains moments, et en même temps ouvert au public jusqu’à 21 h, voire jusqu’à 23 h… Finalement, quand se déplacer dans ce coin du XIXème arrondissement, et pour y voir quoi ? Un an après son ouverture, l’installation de l’artiste suisse aux multiples talents, Ugo Rondinone, dont le titre How does it feel plaît déjà beaucoup, provoque enfin l’occasion d’une visite.
Durant 2 h 35, le réalisateur de Sur mes lèvres et De battre mon cœur s’est arrêté nous plonge dans l’enfer du monde carcéral. On en sortira que lors de brèves permissions, lesquelles ne sont d’ailleurs que le prolongement d’un même univers : celui du trafic et de la violence.
Tout n’est que douceur, chaleur et tranquillité. Deux jeunes filles sont plongées dans leur lecture, serrées l’une contre l’autre. Tout près de là, on les retrouve au piano, heureuses et concentrées. Une femme est penchée sur son ouvrage, calmement absorbée. Un enfant dessine, sage et appliqué. Scènes d’intérieur, quotidiennes, plongées dans la même ambiance lumineuse et colorée.
C’est le cas de Picasso (lequel s’est largement livré aux exercices d’admiration, comme l’exposition de l’hiver dernier dans ces mêmes Galeries l’a souligné) mais aussi de Bonnard, dont on peut se délecter de l’un de ses superbes paysages du Midi.