C’est une autobiographie imaginaire qui a été primée par le jury Goncourt en 1982. Dominique Fernandez fait écrire un certain Pier Paolo P, pourtant assassiné à Rome quelques années avant, et c’est bien les conditions de cette mort qui ont suscité ce gros roman, que l’on lit avec un double intérêt, celui qui croise l’histoire de l’Italie et celle d’un homosexuel des années 40 à 70.
Le nom de Pasolini n’est jamais énoncé, et ses œuvres, aussi bien écrites que cinématographiques, sont à peine évoquées, mais l’auteur s’est appuyé sur les éléments les plus publiquement connus du cinéaste pour dresser un autoportrait certes inventé, mais qui présente au final une certaine cohérence.
Car P.P.P. était certainement une personnalité complexe, qui n’a pas toujours été comprise de son vivant, en particulier sur le plan de ses idées politiques : il s’est ainsi opposé à la légalisation de l’avortement dans son pays, tout en soutenant l’extrême gauche. Il a eu aussi très souvent des démêlées avec la justice, parfois pour des affaires de garçons, mais aussi à propos d’histoires étranges, comme celle d’une agression dans une station-service. Le point fixe d’une vie troublée reste la mère : « Quant à ma mère, elle ne fut jamais pour moi que maman. Ce mot qui s’enroule sur lui-même, avec la douce volute de sa consonne labiale répétée du bout des lèvres, me tendait l’image d’un cocon, d’un refuge, d’un nid ».
Sa vie sexuelle supposée est le fil conducteur du roman, et elle est très dépendante des normes sociales de l’Italie catholique. Nous assistons à l’évolution de la pensée d’un homme qui passe d’une société où la norme hétérosexuelle est très prégnante à une société plus permissive mais qu’il a du mal à suivre, comme on le voit à propos des plus jeunes qui revendiquent leur choix sexuel : « Ce qui ne dépend pas plus de ma volonté que la couleur de mes cheveux ou la forme de mon nez deviendrait une cause à défendre ? ».
Dominique Fernandez suppose des pratiques sexuelles définies très tôt chez son personnage : la passion pour des jeunes garçons bruns, des rencontres toujours à l’extérieur, particulièrement dans des terrains vagues : « L’amour restait pour moi quelque chose qu’il fallait faire à part, dans l’ordure de la zone, incognito, en dépouillant ma double condition de fils et d’intellectuel ». De quoi amener le lecteur à l’issue fatale, cet assassinat en fait jamais réellement expliqué pour Pasolini, mais logique pour Pier Paolo P. : « J’avais remis ma vie entre les mains les plus indignes de la recevoir, rétabli entre Pierre et Paul l’équilibre d’une fin ignominieuse, servi de jouet sanglant à l’ardeur homicide d’un imberbe, expié autant mes fautes que celles de l’humanité ».
Andreossi
Dans la main de l’ange, Dominique Fernandez.
Un livre puissant que ce Goncourt 1970, qui pose la question de la relation de l’adulte mâle à l’enfant dans des termes parfois dérangeants, mais aussi très travaillés. Il s’agit bien de l’histoire d’une fascination et de l’accès à des fantasmes lointains. Abel Tiffauges se défend de tout geste à caractère sexuel mais peut-il écarter la question du désir ? « Il n’y a sans doute rien de plus émouvant dans une vie d’homme que la découverte fortuite de la perversion à laquelle il est voué ».
Dans le même temps, l’exposition montre, et l’intérêt est plus grand encore, l‘invention progressive d’un style personnel, une patte, une sensibilité. A remonter les sections, le sentiment se dégage que cette découverte par l’artiste (qui est d’emblée à la fois dessinateur, peintre et sculpteur) de sa propre voie a pour passage crucial sa période dite bleue, faite de douleur et d’intériorité, à la suite du suicide de son ami Casagemas. D’un expressionnisme poignant, il peint le portrait de son ami mort, puis son enterrement ; on est soudain à un jet de pierre de Tolède et de l’Enterrement du Comte d’Orgaz du Greco. C’est dire l’hommage que Picasso entend faire à son compagnon défunt, mais aussi l’audace du jeune peintre. Au cours de ces années, il est comme entièrement tourné vers ceux qui souffrent : prostituées enfermées à Saint-Lazare pour cause de maladies vénériennes, aveugles, mères esseulées avec enfants.
Par un samedi de septembre, alors que les journées du patrimoine battaient leur plein sous un soleil radieux, nous avons délaissé monuments historiques, ouvertures exceptionnelles et files d’attente pour découvrir ce qui nous attendait toute l’année et depuis des années : les serres d’Auteuil.
laisser intriguer, attirer, séduire par telle ou telle espèce, sans jamais se sentir pris dans un programme.
La jeune femme narratrice du prix Goncourt 1962 est un personnage attachant, bien qu’elle apparaisse assez compliquée à son entourage. On sait peu de choses sur elle, mais on sait l’essentiel : une douleur fondamentale, un deuil indépassable, qui lui font refuser les relations avec ceux qui l’approchent. C’est qu’elle est hantée par les fantômes de ses parents et de son ami, qu’elle a perdus en Pologne, durant la guerre.
Le charme incomparable des fleurs de fin d’été, la créativité de fleuristes véritables artistes, le travail autour d’œuvres d’art somptueuses… Trois raisons d’adorer l’exposition présentée chez Artcurial jusqu’au 14 septembre.
Ces ensembles tous plus surprenants les uns que les autres se révèlent au regard en plusieurs temps : c’est tout d’abord la décoration florale qui saute aux yeux, avant que l’œuvre d’art proprement dite ne se dévoile et qu’enfin on admire le formidable équilibre formé par la peinture ou la sculpture et son écrin.
L’auteur du Goncourt 1950 est complètement oublié, et on ne voit pas comment il aurait pu en être autrement. Que son roman ait devancé cette année-là Marguerite Duras et son « Barrage contre le Pacifique » relève d’un des plus grands mystères de l’attribution du Goncourt. Mais Paul Colin a peut-être été assez lucide sur ses talents pour se retirer, sitôt le prix obtenu, sur une propriété viticole et ne publier qu’un seul autre roman une dizaine d’années plus tard.
Drôle de titre pour ce prix Goncourt 1940, décerné en fait en 1946, pour cause de perturbation due à la guerre 39-40 : il s’agit du récit de la vie d’un prisonnier de guerre français sous le régime nazi, soit cinquante six mois de vie en camp décrits avec une précision journalistique.
De l’autre côté de la place, en glissant le long de l’antique grille, on arrive au château, qui nous renvoie au riche passé de Capestang et plus largement du Narbonnais. Edifié à partir du XII°, mais principalement au XIII° siècle, le château était l’une des demeures seigneuriales de l’archevêque de Narbonne, dont la province ecclésiastique, aussi vaste que prospère, s’étendait de la Garonne au Rhône et de la Méditerranée aux contreforts de la Montagne Noire et des Cévennes.
Si l’on y vient aujourd’hui, c’est pour admirer les poutres de la salle d’apparat décorées au XV° siècle sous l’archiépiscopat des Harcourt, Jean puis Louis. Le bestiaire regorge d’oiseaux de l’étang tout proche (dont le village tire son nom), tels coqs, échassiers, cigognes, mais aussi de lévriers et d’animaux fantastiques. Les scènes de société illustrent les danses et l’amour courtois de la noblesse autant que les activités quotidiennes des classes modestes. Les scènes religieuses quant à elles montrent les tourments de l’Enfer promis aux pécheurs et la Rédemption aux justes, mais aussi une Vierge à l’enfant et saint Jean l’Evangéliste, saint patron de l’archevêque Jean d’Harcourt.
Mais quelles qualités ont bien pu trouver les jurés du Goncourt 1931 à ce roman ? Peut-être celles de son éditeur, Arthème Fayard, le grand-père de Jean Fayard qui lui-même, quelques années après prendra la tête des éditions Fayard ? L’histoire de ces pauvres hommes séduits et abandonnés par l’ingrate et inconstante Florence méritait-elle de figurer au palmarès des plus beaux ratages de l’histoire du Prix ? Ce Mal d’amour a gagné contre Saint Exupéry et son Vol de Nuit…