Les grandes vacances, Francis Ambrière

Drôle de titre pour ce prix Goncourt 1940, décerné en fait en 1946, pour cause de perturbation due à la guerre 39-40 : il s’agit du récit de la vie d’un prisonnier de guerre français sous le régime nazi, soit cinquante six mois de vie en camp décrits avec une précision journalistique.

Francis Ambrière témoigne d’abord de la défaite, dans des termes désormais bien connus : incurie du commandement, moyens de combat dérisoires face à une armée allemande surpuissante. Il est fait prisonnier et conduit comme des centaines de milliers d’autres en Allemagne. Il réussit à faire passer à l’extérieur les notes qu’il prend quasiment au jour le jour, de façon à composer ce livre, après sa libération, en chapitres thématiques comme « plèbe et bourgeoisie des camps », « les travaux et les jours », ou encore « les hommes du refus ».

On apprend en effet beaucoup sur cette catégorie particulière de prisonniers qu’étaient les réfractaires au travail. L’essentiel était, pour le régime nazi, de faire participer le maximum de prisonniers (mais aussi de volontaires) à l’effort économique allemand. Or Ambrière et ses amis ne cessent d’en référer à la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre, convention signée aussi par l’Allemagne, pour bénéficier, en tant que sous officiers, de la possibilité de refuser le travail. Les pressions exercées par les responsables des camps sont telles que le nombre de réfractaires fond comme neige au soleil, le plus grand nombre choisissant de rejoindre la condition ordinaire des autres soldats, le travail en usine ou dans les champs.

Finalement un camp spécial est établi pour eux en Pologne, a priori sous régime sévère, mais la complicité entre gardiens et prisonniers dans les divers trafics et marché noir fait de ce camp « une véritable ville, dont tous les habitants eurent leurs occupations, leurs mœurs, leurs loisirs et même leurs clans et leurs querelles ».

L’ambiance du récit est de son temps : patriote, virile et misogyne. Ainsi à propos des relations nouées entre des prisonniers français et des Allemandes : « il faut bien dire pourtant que la sentimentalité complaisante et niaise des Allemandes, autant que leur sensualité parfois bestiale, offrait aux Français des proies qu’ils n’avaient nul mal à forcer ».

Malgré ces propos d’époque, le livre est, dans le genre récit de témoignage, instructif et bien écrit. On n’oubliera pas l’arrivée des troupes américaines distribuant des vivres, comme ouverture éloquente aux décennies qui allaient suivre en Europe : « Ce mépris de la nourriture et cette surabondance dégoûtaient un peu après tant de privations que nous avions souffertes, et l’absurdité d’un tel gaspillage criait contre les hommes. Tout n’était-il fait que pour aboutir à cette espèce de caravane publicitaire, qui semait au long de la route les échantillons de ses produits, comme une réclame géante de la jeune Amérique parmi les peuples affamés de la vieille Europe ? ».

Andreossi

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