Les amateurs de belle peinture ne passeront pas à côté de la première exposition monographique jamais consacrée à Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842), à voir au Grand Palais à Paris jusqu’au 11 janvier 2016.
Particulièrement habile dans cet « art du portrait à la Française », elle sait à la fois respecter une certaine ressemblance tout en amendant « la nature » de ce qu’il faut pour que modèle soit flatteusement représenté. Courtisane, petite bourgeoise ayant accédé aux plus hautes strates de la société grâce à son art, ses connaissances et celles de son époux Le Brun, marchand d’art, ses ambitions n’en sont pas pour autant artistiques. Elle aime surprendre (elle enfreint les conventions en représentant la Reine en robe de « de gaulle », c’est-à-dire en simple robe d’intérieur de coton blanc). Elle aspire aussi à dépasser les limites du portrait pour accéder à la peinture d’histoire, noble entre toutes, qui n’était guère accessible aux femmes peintres. Pourtant, c’est avec une belle allégorie (La paix ramenant l’abondance, Louvre) qu’elle est admise, en 1783, à l’Académie royale de peinture et de sculpture.
En 1787, alors que la popularité de la Reine est en berne, elle est chargée de réaliser un grand tableau la montrant entourée de ses enfants. Il faut dire que l’année précédente elle avait livré un très émouvant autoportrait avec sa fille, dans une composition rappelant les vierges à l’enfant de Raphaël – un des nombreux tableaux où, dans la veine rousseauiste de l’époque, Élisabeth Vigée Le Brun a parfaitement su saisir la fraîcheur de l’enfance et la tendresse du lien maternel. Mais l’impressionnant tableau La Reine et ses enfants ne convainc pas à l’époque : pas assez d’amour maternel sur le visage d’une reine encore entachée par l’affaire du collier. En 1789, Vigée Le Brun, artiste de cour, se trouve en mauvaise posture. Début octobre, elle fuit Paris pour rejoindre l’Italie. Pour quelques mois pense-t-elle. Mais les événements sont ceux qu’ils sont et, d’Italie, elle se rend à Vienne, puis de Vienne à Saint-Pétersbourg… son exil durera plus de douze ans. Partout cependant, elle parvient à se faire une clientèle dans les cercles choisis et à vivre de son art jusqu’à son retour en France. Sous l’Empire, elle continuera à peindre les portraits de l’aristocratie européenne et, au soir de sa vie, couchera sur le papier d’épais Souvenirs.