Canaletto – Guardi, les deux maîtres de Venise

Canaletto, vue de la place Saint MarcCe n’est pas dans les musées français que l’on trouve beaucoup de vedute, ces vues de Venise peintes au XVIIIème siècle qui connurent immédiatement un grand succès, jamais déjugé depuis.

Les Anglais notamment en furent fous, et la collection de la Reine Elizabeth II en est riche. Exceptionnellement, elle a prêté au musée Jacquemart-André quelques uns de ces joyaux. Le reste des œuvres vient d’un peu partout : la National Gallery de Londres, le Musée Thyssen-Bornemisza de Madrid, le Louvre, la Frick Collection de New York, la Galleria Nazionale de Parme, le Szépmúvészeti Múseum de Budapest…

C’est dire si l’exposition visible au musée Jacquemart-André jusqu’au 21 janvier prochain est précieuse. Elle vient en outre compléter à merveille celle, tout aussi belle, organisée au même moment au musée Maillol et consacrée exclusivement au Canaletto. La présentation de plus de vingt-cinq tableaux de différentes époques de la carrière de Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697-1768), rapprochés d’une vingtaine de Francesco Guardi (1712-1793), ainsi que d’autres vedutisti permet d’apprécier la variété de styles dans le traitement d’un même genre.

A la touche texturée, un peu floutée (et ô combien charmante) de ses débuts Canaletto préfère ensuite un pinceau beaucoup plus net. Mais toujours il manifeste une précision incroyable et un sens de la perspective et de la composition impeccables, tout en privilégiant une palette claire, magnifiant l’architecture vénitienne sous d’immenses cieux aussi changeants que ses verts canaux.

Canaletto-Guardi, Musée Jacquemart-AndréSi Guardi a étudié Canaletto, de quinze ans son aîné, comme le montre l’exposition – il en a réinterprété certains dessins -, il a toutefois adopté son style propre, avec des tons plus sombres, plus chauds, souvent tirant vers le brun. Sa touche est plus rapide, comme davantage dans l’esquisse tout en étant très aboutie. Son traitement de l’architecture est différent aussi : déjà, ce n’est plus la Venise éternelle (et si belle !) du Canaletto, Guardi révélant davantage l’âge et la fragilité de la ville.

Tout en enrichissant l’approche du genre, les autres vedustisti renforcent la suprématie des deux plus célèbres, dont on ne se lasse pas de contempler les œuvres, si évocatrices : ici le souvenir d’une balade ou d’une visite pleine d’émotion, là l’ombre de Proust qui nous renvoie inlassablement au pavé vénitien et, partout, la beauté riche et ancienne, menacée mais toujours vaillante de la Sérénissime qui exerce encore et encore, même par toile interposée, son irrésistible charme.

Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann 75008 Paris
TLJ de 10h à 18h y compris le 25 décembre
Tous les lun. et sam. nocturnes jsq 21h, sauf les 24 et 31 déc. (fermeture à 18h)
Nocturnes supplémentaires les 27 et 28 déc. et les 2, 3, 4, 11 et 18 janv.
Entrée 11 € (tarif réduit : 9,5 €)
Jusqu’au 21 janvier 2013

Images :
Canaletto (Antonio Canal, dit), La place Saint Marc vers l’Est, huile sur toile, 140,5 x 204,5 cm, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid – © Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid
Francesco Guardi, Le Canale di Cannaregio, avec le Palazzo Surian-Bellotto, l’ambassade de France, 49,5 x 77,5 cm, huile sur toile, The Frick Collection, New York – © The Frick Collection

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Canaletto à Venise, c'est au Musée Maillol

exposition canaletto au musee maillol

Inauguration en beauté de la série d’expositions de la rentrée, avec la présentation au Musée Maillol d’une cinquantaine de peintures du plus célèbre des vedutisti vénitiens du XVIII°, Antonio Canal (1697-1768), dit Canaletto, dont un grand nombre sont présentées en France pour la première fois.
Déjà prisées de son vivant et depuis toujours recherchées, ses vues de Venise ont participé à l’image enchanteresse de la Sérénissime, et lorsque l’on a enfin comme ici le loisir d’en admirer plusieurs dizaines à la fois, l’on comprend pourquoi.

Ce qui séduit au premier regard, c’est l’extraordinaire lumière qui inonde ses tableaux. Canaletto est en cela le digne héritier de ses prédécesseurs de la Renaissance vénitienne, tels Titien puis Véronèse, grands maîtres de la lumière.
Qui a la chance d’être allé à Venise retrouvera sur les tableaux du Canaletto les mouvantes clartés de son ciel et les insaisissables nuances de son Grand Canal, que le peintre a pourtant su si bien rendre, jouant sur toutes les teintes de l’onde, du vert céladon au gris ardoise…

Frappe tout autant l’équilibre des compositions, auquel la rigueur architecturale n’est certainement pas étrangère. Le carnet de dessins de Canaletto, qui le temps de l’exposition a exceptionnellement quitté la Galerie de l’Académie où il est jalousement gardé, montre d’ailleurs l’importance du travail sur l’architecture et la perspective dans la préparation des tableaux. L’un des charmes du soin accordé à l’architecture qui en somme fait jeu égal avec le ciel et l’eau est de souligner déjà d’une certaine manière la fragilité de Venise, dont les vastes mais délicats palais semblent érigés et tenir par une sorte de grâce.

Canaletto, le grand escalierPuis, quand on passe un peu plus de temps face aux peintures, ébloui par la douceur des couleurs, à la fois chaleureuses et délavées, mille détails échappés au premier coup d’œil apparaissent ; ici, un couple qui s’embrasse, là des gondoliers à l’œuvre, plus loin des gens qui échangent quelques mots. Souvent, le peintre emploie dans le registre des détails des couleurs tout autres, comme le noir, mais surtout le rouge vif, qui vient se poser sur le bonnet d’un marinier, la culotte d’un promeneur ou la jupe d’une dame.

Mais cette splendide exposition réserve d’autres surprises. Outre le fameux carnet de dessins, le Musée présente la chambre optique avec laquelle Canaletto travaillait. L’on y découvre aussi un aspect moins connu de l’oeuvre du vidutista : les gravures, qui montrent des endroits moins célèbres de la lagune et soulignent le mouvement des personnages. C’est peut-être en observant ses gravures et leurs lignes sinueuses que l’on perçoit mieux l’aspect vivant des tableaux de Canaletto.
A signaler enfin, une curiosité baptisée "Caprice", où Canaletto a peint une Venise imaginaire : une "vue" du pont du Rialto, mais d’après le projet de Palladio. Un aspect surnaturel inattendu, et que la lumière jaune dans laquelle baigne le tableau renforce.

Canaletto à Venise, c’est au Musée Maillol
Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle – Paris 7°
M° rue du Bac, bus 63, 68, 69, 83, 84
TLJ de 10h30 à 19 h, le ven. jsq 21 h 30
Entrée 11 € (TR 9 €)
Jusqu’au 10 février 2012

Images :
Antonio Canal dit Canaletto, L’entrée du Grand Canal vue de la Piazzetta, 1730, huile sur toile, Grande-Bretagne, Knutsford, The Egerton of Tatton Park © NTPL/John Berthell
Antonio Canal dit Canaletto, L’escalier des Géants du Palazzo Ducale, 1755-1756, huile sur toile, Grande-Bretagne, Alnwick, Collection of the Duke of Northumberland ©Collection of the Duke of Northumberland

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