Capitaine Achab. Philippe Ramos

Capitaine Achab, Philippe RamosCe très beau film tient à la fois du roman et de l’exposition de tableaux.
D’une oeuvre romanesque, il a la puissance d’imagination, de la peinture il restitue le travail de composition, le jeu des lumières et la finesse des couleurs.
C’est l’enfance du héros de Moby Dick que le cinéaste a choisi d’inventer. Le roman de Melville ne sert que de point d’ancrage, autour duquel Philippe Ramos vient situer sa propre histoire.

Au rythme de cinq chapitres, d’une façon littéraire et délicate, cinq voix aux tonalités différentes évoquent Achab. Trois – son père, sa tante Rose puis le prêtre Mulligan – tracent le parcours et le portrait du petit Achab : caractère trempé, regard sombre et profond, visage obstiné, intériorité riche et volontaire. Deux autres racontent l’après Moby Dick, lorsque Achab, alors "le plus féroce et le plus sanguinaire" des capitaines de baleiniers, est devenu un mythe après avoir rencontré la grande baleine blanche.

Tout se tient dans cette superbe fresque : la figure du père, dur au coeur blessé, l’indépendance et le goût de la liberté de l’enfant "sauvage", le passion pour l’océan où l’on s’enfonce comme dans la forêt, la fidélité à ses amours et à ses rêves.

Philippe Ramos déroule lentement mais sûrement son oeuvre singulière et soignée, que l’on sent très assumée dans ses choix. Ses comédiens, essentiellement venus du théâtre (mais pas seulement, car l’on voit au passage un Philippe Katerine tout aussi parfait que ses partenaires), sont tous d’une présence et d’une justesse incroyables.
Les voix off confèrent à l’inspiration romanesque la force du conte et soulignent chez le cinéaste un art de l’ellipse parfaitement maîtrisé ; le décor, parfois très bucolique, enchante et rafraîchit…
L’on n’ira pas voir Capitaine Achab pour l’action, pour un face-à-face avec Moby Dick ; mais pour se laisser porter par son souffle, admirer ses scènes picturales, et s’émerveiller de la poésie qui l’habite de bout en bout.

Capitaine Achab de Philippe Ramos
Avec Denis Lavant, Jacques Bonnaffé, Bernard Blancan, Jean-François Stévenin, Virgil Leclaire, Philippe Katerine, Dominique Blanc, Carlo Brandt…
Durée 1 h 40
Distribution Sophie Dulac Distribution

Prix de la mise en scène et Prix Fipresci (presse internationale) au Festival de Locarno 2007

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