A Collioure sur le chemin du fauvisme

En mai 1905, suivant le conseil de Paul Signac, Henri Matisse (1869-1954) arrive à Collioure (Pyrénées-Orientales). En juillet de la même année, André Derain (1880-1954) quitte Chatou (Yvelines) et l’atelier de Vlaminck pour le rejoindre. Ce que les deux amis découvrent alors les bouleversent : une grande plage constellée de barques colorées, des maisons peintes des mêmes couleurs, des filets de pêche étalés que ravaudent des femmes vêtues de noir. Le tout sous une lumière toujours changeante, extraordinaire. Alors que Derain est un jeune peintre, Matisse a déjà la trentaine, une épouse et trois enfants. En 1905, après dix ans d’études à Paris dans l’atelier de Gustave Moreau notamment,  Henri Matisse cherche sa voie. Il a besoin de ressources pour faire vivre sa famille et il est un peu découragé. Cet été 1905 sera décisif.

A Collioure où, en compagnie de Derain, il travaille dans deux ateliers, son pinceau se libère. Tous deux prennent leurs distances avec la représentation de la réalité, ses couleurs, ses perspectives. Ce qu’ils recherchent : l’expression directe de l’émotion sur la toile. La rendre perceptible, accessible au spectateur quel qu’il soit. Ainsi vont naître des tableaux où le contraste des couleurs créé perspective et composition et où la transcription de la lumière pose des jaunes, des oranges, des roses, rouges, des bleus et des verts « inventés » par les peintres.

A la fin de l’été 1905, Henri Matisse et André Derain rentrent à Paris. Les toiles de Collioure, avec des œuvres de Manguin, Vlaminck et d’autres encore sont présentées au Salon d’Automne. On connaît la suite de l’histoire : avec leurs couleurs étonnantes, leurs aplats approximatifs, leur aspect parfois inachevé, les tableaux réunis dans cette salle font scandale. Le journaliste Louis Vauxcelles parle de fauves. Le Fauvisme est né.

Le chemin du Fauvisme à Collioure, à suivre seul ou sous la conduite d’un guide, est une balade dans la ville ponctuée de reproduction de tableaux peints par Derain et Matisse au cours de ce fameux été, dont les originaux sont dispersés dans différents musées en France et à l’étranger ou dans des collections privées.

Depuis 1905, la plage a bien changé, désormais coupée en deux. Les barques catalanes colorées à voile latine ne sont plus, ni les ravaudeuses vêtues de noir et les pêcheurs. Néanmoins, l’activité continue d’une autre manière ; on déguste toujours l’anchois et la sardine ; l’église et son drôle de clocher, le château royal n’ont pas pris une ride. Au bord de la belle eau bleue scintillante à la lumière du matin, des vieilles pierres et des façades colorées, des vignes en terrasse et des bougainvilliers en fleurs, des oliviers et des pins, on se prend à imaginer ce qu’André Derain et Henri Matisse ont dû découvrir il y a plus d’un siècle : un enchantement de couleurs, d’odeurs et de lumière qu’on a irrésistiblement envie de transcrire, restituer et partager.

Le chemin du Fauvisme à Collioure : départ de la Maison du Fauvisme – Rue de la Prud’homie  – Galerie du Tenyidor – 66190 COLLIOURE – Tél. 04 68 82 15 47 – contact@collioure.com

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Survage. Les années Collioure 1925-1932

Les années Collioure, Survage

Dans cette petite ville dont le nom évoque si bien couleurs et lumière, entrez, au pied du moulin à vent qui sait encore extraire son huile d’olive, au Musée d’Art Moderne : tout l’été une exposition vous introduit dans l’imaginaire de Léopold Survage, peintre d’origine russe mais installé à Paris dès 1908, inventeur les années suivantes des « Rythmes colorés », et qui visita Collioure régulièrement de 1925 à 1932.

Comme Matisse, Derain et bien d’autres (vous aurez vu des œuvres de certains de ces « autres » en buvant un pot au fameux bar des Templiers aux murs couverts de tableaux), Survage découvre alors la Méditerranée et l’éclat de son soleil, son cadre si propice à l’exposé des mythes antiques.

Les quelques soixante œuvres, en majorité toiles peintes mais aussi dessins, peuvent être relativement diverses par les formes, mais singulièrement homogènes par les thématiques. Les personnages sont des figures qui traversent le temps : dans un fond qui paraît plus ou moins cubiste, les visages des « Pêcheuses » semblent issus de la Renaissance. Les « Porteuses » passent sans cesse dans la ville, allégorie de l’éternel féminin.

Cette permanence des images féminines est interrogée par la présence obsédante de la feuille et de l’oiseau. L’oiseau vole de ses propres ailes, la feuille attend le vent qui l’entraîne. La porteuse et son panier sur la tête, la pêcheuse et son poisson dans la main, semblent incapables de vraiment s’arrêter dans leur course dans la ville et dans le temps. Pourtant, dans le magnifique « Femme à la fenêtre » de 1931, le visage est alors immobile et médite devant la feuille prête à s’envoler, poussée par le vent venu de la mer qu’on aperçoit à l’horizon.

Hommes et taureaux sont associés dans leur tentative de maîtriser les forces. Eléments perturbateurs, qui inquiètent les femmes, ils apparaissent rarement dans cet univers de porteuses et de pêcheuses qui se suffit à lui-même.

Les dessins de Survage mettent en relief ses recherches formelles sur le trait (perceptibles aussi dans sa peinture) : le trait, aussi continu que possible sans lever la main relie les éléments afin qu’ils forment un monde bien cohérent.

Au bord de la Méditerranée, à Collioure, on peut s’arrêter sur la beauté d’une œuvre qui fera aussi rêver.

Survage. Les années Collioure 1925-1932
Musée d’Art Moderne de Collioure
Villa Pams, Route de Port Vendres – 66190 Collioure
Tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h
Entrée 5 € (TR 3 €)
Jusqu’au 30 septembre 2012

Image : Leopold Survage – La femme a la fenêtre, 1931

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