La vie est belle, avec Ben

La vie est belle, Frank Capra

Maglm m’invite à produire un billet de mon choix. Sur le cinéma, ai-je cru comprendre malgré tout. Alors, audace de timide, je choisis pour mon baptême d’écrire sur un « classique ». Osons ! Moteur !

George Bailey n’y croit plus. George Bailey veut mourir. George Bailey s’apprête à se jeter dans le fleuve. Clarence, un ange de seconde classe (comprendre, sans ailes encore) est dépêché sur Terre pour ramener George Bailey à de meilleures intentions. Son stratagème est le plus compliqué et le plus beau qui soit : montrer à George le monde tel qu’il aurait été s’il n’avait pas existé. George. Un gars simple, plein de rêves, plein d’amour, idéaliste dans un monde en crise (voir la saisissante séquence du Jeudi noir ). Un gars combatif mais peu à peu usé par le poids des responsabilités. Un gars riche d’une famille soudée et d’amis nombreux, mais rongé par la frustration. Un gars à la fois banal (mais pas médiocre) et exceptionnel (mais pas sans défauts). Un monsieur-tout-le-monde en somme. Son monde est le nôtre et le film nous suggère de ne pas oublier de l’apprécier. Véritable déclaration de foi envers les hommes, il nous montre aussi que l’accomplissement personnel et le bonheur peuvent prendre des voies détournées.

Bercé d’angélisme. Naïf. Tout cela a été dit du film. Une fois vos larmes séchées (j’exclus d’emblée la possibilité de ne pas avoir les yeux embués), vous culpabiliserez de votre « sensiblerie ». Mais vous aurez tort. Laissez-vous emporter par un lyrisme que plus personne aujourd’hui n’oserait assumer. Naïf ? Ce serait négliger la noirceur du film. Certes, le réalisateur sait ce que « happy end » signifie. Et alors ? Pour forcené qu’il soit, son optimisme n’est pas sans faille. Il laisse entrevoir un possible univers de désolation. Après tout, sans George ou sans l’apparition providentielle de son ange gardien, le cauchemar serait la réalité. Naïf donc ? Non, définitivement non. Alors quoi ? Émouvant ? Inquiétant ? Le film vous en apprendra sur votre humeur. Confrontez-vous à lui.

J’ajoute. Quand un film passe à ce point les époques, quand chacune de ses visions s’enrichit des précédentes et prépare les suivantes, quand la forme et le fond sont au diapason (ah, son noir et blanc !), quand la réflexion qu’il suscite dispute à l’émotion qu’il procure, quand il contient en lui les ressources pour accompagner les difficultés d’une vie, il vaut d’être connu. Un chef d’œuvre se distingue par sa capacité à éclairer et à se laisser approprier par le plus grand nombre. C’est ma définition. C’est aussi mon jugement sur le film. Je le dis après tant d’autres, parfois très illustres.

Le film ? Il date de 1946. C’est « La vie est belle » de Frank Capra. Il donne ses lettres de noblesse à la comédie dramatique et rappelle que les contes ne sont pas que pour les enfants. George Bailey ? C’est James Stewart. Avec ce seul film, il montre l’étendue de son talent. Discret mais immense.

La vie est belle (It’s a Wonderful Life)
De Frank Capra
Sorti le 10 décembre 1947
Avec James Stewart, Donna Reed, Henry Travers
Durée 2 h 09

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