El Greco au Grand-Palais

Quelle merveilleuse exposition à aller voir au Grand-Palais avant qu’elle ne ferme ses portes le 10 février ! Il s’agit de la première grande rétrospective consacrée au Greco (1541-1614) à Paris… Cela paraît incroyable, mais la patience de ses admirateurs est largement récompensée. Aussi simple qu’efficace, le parcours, monté sur de grands murs blancs, présente quelques soixante-dix peintures augmentées de dessins et tableaux d’élèves – ceux-ci anecdotiques. Organisés en un ordre globalement chronologique, qui préserve la réunion, logique, de « séries », les tableaux sélectionnés Guillaume Kientz et Charlotte Chastel-Rousseau sont tous de haut vol.

Et on s’envole vers des sommets de spiritualité. A l’exception des « Fables », et de quelques portraits, l’ensemble illustre le Nouveau Testament (Greco est contemporain du Concile de Trente et de ses suites) : des Vierge, des Marie-Madeleine, Saint-Pierre et Saint-Paul, l’Adoration des Mages, l’Adoration des Bergers, Jésus chassant les marchands du Temple, Saint-François recevant les stigmates (le saint le plus représenté par le Greco), Saint-Martin et bien sûr le Christ.

Cardinal Fernando Niño de Guevara, 1600-1601, Metropolitan museum of art, New York

Né en Crête, commençant sa carrière à Venise dans le sillage de Véronèse, Titien, Tintoret, Basano (difficile alors d’y faire sa place), il poursuit sa route par la Rome de Michel-Ange (compliqué aussi) pour finalement gagner Tolède, alors plus importante cité de Castille. Là, il reçoit des commandes, installe son atelier, peint notamment son fameux Enterrement pour le comte d’Orgaz pour la chapelle Santo Tomé et surtout, commande royale, Le songe de Philippe II.

Succès modeste de son vivant, oubli complet après sa mort. Il faudra attendre la fin du XIX° et les révolutions picturales d’alors pour le redécouvrir. Picasso, Bacon, les Expressionnistes allemands l’adorèrent. On comprend pourquoi. Ses couleurs, empreintes de l’école vénitienne, elles ont un acidulé d’une modernité saisissante. Si certaines de ses compositions sont fracassantes (la Sainte-Famille notamment), ce qui frappe le plus est l’expression de ses personnages. A-t-on vu Vierge plus consentante, emplie, que la Vierge de l’Annonciation peinte à ses débuts ? A-t-on vu des Christ plus poignants, sans cet excès de dolorisme parfois reproché aux Maniéristes ? Et que dire des saints, en particulier Saint-François qui ferait s’agenouiller un morceau de bois ?

Ces tableaux sont tous magnifiques, viennent le plus souvent des Etats-Unis, de Tolède ou d’ailleurs. Encore quelques jours pour en profiter à Paris tant qu’ils y sont réunis.

El Greco

Grand-Palais

Jusqu’au 10 février 2020

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Du Greco à Dalí. Musée Jacquemart-André

El Greco, miniature Tête du ChristL’exposition est courte (une soixantaine d’œuvres), voit large (cf. son titre), mais ne déçoit pas si l’on est prévenu de sa véritable substance.
Issus de la collection de l’homme d’affaires mexicain Juan Antonio Pérez Simón, ces tableaux ne sont pas de ceux que l’ont peut habituellement admirer dans les musées. Tel est l’intérêt de la visite, auquel s’ajoute celui d’offrir une idée de la production espagnole sur une période de pas moins de quatre siècles. Et si manquent deux très grands du XVII°, Vélasquez et Zurbarán, dans l’ensemble, du Siècle d’Or au XX° siècle, on fait ici un fort joli paseo ibérique.

Mêlant approches thématique et chronologique, le parcours débute par les fêtes espagnoles, avec deux tableaux de la Plaza Major, construite au début du XVII°, haut-lieu de festivités royales de Madrid devenue capitale sous le règne des Habsbourg en 1561. L’on découvre avec ravissement dans cette salle l’artiste catalan Anglada-Camarasa (1872-1959) avec une Feria de Valence (1907) éclatante de couleurs, où se lisent les inspirations parisiennes et viennoises, symbolisme, veine décorative de Klimt et Art nouveau. Y est également exposé un très beau Dalí bourré de références (dont celle au fameux Enterrement du Comte d’Orgaz du Greco à Tolède), qui était un projet de décor pour un ballet.

La peinture religieuse fut un des temps forts du Siècle d’or : après le Concile de Trente les autorités voulaient affirmer avec force images la vigueur de la religion catholique, couvrant les églises de peintures du Christ, de la Vierge et des Saints afin d’inculquer aux fidèles souvent illettrés les idées et les pratiques nées de la Contre-Réforme. Murillo (1617-1682), le plus doux, et Ribera (1591-1652), le plus poignant en produisirent un grand nombre. On admire ici une Immaculée Conception du premier et un frappant Saint Jérôme du deuxième. Le cher Greco est également présent grâce à une miniature de dix centimètres de haut Tête de Christ aux yeux plein de larmes sur un visage livide, d’une très belle humanité.

Goya, collection Perez SimonDans la salle consacrée à l’art du portrait, un grand portrait féminin de Goya se laisse longuement contempler. L’artiste semble avoir joué sur le contraste entre la monumentalité du buste drapé d’étoffes et de fourrure de l’Infante et un visage très naturel dont les yeux sont d’une extraordinaire expressivité.
Plus loin, les esquisses et les peintures de Sorolla répandent leur incomparable lumière, avec des scènes de loisirs sur la plage et de pêche au cadrage presque photographique (sur ce peintre, voir le billet du 6 mars 2007, rendant compte d’une exposition magnifique présentée au Petit Palais).
Ajoutez à cela deux natures mortes cubistes de haute tenue de Juan Gris et de Picasso, des nus de ce dernier, quelques Miró et même un Tàpies, et vous reconnaîtrez que les choix sot plutôt convaincants.

« Du Greco à Dalí : les grands maîtres espagnols. La collection Pérez Simón »
Musée Jacquemart-André
158, boulevard Haussmann – 75008 Paris
Téléphone : 01 45 62 11 59
M° Saint-Augustin, Miromesnil ou Saint-Philippe du Roule
Jusqu’au 1er août 2010
Ouvert 365 jours par an, de 10 h à 18 h, lundi jusqu’à 21 h 30
Entrée 11 euros (TR 8,5 euros)

Images : Domenikos Theotokopoulos, dit Le Greco (1541-1614), Tête du Christ, Vers 1600, huile sur papier collé sur panneau de bois, 10,2 x 8,6 Collection Pérez Simón, Mexico © Fundación JAPS © Studio Sébert photographes
et Francisco de Goya y Lucientes (1746-1828), Doña Maria Teresa de Vallabriga y Rozas, 1783, huile sur panneau de bois, 66,7 x 50,5, Collection Pérez Simón, Mexico © Fundación JAPS © Studio Sébert photographes

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