La Renaissance et le Rêve au Musée du Luxembourg

La Renaissance et le Rêve au musée du LuxembourgA travers cette passionnante exposition à voir jusqu’au 26 janvier prochain, le Musée du Luxembourg à Paris se propose de répondre à la question : comment les artistes de la Renaissance ont-ils représenté le rêve ?

En près de 80 œuvres dûment éclairées, essentiellement des peintures et des gravures, y compris un splendide émail peint, le parcours permet de se faire une belle idée du sujet.

Tout commence par le sommeil, comme d’évidence, car l’on ne parle pas ici de rêve éveillé mais bien de songe nocturne : c’est Michel-Ange, avec une sculpture pour le tombeau des Médicis dans la basilique San Lorenzo à Florence qui en a dessiné le canon, sur lequel les peintres du XVI° siècle se sont alignés. Le sommeil est figuré par une femme nue au corps plantureux, lovée sur elle-même, aux yeux clos et à l’expression énigmatique. Les interprétations de Ghirlandaio et de Battista Dossi sont d’une extraordinaire richesse avec animaux, masques, autant de symboles à tenter de décrypter mais dont l’ambiguïté voire l’érotisme du message ne peut passer inaperçu.

A une époque où la religion est extrêmement présente malgré la redécouverte des philosophes de l’Antiquité, beaucoup d’œuvres représentent ce que l’on appelle les « rêves vrais », autrement dit des visions révélées par le divin, souvent en prenant leur source dans l’Ancien Testament. Ainsi l’on découvre plusieurs versions de l’échelle de Jacob, métaphore de l’élévation de l’âme vers Dieu, ou encore du rêve de Pharaon qui voit sept vaches maigres dévorer sept vaches grasses, annonçant la famine qui suivra la prospérité, mais également la vision de Sainte-Hélène, dont la superbe, claire et mélancolique signée Véronèse, venue de la National Gallery de Londres.

Véronèse, le rêve de Sainte-HélèneDans un registre toujours religieux mais plus politique, impossible de passer à côté du Rêve de Philippe II du Greco, prêté par le Monastère royal de l’Escorial à Madrid et montré pour la première fois en France. Les couleurs d’une modernité incroyable, presque acidulées, l’habile et audacieuse composition et la puissance iconographique jusque dans les détails feraient presque tomber à genoux, à l’exemple de son commanditaire figuré au premier plan.

Pour finir, à défaut de pouvoir citer toutes les œuvres dignes d’intérêt, voici une série de peintures qui remportent un grand succès : les visions cauchemardesques de Jérôme Bosch. Venu d’Ottawa, La Tentation de Saint-Antoine, truffé de monstres aussi mystérieux que repoussants place le Saint au centre du tableau comme abandonné dans un monde gagné par les pires vices et condamné aux ténèbres. Quant à l’ensemble de quatre panneaux Visions de l’Au-delà du même Bosch, on y lit une volonté toute « pédagogique » : d’un côté l’Enfer peuplé d’effrayantes créatures, où une terrible chute mène sans ménagement, d’un autre un Paradis fait de douceur et de lumière et entre les deux l’ascension vers le divin, symbolisé par une blanche lumière.

C’est bien la Renaissance, certes, mais elle reste marquée par les temps tragiques du Moyen-Age et ses obscurantismes et annonce des affrontements religieux non moins violents. De tout cela, le travail de Bosch et de ses suiveurs témoigne et, on dirait, avec une certaine délectation. Délectation visiblement encore pleinement partagée par les visiteurs quelques cinq siècles plus tard…

La Renaissance et le Rêve
Bosch, Véronèse, Le Greco…
Musée du Luxembourg
Paris 6ème
TLJ de 10 h à 19 h 30, les lun. et ven. jsq 22 h
Jusqu’au 26 janvier 2014

Images :
Paris Bordone, Vénus endormie et Cupidon, Venise, collection G. Franchetti © 2013. Cameraphoto/Scala, Florence – Photo Scala, Florence – courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali
Véronèse, La Vision (le rêve) de sainte Hélène, vers 1570-1575, huile sur toile, Londres, The National Gallery © The National Gallery, Londres, Dist. RMN-Grand Palais / National Gallery Photographic Department

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