Prix Fémina 1910. Marie-Claire de Marguerite Audoux

Marguerite Audoux pouvait-elle publier sous son nom, celui de son père victime de l’imagination d’un employé de mairie ? Donquichote avait été donné comme patronyme à cet « enfant trouvé » mais Marguerite a choisi le nom de sa mère, pour signer son premier roman qui lui a valu le prix Fémina en 1910. L’anecdote nous situe dans l’univers très modeste de l’auteure, dont la carrière littéraire est tout à fait exceptionnelle, non pas par le nombre de ses écrits publiés, mais par sa trajectoire même, d’orpheline sortie d’un internat religieux pour devenir bergère, puis couturière, enfin écrivaine à succès.

Les hasards des rencontres avec des gens de lettres ont tiré de ses tiroirs le manuscrit de ses souvenirs écrits pour elle-même. Octave Mirbeau est subjugué : « Lisez Marie-Claire… Et quand vous l’aurez lue, sans vouloir blesser personne, vous vous demanderez quel est parmi nos écrivains –et je parle des plus glorieux- celui qui eût pu écrire un tel livre, avec cette mesure impeccable, cette pureté et cette grandeur rayonnantes ». C’est en effet le style qui séduit, très loin de l’emphase de bien des romans de l’époque. Une grande simplicité au service d’une évocation suggestive, un don d’observation des êtres qui l’amène à des formules très heureuses.

Ainsi la supérieure du couvent dans lequel elle passe son enfance : « Elle avait un sourire qui ressemblait à une insulte ». Ainsi la mère de l’homme qu’elle aime : « Elle disait des mots dont le sens m’échappait. Je trouvais seulement que ses paroles avaient une odeur insupportable ». Malgré les épreuves vécues dans son enfance puis comme jeune fille, elle n’apparaît pas comme essentiellement victime, insistant sur la complexité des personnes qui l’ont entourée, et sur la diversité des rapports entretenus avec elle. Les religieuses sont aimantes, distantes ou autoritaires, les patrons de la ferme ne sont pas des exploiteurs sans scrupules.

Certes la vie de Marie-Claire connaît de cruelles déceptions, mais elle est contée de telle manière que l’espoir vers des jours meilleurs paraît proche. « Les cris des moissonneurs semblaient parfois venir d’en haut, et je ne pouvais m’empêcher de lever la tête pour voir passer les chars de blé dans les airs ». Une autobiographie qui ne se soucie pas de mettre en valeur la narratrice, qui décrit avec délicatesse les situations provoquées par une vie modeste.

Nous pouvons poursuivre le devenir de Marie-Claire par la lecture de « L’atelier de Marie-Claire », paru dix ans après et couplé au prix Fémina dans certaines éditions : la vie d’un atelier de couture au début du XXe siècle y est très attachante et nous retrouvons avec beaucoup de plaisir la justesse du regard de Marguerite Audoux.

Andreossi

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Moi, Auguste, empereur de Rome. Grand Palais

Auguste, Camée Blacas, vers 14-20 ap. J.-C. Sardonyx, H. 12,8  l. 9,3 cm, Londres, The British Museum © The British Museum, Londres, Dist. RMN - Grand Palais / The Trustees of the British Museum
Auguste, Camée Blacas, vers 14-20 ap. J.-C. Sardonyx, H. 12,8 l. 9,3 cm, Londres, The British Museum
© The British Museum, Londres, Dist. RMN – Grand Palais / The Trustees of the British Museum

A l’occasion du bimillénaire de la mort d’Auguste, et en association avec le Musée du Louvre, les musées du Capitole et l’Azienda Speciale Palaexpo – Scuderie del Quirinale où elle était présentée cet hiver, les Galeries nationales du Grand Palais organisent une passionnante exposition sur le célèbre empereur romain.

Né en -63, il s’éteint en 14 de notre ère, après plus de quarante ans de règne. Laissant le pouvoir à Tibère, il est divinisé : la dernière statue du parcours, un nu héroïque monumental, témoigne du culte officiel dont il est alors l’objet et dont son épouse Livie est la prêtresse (belle statue de cette dernière également dans cette même salle).

C’est qu’Auguste a fortement marqué de son empreinte la Rome Antique. Jules César – son grand-oncle et père adoptif, qui lui lègue le pouvoir à sa mort – a laissé la capitale de l’Empire en proie à des querelles intestines. Pour venger son assassinat, Auguste, qui est encore Octave, constitue le deuxième triumvirat avec Lépide et Antoine, dix-sept ans après le premier formé par César, Pompée et Crassus. Les premiers pas du parcours rappellent ce contexte et ces moments politiques, autour d’une fresque historique et des portraits sculptés des différents protagonistes.

Pendant dix ans, Octave, Lépide et Antoine se partagent le pouvoir, jusqu’à la célèbre bataille d’Actium en -31 (racontée sur un magnifique ensemble de bas-reliefs), qui voit la défaite navale d’Antoine face à Octave grâce à l’aide de son ami Agrippa, suivie du suicide d’Antoine et de son épouse Cléopâtre.

En -27, Octave est sacré Augustus, c’est-à-dire vénérable, majestueux. Diplomate, il façonne l’Empire romain en le pacifiant, laissant la bride plus ou moins longue selon le contexte des provinces romanisées. Il s’applique à populariser son image, à travers sculptures et pièces de monnaies à son effigie. Autre vecteur de communication efficace : les copies du bouclier d’or (à voir dans l’exposition) décerné par le Sénat lorsqu’il est reconnu Augustus, et sur lequel sont inscrites les qualités du Princeps : vaillance, clémence, sens de la justice, sens du devoir envers les dieux et la patrie.

Relief avec personnification d'une province soumise, début du Ier s., marbre blanc, Naples, Musée archéologique national
Relief avec personnification d’une province soumise, début du Ier s., marbre blanc, Naples, Musée archéologique national

En parallèle, Auguste rénove la ville (ne se vantait-il pas, au sujet de Rome de l’avoir « trouvé de brique et laissé de marbre » ?), fait construire cirque et forum, tout en affichant un train de vie modeste, choisissant un habitat simple sur le mont Palatin. Il autorise le rétablissement du culte des Lares (divinités protectrices des foyers, d’origine étrusque), sans s’oublier pour autant : ainsi, sont réunies des statuettes en bronze de Lares et d’Auguste afin de rappeler que, comme le pater familias protège les siens, l’Empereur protège les citoyens.

Sous son principat, marqué par la paix et traditionnellement désigné comme « Age d’or » par les historiens, c’est également tout un art qui se déploie, dans l’aristocratie romaine mais aussi chez les affranchis et dans les provinces. Sous influence égyptienne et plus encore grecque, l’art romain sous Auguste voit, outre la reproduction (ou la récupération) de statues du siècle de Périclès, la ré-interprétation de cet art et la multiplication des savoir-faire. Les objets présentés, en métal repoussé, en verre, les splendides camées en sont autant de preuves éclatantes. Les motifs de rinceaux végétaux, typiques de l’Ara Pacis se multiplient, en frise sur les édifices publics mais aussi sur les objets d’arts décoratifs, comme on peut voir par exemple sur un beau cratère de marbre blanc qui devait orner quelque jardin aristocratique.

Venues du Louvre, de Naples, de Londres, ou encore de Rome bien sûr, les quelques 300 pièces exposées sont de haut vol et même souvent exceptionnelles. Elles sont mises en valeur au fil d’un parcours clair et didactique qui n’exclut ni les reconstitutions vidéo en trois dimensions ni les bonnes vieilles cartes. Le public est ainsi pris en main de bout en bout pour revisiter agréablement ce moment fort de l’histoire de l’Antiquité romaine que fut l’Empire d’Auguste il y a plus de deux mille ans.

 

Moi, Auguste, empereur de Rome

Galeries nationales du Grand Palais

Entrée Clemenceau, avenue Georges-Clemenceau, Paris 8e

Tous les jours de 10 heures à 20 heures, le mercredi jusqu’à 22 heures

Entrée de 9 € à 13 €, gratuit pour les moins de 16 ans

Jusqu’au 19 juillet 2014

 

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