Philomena. Stephen Frears

philomena

Voici une histoire poignante s’il en est : celle d’une mère de soixante-dix ans qui se lance à la recherche de son fils qui lui a été arraché quelques cinquante ans plus tôt.

Nous sommes dans l’Irlande des années 1950, et on ne plaisante pas avec les mœurs. Quand la toute jeune Philomena se retrouve enceinte, son père la répudie et l’envoie accoucher dans un couvent. Là, comme ses congénères pécheresses, elle a le droit de voir son petit une heure par jour, de travailler dur, et… de souffrir pour expier sa faute. Mais des souffrances, elle s’apprête à en connaître d’autres : dès ses trois ans, son fils, adopté par de riches Américains – vendu par les bonnes sœurs – s’envole de l’autre côté de l’Amérique. Elle ne le reverra pas.

La vie a passé. Philomena a eu une autre famille. Elle est grand-mère. Mais de ce fils naturel dont elle n’a jamais parlé elle se souvient toujours, avec une sourde mélancolie. C’est alors qu’intervient un journaliste qui, pour réaliser un reportage « à sensations » (humaines) qui se vendra à coup sûr et fort cher, l’emmène sur les routes des Etats-Unis à la recherche de ce fils âgé désormais d’une cinquantaine d’années.

De ses jeunes années d’austérité aussi bien matérielle que morale, Philomena a gardé une grande modestie et une foi catholique inébranlable. Elle a mené une vie simple, divertie par des romans à l’eau de rose. Martin Sixsmith est sociologiquement son opposé. Cultivé, urbain branché, il sort des services de communication des cabinets ministériels et de la BBC dont il était le correspondant à Moscou. Il a beau être en recherche de travail, il ne perd pas la belle assurance propre à ceux qui « ont » et qui « savent ». Quand elle a peur de déranger et s’émerveille, lui s’agace d’un rien et méprise.
Au-delà de l’intrigue très prenante – tirée d’une histoire vraie – l’intérêt du film tient à la relation entre ces deux personnages. Au fur et à mesure du film, leur drôle de lien va évoluer, car ils vont tous deux faire leur chemin sous l’effet de la découverte de l’autre, mais aussi de de la réalité qu’ils sont venus chercher.

Ils sont formidablement interprétés par Steve Coogan et Judi Dench, qu’on était davantage habitué à voir en patronne des services secrets dans James Bond. Stephen Frears montre la force de ses sentiments avec une juste distance, entre l’émotion propre à la cruauté de son histoire, et la douce réserve qui caractérise Philomena. Loin d’être le tire-larmes auquel on peut s’attendre, son film fait au contraire réfléchir, notamment en montrant les différentes manières de réagir de ses personnages face au mensonge et à l’injustice les moins acceptables.

Philomena
Un film de Stephen Frears »
Avec Judi Dench, Steve Coogan, Sophie Kennedy Clark
Durée 1 h 38
Sorti en salles le 8 janvier 2014

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Tamara Drewe. Stephen Frears

Tamara Drewe Stephen FrearsCe fut LA comédie de l’été. Anglaise jusqu’au bout de l’humour. Verte campagne du Dorset bien peignée, parfaitement britannique. Jolie résidence d’écrivains, avec l’hôtesse-fermière en tablier à fleurs sur sa robe à carreaux coordonnée (ou l’inverse), qui confectionne avec soin de gros gâteaux dans sa cuisine aux reflets cuivrés. Un universitaire frustré en mal de reconnaissance les engloutit avec bonheur pour se consoler de ne point arriver à écrire. Le mari de l’impeccable fermière enchaîne lui les best-sellers, récolte le succès un brin blasé, et se venge de tout cela en courant le jupon avec non moins de succès. Deux adolescentes du cru s’ennuient à périr, passent le temps en épiant la vie du village, mais comme c’est bien peu, vont chercher le frisson en effleurant les pages des magazines people où, là au moins, s’étalent de beaux gosses.

Tel est le cadre bien planté dans lequel déboule la belle Tamara Drewe (Gemma Arterton), une fille du pays à l’époque peu gracieuse mais dont le nez raccourci et les jambes allongées sous son mini short ont fait d’elle une fille devenue irrésistible. Tous succombent, magazine people compris, et voilà la zizanie répandue aux quatre coins du domaine, pour le plus grand bonheur (enfin presque) de nos deux ados : adieu l’ennui !

Le spectateur est à la fête tout du long. Le scénario sans répit se déroule comme par magie malgré ses imperfections. Les dialogues se boivent comme du petit lait. Le trait satirique ne manque ni d’esprit ni de souffle. Et l’amour vrai fini par trouver sa place, quand le gougnafier prend les coups qu’il mérite : c’est que dans ce pays-là, les vaches savent rendre justice !

Tamara Drewe
Un film britannique de Stephen Frears
Avec Gemma Arterton, Roger Allam, Bill Camp
Durée 1 h 49
Sorti le 14 juillet 2010

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