Somewhere… la Mancha. Théâtre des Bouffes du Nord

Somewhere... la mancha, théâtre des Bouffes du NordTrès sympathique soirée au théâtre des Bouffes du Nord où, après le succès de En attendant le Songe la saison dernière, Irina Brook revient avec sa troupe pour nous proposer cette fois une version totalement libre et déjantée du Don Quichotte.

La fille de Peter Brook a transposé le grand roman de Cervantès aux Etats-Unis, transformant l’épopée espagnole en un road movie, où une valise à roulettes fait office de monture de Don Quichotte et un caddie chargé à ras bords de mulet de son écuyer.
Au fil de cette fameuse route 66, vont se succéder des rencontres typiques du mythe américain. Voici une danseuse de flamenco qui ondule sous un air de country, un gang de motards, des mexicains hystériques, des divas de la disco en auto-stop,… notre chevalier à la triste figure et son fidèle Sancho Panza prendront plus de coups qu’ils n’en donneront.

Le spectacle regorge d’humour décalé, de musique, de danse et de chants, menés tambour battant par une troupe endiablée. Mais il est aussi une mine de références, musicales bien sûr mais aussi cinématographiques et littéraires. Le personnage de Sancho Panza en comédien raté et réaliste mais à qui le noble chevalier a su redonner espoir, est particulièrement convaincant, plein d’énergie et attachant.
Mais on regrette un peu que le héros de Cervantès, au début bien posé dans son rêve de combat contre les géants du capitalisme, s’efface trop vite du premier plan, et avec lui son idéalisme si émouvant.

Somewhere… la Mancha, d’après Don Quichotte de Cervantès
Mise en scène : Irina Brook
Assistée de : Marie-Paule Ramo
Avec : Lorie Baghdasarian, Jerry Di Giacomo, Gérald Papasian, Christian Pélissier, Augustin Ruhabura, Bartlomiej Soroczynski
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, boulevard de la Chapelle – 75010 Paris
Réservations au théâtre, sur le site Internet et par téléphone au 01 46 07 34 50
Jusqu’au 9 mai 2009
A 21 heures, les samedis à 15 h 30, relâche les dimanche et lundi
Durée : 2 heures
Places de 12 € à 26 €

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L'Ordinaire à la Comédie Française

L'Ordinaire de Michel Vinaver à la Comédie FrançaiseLa pièce entre au répertoire de la Comédie Française cette saison.
L’entrée est double pour son auteur, Michel Vinaver (né en 1927), qui en assure également la mise en scène, avec la collaboration de Gilone Brun.

Michel Vinaver a fait le choix de l’épure, où seuls les vêtements et quelques accessoires tiennent lieu de décor. La scène, avancée vers l’orchestre, amène les acteurs au plus près du public. Le dispositif n’est pas artifice mais au contraire cohérent avec l’option de l’auteur-metteur en scène : porter le texte au spectateur. Non pas le lancer, comme on le voit trop souvent. On est davantage dans l’offrande que dans la projection.
Dans ces circonstances, tout paraît reposer sur les épaules des comédiens. Ils sont tous très bons, voire même excellents – en particulier Léonie Simaga dans le rôle de Sue, Elsa Lepoivre dans celui de Pat, Sylvia Bergé dans celui de Bess ou encore Jean-Baptiste Malatre qui interprète Bob.
Mais ce serait faire fi de la direction d’acteurs, précise, réfléchie, pleine de sens. La troupe semble se l’être appropriée corps et âme.
L’on sent un plaisir, une conviction, et ceux-ci sont totalement partagés avec le public.

Le texte (dont la lecture seule vaut déjà le coup) prend sa source dans une histoire réelle qui a marqué les esprits : celle d’un avion tombé dans la neige de la cordillère des Andes et dont les rescapés ont dû, pour survivre, se résoudre au cannibalisme.
Michel Vinaver a transposé l’histoire dans le monde de l’entreprise – dont il est familier en sa qualité d’ancien PDG de la société Gillette. Le groupe de survivants compte le président de l’entreprise Housies, spécialisée dans l’implantation de logements préfabriqués, sa secrétaire, son épouse, ses vices-présidents, la fille de l’un d’eux et la maîtresse d’un autre. Autrement dit, à la fois la classe décidante et un cercle aux contours plus fluctuant qui gravite autour.
La pièce est passionnante en ce qu’elle montre ce que devient cette structure ultra établie et rigide une fois transposée en conditions extrêmes. Où l’on voit que l’obsession de ceux qui ont le pouvoir n’est autre que de le conserver tandis que la priorité de ceux qui ne l’ont pas (ou plutôt de celles qui ne l’ont pas, puisque bien sûr il s’agit des femmes) est de vivre, voire de vivre mieux, en trouvant apaisement ou épanouissement. La situation d’isolement, de danger, de manque et d’incertitude dans laquelle les protagonistes se trouvent est traitée sans détours ni pathos. L’Ordinaire a près de trente ans, mais, hormis le contexte politique – on était sous l’ère Reagan – le texte paraît bien peu daté.

L’audace de Michel Vinaver d’avoir monté la pièce avec tant de sobriété et de confiance dans la troupe est admirable. On se demande comment ça tient.
C’est que, pendant 2 h 30, sur ce proscénium pentu et dénudé, les comédiens, par la seule force de la langue, créent le froid, la faim, la soif, la neige, la carlingue de l’avion et la chaîne rocheuse. Un brin d’éclairage, une couverture et une tranche de viande font le reste. Il y a de la magie dans ce théâtre là, qui prend le texte à bras-le-corps sans craindre de jouer grand et franc, mais sans cri, presque tranquillement.

L’Ordinaire
Pièce en sept morceaux de Michel Vinaver
Mise en scène de Michel Vinaver et Gilone Brun
Avec Sylvia Bergé, Bess – Jean-Baptiste Malartre, Bob – Elsa Lepoivre, Pat –
Christian Gonon, Jack – Nicolas Lormeau, Joe – Léonie Simaga, Sue – Grégory Gadebois, Jim – Pierre Louis-Calixte, Dick – Gilles David, Ed – Priscilla Bescond, Nan – Gilles Janeyrand, Bill
Comédie Française
Salle Richelieu – Place Colette 75001 Paris
Jusqu’au 19 mai 2009
En matinée à 14 h et en soirée à 20 h 30
Places de 5 € à 37 €
Renseignements et location : TLJ de 11 h à 18 h aux guichets du théâtre, par téléphone au 0825 10 16 80 (0,15 € la minute) et sur le site internet

La pièce est publiée chez Actes Sud (Babel, janvier 2009, 255 p., 7,50 €)

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Ponyo sur la falaise. Hayao Miyazaki

Ponyo sur la falaise, MiyazakiUn petit poisson rouge du genre féminin vivait en eau profonde avec ses sœurs et sa mère, enfermées dans un royaume sur lequel régnait un savant un peu fou. Ennemi des hommes, il préparait le retour du monde marin sur la terre et surveillait de près ses nombreuses créatures.
Juste de l’autre côté du rivage, tout en haut de la falaise, vivaient le petit Sosuke et sa jeune maman, toute énergique et très aimante de ses prochains. Quant au papa, on ne le voyait jamais que sur son bateau, d’où il envoyait des mots tendres, en morse, à Lisa son épouse et à leur fils.

Mais le destin de nos deux petits êtres changea le jour où, aventurée hors de sa prison dorée, le petit poisson rouge rencontra Sosuke sur la plage. Ils s’aimèrent immédiatement et n’envisagèrent plus de se quitter. C’était oublier le vieux luné des fonds marins qui n’escomptait pas laisser son poisson hors de l’eau où, rebaptisée Ponyo, elle deviendrait une petite fille…

Bienvenue dans un monde où le quotidien côtoie le merveilleux, le prosaïque le magique et la modernité de notre temps l’imaginaire le plus débridé. Au fil d’une narration qui captive petits et grands de bout en bout, Miyazaki nous plonge dans un très bel univers, débordant de couleurs et accueillant.
Il dessine des personnages singuliers, totalement incarnés, auxquels il attache le spectateur sans que son histoire ne frôle la mièvrerie.
Il suffit d’aimer les grands contes pour abandonner sa raison et se laisser embarquer, deux heures durant, dans ce voyage japonais où l’amour et l’authenticité rendent la grâce possible. A coup sûr qu’à tout âge, on en reviendra enchanté.

Ponyo sur la falaise De Hayao Miyazaki
Avec les voix de Tomoko Yamaguchi, Hiroki Doi, Kazushige Nagashima…
Durée : 1 h 41 min
Film pour enfants à partir de 6 ans

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Filippo et Filippino Lippi. La Renaissance à Prato

Exposition Lippi au Luxembourg, NativitéLe pan de l’histoire de l’art que le musée du Luxembourg nous révèle aujourd’hui a pour cadre la ville de Prato, longtemps occultée par le rayonnement de sa voisine Florence.
Pourtant, Prato connut son heure de gloire, du milieu du XIVème au XVème siècle, époque où le commerce de tissus et de la soie vint enrichir la cité. Pour manifester ce faste, on fit élever un duomo et passa des commandes pour décorer églises et couvents.

C’est dans ce contexte que le florentin Filippo Lippi (1406–1469) fit son entrée à Prato, sollicité par la ville pour orner la cathédrale.
Les commandes se multiplièrent et l’atelier de ce frère carmélite compta de nombreux disciples.
Certes, ce foisonnement artistique ne dura guère – dès le début du XVIème siècle, Prato fut écrasée par sa grande rivale Florence sous la férule des Médicis – mais il donna naissance à des œuvres magnifiques. L’exposition du Luxembourg en témoigne.

Y sont réunis une soixantaine de tableaux et sculptures, issus en grande partie du musée de Prato (en cours de rénovation) et montrés en France pour la première fois.
Si ces œuvres permettent de se rendre compte de l’intense activité artistique de Prato à cette époque, elles révèlent également l’importance des échanges avec les artistes florentins. La présence d’Uccello, de Fra Angelico – maître de Filippo Lippi -, de Botticelli – dont Lippi père fut le maître avant que Lippi fils en deviennent l’élève – montre les influence entre ces deux cités, il est vrai séparées d’une quinzaine de kilomètres seulement.

Exposition au musée du Luxembourg, Lippi, Vierge à la ceintureDe ce parcours toscan à la présentation très élégante, on retient avant tout le travail de Filippo Lippi. Son évolution est ici bien visible. Déjà très beau mais encore hiératique dans les années 1430, il devient ensuite de plus en plus vivant, de plus en plus soigné dans les détails comme dans la composition.
Les trois grands tableaux religieux que Lippi a exécutés avec son élève et ami Fra Diamante, présentés côte à côte sont à cet égard des merveilles : La Présentation au Temple, avec ses éléments d’architecture très Renaissance ainsi que La nativité avec saint Georges et saint Vincent Ferrer, où l’artiste a multiplié les groupes de personnages à différents plans : anges, musiciens, enfants, et enfin les saints tout devant, réunis autour d’une scène très familière, pleine de tendresse et d’humanité. Les deux peintures entourent le clou de l’exposition : la Vierge à la Ceinture.
Cette splendide composition, comme les autres éclatante de couleurs, fourmillant de détails, de riches étoffes, mais aussi pleine de délicatesse dans les traits, de transparence dans les chairs, est une évocation de l’histoire de la ville. Selon la légende en effet, la ceinture de la Vierge lui appartient depuis qu’un marchand de Prato l’a ramenée de Terre Sainte au XIIème siècle.
Mais la Vierge à la ceinture rappelle également la vie de Filippo Lippi. Celui-ci a peint ce tableau pour le couvent Sainte-Marguerite en donnant à la sainte les traits de sa belle, Lucrezia Buti, une nonne échappée du couvent. De cette scandaleuse aventure, en 1457, naquit Filippino Lippi, peintre comme son père, et dont les œuvres présentes ici soulignent l’influence de son maître Botticelli.

Filipo et Filippino Lippi. La Renaissance à Prato
Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard – Paris 6ème
Jusqu’au 2 août 2009
Ouvert TLJ
Lundi et vendredi de 10 h 30 à 22 h
Mardi, mercredi, jeudi et samedi de 10 h 30 à 19 h
Dimanche et jours fériés de 9 h 30 à 19 h
Entrée 11 € (TR 9 € et 6 €)

Images : Filippo Lippi, Fra Diamante, Nativité (ou Adoration de l’Enfant) avec saint Georges et saint Vincent Ferrer, c. 1456, Détrempe sur panneau, 158 x 168 cm, Museo Civico, Prato © Archivio Museo Civico di Prato
et Filippo Lippi, Fra Diamante, Vierge à la Ceinture entre saint Thomas et la commanditaire Bartolomea de ‘Bovacchiesi et les saints Grégoire, Augustin, Tobie, Marguerite et l’archange Raphaël c. 1456-1465 Détrempe sur panneau, 199 x 191 cm, Museo Civico, Prato © Archivio Museo Civico di Prato

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Villa Amalia. Benoît Jacquot

Villa Amalia, Benoît JacquotAdapté du très beau roman de Pascal Quignard, Villa Amalia est l’histoire d’une jeune femme qui, après avoir aperçu derrière les grilles et les feuillages d’un jardin l’homme de sa vie embrasser une autre femme, décide "d’éteindre sa vie".
Mourir ? Non, tout au contraire, il s’agit plutôt d’une renaissance. Un effacement, une disparition, pour partir et faire autre chose. Ou, plus simplement, pour "être".
Dans une scène de la première partie du film, celle où Ann organise minutieusement, presque scientifiquement son "extinction", elle demande à son compagnon de quitter le domicile conjugal sur le champ. Celui-ci lui dit que ce n’est pas possible, qu’il ne peut pas partir comme ça du jour au lendemain. Ann lui répond : "Si, tu dois t’en aller ; l’appartement est à moi. Et d’ailleurs, ma vie aussi m’appartient".
Il y a chez Ann le désir impérieux, irrésistible de se dessaisir de tout ce qu’elle a construit, de le raser, pour ne poursuivre qu’avec elle-même. Juste avec son corps, pourrait-on dire. De ses vêtements, elle se dépouille progressivement au fil du voyage qui la mènera vers la Villa Amalia, une petite bâtisse perchée sur une île du sud de l’Italie. Ses cheveux, elle les écourte sans hésitation. Quant à l’intérieur de sa tête, nul ne sait ce qui s’y passe. L’une des réussites de Benoît Jacquot est d’ailleurs d’avoir respecté l’absence de psychologie du roman de Quignard. Comme l’auteur de Tous les matins du monde, il se contente de suivre et montrer son personnage au plus près.
Isabelle Huppert semble ici au delà de toutes les déclinaisons du jeu d’acteur. Elle interprète ce rôle avec une telle simplicité, un tel naturel, qu’elle est Ann, cette femme qui longtemps fut pianiste reconnue, parisienne chic et femme d’un autre, pour devenir étrangère dans un coin perdu et sauvage, un corps qui nage jusqu’à l’épuisement sur une mer nouvelle, une âme qui s’attache à une jeune italienne rencontrée là.
Dans le rôle de l’ami de passage qui l’aide matériellement à passer, justement, dans cet autre monde, celui où elle n’est plus connue de personne, et d’elle ignoré, Jean-Hugues Anglade est magnifique de sensibilité, de discrétion et de sincérité.
Tout en sobriété, en profondeur et en finesse, comme l’est cette Villa Amalia qui, à l’écran comme sur la page, à travers l’histoire d’Ann, semble être celle d’un rêve ancien et enfoui, et peut-être l’un des mieux partagés.

Villa Amalia
Un film de Benoît Jacquot
Avec Isabelle Huppert, Jean-Hugues Anglade, Xavier Beauvois
Durée 1 h 31

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Voir l'Italie et mourir, au musée d'Orsay

Voir l'Italie et mourir au musée d'Orsay, la place saint marc au clair de luneLa mode a été lancée dès la fin du XVIème siècle par les Anglais fortunés, elle eut rapidement un grand succès auprès des Européens et ne cessa de se développer au cours des siècles suivants.

Il s’agissait, pour les membres de la bonne société, de parfaire leur éducation en accomplissant le Grand Tour, lequel passait inévitablement par l’Italie, où l’on allait, comme on le fait encore aujourd’hui, se cultiver et se pâmer devant les ruines antiques et les œuvres de la Renaissance.
La vogue connut un souffle nouveau au XIXème siècle, à la suite des fouilles des sites de Pompéi et Herculanum, mais aussi avec l’invention de la photographie.

A travers une large sélection de peintures, dessins, sculptures et surtout photos, l’exposition du musée d’Orsay éclaire un pan – celui du XIXème siècle – de l’histoire de cette inlassable attrait des Européens pour l’Italie. Le parcours est conçu comme un petit voyage en soi – déambulation entre diverses salles aux volumes différents et peu séparées les unes des autres. L’espace central est surplombé d’un faux plafond reproduisant en maxi-format des fresques italiennes. De petites statues typiques des personnages de la tradition – musiciens en particulier – œuvres de Carpeaux notamment, placés au milieu des salles viennent figurer le centre d’imaginaires petites places, alors que les murs prennent de douces teintes vertes et taupes.
Le charme est complet, d’autant que sur les murs s’étale une succession de splendeurs architecturales. Du Duomo Santa Maria di Fiore à la Basilique Saint-Marc, de Santa Maria de la Salute à la basilique Saint-Pierre, du Grand Canal au Colisée en passant par la cathédrale de Prato, sont ici réunies des vues de voyages dont campaniles, coupoles et arcs antiques ont été les étapes.

Voir l'Italie et mourir, Musée d'Orsay, CorotPour autant, l’exposition réserve bien des surprises. L’une de ses révélations est la singulière beauté de certains tirages sur papier albuminé, procédé qui offre un rendu de la lumière du sud tel que l’on croit la "sentir", mais aussi des contrastes d’une remarquable précision. L’architecture et les perspectives en sont encore magnifiées. L’on y découvre aussi des photos et des peintures d’une grande poésie, comme ces vues de Venise au clair de lune, tout à fait extraordinaires.
Beaucoup moins romantiques, mais très inattendus, sont les clichés des moulages effectués dans les empreintes des cadavres retrouvés avec la découverte des sites de Pompéi et Herculanum. Face à ces corps immobilisés en plein mouvement, on saisit toute l’horreur de ces hommes et ces femmes pris vifs dans la lave du Vésuve, autre motif de fascination pour les Européens voyageurs du XIXème siècle qui eux, découvraient alors cette tragédie de l’histoire.

Voir l’Italie et mourir. Photographie et peinture dans l’Italie du XIXème siècle
Jusqu’au 19 juillet 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Friedrich Nerly, Venise, la place Saint Marc au clair de lune, vers 1842, huile sur toile, 58,5 x 46,5 cm, Hanovre, Niedersächsisches Landesmuseum (inv. PNM 971) © Niedersächsisches Landesmuseum, Hannover
et Camille Corot, La Vasque de l’Académie de France à Rome, 1826-1827, huile sur toile, 25 x 38 cm, Beauvais, musée départemental de l’Oise © RMN / Hervé Lewandowski

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L'Italie des architectes : du relevé à l'invention. Musée d'Orsay

L'Italie des architectes au Musée d'OrsayPour compléter l’exposition Voir l’Italie et mourir, un accrochage de quelques soixante-dix dessins met en évidence l’importance de l’architecture italienne dans la formation des architectes français.

Depuis 1663, aux lauréats du Grand Prix de Rome, revenait le privilège de passer plusieurs années à l’Académie de France à Rome. Mais avec le développement des moyens de communication et de l’intérêt pour l’archéologie, les architectes furent au XIXème siècle de plus en plus nombreux à accomplir leur "Grand Tour" pour découvrir de visu les bâtiments qu’ils avaient étudié dans les livres.

Les deux salles réunissent ainsi des dessins des plus grands architectes français de l’époque, Charles Garnier, Eugène Viollet-le-Duc ou Hector Lefuel, mais également de très belles aquarelles – traduisant l’influence de la peinture chez les architectes français, souvent venus en Italie, il est vrai, accompagnés d’amis peintres.

Une belle place est faite à Louis Boitte qui, outre l’Italie, eu également la possibilité de visiter la Grèce. Le futur architecte du château de Fontainebleau passa cinq ans à la Villa Médicis et a laissé un fonds de quelques huit cents documents de toutes natures, études, relevés archéologiques, croquis, photographies, dont on voit ici d’instructifs échantillons, y compris des dessins de sa participation au concours ouvert en 1883 par l’Etat italien pour le monument dédié à la mémoire de Victor-Emmanuel II.

L’Italie des architectes : du relevé à l’invention
Dessins d’architecture de la collection du musée d’Orsay
Jusqu’au 19 juillet 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Image : Eugène Viollet-le-Duc (Paris 1814 – Lausanne 1879), Fragment d’architecture pompéienne pour " Histoire d’un dessinateur ", crayon et aquarelle, H. 0.17 x L. 0.108m, musée d’Orsay, Paris, (c) musée d’Orsay / Patrice Schmidt

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Italiennes modèles : Hébert et les paysans du Latium

Italiennes modèles au musée d'OrsayCette présentation d’œuvres du peintre Ernest Hébert (1817-1908) est l’une des manifestations dédiées à l’Italie à voir en ce moment au musée d’Orsay autour de l’exposition Voir l’Italie et mourir.
Elle nous mène dans les pas du voyage entrepris en 1853 par Hébert en compagnie de deux de ses amis peintres paysagistes, Édouard Imer et Eugène Castelnau. Partis de Marseille avec Naples en ligne de mire, c’est dans les monts Simbruini qu’ils s’attardent. Les croquis et peinture qu’ils en tirent soulignent la fascination que les autochtones ont dû exercer sur les jeunes Français.
Certes, les nombreuses études de villageois en costume traditionnel traduisent l’emballement des peintres pour un certain pittoresque. Mais le charme opère toujours face aux grands et magnifiques tableaux montrant ces jeunes et belles paysannes, sereines près de leurs sources et de leurs rochers. Elles font effectivement de parfaits modèles : ovale du visage, dessin de la bouche charnue, chevelure brune et épaisse surplombant un corps aux courbes charnelles et harmonieuses. Si ces portraits ne sont pas sans évoquer un regard empreint des canons de l’Antique, Hébert a pourtant saisi des femmes pleines de vie, dont les grands yeux noirs immobiles et les traits impassibles semblent voiler bien des pensées, un certain orgueil, un insondable mystère, et peut-être même une grande mélancolie.

Italiennes modèles : Hébert et les paysans du Latium
Musée d’Orsay
Jusqu’au 19 juillet 2009
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Image : Hébert Ernest Antoine Auguste (1817-1908), Les Filles d’Alvito, 1855, 220 x 152 cm, huile sur toile, Paris, musée national Ernest Hébert © RMN – Franck Raux

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D'autres vies que la mienne. Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère, D'autres vies que la mienne, PolCe récit autobiographique a au début le goût un peu amer du bonheur gâché : Emmanuel Carrère passe avec sa compagne et leurs enfants respectifs des vacances dans un hôtel luxueux au Sri Lanka.
Mais son couple est gagné par la lassitude et Emmanuel Carrère se sent impuissant face à ce nouveau naufrage amoureux annoncé. L’histoire se répète, celle d’une incapacité à aimer vraiment, et soi-même, et une femme.
Et puis, très vite, surgit le tsunami de décembre 2004. Il emporte Juliette, la petite fille d’un couple de français connu sur place, mais il épargne Emmanuel Carrère et les siens.
Pourtant, ce raz-de-marée va porter l’auteur – et avant tout l’homme – sur d’autres rivages, là où s’allongent d’autres vies, elles frappées de plein fouet par les tragédies de l’existence. La disparition de cet enfant sera suivie, au retour en France, de la maladie de sa jeune belle-soeur, elle aussi prénommée Juliette. Il y a donc à nouveau la mort, là, toujours prête à venir faucher, même les vies les plus tendres. Et il y a les survivants, ceux qui ont aimé, qui se trouvent brutalement endeuillés et qui malgré tout, pour eux-mêmes et parfois plus encore pour ceux qui restent, continuent à vivre, à avancer, dans la douleur mais calmement, dignement, respectueux de l’amour et de la vie.
Le tsunami d’Emmanuel Carrère, ce sont ces vies-là, qui ne sont pas siennes, mais vers lesquelles il est projeté, au sens littéral, et qui le décentrent de lui-même.
Alors soudain, sa voix à lui se fait basse ; c’est à celle des autres qu’il prête sa plume. Il regarde et écoute les parents privés à jamais de leur fillette, parle longuement avec Etienne, un collègue juge ami de Juliette, fait parler Patrice, son mari et père de leurs trois jeunes enfants.
Ces vies-là, il les raconte précisément, sobrement, presque comme un enquêteur, avec l’envie, voire le besoin de connaître profondément ces hommes et ces femmes, pour comprendre comment elles conduisent leur vie, malgré tout, mais aussi pour s’en faire le témoin et le passeur.
Emmanuel Carrère, après avoir brossé, dans Un roman russe, un auto-portrait sans appel, s’avère un remarquable portraitiste des autres. Mais, à travers les personnes qu’il décrit, il fait aussi preuve d’une redoutable efficacité dans la description sociale. Toute la sensibilité et la finesse d’écriture qu’on lui connaît se déploie ici sur le terrain de la justice et des inégalités politiques et économiques avec un souffle nouveau et bouleversant.
En s’ouvrant aux autres, il s’est ouvert au monde et, en apprenant à aimer l’altérité comme elle est, a fini par se rencontrer lui-même. Il lui aura fallu, lui le gâté malheureux qui se croyait exceptionnel, connaître des gens moins chéris des cieux mais amoureux de la vie pour, sur ces plages étrangères, apprendre à faire confiance, à aimer, à se faire aimer, trouver des réponses à sa quête de soi et savoir où ses pieds sont posés et, enfin, les y sentir plutôt bien installés.

D’autres vies que la mienne
Emmanuel Carrère
Editions P.O.L
Mars 2009, 320 pages (19,5 €)

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La rétrospective Kandinsky au Centre Pompidou

Rétrospective Kandinsky à PompidouC’est une exposition comme on aimerait en voir tous les jours, dans de vastes espaces blancs qui laissent les toiles respirer et le visiteur déambuler à sa guise.

Y sont réunies les œuvres de Vassili Kandinsky (1866-1944) appartenant aux trois grandes collections mondiales, celle de la Städtische Galerie in Lenbachhaus de Munich, celle du Solomon R. Guggenheim Museum de New York et enfin celle de Beaubourg, qui les accueille aujourd’hui.
D’autres institutions et fonds privés ont également prêté leurs trésors pour compléter cette rétrospective historique, qui, après avoir été présentée à Munich cet hiver, s’attardera à Paris jusqu’au 10 août, avant de faire sa rentrée au Guggenheim de New-York en septembre.

En plus des spectaculaires tableaux, le parcours chronologique est ponctué de salles aménagées en cabinets de dessins, où l’on trouve aussi des extraits de publications, permettant de mieux appréhender les échanges, les associations et les contributions de l’un des plus grands maîtres – et pionniers – de la peinture non figurative. Les textes de présentation sont sobres et courts ; juste ce qu’il faut pour éclairer les œuvres et surtout les laisser parler au visiteur, qui, spécialiste comme profane, "entendra" beaucoup d’images et d’émotions malgré l’abstraction.
Au demeurant, l’exposition montre clairement que Kandinsky n’a évacué le sujet du tableau qu’assez progressivement. Et encore, même une fois passé du côté du non-figuratif, il lui arrivait souvent de glisser des formes identifiables dans ses toiles. Comme si, simplement, le sujet n’était pas un sujet pour lui.
Tout semble dire qu’il n’était question que de composition, de formes et de couleurs. La composition, les formes et les couleurs. On pourrait s’arrêter là ; les mots ont quelque chose de déplacé face à l’art de Kandinsky. Pour le moins, ils n’ont pas à s’imposer aux autres.

Car l’on a envie de laisser au visiteur tout le plaisir de découvrir ces œuvres, de passer tranquillement d’un tableau à un autre, de s’arrêter parfois longuement, en reculant ou en se rapprochant de la toile, tant l’effet visuel peut s’en trouver modifié. Et d’y voir ce qu’il y voit, d’apprécier telle association de couleurs, telle "ambiance", d’être sensible à tel ensemble ou encore à tel élément. Les oeuvres de Kandinsky sont bavardes, accueillantes, elles n’en finissent pas de se découvrir, de prolonger la conversation.

On peut aussi lire bien des textes sur la vie, le cheminement et les réflexions artistiques de Kandinsky, eux aussi tout à fait passionnants.
Mais son oeuvre semble s’adresser à une part de chacun qui échappe à la science et au verbe. Il forme un tout très cohérent, où l’approche cosmique n’a d’égal que le soin du détail et du petit, où le goût des formes géométriques n’empêche pas les évocations tendres et sensuelles, où les couleurs aussi contrastées soient-elles jouent toujours l’harmonie.

Kandinsky envisageait la peinture comme une musique pour l’oeil, avec ses Composition, Improvisation et autre Fugue de couleurs. Il y a de cela ; et en même temps, prévaut la délicieuse illusion qu’aucun rythme n’est imposé. Chaque tableau est une surprise et de chaque tableau jaillissent mille surprises. Composition, formes, couleurs. Le reste n’est que littérature, ou l’affaire de chaque spectateur.

Centre Pompidou
Jusqu’au 10 août 2009
Ouvert TLJ sauf le mardi et le 1er mai
De 11 h à 21 h, le jeudi jusqu’à 23 h
Entrée 12 € (TR 9 €)

Image : Einige Kreise, 1926. Guggenheim Museum, New York – © Solomon R. Guggenheim Museum, New York. Collection, by gift © ADAGP, Paris 2009

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