Journée de la Femme : femmes de lettres

Mme Riccobono, Histoire de M. le marquis de CressyOn aime cette série de la collection Folio 2 € (qui propose, pour le prix d’un café, des textes de haute tenue et faciles à emporter), intitulée Femmes de lettres : elle nous a déjà permis de découvrir de jolis petits romans comme Pauline de George Sand ou Les amants d’Avignon d’Elsa Triolet.

A l’occasion de la Journée de la Femme, Gallimard a préparé une nouvelle livraison de textes introuvables ou délaissés écrits par des auteurs féminins des XVIIème, XVIIIème et XIXème siècles.
Des noms célèbres comme Mme de Sévigné ou Mme de Lafayette côtoient ici des écrivaines moins connues.

Le moment est donc venu de lire, par exemple, Mme Riccoboni (1713-1792), longtemps actrice à la Comédie-Française, amie de Diderot, et dont les romans rencontrèrent à l’époque un très grand succès.

Dans Histoire de M. le marquis de Cressy, elle raconte l’existence galante et mondaine d’un jeune homme des plus ambitieux qui, pour élever sa fortune, sacrifie la tendresse d’une pure énamourée, avant de piétiner le profond amour d’une très digne femme.
"L’apparence des vertus est bien plus séduisante que les vertus elles-mêmes, et celui qui feint de les avoir a bien de l’avantage sur celui qui les possède" : en dénonçant la redoutable efficacité de l’hypocrisie et de la belle figure, Marie-Jeanne Riccoboni souligne le mal que peut faire à deux nobles âmes un homme empreint de "fausseté".

Face à ce charmant marquis de Cressy, la sincérité et la pureté des sentiments vrais et durables viennent se heurter en permanence au jeu, à la bassesse et à la manipulation : "il affectait un air attendri, pénétré, l’entretenait avec feu d’une ardeur déjà refroidie, et dont les faibles restes n’avaient pour objet que lui-même"

Porté par le français raffiné et musical du XVIIIème, entre descriptions psychologiques, conversations galantes et billets secrets, ce court roman ne manque ni de saveur :
"Cette espèce de commerce où le caprice et la liberté, tenant la place du sentiment, ôtent à l’amour toutes ces erreurs aimables dont il se nourrit, en font une sorte de goût où le cœur ne prend jamais de part, et qui donne moins de plaisir qu’il ne produit de regret"
…ni d’aphorisme :
"En maltraitant M. de Cressy, elles croyait remplir son devoir ; mais les démarches que la raison nous conseille ne sont pas celles qui donnent le plus de satisfaction à notre cœur"
…encore moins de morale :
"Il fut grand, il fut distingué ; il obtient tous les titres, tous les honneurs qu’il avait désirés : il fut riche, il fut élevé ; mais il ne fut point heureux".

Histoire de M. le marquis de Cressy
Marie-Jeanne Riccoboni
144 p., Folio 2 € Gallimard
Egalement parus en mars 2009, dans la série Femmes de lettres :
Madame d’Agoult Premières années
Madame de Lafayette Histoire de la princesse de Montpensier et autres nouvelles
Madame de Sévigné Je vous écris tous les jours… Premières lettres à sa fille
Madame de Staël Trois nouvelles

Chaque volume de la série Femmes de lettres est présenté par Martine Reid, diplômée de Yale aux Etats-Unis et professeur à l’université de Lille-III.
Le 20 mars prochain, elle organisera à la BNF François Mitterrand une journée d’étude consacrée à la place des femmes dans le discours critique et l’histoire littéraire.
Renseignements sur le site de la Bibliothèque nationale de France.

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L'Oratorio d'Aurélia au théâtre du Rond-Point

L'oratorio d'AureliSœur de James Thierrée, Aurélia Thierrée, faut-il le préciser, est la fille de Victoria Chaplin et de Jean-Baptiste Thierrée, les créateurs du Cirque invisible.
Si Aurélia a les grands yeux de sa mère et l’incroyable fantaisie de son illustre famille, elle possède une grâce qui n’appartient qu’à elle.

Le spectacle qu’elle présente jusqu’au 14 mars au théâtre du Rond-Point tient de la danse (son partenaire, Julio Monge est tout aussi doué et magnifique), de la majestueuse acrobatie et du mime enjoué.
Elle plie et ondule son corps, bouscule les objets et les rôles pour inventer un monde où le réveil sonne pour donner le signal du coucher, où les pétales des fleurs, tiges en l’air, trempent dans l’eau du vase et où les costumes deviennent des personnages.
Avec la complicité de Victoria Chaplin, dont la miraculeuse patte se devine entre toutes, les étoffes se transforment, le rouge et le noir magnifient la scène, les rideaux font tour à tour des robes ou des flocons de neige.

L’humour, toujours prêt à titiller le spectateur, l’imagination, sans cesse invitée à s’emballer, l’intimité des objets quotidiens détournés font de cette soirée un grand moment de plaisir, de douceur et de poésie.

L’Oratorio d’Aurélia
Conception et mise en scène Aurélia Thierrée
Avec Aurélia Thierrée et Julio Monge
Jusqu’au 14 mars 2009
A 20 h 30, représentations supplémentaires les mercredis et samedis à 15 h
Durée 1 h 20
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt – Paris 8ème

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Voix off. Denis Podadydès

Denis Podalydès, Voix off au Mercure de FranceTant de voix font un homme ; et peut-être plus de voix encore forment un comédien.
Les convoquant toutes, Denis Podalydès trace, au filet de ses voix, une manière d’autobiographie, toute en ondulations.

Au commencement, il y a la voix familiale, celle de sa grand-mère maternelle, de sa mère et de ses frères, qui est aussi la sienne lorsqu’il se trouve embarrassé, intimidé, emprunté. Une voix qui monte haut, se réfugie dans les aigus jusque dans le nez.
De la voix de sa grand-mère aussi respectée que crainte lui reviennent ces déjeuners hebdomadaires dans l’immeuble familial versaillais et son positionnement, dès l’enfance, dans la fratrie : il est déjà l’amateur de belles lettres, l’esprit nourri et délicat des quatre garçons.

De la bibliothèque (où il "règne une nostalgie féconde et radieuse, une douceur d’arrière saison, avec cette lame de soleil qui traverse à l’horizontale le salon, à cinq heures du soir au début de l’automne, une douceur de buffet garni, de vieux livres de la NRF…") à la librairie de son aïeule, le jeune Denis ne quitte guère le monde des livres, mais c’est au lycée, auprès d’un camarade de classe lui faisant découvrir Proust dans un passage d‘Albertine disparue ("Que le jour est lent à mourir par ces soirs démesurés de l’été"), qu’il découvre le plaisir incommensurable de poser sa voix dans la littérature et la littérature dans sa voix. S’installe alors en lui, pour ne plus le quitter, le besoin de dire, pour mieux les savourer, les textes aimés.

Si les voix des auteurs classiques ont alimenté et modelé sa voix intérieure, c’est avec celles des grands comédiens qu’il a exercé et trouvé sa voix de scène. Ses écoutes, empreintes d’autant d’attention que d’admiration, ses propres répétitions et imitations ont été et demeurent inlassables. Les évoquer à l’écrit serait vain si elles n’étaient pas perçues et restituées avec la sensibilité de Denis Podalydès, dont on connaît, depuis Scènes de la vie d’acteur, son premier ouvrage, la plume finement travaillée. Les descriptions de voix qu’il nous livre ici sont délicieuses de précisions métaphoriques et soulignent à merveille l’insaisissable matérialité, la puissance d’évocation et les réserves de séduction contenues dans une voix :

Voix de Jean-Louis Trintignant.
Avance à plat jusqu’à la finale, d’un mouvement décisif, régulier, faisant converger la phrase et la mélodie vers le même noeud de sens, qui lui donne sa charge et sa sensualité. Le petit repli délicat, au bout de la dernière syllabe, dit la pointe d’accent du Midi, et délivre en même temps la nuance ironique, amusée, tendre, qui gît dans la voix de Jean-Louis Trintignant. Son mordant est vivace, sa cruauté, infiniment précise, lorsque le rôle réclame qu’il libère les chiens féroces, trop longtemps contenus, de son timbre puissant. (…). Voix tapie prête à bondir, articulée dans une concentration qui parvient à résonner sans sécheresse, voluptueuse.

Voix off
Denis Podalydès
Mercure de France
Collection Traits et portraits
Livre + CD, 250 p., 25 €

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Florence, la célébration du Printemps

Botticelli, Le Printemps, OfficesAller à Florence hors saison, c’est entrer à la Galerie des Offices comme en son palais, arpenter les salles de la Galerie Palatine dans un silence d’église, n’avoir qu’à choisir sa table pour s’installer à la terrasse d’un café.

Car en février, le froid hiver toscan réserve de belles journées ensoleillées qui donnent tout à coup l’idée du printemps.

Le poète disait, paraît-il, dans la voix de Paul Valéry : "On doit toujours s’excuser de parler de peinture". On s’en s’abstient pourtant le plus souvent, tant la peinture touche qui a envie de voir, tant elle fait surgir des sentiments d’ordinaire enfouis sous la précipitation des "activités" : chacun prend la liberté de parler de peinture parce que la contemplation d’un tableau, rencontre d’un individu avec une œuvre, est toujours singulière.

Mais pourquoi un tableau nous touche-t-il davantage qu’un autre ? Sa beauté ? Certes, mais parfois, plus encore, sa richesse. On a souvent envie de s’attarder devant les peintures qui ne se révèlent pas au premier regard. On aime qu’un tableau nous séduise par sa beauté mais aussi, et tout autant, qu’il nous intrigue. Siri Hustvedt a brillamment mis en évidence ce phénomène dans son essai, déjà évoqué, Le mystère du rectangle.

C’est peut-être ce qui explique qu’à Florence, dans la salle des Offices où sont réunis les Botticelli, la contemplation du Printemps s’avère plus passionnante encore que celle de la splendide Naissance de Venus.
Est-ce la multiplicité des personnages et des allégories possibles, est-ce l’incertitude quant à leurs rôles respectifs qui nous attirent dans ce tableau ? Est-ce le décor végétal naturel qui semble comme suspendu dans les airs sur son tapis de fleurs ? Est-ce cette expression rêveuse et un peu équivoque sur le visage et dans les yeux de Flore couverte de fleurs ?
Sur tout cela à la fois, il y va de ce que l’on voit et de ce de que l’on imagine, du désigné et de l’invisible, et de toutes ces intrigues qui se superposent à une composition d’une beauté remarquable, aux couleurs et aux détails si délicats.

Mais ici, on pense aussi à la magie du lien entre le geste d’un artiste, vieux de plus de cinq siècles, et notre regard de visiteur d’un jour ; ce geste qui rejoint et réunit la communauté d’hommes de tous horizons et de toutes époques qui, chacun à sa manière, en peignant, en parlant, en écrivant, ou juste en regardant et en respirant aiment célébrer encore et toujours l’éternel retour du Printemps.

Galleria degli Uffizi

Primavera, Sandro Botticelli, vers 1482, peinture (tempera) sur panneau de bois, 203 × 314 cm, Galerie des Offices

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L'Autre

L'Autre, avec Dominique BlancL’Autre est d’abord l’occasion de retrouver à l’écran la magnifique Dominique Blanc, justement récompensée pour ce rôle au festival de Venise.

Elle y incarne Anne-Marie, une assistante sociale divorcée de quarante-sept ans, qui entend enfin "vivre sa vie". Cette raison, précisément, l’amène à rompre – presque joyeusement – avec Alex, son jeune et bel ami du moment qui, lui, souhaite s’engager dans une relation maritale.
Peu de temps après, celui-ci annonce à Anne-Marie qu’il a retrouvé "quelqu’un". Cette fois, le désir de vie commune est partagé.

Peut-être Anne-Marie entre-t-elle dans le cercle infernal de la jalousie au moment où, pressé par ses questions, Alex lui apprend que sa nouvelle compagne a le même âge qu’elle. A cet instant, la si légère et assurée Anne-Marie se trouble ; un voile se déchire et un souffle irrésistible l’attire vers cette Autre dont Alex refuse de dire le nom. Le chemin que prend alors Anne-Marie va la mener à une descente aux enfers, où la connaissance de cette femme devient une obsession. Que fait-elle, où habite-t-elle, comment vit-elle,… qui est-elle ?? Le monde d’Anne-Marie se referme sur cette quête. Dans son appartement hautement sécurisé, la femme moderne, indépendante, qui "contrôle tout", se met à perdre complètement les pédales.
Mais, au bout de sa folie, réalise-t-elle que cette rivale traquée sans relâche n’est peut-être autre qu’elle-même ? Comme si, à travers sa soif de tout savoir de cette congénère il y avait l’attrait – autant que la répugnance – pour soi-même ?

Dominique Blanc, dont le talent excède la mesure du prêt-à-jouer, endosse ce rôle de haute-couture avec une maestria époustouflante. Elle révèle petit à petit la jalousie et l’angoisse qui peuvent surgir sans crier gare derrière la tranquillité d’un individu apparemment tout à fait à l’aise dans ses baskets.
La mise en scène porte cette traversée de façon magistrale, filmant la banlieue parisienne d’une façon nouvelle, loin de tout cliché, s’attardant sur les architectures modernes, bureaux et appartements hauts perchés, centre commercial devenu refuge des moments d’intimité, y compris pour écouter un morceau de piano, RER, arrêts de bus, voies périphériques empruntées sans cesse. Les cinéastes en font un monde à part entière, l’univers – comme un autre, mais qui en constitue un de bien précis – dans lequel leurs personnages travaillent, vivent, aiment. Aucun jugement, mais des glissements de caméra dans la nuit et les lumières qui, sur une très belle photo, invitent tour à tour à la poésie ou à l’inquiétude. Quant à la dimension fantastique, souvent frôlée pour mieux évoquer le trouble d’Anne-Marie, elle contribue à conférer une ambiance singulière à ce film ambitieux, brillant et tenu de bout en bout.

L’Autre
Un film de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic
Avec Dominique Blanc, Cyril Gueï
Durée 1 h 37

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Fugitives. Alice Munro

Fugitives, Alice Munro, Editions de l'OlivierIl existe mille manières de partir. Mais toujours, au départ, il y a cet appel vers l’inconnu ; ou la rencontre de l’inconnu, qui donne envie de tout planter là, et transforme le chemin en fugue.

Tel est le fil qui relie ces huit nouvelles, dans lesquelles Alice Munro fait de chacune de ses héroïnes des fugitives.
L’inconnue de Carla, éleveuse de chevaux n’est autre que sa voisine, Sylvia. Celle-ci deviendra vite l’amie qui l’aidera à fuir un mari inattentif. Mais la véritable inconnue de Carla est peut-être Carla elle-même : elle ne saura ce qu’elle veut vraiment qu’une fois l’autobus parti.

L’inconnu de Juliet, jeune professeur de grec ancien est un homme rencontré dans un train, le premier à s’intéresser à elle, même lorsqu’elle se met à parler de mythologie. Mais inconnu il ne restera pas ; et ici aussi la révélation est au bout de la fugue.

Plus tard, ce sera au tour de Pénélope, la fille de Juliet, devenue jeune femme, de prendre la poudre d’escampette. L’inconnu qui l’appelle a pour nom "quête spirituelle". Il paraît que c’est la seule chose qui lui a manqué et qu’elle en était "affamée"

De ces histoires et de toutes les autres, Alice Munro fait des récits captivants. En quelques paragraphes elle intrigue le lecteur pour mieux l’immerger dans ces vies singulières, composées avec une efficacité redoutable, donnant ainsi à chacune de ses nouvelles la force et l’ampleur du roman.
Si ses personnages n’ont rien d’héroïques au départ, en se laissant séduire par l’inconnu elles se laissent entraîner sur la route inconfortable et excitante du mystère et de la découverte, pour trouver plus tard des réponses aux questions enfin révélées. Aucune ne reviendra strictement à son point initial. Car chez Alice Munro, la fuite est aussi l’art de faire changer les perspectives…

Fugitives
Alice Munro
Editions de l’Olivier (2008)
Traduit de l’anglais (Canada) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso
342 p., 22 €

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Blanche et Marie. Per Olov Enquist

Blanche et Marie, Actes SudDans le cœur du roman, on trouve ces deux phrases : « Pas non plus comme l’amour de Blanche pour Charcot, qui est en réalité le sujet que le Livre des Questions déclare traiter. Ce "en réalité" ! ».

Ce point d’exclamation contient la magie de la littérature.

Depuis des dizaines de pages, l’auteur nous promenait dans le Paris des années 1880 à 1910, autour de deux femmes d’importance : Blanche Wittman, bien connue comme la « reine des hystériques », malade favorite du Professeur Charcot, lequel fît une belle carrière de neurologue (entre autre), en exhibant ses patients et surtout patientes devant le public.
Marie Curie, scientifique mythique, qui découvrit le radium et autres éléments au péril de sa vie, dont l’œuvre considérable lui valut deux prix Nobel, et qui fut la première femme à obtenir une chaire à la Sorbonne.

Nous suivons nos héroïnes comme si nous étions dans l’Histoire : les amours de Charcot et Blanche, de Marie et Paul Langevin, autre physicien célèbre. Nous connaissons la peinture d’André Brouillet qui met en scène Blanche avec le Professeur, le scandale dont a été victime Marie pour sa relation avec un homme marié.

L’auteur, Suédois contemporain, met dans les premières pages tout en place pour nous convaincre qu’il s’appuie sur la réalité de carnets écrits par Blanche (« Livre des questions »). Le cœur de l’intrigue repose sur l’amitié émouvante entre Blanche, devenue assistante de la scientifique, et Marie : deux femmes dont la carrière se débat dans cette époque si mâle et si puritaine.

Mais de quelle réalité s’agit-il ? Il va être difficile aux historiens de rétablir leur vérité à eux : aucune preuve que Blanche ait seulement rencontré Marie, encore moins qu’elle ait été son assistante, personne ne semble avoir eu connaissance des « carnets » de Blanche hormis Per Olov Enquist… Un rapide voyage dans l’univers critique nous permet de constater à quel point les commentateurs ont adhéré à ces histoires comme Histoire, au point parfois de regretter le style (roman documentaire ! exposé journalistique en histoire des sciences !).

Heureusement, tout du récit est littérature, et donc tout est aussi « faux » que « vrai ».
Choisissons notre « réalité » : une très bonne évocation de la place des femmes dans cette société, des portraits splendides où ces hommes si puissants peuvent être bernés par des femmes qui savent les manipuler voire les tuer. Une société au nationalisme exacerbé qui voit en la « Polonaise » un danger pour tous les maris fidèles français. La grande proximité entre amour et pouvoir. Le lien entre femmes qui permet de résister aux épreuves.

Un beau roman qui doit nous faire soigneusement rester dans le registre de l’ambiguïté : des personnages ayant existé, certes, mais qui ont acquis la liberté de l’existence littéraire.

Blanche et Marie
Per Olov Enquist
Actes Sud 2006
Egalement en Livre de Poche

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Ô Carmen. Théâtre du Rond-Point

O Carmen, Olivier Martin-Salvat au théâtre du Rond-PointUne belle corpulence, un pantalon de bleu de travail, des pataugas beige, bretelles et tee-shirt assortis : ainsi se présente Olivier Martin-Salvan, seul en scène (avec pour complice le pianiste Aurélien Richard, lui plutôt filiforme mais pareillement accoutré) pour jouer une heure et quart durant toutes les étapes qui vont précéder une représentation de Carmen.

L’histoire commence dès les auditions, à l’issue desquelles le jeune Louis se voit embauché pour être la doublure de Don José. Elle se poursuit avec le metteur en scène, le chef costumier, la maquilleuse, le chef d’orchestre, et même la caissière de cet opéra de province… Jusqu’aux grands rôles du célèbre opéra de Georges Bizet, personne ne manque, Olivier Martin-Salvan les interprète tous. Il passe d’un personnage à un autre avec une aisance prodigieuse, mime, bondit, chante et parodie, perd des litres d’eau et ne baisse jamais le rythme.

Ses talents d’imitateur mêlés à son inventivité, son bonheur de jouer et sa présence créent un climat de complicité avec le public, qui savoure son humour, rit souvent et sourit de bout en bout. Au passage, les grands airs de Carmen lui seront donnés par le comédien lui-même, qui en quelques instants semble réinventer la magie de l’opéra, du spectacle bien fait, et de ses illusions.

Ô Carmen
Théâtre du Rond Point
2 bis, av. Franklin D. Roosevelt – Paris 8ème
Jusqu’au 28 février 2009
A 18 h 30, durée 1 h 15
De Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon, Nicolas Vial
Avec Olivier Martin-Salvan
Pianiste et chef de chant Aurélien Richard
Mise en scène Nicolas Vial
Dramaturgie Anne Reulet-Simon
Composition originale Aurélien Richard
Places de 10 € à 28 €

Photo Olivier Martin-Salvan © Brigitte Enguerand

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Les pierres sauvages. Fernand Pouillon

Fernand Pouillon, Les pierres sauvagesL’abbaye du Thoronet en Provence est un modèle d’abbaye cistercienne : sa visite impressionne par la beauté de l’architecture, faite de simplicité et d’harmonie des proportions.

Ses murs sont montés sans joints au mortier, grâce à une taille d’une grande rigueur. La pierre est sauvage : « Dès le premier jour, j’ai eu pour elle un respect que je n’ai même pas songé à discuter. Je n’aurais jamais pu t’en parler, comme je l’ai fait, sans amour. Maintenant, elle fait partie de notre œuvre, de moi-même, elle est l’abbaye. Je la caresse dans mes songes, le soleil se couche sur elle, la retrouve le matin dans son réveil de pierre, lui donne ses couleurs, la pluie la fait briller en l’assombrissant. (.. .) Si j’apporte à l’abbaye les proportions, l’harmonie, elle toute seule lui gardera son âme indépendante ; convertie à l’ordre elle restera aussi belle qu’une bête sauvage au poil hérissé ».

Fernand Pouillon, architecte majeur du XXème siècle a imaginé le journal de bord du maître d’œuvre de la construction du Thoronet, Guillaume, moine cistercien, depuis le jour de mars 1161 lorsque avec quelques frères ils choisissent le terrain en pente douce encombré d’arbustes, jusqu’au moment où le chantier a véritablement commencé, quand le plan de l’église, du cloître, du lavabo, des dépendances est tracé sur le sol et les premières rangées de pierres sont montées.

Le temps de préparation est très long : il faut trouver les carrières, choisir les arbres à abattre, découvrir le gisement d’argile qui fera les tuiles, fabriquer les outils, obtenir de l’abbaye mère les avances nécessaires, en particulier de la nourriture tant que les jardins ne donnent pas leur récolte. Mais il faut aussi mener toute une troupe de travailleurs, composée de statuts différents (moines, frères convers, compagnons) et de personnalités fortes (Paul le tailleur de pierre, Joseph le potier, Antime le forgeron).
L’organisation de la vie quotidienne est dictée par la Règle de Saint Benoît mais bien souvent chez Guillaume le religieux est dépassé par l’architecte.

Fernand Pouillon a mis dans cet ouvrage toute sa science de bâtisseur amoureux de l’art cistercien, et son talent d’écrivain (récompensé en 1965, par le prix des Deux-Magots) nous fait vivre le caprice de la pierre, la susceptibilité des hommes, et les désagréments du mauvais temps : « un jour mouillé et froid, où le ciel ne vaut pas la peine qu’on se dérange davantage, où les chaussures, qui ont sucé les pieds à petits bruits, sont molles comme des tripes et ont besoin de sécher longtemps pour durcir ».

Les pierres sauvages
Fernand Pouillon
Ed du Seuil, coll Points (7 €)

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Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse

Fauves hongrois à DijonAprès le musée d’art moderne de Céret, puis le musée Matisse du Cateau-Cambresis, c’est au tour du musée des beaux-arts de Dijon d’accueillir la très belle exposition Fauves hongrois.

Pour cette ultime étape, la sélection de près d’une centaine de tableaux d’artistes hongrois est complétée de plus de cinquante œuvres des maîtres français du Fauvisme : Matisse en premier lieu, bien sûr, mais aussi Derain, Vlaminck, Marquet, Dufy ou encore Van Dongen.
De quoi prendre des couleurs pleins les yeux, tout en jouant les confrontations entre ces "groupes" de grands Fauves…

Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse
Du 14 mars au 15 juin 2009
Musée des beaux-arts de Dijon
Palais des ducs et des états de bourgogne 21033 Dijon
TLJ sauf les mardis, 1er et 8 mai
De 10h à 17h jusqu’au 30 avril puis de 9h30 à 18h à partir du 2 mai
Entrée 7 € (TR 4 €, voire gratuité)

Catalogue, 264 p. 39 € (co-édition Biro, musée d’Art moderne de Céret, musée Matisse le Cateau-Cambrésis et musée des beaux-arts de Dijon).
Pour l’exposition dijonnaise, il est enrichi d’un album présentant le volet de l’exposition consacré au fauvisme français.

Image : Vilmos Perlrott Csaba, Nature morte à l’horloge, vers 1910, Huile sur toile, 77 x 67 cm, Kecskemet (Hongrie), Kecskeméti Képtár

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