Des échos au scriptorium

scriptoriumAndreossi a lu Dans le scriptorium, le dernier roman de Paul Auster, et m’a fait part de son commentaire.

Il aurait été dommage de prendre le risque de voir ce texte "enterré" avec le billet du 15 février dernier car l’approche que nous livre Andreossi est très intéressante :

« Le hasard des rencontres de lectures est quelquefois étonnant. Le scriptorium de Paul Auster m’a remis en mémoire deux ouvrages lus récemment, qui font écho à certains aspects du "roman" de Paul Auster.

On peut se demander pourquoi M. Blank est vieux et amnésique.
Il symbolise sans doute la perte de pouvoir du créateur : comme un vieux peut être dépendant de ses enfants, M. Blank est totalement dépendant des personnages qu’il a créés.
Est-il plus libre ou enfermé que ses personnages ? Impossible de répondre à la question, ils ont le même degré de liberté et d’enfermement.
Malgré cette mémoire défaillante, malgré ses difficultés à prendre soin de son corps, il lui reste des capacités : l’érection, le pouvoir d’imaginer.

Cette lutte pour conserver quelque chose de son identité malgré la vieillesse rappelle fortement le très beau livre de Max Frisch L’homme apparaît au quaternaire (1) dans lequel le vieil homme s’entoure de papiers collés aux murs, et il veut se prouver lui aussi qu’il est encore capable de performance physique.

Les deux auteurs se rejoignent sur un point : ce qui a été essentiel dans leur vie, ce qui a été gardé précieusement au coeur de ces hommes est intransmissible.
Blank est responsable de ce qu’il a créé mais n’a plus aucune responsabilité sur la manière dont les autres reçoivent et ont reçu ses histoires. Le manuscrit qu’on lui demande de poursuivre est une histoire archétypique du monde d’aujourd’hui.

On retrouve tout à fait le contexte du roman de J.M. Coetzee, En attendant les barbares (2) : les confins d’un empire, des luttes de pouvoir opaques, les tentatives d’élimination de ceux qui nous ressemblent le moins.

Et cela ne me fait pas croire du tout à ce que dit la quatrième de couverture du roman d’Auster ("interrogations profondes sur les responsabilités de l’Amérique contemporaine face à l’Histoire").
Ces récits archétypiques ne renvoient qu’à l’imaginaire. Ces histoires tournent en rond, n’ont aucune emprise sur le "réel".
Notre passé (et être vieux, c’est en disposer de beaucoup) ne nous sert à rien dans le rapport aux autres, il ne sert qu’à nous mêmes ; avec les autres il n’y a que la cruauté du présent, et quelques rares moments de rencontre. »

Dans le scriptorium. Paul Auster
Traduit de l’américain par Christine Le Boeuf
ACTES SUD (on peut y lire les première pages)
147 p., 15 €

(1) Gallimard, Collection Du Monde Entier, 143 p., 11 €
(2) Points, n° 720, 249 p., 6,50 €

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Albert Camus, René Char. Correspondance 1946-1959

Albert Camus René Char correspondanceDès leur première rencontre, en 1946, ils se reconnurent.

Derrière eux, il y avait la guerre, la Résistance, et les engagements d’avant-guerre.

Ils appartenaient à la même espèce d’hommes.

De ce passé, des combats menés, et de ceux à mener encore naquit un respect mutuel sur lequel s’épanouit une profonde amitié.

La correspondance d’Albert Camus et René Char suit le lien précieux que l’écrivain et le poète développèrent au fil de leurs écrits respectifs, de leurs doutes, de leurs succès, de leurs préoccupations.

Tous deux se tiennent au courant de leurs travaux, s’envoient ou se font envoyer leurs manuscrits à peine achevés, se dédicacent leurs livres.
Il tient dans ces gestes non seulement une admiration réciproque, mais aussi et surtout le sentiment de maintenir le cap dans la même direction.

Si l’un comme l’autre demeure le plus souvent laconique sur les difficultés qu’il rencontre, pour ne pas « encombrer » l’autre, ni alourdir un quotidien qu’il sait déjà chargé, l’ami vient rappeler sa présence, demander des nouvelles, renouveler sans cesse son soutien. Leur commune délicatesse est exemplaire.

Malgré la pudeur, lorsqu’avec le temps les soucis deviennent trop pesants, et qu’avec le temps aussi la confiance et l’estime se renforcent encore, ils s’épanchent plus longuement.
Leur correspondance en devient extrêmement attachante. La figure de Char se dessine à travers ses lettres de façon progressive. Colosse qui sait si bien se défendre (comme on peut le voir à travers les aventures littéraires de l’époque) et qui a souvent l’air de « protéger » un Albert Camus en proie à la maladie aussi bien qu’aux attaques virulentes, notamment de Jean-Paul Sartre, René Char se met pourtant à exprimer furtivement sa souffrance.
Quant à Camus, malgré l’anxiété permanente, et souvent pire, il ne lâche rien de son amour de la vie, de son humanisme.

Enviable amitié :

« Un peu, où êtes-vous, cher Albert ?
J’ai la sensation cruelle, tout à coup, de vous avoir perdu. Le Temps se fait en forme de hache.
A quand ? »
(carte postale de René Char, le 14 septembre 1957).

Réponse de Camus :

« Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, et qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. (…) C’est ainsi que je suis votre ami, j’aime votre bonheur, votre liberté, votre aventure en un mot, et je voudrais être pour vous le compagnon dont on est sûr, toujours. »
(17 septembre 1957).

Et Char d’ajouter :

« Ils sont en si petit nombre ceux que nous aimons réellement et sans réserve, qui nous manquent et à qui nous savons manquer parfois, mystérieusement, si bien que les deux sensations, celle en soi et celle qu’on perçoit chez l’autre emporte même élancement et même souci … »
(septembre 1957).

Mais c’est aussi à l’amour de la lumière du sud que les deux hommes se sont reconnus. L’un né en Algérie ne se fera jamais à Paris, l’autre natif de l’Isle-sur-Sorgue n’aura de cesse d’y revenir. C’est là-bas dans le Vaucluse qu’ils partageront et assouviront leurs besoins de soleil et de grands espaces.
René Char y invitera systématiquement Albert Camus et cherchera pour lui une maison à acheter dans la région.

En peu de mots, la communion sur ce sujet semble totale.

« Ici il pleut, Paris a sa gueule d’acné. Je vous envie d’être au pays, le seul. »
(Camus, le 19 septembre 1950).

« Le contre-poison à l’arbre de bâtisse parisien, c’est l’arbre saisonnier de la forêt. »
(René Char, 20 octobre 1952).

Et encore :

« Le bel arc-en-ciel de vos livres fait ma joie. ensemble, ils miroitent entre le jour et la lampe, comme une truite de la Sorgue, entre gravier et cresson.
»
(René Char, 29 octobre 1953).

Albert Camus – René Char, Correspondance 1946-1959
Edition établie, présentée et annotée par Franck Planeille
Gallimard, 263 p., 20 € (mai 2007)

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Et si on allumait la télé en juillet ?

l'homme qui danseLe programme peut commencer dès ce soir, mais sans aucune obligation….

Un lundi pourtant susceptible de satisfaire au moins deux générations. Les baby-boomers nostalgiques seront rivés sur France 2 de 21 h à plus de minuit : le diptyque de Denys Arcand sur les soixante-huitards-que-sont-ils-devenus, bavard et d’une complaisance à peine dissimulée, est diffusé ce soir, le deuxième (Les invasions barbares, 2003) en premier et le premier (Le déclin de l’empire américain, 1985) en dernier.

Leurs enfants se rabattront-ils sur M6, qui propose, à 22 h 15, Nos enfants chéris (2003), comédie de Benoît Cohen, avec Mathieu Demy et Romane Boringher entre autres ? Film générationnel aussi, où des trentenaires, qui avec son conjoint, qui avec ses gosses et qui avec son célibat, se retrouvent l’été dans une grande maison de famille. Je te trompe, tu me trompes, je pédale et je m’embrouille… à l’époque, un joli succès public mais certainement pas un immense souvenir de cinéma aujourd’hui.

Il faudra patienter jusqu’à mardi minuit pour être bousculé, avec le Je t’aime moi non plus (1975) de Serge Gainsbourg diffusé sur Arte.

Mercredi à 21 h 45, on fera un petit tour à Avignon pour voir L’acte inconnu, une pièce de Valère Novarina, en direct du Palais des Papes.
Les plus aventureux pourront enchaîner avec, toujours sur Arte, Ma mère (2003), le 2ème long métrage de Christophe Honoré, le réalisateur de Dans Paris et des Chansons d’amour, sur une mère qui initie son fils à la perversité.

Soirée cinéma à nouveau jeudi : en première partie, Tatie Danielle (1990) d’Etienne Chatillez sur France 3 concurrence à elle seule Marcello Mastroianni, Michel Picoli et Philippe Noiret dans La grande bouffe (1973), tandis qu’en deuxième partie de soirée L. 627 (1992) de Bertrand Tavernier sera diffusé sur France 3.

Mais c’est vendredi 13 que la journée promet d’être aussi épuisante que passionnante. Début du voyage à 14 h 15 avec France 5 qui nous fait vivre La conquête du K 2, ou comment, il y a plus de cinquante ans, le 31 juillet 1954, une équipe italienne réalisa la première du terrible K 2, le 2ème sommet du monde après l’Everest.
On pourra ensuite passer la soirée au théâtre : après Terrasse des festivals, le magazine de Philippe Lefait consacré cette semaine au festival d’Avignon, France 2 diffusera L’homme qui danse : la naissance de Ferdinand, captation du formidable spectacle de Philippe Caubère.
Des réjouissances d’ailleurs à suivre puisque la chaîne diffusera l’intégralité des six volets de L’homme qui danse tout au long de l’été .
On n’est pas couché …

P.S. : Autre rendez-vous à ne pas manquer, le 31 juillet, France 2 consacrera une soirée spéciale aux Chorégies d’Orange, avec la retransmission, depuis le théâtre antique, du Trouvère de Verdi, avec Roberto Alagna dans le rôle-titre et l’orchestre national de France.

Image : Philippe Caubère

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Beaux hommages à La Rochelle

Muriel ou le temps d'un retourLe 35ème Festival International du Film de La Rochelle s’est achevé hier 9 juillet. Comme chaque année depuis 1973, il y eut abondance de découvertes, hommages, rétrospectives … en dehors de tout jury et compétition.

Avec 200 films dont 150 longs métrages de fiction, le programme était chargé.
Il fut l’occasion de rendre hommage aux finlandais Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio, à l’autrichien Ulrich Seidl, au japonnais Isao Takahata ainsi qu’au français Jean-Paul Rappeneau dont la filmographie fut projetée en intégralité ; mais aussi de découvrir, à travers seize films, les cinéastes iraniennes d’aujourd’hui.

Les traditionnelles rétrospectives de réalisateurs et acteurs disparus étaient placées sous le signe de la diversité : entre celles consacrées à John Ford et au « cinéma muet et érotisme », une troisième mettait à l’honneur Delphine Seyrig.

L’inoubliable fée de Peau d’Anne ("Mon enfant, …"), comédienne de théâtre et de cinéma, mais aussi réalisatrice de documentaires, militante féministe, fut découverte au cinéma grâce à Alain Resnais qui l’engagea dès 1960 pour tourner L’Année dernière à Marienbad (Lion d’or de la Mostra de Venise en 1961).

Elle travailla ensuite avec les plus grands, Jacques Demy, François Truffaut (Baisers volés), Marguerite Duras (La Musica, India Song…), Luis Buñuel …
Au théâtre, elle interpréta Harold Pinter (La Collection, L’Amant) et Peter Handke (La Chevauchée sur le lac de Constance).

Après L’année dernière à Marienbad, Alain Resnais ne tarda pas à faire appel à elle une nouvelle fois pour jouer dans Muriel ou le temps d’un retour, qui obtint le prix de la critique à la 24ème Mostra de Venise en 1963.
Son regard troublant, sa voix singulière ne sont pas pour rien dans l’ambiance étrange et dérangeante de Muriel ….
Film magistral sur le poids du passé, sur la construction d’un présent dont l’histoire a pour cadre Boulogne-sur-Mer, ville touchée par les bombardements et reconstruite à la hâte.
S’y croisent les souvenirs de la Seconde guerre mondiale, de la guerre d’Algérie (qui venait alors de s’achever et constituait un sujet totalement tabou) et des amours de jeunesse.
Comment reconstruire, vivre dans un aujourd’hui « neuf » alors que les erreurs du passé, les choix que l’on a fait ou les événements qu’on a subis ne veulent pas disparaître ?
Les personnages d’Hélène (Delphine Seyrig) et de son beau-fils, Bernard (remarquablement interprété par le tout jeune Jean-Baptiste Thierrée) sont poignants. En contre-point, Françoise incarne une légèreté et un ancrage dans le présent que seule l’absence de souvenirs pesants semble autoriser.
Entre eux, le personnage d’Alphonse, l’ancien amant d’Hélène peu scrupuleux, opportuniste et insincère croit pouvoir faire « comme si ». Mais il participe lui aussi de l’Histoire et ne peut lui échapper…

Muriel ou le temps d’un retour est un hommage à saluer à double titre, pour l’actrice littéralement extraordinaire, disparue en 1990, que fut Delphine Seyrig et pour le cinéaste exceptionnel qu’Alain Resnais demeure depuis près de cinquante ans.

Festival International du Film de La Rochelle

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Albertine. La belle prisonnière

Marcel Proust La RechercheDans La prisonnière, le narrateur, épris d’Albertine, la tient chez lui en liberté très surveillée.

Sa jalousie maladive nourrit son amour. Il voudrait en finir, mais ne peut s’en passer.

Il souffre sans cesse, mais continue de l’aimer, devenant à son tour prisonnier.

Et ces décorations fugitives étaient d’ailleurs les seules de ma chambre, car si au moment où j’avais hérité de ma tante Léonie, je m’étais promis d’avoir des collections comme Swann, d’acheter des tableaux, des statues, tout mon argent passait à avoir des chevaux, une automobile, des toilettes pour Albertine. Mais ma chambre ne contenait-elle pas une oeuvre d’art plus précieuse que toutes celles-là ? C’était Albertine elle-même.

Celle qu’il admire, c’est celle qu’il a cru longtemps impossible à atteindre, et qui est désormais installée chez lui :

Je la regardais. C’était étrange pour moi de penser que c’était elle, elle que j’avais crue si longtemps impossible même à connaître, qui aujourd’hui, bête sauvage domestiquée, rosier à qui j’avais fourni le tuteur (…) était ainsi assise, chaque jour, chez elle, près de moi, devant le pianola, adossée à ma bibliothèque.

Il finit, dans certains moments d’extase, par la voir telle la statue d’une église, mais sans jamais oublier les promesses de plaisirs de ce corps qui lui plaît tant :

Le pianola qui la cachait à demi comme un buffet d’orgue, la bibliothèque, tout ce coin de la chambre semblait réduit à n’être plus que le sanctuaire éclairé, la crèche de cet ange musicien, oeuvre d’art qui, tout à l’heure, par une douce magie, allait se détacher de sa niche et offrir à mes baisers sa substance précieuse et rose.

Bon week-end à tous…

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Norman Dilworth, Une évolution naturelle

Norman DilworthNorman Dilworth, artiste anglais dont le musée Matisse Le Catau-Cambresis présente la première rétrospective en France jusqu’au 30 septembre, a sa façon bien à lui de parler de ses oeuvres.

Il montre des carrés de bristol noirs et blancs, dans lesquels il a découpé des formes géométriques. A partir de ces gabarits, il explique comment ont été élaborées les « sculptures » accrochées au mur.

Certaines sont si minces que, de loin, on pourrait y voir des tableaux. Une ambiguïté qui s’explique au regard du parcours de l’artiste, qui, après sa formation classique en peinture et en sculpture, a commencé par dessiner (alors très influencé par Giacometti, qu’il avait rencontré lors d’un séjour à Paris), avant de réaliser ses premières sculptures métalliques, très fines et linéaires.
Malgré l’évolution de ses travaux, cette prégnance du trait ne quittera guère Dilworth-sculpteur.

Etrange résultat donc, que ces sculptures murales en noir et blanc, où le blanc du mur « fait partie de l’oeuvre » ainsi que l’artiste le souligne.
Mais si l’on suit bien ses explications, avec un zeste de logique et surtout quelques rudiments de géométrie, on s’aperçoit que l’étrange demeure fort éloigné de la genèse des oeuvres de Norman Dilworth.
En réalité, il joue avec les règles mathématiques, créant des maquettes dans un premier temps, avant de transposer la sculpture dans des dimensions qui peuvent parfois être monumentales.

Son axe géométrique fétiche : l’angle. En découpant un volume ou une surface, par exemple carrée, et en repositionnant les différentes parties ainsi créées, il développe « l’idée de progression dans l’enchaînement des angles ».

On voit alors la rigidité de la forme d’origine éclater en légèreté et mouvements. Un dynamisme particulièrement saisissant avec Parts of a square (1985), Black and white line ( 1985-2006), Half by half by half by half (1988) en bois peint, ou la très grande sculpture en acier Toon (2007), spécifiquement créée pour l’exposition.

Mais Norman Dilworth, malgré ses explications parfois dignes d’un cours de géométrie ne se prend pas pour autant au sérieux : « C’est le jeu de la manipulation qui me plaît. J’aime beaucoup le mot français ludique » déclare-t-il.
Ce qui fonde ses créations, c’est la multiplication des expérimentations ; il n’est pas là pour « raconter une histoire » ajoute-t-il.

Certains trouvent à quelques unes de ses oeuvres des airs de ressemblance avec le monde végétal ? L’artiste ne peut les contredire, puisqu’il s’est lui-même amusé à les nommer Branching (1994) ou Puff ball (Fleur de pissenlit, 1972).
Cela étant, il affirme qu’il n’a pas la volonté de reproduire la nature ; simplement, à force de manipuler des formes mathématiques élémentaires, il aboutit à un résultat proche de ce qui existe effectivement dans la nature.

Mais la création la plus impressionnante est certainement la dernière du parcours, pour laquelle il fallut repousser les cloisons : 1.2.3.4.5. (1997/2007).
On y retrouve le jeu de la géométrie cher à Dilworth, mais aussi celui de la matière et du vide : l’oeuvre semble sculpter l’air et créer un espace à elle seule, dans lequel on a envie de déambuler, passer dessous et multiplier les perspectives.
On est alors troublé par une succession de sensations opposées, lourdeur et légèreté, confort du « rond » et peur de l’anguleux ; tout à coup on lui trouve de noueuses formes végétales, alors que l’instant d’après on croit voir surgir le monstre du Loch Ness….

Norman Dilworth, Rétrospective Une évolution naturelle
Musée Matisse Le Catau-Cambrésis
8 juillet – 30 septembre 2007
Petit journal (gratuit), catalogue (102 p., 22 €)
Renseignements pratiques : consulter le billet Musée Matisse Le Catau-Cambresis

Image : 1.2.3.4.5. (1997/2007), photo Philip Bernard

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Musée Matisse Le Cateau-Cambrésis

musée Matisse Le Cateau-CambresisS’il est un musée où l’on a envie de faire une halte tranquille dans le département du Nord, c’est bien au musée Matisse Le Cateau-Cambrésis.

Après de vastes travaux d’agrandissement et de restauration, l’ancien palais du XVIIIème siècle a rouvert ses portes le 8 novembre 2002, cinquante ans après son inauguration.

C’est en effet à l’initiative d’Henri Matisse (1869-1954) qu’un musée a vu le jour au Cateau-Cambresis, par la décision qu’il prit d’offrir à sa vile natale un ensemble de 82 oeuvres, qu’il fit d’abord installer à l’Hôtel de ville.

Depuis, le musée a fait son chemin : la collection fondatrice a été complétée de deux autres donations importantes, celle d’Auguste Herbin en 1956 et celle d’Alice Tériade en 2000, encore enrichie très récemment à la suite du legs laissé au début de l’année 2007 par Alice Tériade.

Outre la beauté du fonds permanent, ce que ce musée a d’admirable est la façon dont l’extension moderne a été intégrée à l’ensemble et surtout celle dont les salles sont mises à profit.
Le lieu est exemplaire de la manière dont on peut mettre les espaces au service d’oeuvres remarquables et donc au service du visiteur : proportions harmonieuses, scénographie aérée et accueillante, circulation fluide mais matérialisée – on passe de l’espace Tériade à celui consacré à Herbin, avant d’aborder le parcours Matisse, en ayant l’agréable impression de respecter la singularité et l’univers de chaque artiste.

On choisit, on n’assomme pas : par exemple, le très riche fonds Tériade est exposé par rotation. Après Chagall il y a quelques mois, c’est Fernand Léger qui est à l’honneur actuellement, avec le livre illustré Le Cirque, mais également des peintures.

Au fil de la visite, les fauteuils et canapés, l’élégante petite table et ses chaises invitent à se poser un moment, tandis que par les grandes ouvertures on ne quitte pas les tilleuls du parc.

Mais le musée tient également à promouvoir la création contemporaine. Ainsi, les amples volumes du rez-de-chaussée sont réservés à des expositions temporaires d’artistes d’aujourd’hui dont les références à Matisse ou à Herbin sont visibles.

C’est le cas en ce moment et jusqu’au 30 septembre avec Une évolution naturelle, la première rétrospective consacrée au travail à Norman Dilworth, qui s’inscrit dans le mouvement de l’abstraction géométrique dont Herbin fut une importante figure : on verra comment l’artiste anglais, qui a désormais pris ses quartiers à Lille, a beaucoup à montrer, et à expliquer …

La suite demain !

Musée départemental Matisse Le Cateau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
mél. : museematisse@cg59.fr
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois et Journées du Patrimoine
Audio-guide (gratuit)
Visites guidées pour tous le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Ateliers pour les enfants en période scolaire et durant l’été
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis.

Image : vue extérieure du Musée départemental Matisse Le Cateau-Cambrésis restauré et agrandi (Photo Conseil général du Nord, Pierre Cheuva, 2007).

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Persepolis

persepolis le filmPourquoi s’identifie-t-on aussi facilement à la petite Marjane, l’héroïne de Persepolis ?

Huit ans et demi, née en Iran, elle connaît le régime autoritaire du Shah, la révolution islamique, le guerre avec l’Irak, l’exil en Aurtriche puis le retour près des siens, ceux qui ont souffert pendant les longues années de guerre alors qu’elle n’est pas parvenue à être heureuse dans l’Europe en paix…

La bande dessinée fut un vrai succès. On a dévoré les quatre tomes avec parfois la gorge serrée.
Le film est encore plus émouvant. Un concentré très réussi de la BD mais avec bien des choses en plus, qui feraient presque oublier qu’il s’agit d’un film d’animation.
Des voix – dont il nous semble qu’aucune autre que celles de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Daniellle Darrieux n’auraient pu être meilleure -, de la musique et une mine d’idées qui portent la dramaturgie de l’histoire, renforcent son mélange de bonheur et de souffrances, ses demi-teintes (l’utilisation des gris est majestueuse), le regard poétique de la jeune Marjane, et bien sûr son humour.
Cet humour et cette spontanéité qui rendent son personnage si attachant. Mais aussi l’humour, et encore la droiture, la distance, la détermination et la sagesse de sa grand-mère, que définitivement on adore.
Et encore le combat politique et la résistance de ses parents et de leurs proches, que la situation du pays use mais ne brise pas.
Les morts enfin que les années de guerre ont fait payer à la population, à chaque famille, et qui déchirent les âmes.

Persepolis est l’histoire d’une petite fille qui devient jeune fille puis jeune femme dans un monde qui ne ressemble pas au nôtre mais dont les réactions, les émotions et les sentiments sont finalement ceux de tout adulte qui essaie de se construire.

L’histoire de Marjane est en cela universelle ; c’est la raison pour laquelle on y croit et qu’on pleure et rit à a chaque instant avec elle.

Persepolis
De Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud
Avec les voix de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Daniellle Darrieux
Durée 1 h 15

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Les bagages de l'été avec La Quinzaine littéraire

la mer de John BanvilleC’est une malle qu’il faudrait pour emporter les livres de l’été, tous ceux que, faute de temps, on a réservés pour les vacances !
D’ailleurs, chaque année, c’est la même chose : on en emporte toujours trop.
Mais qu’importe : laissons-nous le bonheur de choisir le moment venu.

Un titre qui fleure bon les vacances circule déjà de-ci de-là en tête des listes : La mer de John Banville (Voir Le Monde des Livres du 22 juin dernier notamment). (1)
Ce roman est aussi repris dans le petit mémo concocté par La Quinzaine littéraire dans son dernier numéro : pour ceux qui ont raté les épisodes précédents, La Quinzaine propose un choix de romans français et étrangers, recueils de poésies, livres d’histoire, essais, correspondances… parmi ceux sélectionnés par la rédaction depuis le début de l’année.
Y figurent notamment : le théâtre de Beckett ; Henri Calet ; Emmanuel Carrère (Un roman russe) ; Julian Barnes ; Martin Amis ; Orhan Pamuk ; les poètes Paul Celan et Claude Esteban ; l’autobiographie d’André Schiffrin Allers-retours ; la correspondance de Truman Capote Un plaisir trop bref, celle d’Albert Camus et René Char…

Une autre correspondance pourrait bien également nous accompagner cet été : celle que Walter Benjamin entretint avec Gretel Adorno entre 1930 et 1940. (2)
Alors qu’à partir de 1933, Benjamin vit en exil à Ibiza puis à Paris "dans une misère stoïquement supportée", Gretel Adorno, femme d’affaires, mène une existence relativement solitaire à Berlin. L’entourage de l’un et l’autre est source de difficultés permantentes. Entre eux ? Une histoire d’amitié amoureuse intense, qui semble "résister à tout : à l’éloignement, aux frustations, aux drames d’une époque terrible, aux crises et à des multiples tensions" relève Jean Lacoste pour La Quinzaine. On en rêve déjà…

les essais de montaigneMarie-Luce Demonet de son côté – elle n’est pas la seule – se félicite de la qualité de la nouvelle édition des Essais de Montaigne en Pléiade, 74 ans après la première, et promet que le lecteur "se laissera aller au fil d’un texte unifié, discrètement éclairé par les élucidations indispensables en bas de page". (3)
Le programme est bien tentant … malgré tout, on hésite : Montaigne est-il vraiment compatible avec le transat ?

La Quinzaine littéraire, n° 949, du 1er au 15 juillet 2007
32 p., 3,80 €. En kiosque et sur abonnement
Site du journal : La Quinzaine littéraire

A lire également dans ce numéro, un très bel article de Gilbert Lascault sur l’exposition Les messagers d’Annette Messager au Centre Pompidou (jusqu’au 17 septembre 2007) et sur le livre catalogue dirigé par Sophie Duplaix (co-édition C. Pompidou/Xavier Barral, 608 p. 90 €).

La Quinzaine littéraire

(1) La mer, John Banville, traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch, chez Robert Laffont, 247 p., 20 €
(2) Gretel Adorno, Walter Benjamin, correspondance (1930-1940), traduit de l’allemand par Christophe David, chez Gallimard/Le Promeneur, 411 p., 26,50 €
(3) Montaigne. Les essais, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1980 p., 79 €

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Günter Förg. Hôtels des Arts de Toulon

gunter_frogA raison de cinq expositions par an (et deux expositions hors les murs sur les sites de Seillans et de Saint-Cyr-Les-Lecques), l’Hôtel des Arts de Toulon se propose de mettre en lumière des artistes contemporains dans dans les domaines de la peinture, de la sculpture, de la photographie ou des formes les plus récentes de l’art contemporain.

Jusqu’au 9 septembre, il ouvre ses espaces à l’artiste Günter Förg, né en 1952 en Allemagne, aujourd’hui établi en Suisse.

Depuis sa première exposition personnelle à Munich en 1980, Günter Förg a orienté ses recherches dans différentes directions, explorant simultanément la peinture, la sculpture et la photographie.

L’exposition organisée à l’Hôtel des Arts présente une sélection de peintures et de tirages récents, dont certains ont été réalisés spécifiquement pour l’occasion.

L’accrochage permet de souligner la cohérence de l’oeuvre de Günter Förg, son évolution, mais aussi la complémentarité de ses différents supports de création.
Par un travail sur la trame, s’inscrivant dans la veine de Mondrian, il peint de grandes « grilles » d’un trait léger, en juxtaposant 3, 4 ou 5 couleurs. L’abstraction tend vers la figuration, venant évoquer les paysages urbains, leur profondeur et leurs multiples perspectives.
En écho, les grandes photographies soulignent la géométrie de l’architecture urbaine d’inspiration constructiviste, tout en offrant d’autres points de perspective, par des prises de vue en contre-plongée ou à la diagonale. C’est alors la figuration qui tend vers l’abstraction.
Mais les grands clichés sont aussi d’heureux contrepoints aux tableaux : leur tirage négatif leur confère un imperceptible flou et une atmosphère étrange qui mettent en évidence le trait vif et coloré de ses grilles peintes.

Si Günter Förg déclare avoir abandonné aujourd’hui la sculpture et la photographie, il ne cesse de poursuivre ses recherches picturales, autour de la question de la composition essentiellement.
Laissant de plus en plus la toile "à découvert", il se contente de la parsemer de taches de couleur ça et là, multipliant les teintes et fuyant toute régularité, pour un résultat d’une harmonie pleine de gaîté, enfin libéré.
Libéré de la composition ? L’artiste ne lève pas le point d’interrogation.
Enfin, il pousse davantage encore l’évolution vers la transparence, délaissant la toile et l’acrylique pour le papier et l’aquarelle.
Toujours entre abstraction et figuration, il esquisse alors des paysages où les taches de couleurs claires voisinent avec les hachures légères, venant évoquer les arbres, bosquets et buissons d’un jardin délicat et poétique.

On est loin, tout à coup, des décors urbains du début de l’exposition. On aime cette vivifiante fraîcheur, à l’image d’un artiste en perpétuel mouvement, insatiable chercheur de la forme et de la composition, aujourd’hui dans une quête de l’épure et de la clarté tout à fait convaincante.

Günter Förg
Hôtel des Arts – Centre méditerranéen d’art / Conseil général du Var
Jusqu’au 9 septembre 2007
236, bd du Général Leclerc – Toulon (83)
Tlj de 11 h à 18 h sauf lundi et jours fériés
Entrée libre
Visites commentées pour tous, pour les groupes et les scolaires
Ateliers d’arts plastiques pour enfants et adolescents
Ateliers d’arts plastiques pour adultes
Pour tous renseignements :
adresse postale / rue Saunier – BP 5112 – 83093 Toulon cedex
tél / 04 94 91 69 18 – fax / 04 94 93 54 76
site / www.var.fr

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