Le côté des Guermantes. La duchesse de Guermantes cultivée.

proust2Lorsque le narrateur fait ses débuts dans le monde, il est rapidement et chaleureusement accueilli dans le salon des Guermantes.

Ce sera pour lui l’occasion de découvrir la personnalité séduisante et multiple de la duchesse.

On a vu comment elle reçoit un poète, au cours d’un repas où l’on parle de tout sauf d’art lyrique. (billet du 30 mars 2007).
Pour autant, Mme de Guermante ne manque ni de culture, ni d’intérêt pour l’art et les artistes :

D’ailleurs il faut ajouter que ce silence gardé sur les choses profondes qu’on attendait toujours en vain le moment de voir aborder, s’il pouvait passer pour caractéristique de la duchesse, n’était pas chez elle absolu. Mme de Guermantes avait passé sa jeunesse dans un milieu un peu différent, aussi aristocratique, mais moins brillant et surtout moins futile que celui où elle vivait aujourd’hui, et de grande culture. Il avait laissé à sa frivolité actuelle une sorte de tuf plus solide, invisiblement nourricier et où même la duchesse allait chercher (fort rarement car elle détestait le pédantisme) quelque citation de Victor Hugo ou de Lamartine qui, fort bien appropriée, dite avec un regard senti de ses beaux yeux, ne manquait pas de surprendre et de charmer. Parfois même, sans prétentions, avec patience et simplicité, elle donnait à un auteur dramatique académicien quelque conseil sagace, lui faisait atténuer une situation ou changer un dénouement.

En réalité, si Mme de Guermantes observe une grande discrétion vis-à-vis de l’art lyrique lorsqu’elle reçoit un poète, c’est qu’en parler en abondance serait contraire à sa conception de l’art du salon, lequel doit éviter toute ostentation facile, tout « étalage » du savoir et des richesses, dans tous les sens du terme :

Par exemple, chez la princesse de Parme, il y avait une quantité de personnes que l’Altesse recevait parce qu’elle les avait connues enfant, ou parce qu’elles étaient alliées à telles duchesse, ou attachées à la personne de tel souverain, ces personnes fussent-elles laides, d’ailleurs, ennuyeuses ou sottes ; or, pour un Courvoisier, la raison « aimé de la princesse de Parme », « soeur de mère avec la duchesse d’Arpajon », « passant trois mois tous les ans chez la reine d’Espagne », aurait suffi à leur faire inviter de telles gens, mais Mme de Guermantes, qui recevait poliment leur salut depuis dix ans chez la princesse de Parme, ne leur avait jamais laissé passer son seuil, estimant qu’il en est d’un salon au sens social du mot comme au sens matériel où il suffit de meubles qu’on ne trouve pas jolis, mais qu’on laisse comme remplissage et preuve de richesse, pour le rendre affreux. Un tel salon ressemble à un ouvrage où on ne sait pas s’abstenir des phrases qui démontrent du savoir, du brillant, de la facilité. Comme un livre, comme une maison, la qualité d’un « salon », pensait avec raison Mme de Guermantes, a pour pierre angulaire le sacrifice.

Bonnes lectures, bon week-end, à très bientôt.

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