Diane Arbus au Jeu de Paume à Paris

Dame au chien et à la choucroute, Diane ArbusQuelle magnifique rétrospective ! Quelques 200 photographies, du jamais vu en France, de quoi retrouver les clichés les plus célèbres de Diane Arbus, mais surtout l’occasion d’en découvrir bien davantage.

Le parcours de l’exposition est simple et original : les photographies sont accrochées les unes à la suite des autres sans explication, section thématique ni ordre chronologique.
Puis deux salles présentent la vie, l’œuvre et les écrits de la photographe américaine née en 1923 et suicidée en 1971, sans qu’aucun éclaircissement sur cette fin tragique ne soit en définitive délivré. Cela étant, cette section finale est riche en enseignements et même ne laisse pas de surprendre.

Il faut commencer par quelques mots sur les photos elles-mêmes : Diane Arbus a photographié tout ce que les Etats-Unis des années 1950 et 1960 comptait de marginaux, incertains, curiosités : des géants et des lilliputiens, des jumeaux et des fœtus siamois, des travestis et des hermaphrodites, des bêtes de foire, des aveugles, des nudistes et des homosexuels… en un mot, tout ce qui de près ou de loin tenait de la "monstruosité" est passé sous l’œil sans concession, mais sans cruauté non plus de Diane Arbus.
Il y a aussi tous ceux qui portent des masques, véritables ou de circonstance, comme ces étranges lunettes en forme d’oiseaux ; ceux qui se "déguisent" dans de drôles de manteaux ou sous d’impressionnantes coiffes ; ceux et celles qui se fardent à l’excès, montent leur chevelure en haute choucroute…
Ce goût pour le travestissement, la photographe le trouve parfois dans une simple grimace, comme celle de l’enfant à la grenade que l’on a vu un peu partout ces derniers temps.
Quant aux veines de la différence et de l’anormalité, elle les poursuit jusqu’à la radicalité en réalisant une série sur les handicapés mentaux à la fin de sa vie.

Diane Arbus, exposition au Jeu de PaumeA la vue de tels sujets, on imagine chez cette femme qui s’est donné la mort à l’âge de 48 ans un tempérament fragile, voir un penchant morbide.
Les éléments biographiques présentés en fin de parcours rectifient ces a priori. Mariée deux fois, mère de famille, bosseuse, passionnée dans ses entreprises, reconnue dans son travail, Diane Arbus semble au contraire avoir mené une vie tonique, pleine d’allant et d’envies. Son propos, très social, parfois sociologique, éclaire merveilleusement son œuvre. Elle évoque les minorités avec beaucoup de simplicité. Loin du sentiment de compassion que l’on éprouve en regardant bien de ses clichés, Diane Arbus à l’inverse "dé-problématise" ses sujets. Sur les photos de concours de beauté ou de Monsieur Muscle, où elle nous place au niveau des spectateurs, en position de voyeur un peu gêné, elle tient un discours beaucoup plus large : elle inscrit en effet ces photos dans le cadre d’un inventaire de tout ce que la société américaine compte de rites et les appréhende de façon positive.
Le décalage entre ce que nous avons éprouvé en regardant son œuvre et ses propos apparemment tranquilles interdisent toute interprétation biographique de son travail, autant qu’il nous interroge sur notre propre perception et notre réception de ce que l’on appelle "la différence".

Diane Arbus
Jeu de Paume
1, place de la Concorde – Paris 8ème
Entrée 8,5 € (TR (5,5 €)
Consulter les nouveaux horaires sur le site du Jeu de Paume
Jusqu’au 5 février 2012

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