Quand la mer se retire. Armand Lanoux

quand_la_mer-se_retireEt voici l’épisode n° 6 du feuilleton des prix Goncourt, toujours signé Andreossi. Cette fois c’est le Goncourt 1963 – difficile à trouver visiblement…

Bonnes lectures d’été à tous et à toutes !

Mag

C’est en battant sur le fil le jeune Jean-Marie Le Clézio qu’Armand Lanoux enlève le Goncourt en 1963. Aujourd’hui, son roman Quand la mer se retire doit être déniché chez un bouquiniste car il n’est pas disponible en librairie. Les réflexions qu’il peut susciter à propos de la guerre, l’impression de tristesse qui demeure à la fin de la lecture, malgré un style souvent enlevé, et surtout le haut degré de dérision que l’on y trouve bien souvent, devraient faire oublier les pesanteurs de l’époque, comme une certaine misogynie ou des métaphores superflues.

Un Canadien québécois revient sur les plages normandes vingt ans après le débarquement allié. Il est accompagné par celle qui était fiancée à son ami tué au cours des combats. C’est un pèlerinage qui n’a pas du tout le même sens pour les deux, dans la mesure où si pour Valérie il s’agit de retrouver les traces de l’homme auquel elle est toujours restée fidèle, pour Abel c’est l’occasion de faire ressurgir des événements vécus qui ont laissé leur part de traumatisme. D’un côté la volonté de faire revivre un héros, de l’autre l’interrogation sur le sens de la mort atroce de son ami.

Les paysages normands donnent lieu à quelques images aventureuses : « Le soleil se couche, emmenant vers les étables de la nuit sa cavalerie fantastique. Les outres de l’orage dérivent vers le continent qu’elles investissent, elles aussi ». Le roman offre la palette la plus large des stéréotypes féminins, de la coincée Valérie représentante de l’hygiénisme américain à la libérée Bérangère, bien française, qui s’offre, mais pas à un seul, en passant par la figure de tous les pays, Mamie la putain, « bête somptueuse ». Mais la constante la plus étonnante du livre est la dérision qui s’attache aux caractères et coutumes français, comme pour faire penser au Canadien : et c’est pour cela que nous nous sommes battus !

Vingt ans après nous sommes très loin de la Résistance mise en scène par Elsa Triolet ! La description du groupe de Fifi (pour FFI) est particulièrement pittoresque, digne d’un film d’Audiard (Michel) : un infirmier psychiatrique a recruté quelques malades et part à la recherche des collabos… Celle du mariage villageois a un caractère de gaîté sordide assez réussie. Le peuple de France est décrit sous des travers qui visent le contraste avec les soldats qui se sont fait tuer pour sa libération : « Je n’aime pas la France que je vois depuis huit jours, la petite France des petits douaniers ventrus, des petites routes, des petites maisons, des petites autos, des ivrognes, des chansons obscènes, des effrontées qui raccrochent dans les rues ».

Un bon résumé du propos peut être trouvé dans la description du monument aux morts du village : « Au centre le monument aux morts représente un fantassin, pans de capote troussée héroïquement sur les molletières, croisant la baïonnette, tandis que, derrière lui, une belle dame au sein nu joue du clairon en désignant théâtralement le débit de tabac ». Mais la visite au cimetière canadien apaise les sentiments des deux pèlerins et donne au final une touche mélancolique durable.

Andreossi

Quand la mer se retire

Armand Lanoux

Julliard, 1963

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