L’Amant, Marguerite Duras

Le Goncourt 1984 se donne nettement comme autobiographique, voulant même prolonger certains écrits antérieurs : « Ici je parle des périodes cachées de cette même jeunesse, de certains enfouissements que j’aurais opérés sur certains faits, sur certains sentiments, sur certains événements ». Mais le titre choisi met l’accent sur une aventure qui paraît somme toute moins remarquable que révélatrice du rapport de l’auteure à sa famille.

Une adolescente Française de Saigon séduit (ou est séduite par) un riche Chinois qui a vingt ans de plus qu’elle. Le pouvoir de la beauté adolescente s’exprime pleinement : « Dès le premier instant elle sait quelque chose comme ça, à savoir qu’il est à sa merci. Donc que d’autres que lui pourraient être aussi à sa merci si l’occasion se présentait ». L’histoire d’amour dure assez longtemps pour que l’inquiétude survienne chez l’amant : « Il éprouve une autre peur aussi, non parce que je suis blanche mais parce que je suis si jeune, si jeune qu’il pourrait aller en prison si on découvrait notre histoire ».

Pourtant la narratrice évoque beaucoup plus sa famille, c’est à dire sa mère et ses frères, pour que l’on n’ait pas le sentiment que l’essentiel se passe ailleurs, et que l’homme est l’occasion de se libérer d’une lourde emprise familiale : « L’enfant aura à faire avec cet homme-là, le premier, celui qui s’est présenté sur le bac ».

Mais il fallait que la mère et les frères ne soient plus pour pouvoir écrire cette histoire, éventuellement dans un style déroutant : « Pour les souvenirs aussi c’est trop tard. Maintenant je ne les aime plus. (…) C’est fini, je ne me souviens plus. C’est pourquoi j’en écris si facile d’elle maintenant, si long, si étiré, elle est devenue écriture courante ».

Ce sont les propos de la mère à la directrice de la pension qui résument la question du rapport à l’argent sous-jacent à la relation avec l’amant Chinois : « La mère parle, parle. Elle parle de la prostitution éclatante et elle rit, du scandale, de cette pitrerie, de ce chapeau déplacé, de cette élégance sublime de l’enfant de la traversée du fleuve, et elle rit de cette chose irrésistible ici dans les colonies françaises, je parle, dit-elle, de cette peau de blanche, de cette jeune enfant qui était jusque- là cachée dans les postes de brousse et qui tout à coup arrive au grand jour et se commet dans la ville au su et à la vue de tous, avec la grande racaille milliardaire chinoise, diamant au doigt comme une jeune banquière, et elle pleure ».

Andreossi

L’Amant, Marguerite Duras

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