
Qu’il est doux en ce chaud été de retrouver le cocon tranquille des salles d’exposition, de retrouver ce vivifiant frottement du regard aux œuvres d’art, de découvrir ou appréhender d’une façon renouvelée des pans de création un peu enfouis.
Ce moment de ravissement, c’est au Musée d’Orsay qu’on le doit, qui a monté cette exposition inédite autour de la sculpture polychrome au XIX° siècle.

Il s’agissait alors d’un renouveau : après le Moyen-Age puis la Renaissance (dont on trouve en introduction de très belles évocations, notamment une Vierge à l’Enfant avec trois chérubins de Andra della Robbia), la sculpture en couleurs était tombée en disgrâce. Hormis des œuvres de culture populaire ou religieuse, seule une sculpture immaculée, à l’instar de ce que l’on pensait être la sculpture classique en marbre, en fait totalement blanchie au fil des siècles, n’avait le droit de cité.
Les découvertes archéologiques du XIX° siècle révélant la polychromie de l’architecture et de la sculpture antiques vont bousculer cet idéal de beauté. De même, l’engouement pour le Moyen-Age et la Renaissance va jouer un rôle important dans la 2ème moitié du XIX° siècle : les œuvres de Henry Cros inspirées du XVI° siècle en constituent une des plus séduisantes illustrations (voir par exemple Le Prix du tournoi). On ne passera pas non plus à côté de l’hommage à Bernard Palissy à travers des statues représentant le célèbre artiste de la Renaissance, l’une en biscuit de porcelaine, l’autre monumentale en faïence décorée d’émaux, signées Charles Octave Lévy.
A l’opposé, mais également dans cette veine historicisante, un émouvant Saint-François de Zacharie Astruc déploie une polychromie toute discrète sur bois peint, ivoire, verre et corde.

Autre mouvement majeur du XIX°, le symbolisme s’emparera lui aussi de la couleur, avec des figures comme Carriès (Crapaud et grenouille d’un bleu métallique), Georges Lacombe (très recueillie Marie-Madeleine), Gauguin (Soyez mystérieuses). On n’admire pas moins La Femme au Singe de Camille Alaphilippe.

Avec le Second Empire et son attrait pour les arts décoratifs, architectes et céramistes créent et diffusent en abondance des productions en couleur très convaincantes (tels Emile Muller ou Perrusson).

Enfin, témoignent de la variété des matériaux utilisés par les sculpteurs à cette époque les portraits de Bourdelle en pâte de verre, le grand Jean d’Aire en grès de Rodin, La Vague de Camille Claudel en marbre ou encore la Petite Danseuse de quatorze ans en bronze patiné de Degas.
Ce très joli et souvent surprenant parcours est à découvrir au musée d’Orsay jusqu’au 9 septembre.
Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur – Paris 7° – En couleurs, la sculpture polychrome en France 1850-1910
Entrée 12 euros (TR 9 euros) – Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h, le jeudi jusqu’à 21h45
Le vitriol de lune est un poison qui aurait été utilisé par les assassins de Louis XV, selon Henri Béraud qui obtint par ce roman historique le Goncourt 1922. Curieusement le livre a été pour ce même prix couplé à un autre roman du même auteur, Le Martyre de l’obèse, alors que la qualité du Vitriol de lune suffit au plaisir du lecteur.
Les histoires de bêtes de Louis Pergaud (prix Goncourt 1910) ne sont pas des fables. Il nous conte la vie des animaux dans leur cadre naturel, confrontés à leurs semblables ou aux humains, dans un monde où règne la sauvagerie, à peu près la même qui a fait perdre la vie à Pergaud à Verdun, en 1915.
Le quatrième Prix Goncourt, en 1906, a été un ouvrage des frères Tharaud. Connus pour avoir toujours écrit à quatre mains plus de cinquante livres, ils sont entrés à l’Académie Française dans les années 40. Celui-ci est un court roman, qui évoque pour nous une guerre lointaine, celle des Boers en Afrique du Sud.
Le Goncourt de l’an 2000 n’a pas inauguré une nouvelle ère de la littérature : on a du mal à s’intéresser à ces personnages publics des années 70, artistes qui ont certes marqué leur temps mais dont les anecdotes qui les font vivre sous nos yeux ne réussissent pas à réaliser des portraits qui les rendent vraiment attachants.
Marie Sophie Laborieux est l’héroïne du roman de Patrick Chamoiseau qui a remporté le prix Goncourt en 1992. Elle confie son récit au Marqueur de paroles, et elle a de quoi raconter, car elle commence par les souvenirs laissés par son cher papa Esternome et sa manman Idomédée nés esclaves dans la Martinique, colonie française d’alors, pour terminer sur sa victoire bien à elle : faire reconnaître comme quartier à part entière le bidonville qu’elle a initié près de Fort de France.
C’est avec intérêt qu’on lit ce roman prix Goncourt de 1980, et avec amusement que l’on découvre certaines formules (« peindre des natures vivantes », ou « la place qui respire à plein poumons morts » ou encore lorsque les malentendus sont plutôt des « mal écoutés ») ; mais malgré ces clins d’œil, le climat du livre reste très pesant, car on assiste, pour la plupart des personnages, à l’impossibilité de faire leur deuil de la perte d’un proche.
Est-il une occasion plus merveilleuse de découvrir Alcina, de Haendel, que dans une telle production ? Difficile à imaginer. Le Théâtre des Champs-Elysées était plein à craquer ce vendredi soir pour cette deuxième représentation (sur quatre seulement), et le dense public n’a pas été déçu.
Un Philippe Jaroussky qui, pour en revenir à ce mémorable Alcina, partageait l’affiche avec l’immense star du lyrique Cecilia Bartoli. La belle romaine impressionna par une interprétation tout en subtilité de cette reine cruelle, particulièrement émouvante en amoureuse abandonnée par son amant dans le superbe « Ah, mio cor ! ». L’amant en question, Ruggiero, n’était autre que Philippe Jaroussky soi-même. Sa célèbre voix de contre-alto, d’une virtuosité époustouflante, séduit tant dans les solos que dans les ensembles avec les voix féminines, dont il faut signaler la mezzo Varduhi Abrahamyan dans le rôle de sa promise, Bradamante. Jouant d’abord un rôle d’homme pour dissimuler à Alcina sa véritable identité, elle révèle ensuite à Ruggiero qui elle l’est et le convainc de la suivre et d’abandonner la terrible Alcina. La plasticité et la suavité de sa voix la mettaient parfaitement à sa place au sein d’une distribution si enlevée.
Un Goncourt 1974 vite lu car très court, mais qui laisse bien songeur. Car ce portrait de cette jeune femme, Pomme, nous semble à la fois très suggestif (nous avons l’impression de l’avoir rencontrée), et aussi très incomplet car, comme le narrateur le reconnaît à la fin du roman, nous avons le sentiment d’avoir manqué Pomme.
