La dentellière. Pascal Lainé

Un Goncourt 1974 vite lu car très court, mais qui laisse bien songeur. Car ce portrait de cette jeune femme, Pomme, nous semble à la fois très suggestif (nous avons l’impression de l’avoir rencontrée), et aussi très incomplet car, comme le narrateur le reconnaît à la fin du roman, nous avons le sentiment d’avoir manqué Pomme.

L’intrigue est toute mince : Pomme, jeune fille modeste, rencontre Aimery, un étudiant à l’école des Chartes. Ils vivent ensemble jusqu’au moment où Aimery quitte Pomme. Elle perd tout goût à la vie et est internée en psychiatrie.

La personnalité de Pomme est donnée comme mystère, mais un mystère tellement discret qu’il ne pose pas vraiment question tant qu’il est là à accomplir les petits gestes de la vie quotidienne. Pomme est hors du temps, une image venue d’un passé imprécis : « Cette manière qu’elle avait, par exemple, de pincer entre ses lèvres les épingles à cheveux quand elle refaisait son chignon ! Elle était Lingère, Porteuse d’eau, ou Dentellière. »

L’écrivain reconnaît une certaine impuissance à parler d’elle : « Mais en se saisissant de ce personnage, qu’il comparait à un pollen au hasard du vent, minusculement tragique, l’écrivain n’a su faire que l’abîmer. Il n’y a peut-être pas d’écriture assez fine et déliée pour un être si fragile. C’est dans la transparence même de son ouvrage qu’il fallait faire apparaître la ‘ Dentellière ‘ ; dans les jours entre les fils : elle aurait déposé de son âme, quelque chose d’infiniment simple, au bout de ses doigts ; moins qu’une rosée, une pure transparence ».

Après la séparation, notre futur conservateur de musée a quelque remords et cherche à sortir de sa mauvaise conscience : « Il serait écrivain (un grand écrivain). Pomme et ses objets seraient enfin réduits à sa merci. Il en disposerait à sa convenance. Il ferait de Pomme ce qu’il en avait rêvé : une œuvre d’art. Et puis il laisserait entendre, à la fin de son récit, qu’il avait vraiment rencontré Pomme. Il se complairait à reconnaître qu’il n’avait pas su l’aimer. Il transfigurerait sa honte présente, et son petit remords : sa faiblesse deviendrait œuvre. Ce serait un moment d’intense émotion pour le lecteur ».

Aussi, brusquement, dans le dernier chapitre, l’écriture à la troisième personne passe au « je », et c’est Aimery qui raconte sa dernière entrevue avec Pomme à l’hôpital. Mais pas vraiment d’émotion intense pour le lecteur à ce moment-là. C’est avant qu’on avait aimé la Dentellière.

Andreossi

La dentellière. Pascal Lainé

 

 

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