Paris probable et improbable au musée d'Orsay

Paris probable et improbale, dessins d'architectureFinesse des traits, perfection de la ligne, proportions étudiées, voile de couleur, un brin de fantaisie parfois : c’est tout cela que vous admirerez à l’accrochage présenté en ce moment au musée d’Orsay.
Son objet ? Des dessins d’architecte de la fin du XIXème siècle. Son propos : donner un aperçu du visage qu’aurait eu Paris si des choix autres que ce dont nous connaissons le résultat avaient été arrêtés.
Au XIXème en effet, la ville a été largement remodelée, dans une frénésie de construction et de rénovation qui semblait sans limite. A la fin du siècle, il s’agissait de remplacer ce qui avait été détruit par la Commune, mais aussi de construire des édifices destinés à promouvoir la vie culturelle et le rayonnement de la capitale de la France.
Mêlez à ces préoccupations des problématiques politiques – liées à la succession des régimes -, vous aurez une idée de l’effervescence qui agitait les crayons et les équerres à l’époque.
D’autant que la procédure du concours a été alors très largement utilisée, permettant à de jeunes inconnus, et plus généralement à ceux qui n’appartenaient pas aux services de la Ville de prétendre à la commande publique également.

Les dessins d’architecte issus de la collection du musée d’Orsay réunis ici ont été sélectionnés selon trois axes : les projets pour les édifices ; ceux pour des aménagements de la ville ; enfin un florilège de dessins plus saugrenus.

Ainsi l’on découvre le Paris "probable", avec les variations autour du théâtre de la Ville, du Sacré-Coeur, de l’opéra qui deviendra finalement Garnier, de l’opéra Comique ou encore de l’hôtel de Ville dont la reconstruction après l’incendie de mai 1871 était une priorité. Pour celui-ci, le cahier des charges était très strict car il avait été décidé de le rebâtir à l’identique. Malgré tout, par geste politique, l’on voulu tout de même passer par la procédure du concours, le but étant d’affirmer l’esprit républicain…
Le théâtre des Champs-Elysées donna lieu à un véritable feuilleton, opposant l’architecte belge van de Velde aux entrepreneurs Perret qui s’approprièrent son projet et en définitive s’en attribuèrent la paternité au motif qu’ils l’adaptaient à un nouveau matériau, le béton armé : l’innovation technique prenait alors tout son poids…

Dessins d'architecture, accrochage au Musée d'OrsayCôté aménagement de la ville, une autre histoire à épisodes est celle des Tuileries : le palais avait lui aussi été mis à feu pendant la Commune, mais, au contraire de l’hôtel de ville, les tergiversations durèrent tant que ce n’est qu’en 1889, et après bien des hypothèses que les jardins furent en définitive mis en place.

Les Paris "improbables" sont quant à eux les plus amusants. Ainsi, à la place du néo-classique Grand Palais, on peut imaginer, à partir du dessin d’Ernest Sébille un palais fourmillant d’ornementations et exhibant des références phocéennes : proues de navire flanquant la porte d’entrée, cartouches contenant les noms d’artistes marseillais… un tout autre esprit en somme !
Pour finir, un projet de monument à la gloire de la Révolution Française, vieille lune du XIXème siècle, mais qui ne manqua pas d’étonner, Ernest Lheureux ayant conçu cette pyramide évoquant les temples aztèques ! Mais il était un peu trop tôt – juste un petit siècle d’avance sur les pyramides de M. Peï, qui elles, purent voir le jour…

Paris probable et improbable. Dessins d’architecture du musée d’Orsay
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Henri Schmit (1851-1904), Projet de reconstruction de l’Opéra Comique : façade sur la Place Boïeldieu et vue perspective de cette façade 1893, plume et encre noire, aquarelle et rehauts d’or H: 0,998 m ; L: 0,647 m, Musée d’Orsay, Paris © photo musée d’Orsay / rmn
et Ernest Lheureux (1827-1898), Monument à la gloire de la Révolution française, projet (vue perspective), 1886, crayon, plume et encre, lavis, aquarelle et rehauts d’or, H: 0,48 m ; L: 0,865 m, Musée d’Orsay, Paris © photo musée d’Orsay / rmn

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Pollock et le chamanisme. Pinacothèque de Paris

exposition Pollock et le chamanisme à la Pinacothèque de ParisDe l’américain Jackson Pollock (1912-1956), chef de file de l’expressionnisme abstrait, l’on connaît surtout les drippings, qu’il réalisait en versant ou en jetant de la peinture sur la toile étalée au sol.

La Pinacothèque de Paris propose jusqu’au 15 février 2009, à travers une exposition ambitieuse, d’aborder son œuvre sous un jour nouveau.
Réunissant une quarantaine de tableaux et de gravures issus de collections privées, elle met en lumière l’influence du chamanisme sur l’œuvre de Jackson Pollock, y compris sur la période dite des drippings. La démonstration s’appuie sur les travaux de l’historien d’art Stephen Polcari, commissaire de l’exposition, en pointant les résonances de l’oeuvre de Pollock avec celle du surréaliste André Masson et les rites des cultures amérindiennes.

Entre les explications fournies sur les pratiques initiatiques et les très beaux objets des peuples amérindiens utilisés lors des rites (tels que masques, mats totémiques et cuillères gravées), les superbes tableaux colorés de Pollock des années 1930 et du début des années 1940 trouvent à l’évidence une place de choix. Les rouges, les jaunes, les oranges et les verts s’affrontent et éprouvent leur puissance dans des formes étirées et mouvantes. Il y a le chaos, la contrariété des forces, mais aussi la transformation, la renaissance.

Ces tableaux déjà très physiques et animés laisseront place, à partir de 1947 (mais non exclusivement), à la fameuse "peinture gestuelle" du dripping. Si l’on peut voir dans ces jaillissements de couleur pure le résultat d’une spontanéité presque enfantine, ils évoquent aussi une danse autour de la toile. Pollock les exécutait-il dans une sorte de transe ? Faut-il y voir une autre manifestation de l’influence du symbolique chez Pollock ? Ces lacis de lignes recèlent-ils une signification ?
Beau débat. En toute hypothèse, et chamanisme pour chamanisme, ces tableaux "amérindiens", avec leurs couleurs de feu et la formidable énergie qu’ils dégagent n’ont pas leur pareille pour venir réchauffer, à point nommé, le redoutable hiver parisien.

Pollock et le chamanisme
Jusqu’au 15 février 2009
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
TLJ de 10 h 30 à 18 h, jusqu’à 21 h ts les 1ers mercredis du mois
Les 25 déc. et 1er janv., de 14 h à 18 h
Entrée : 9 € (TR 7 €)
Ateliers enfants les mercredis et samedis : 9 €, durée 1 h 30 (à réserver)

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Paroles d'acteur : "Manque" de Sarah Kane

Paroles d'acteur, Ludovic LagardeParoles d’acteur, produit par l’Adami, confie chaque année à un grand acteur-metteur en scène le soin de monter un spectacle avec de jeunes comédiens.

Pour cette 14ème édition, carte blanche a été donnée à Ludovic Lagarde, après Gérard Desarthe, Daniel Mesguish, Niels Arestrup, Julie Brochen notamment.
Il a choisi Manque, de la dramaturge britannique Sarah Kane, qui s’est donné la mort en 1999, à l’âge de 28 ans.

Une pièce "difficile" puisqu’elle est dépourvue d’action, met en scène quatre personnages qui ne dialoguent pas totalement entre eux, et évoque des thématiques parfois violentes.

Pourtant, le spectacle proposé jusqu’au 6 décembre au Théâtre de la Cité Internationale, dans le cadre du Festival d’Automne, semble touché par la grâce.
S’il n’est pas "lisible" ligne à ligne, s’il ne raconte pas une histoire mais des fragments de vie, le texte de Sarah Kane est beau, sensible et dégage une certaine poésie.
Il parle de l’enfance, de souffrances passées et de mal-être au présent, de mort et de haine de soi, mais aussi de tentatives de liens, de présence à la vie et d’amour.
Ludovic Lagarde a dirigé les jeunes comédiens avec intelligence, évitant les excès de "jaillissements" et de "fulgurances" que ce type de texte pourrait susciter, se contentant, si l’on peut dire (et faisant ainsi exactement ce qu’on attend) de le faire incarner. Les neuf comédiens le portent avec une grande justesse ; mettent en valeur toute la musicalité du texte en jouant une sorte de chorale où seuls les mots créent rythme et mélodie.

Quant à la mise en scène à proprement parler, on pourrait dire qu’il n’y en a pas (pas de décor, des mouvements réduits), sauf qu’avec quelques bancs, une simple rampe de lumières, trois notes de musique et surtout un placement idéal des acteurs sur la scène, Lagarde a réussi dans l’épure avec une grande efficacité.
Des comédiens habités par un texte fort, une mise en scène dépourvue de prétentions stylistiques : ce spectacle tend à prouver que Ludovic Lagarde et la jeune "troupe" dont il a eu la garde pendant quatre semaines seulement se sont plutôt bien entendus et qu’au fil de ce Manque, la démarche de transmission a été accomplie.

Manque. Sarah Kane
Festival d’Automne à Paris
Théâtre de la Cité Internationale
17, boulevard Jourdan – 75011 Paris Du 1er au 6 décembre 2008
A 20 h 30, durée 1 h
RER B : Cité Universitaire
Tramway 3 : Cité Universitaire
Tarif unique : 5 €

Mise en scène, Ludovic Lagarde
Collaboration artistique d’Emilie Rousset
Dramaturgie : Marion Stoufflet
Lumière et régie : Emmanuel Jarousse
Son : David Bichindaritz et Jonathan Michel
Musique : Rodolphe Burger
Avec Johanna Bah, Dominik Bernard, Cécile Bouillot, Émilie Chesnais, Marie Kremer, Fabienne Lucchetti, Déborah Marique, Grégory Montel, Antoine Regen

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Masques, de Carpeaux à Picasso. Musée d'Orsay

Masques, de Carpeaux à Picasso, exposition à OrsayObjet magique, il dissimule le visage de celui qui le porte, tout en exhibant des expressions choisies.
Ambigüité, illusion, jeu, le masque évoque aussi les rites et la sorcellerie. Des masques du théâtre antique aux masques dits "primitifs" qui fascinèrent les cubistes, en passant par le loup, associé à la galanterie, les masques du Carnaval ou encore ceux du théâtre japonais, le registre est large et familier, souvent festif.

Il fallait cette exposition au Musée d’Orsay, tout à fait inédite, pour découvrir que l’Europe, et la France en particulier, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème se prit d’une nouvelle passion pour les masques.

Les artistes ne se contentèrent pas de reprendre les masques traditionnels mais développèrent un genre bien à part. Ce renouveau se manifesta par le culte laïque des masques mortuaires d’abord (ceux de Napoléon, Géricault ou Beethoven connurent un grand succès), puis par le travail sculptural très élaboré dans les ateliers, comme dans celui de Jean Carriès, dont on observe ici l’étendue : visages grimaçants (parfois inspirés de ses propres traits), outrés, voire carrément déformés, la violence n’est parfois pas loin dans cette belle suite de masques en gré émaillé.

De superbes têtes de Rodin, mais aussi de Carpeaux et de Bourdelle rappellent l’importance du masque comme "étape" (ou comme oeuvre en tant que telle, la finalité de l’objet n’étant pas toujours établie avec certitude) dans l’élaboration de l’expression du personnage sculpté, à l’exemple des multiples tentatives de Rodin de traduire le regard de la comédienne japonaise Hanako ("Il n’était jamais satisfait !" dira-t-elle à ce sujet dans ses mémoires).

Dès 1886, au jardin du Luxembourg à Paris, la fortune du masque était acquise, avec le Marchand de masques en bronze de Zacharie Astruc, qui réunit, dominé par celui de Victor Hugo, les visages des célébrités littéraires de l’époque.
Le parcours fait aussi la part belle aux vertus décoratives du masque, l’éclectisme du XIXème siècle revisitant la tradition architecturale et ornementale du mascaron ; ou encore aux variations des Symbolistes, qui ont trouvé dans le masque le support privilégié de l’expression de toutes les étrangetés, angoisses, malaises et visions de la mort.
Une exposition fascinante, à l’image de cette réinterprétation de la Gorgone Méduse issue des mythes grecs, aussi pétrifiée dans son malheureux sort que pétrifiante, avec sa chevelure de serpents et son regard fatal à quiconque le croise.

Masques. De Carpeaux à Picasso
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Catalogue Masques, de Carpeaux à Picasso, collectif sous la direction de Edouard Papet, 256 p., 300 illustrations couleurs, Musée d’Orsay / Hazan, 49 €

Image : Arnold Böcklin (1827-1901), "Bouclier avec le visage de Méduse", après 1887, papier mâché peint et doré, Musée d’Orsay, Paris © Photo RMN, Hervé Lewandowski

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La vie moderne. Raymond Depardon

La vie moderne, Raymond DepardonCe sont des routes désertées, au milieu de paysages magnifiques mais qui ne sont pas là pour ça. Au bout du bout, ce sont des hameaux de pierre qui semblent avoir été toujours là.
Le jour tombe, Marcel rentre ses brebis, appelle sa chienne en patois ; comme hier, comme avant-hier, comme chaque soir depuis combien de temps ?
Il est l’aîné des deux frères Privat, quatre-vingt ans bien sonnés chacun, restés à la ferme du Villaret dans les Cévennes après leurs parents, et restés célibataires aussi.
Leur neveu Alain vient de se marier avec Cécile, venue du Pas-de-Calais. Active et souriante, elle dit bien s’adapter ; sa fille Camille, quinze ans, taiseuse, se tient bien sur la roue du tracteur et pourrait devenir agricultrice plus tard. La relève assurée, enfin ? Les choses ne vont pas de soi. "Conflit de génération ?" demande Depardon. "Non !", s’exclame Raymond, le cadet des deux oncles, à la fois passionné et réfléchi. "Le métier a évolué. je me souviens de ma mère qui se levait à 6 heures du matin pour faire le feu et préparer le café. Il n’y avait pas d’électricité. On n’était pas bien moins que les autres. C’était comme ça chez tout le monde. Alors elle se levait à 6 heures et elle allumait le feu. Nos parents, c’était autre chose."
Ainsi Raymond Privat répond à Raymond Depardon sur la question du conflit des générations : pas à côté, mais "de côté". A l’image de la façon dont Depardon le filme, magnifique : en léger contre-champ, de trois-quart, assis à la table de la cuisine. Son frère Marcel est en face de lui, un peu de biais aussi. Plus "rouscagneur" que bavard, il est plus direct aussi, plus à vif : "Je n’aime pas qu’on me marche sur les pieds et les gens qui n’aiment pas qu’on leur marche sur les pieds. Voilà." Toujours au sujet de la belle-nièce toute neuve. Ce sera à peu près tout pour Marcel.
Depardon questionne encore : "Et la succession ?" "C’est là que le bât blesse" résume Raymond. "C’est là que le bât blesse" répète-t-il.
C’est dire le climat de confiance qui s’est installé entre le documentariste et ces paysans de moyenne montagne, dans les Cévennes ou en Haute-Loire, là ou les terrains accidentés ne permettent que l’élevage. Depardon les a parcourus pendant dix ans pour aller à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui vivent "loin de tout", mais si présents à leur terre, à leur bétail, à leurs pierres.

Raymond Depardon vient de ce monde-là, l’a quitté à l’âge de seize ans, est devenu reporter et a parcouru le monde. Plus de quarante ans après, alors que ses parents ne sont plus, il revient vers leur/son milieu. Et s’il filme ce qui évolue dans ce monde à part, il filme aussi ce qui n’a pas changé. Au Villaret par exemple, où il revient à différentes saisons, il montre à plusieurs reprises le perron de la maison : trois-quatre marches de pierres, une porte ouverte. De longs plans fixes, sans personne ou avec l’un des frères ou encore la chienne qui passe. Cela suffit pour se dire que depuis quatre-vingt et quelques années, chaque jour, plusieurs fois par jour, Raymond et Marcel ont marché sur ces pierres, ont franchi ce seuil. Tous les jours, depuis si longtemps.
"Apaisé" confie Raymond Depardon en conclusion de son documentaire. Il a tant bougé ; comme tant de gens au cours de ce XXème siècle. L’exode rural a bien continué. Mais il s’en est trouvé qui sont restés, et il en restera encore peut-être demain. Même si Marcel, à la fin du film, ne peut plus sortir ses brebis : il a quatre-vingt-huit ans, il est malade ; il ne peut plus. "C’est comme ça, dit-il, c’est pour tout le monde pareil, quand on ne peut pas, on ne peut pas." Toujours laconique, sans gras.

En filmant les frères Privat et bien d’autres tout aussi passionnants à écouter, Depardon a trouvé la distance et les mots justes pour les faire parler avec naturel, en demeurant toujours à mille lieux du folklore ou du pittoresque.
Il était à la recherche de quelque chose qu’il connaissait, qu’il avait peut-être peur d’avoir oublié mais qu’il a su retrouver, avec obstination et délicatesse, et surtout un respect infini.
Alors, après le déchirement de voir Marcel ne plus pouvoir sortir ses bêtes et sa vie peut-être bientôt se conclure, Depardon, dans la scène finale, très belle, montre la silhouette de Raymond, au loin sur le col, qui, lui, est encore là-haut ; on pense aussi aux enfants, prêts à reprendre plus tard.
La caméra de Depardon s’éloigne, c’est un au-revoir. On aime et on croit en cet "apaisé" ; on aime par dessus tout chez lui ce qu’il semble avoir inventé, qui pourtant ne s’invente pas, et qui a pour nom la finesse. Et il en fallait pour réaliser ces deux Profils paysans puis cette Vie moderne, des oeuvres rares, précieuses qui avec beaucoup de silences en disent bien long.

La vie moderne
Un documentaire de Raymond Depardon
Durée 1 h 30

Les deux premiers volets de cette trilogie sur le monde paysan sont Profils paysans – L’approche (2001) et Profils paysans – La vie quotidienne (2005)

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Chansons de Jacques Brel en B.D.

Les chansons de Jacques Brel en BDJaques Brel disparaissait voici trente ans, le 9 octobre 1978 exactement. Il nous a laissé des chansons lyriques et inoubliables sur l’amour, l’amitié, la vieillesse, la mort.

Après avoir vécu des débuts difficiles, Brel a connu une gloire éclatante ; mais il a vite arrêté la chanson et s’est lancé dans le cinéma. Puis il s’est retiré aux Marquises, y a mis sa personne et son avion au service des autochtones, avant de s’éteindre pour y reposer à jamais, aux côtés de Paul Gauguin.

De ses chansons, le grand Jacques disait que sur quatre-cent-quarante, il y en avait peut-être trois qui se lisaient. Évidemment, ceci est faux, surtout lorsqu’elles sont accompagnées de dessins, comme ces Bigotes drôlement bien croquées, qui "vieillissent à petits pas / de petits chiens en petits chats… s’embigotent les yeux baissés / comme si Dieu dormait sous leurs chaussures…" jusqu’à ce qu’elles "cimetièrent à petits pas / au petit jour d’un petit froid"
Le fils de bourgeois qui a fui l’entreprise cartonnière familiale pour embrasser l’art, l’éternel intranquille pris par l’urgence de vivre n’émoussait pas sa plume lorsqu’il pointait les tièdes qui se tiennent au chaud, "le cœur au repos, les yeux bien sur terre… entre notaires, on passe le temps…".
Oui, ses chansons se lisent et en outre s’illustrent, car elles sont des poèmes poignants et sans âge comme ce Tango funèbre :

"Ah, je les vois déjà, compassés et frileux, suivant comme des artistes
Mon costume de bois
Ils se poussent du coeur
Ils se poussent du bras
Pour être le plus premier
Pour être le plus triste
Z’ont amené des vieilles
Qui ne me connaissaient plus
Z’ont amené des enfants
Qui ne me connaissaient pas
Pensent au prix des fleurs et trouvent indécent
De ne pas mourir au printemps
Quand on aime le lilas…"

A redécouvrir dans :
Chansons de Jacques Brel en bandes dessinées
Editions petit à petit
96 p., 15 €

Contenu de l’album :
La Fanette, par David Signoret
Ne me quitte pas, par Antoine Ronzon
Les Bigotes, par Kevin Henry et Julien Lamanda
Les Bourgeois, par Olivier Martin
Au suivant, par Benoît Frébourg
Les Bonbons, par Heidi Jacquemoud
Jef, par Marie Terray
Mathilde, par Kevin Henry et Christine Circosta
Le Tango funèbre, par Nathalie Bodin
Ces Gens-là, par Olivier Desvaux
Jaurès, par Chandre et Manolo Prolo

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L'échange. Clint Eastwood

L'échange, Clint EastwoodLe film est inspiré de cette histoire réelle, qui s’est déroulée à la fin des années vingt à Los Angeles : Walter Collins, neuf ans, fils unique de Christine Collins, une femme célibataire et active, disparaît. Au bout de quelques mois, le Los Angeles Police Department (LAPD), après avoir soigneusement convoqué la presse pour faire montre de son efficacité remet un petit garçon à Christine en affirmant qu’il s’agit de son fils. Mais Christine ne reconnaît pas son Walter. Elle poursuit alors un combat obstiné afin que la police poursuive ses recherches.
L’arrogant LAPD, plus soucieux de son image que d’œuvrer pour la justice, ne l’entend pas de cette oreille et utilise tous les moyens, de la manipulation à l’internement forcé, pour faire taire Christine.
En parallèle, un policier découvre dans un ranch un ossuaire d’une vingtaine d’enfants assassinés par un tueur en série. L’ampleur du crime va contraindre la police à mener jusqu’au bout cette enquête-là. Walter faisait-il partie de ces pauvres victimes ?
De ce fait divers, Clint Eastwood a tiré un mélodrame magnifique. Admirablement classique, maîtrisé, où les séquences s’enchaînent les unes aux autres avec une fluidité narrative extraordinaire malgré la multiplicité des faits. Eastwood déroule l’histoire progressivement, pousse les volets les uns après les autres, sans que jamais le film ne perde une once de souffle, sans que la direction donnée ne soit jamais bâclée ou traitée avec facilité.
Il développe les sentiments avec cette force dénuée de mélo qui n’appartient qu’à lui et montre les faits avec une puissance de frappe qui laisse pantois.
Pour autant, L’échange n’est pas seulement un film sentimental : au delà du déchirement d’une mère privée de son fils, au delà de l’horreur des enfants massacrés, Clint Eastwood souligne tout ce que ce drame recèle de questions sociales et politiques : l’administration corrompue qui gouverne par l’arbitraire, l’intimidation, le harcèlement et la force ; le sort fait aux femmes (le désir d’indépendance considéré comme pure hystérie) ; les traitements ignobles infligés aux malades psychiatriques (ou prétendus tels) ; la demande de sécurité des citoyens moyennant renoncement à certaines règles de l’Etat de droit ; la peine de mort enfin.
Au delà de la splendeur formelle et de la reconstitution historique parfaite, sur tous ces sujets, Clint Eastwood sonne juste et bouleverse ; et fait une fois de plus la preuve qu’il est décidément, loin devant, le plus grand.

L’échange.
Clint Eastwood
Avec Angelina Jolie, John Malkovich, Michael Kelly, Jeffrey Donovan, Jason Butler Harner
Durée 2 h 21

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Le crime est notre affaire. Pascal Thomas

Le crime est notre affaire, Pascal ThomasAprès Mon petit doigt m’a dit, puis L’heure zéro, absolument délicieux, Le crime est notre affaire est le troisième film de Pascal Thomas tiré d’un roman d’Agatha Christie.
Nous voici cette fois installés dans les Alpes cossues, où Prudence et Bélisaire se sont rangés des services secrets. Une retraite bien trop paisible pour Prudence, qui sent dans ces jours tranquilles une "odeur de vieux" étouffante.
Noël approche, une vieille tante un peu farfelue vient faire une petite visite avant d’aller chasser le papillon en Guyane. Tourneboulée, elle affirme avoir été témoin d’un assassinat dans le train. Mais aucun cadavre n’ayant été retrouvé, la maréchaussée classe l’affaire sans suite. Il n’en fallait pas plus pour ranimer la flamme de détective encore tapie en Prudence : elle part donc mener l’enquête, d’une façon peu conventionnelle et beaucoup plus séduisante que celle de Bélisaire… mais les deux font malgré tout la paire, d’autant qu’ils sont amoureux comme au premier jour.
Autant le dire franchement, il s’agit certes d’une énigme policière, mais Pascal Thomas la traite avec une totale désinvolture ; une manière qui n’exclut nullement le charme. Par sa fantaisie, son ton plein de liberté, son parfum de mystère et les contours tout en couleurs de ses personnages principaux, Le crime est notre affaire offre un moment de pure détente. L’histoire y a peu d’importance, mais l’on en sort avec la sensation d’avoir passé un bon moment, avec d’excellents comédiens, des dialogues bien balancés et des décors enchanteurs. Bref, ce qu’on appelle un agréable film de divertissement.

Le crime est notre affaire
Pascal Thomas
Avec Catherine Frot, André Dussollier, Claude Rich, Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud, Hippolyte Girardot, Annie Cordy…
Durée 1 h 49

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Scènes de la vie d'acteur. Denis Podalydès

Denis Podalydès, scènes de la vie d'acteurEtre dans la peau d’un acteur, tout le temps, ou à n’importe quel moment. Etre dans la peau de Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, qui a réuni dans ces Scènes les notes prises au fil de son métier d’acteur : descriptions très précises de tournages, de répétitions, d’attentes, de représentations devant le public, partagées avec le lecteur comme s’il y était.
Mais le comédien dessine aussi des portraits, livre des réflexions et des questionnements, des états d’âmes et leurs variations. C’est que Denis Podalydès a ceci de passionnant qu’il apparaît dans ce journal de bord comme un être à peu près dénué de certitudes. Il est homme qui cherche. Il aurait aimé ceci, il aimerait cela. Il sait l’espoir et la désillusion. Il connaît aussi le succès ; mais se méfie de la duperie. Il y a chez lui un mélange d’orgueil bien trempé et d’authentique humilité. Il y a chez lui, outre celui du théâtre, l’amour de la littérature, le goût du travail obstiné, la soif de connaître, le désir de toujours s’émerveiller. De l’autre côté, il y a nous, spectateurs, tout aussi émerveillés mais par lui, le comédien, le metteur en scène (d’un Cyrano inoubliable notamment) et enfin, ici, par l’auteur. Car le bougre – qui n’en manque pourtant pas – a aussi le talent de bien savoir tourner sa plume, qu’il a fine, précise et sensible. Celle d’un acteur qui ne se contente pas de beaucoup jouer et de susciter l’admiration, mais ne cesse, tout autant, sinon plus, de lire, observer, réfléchir.

Scènes de la vie d’acteur
Denis Podalydès
Seuil, 295 p., 19 €

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Salogi's. Barlen Pyamootoo

Barlen Pyamootoo est né en 1960 sur l’Ile Maurice. Il a vécu en France à partir de 1976 et y a enseigné la littérature. Il vit depuis près de dix ans entre Paris et Trou-d’eau-douce. Il a publié deux romans (Bénarès et Le Tour de Bablyone, Éditions de l’Olivier) et a adapté et réalisé lui-même Bénarès pour le cinéma en 2006.

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