Le Musée de la Vie romantique accueille Jean-Jacques Henner

La liseuse de Jean-Jacques HennerDans la seconde moitié du XIXème siècle, alors que l’avant-garde impressionniste s’enflamme, la peinture officielle continue de remplir les Salons.

Si l’on s’est largement détourné, au XXème siècle, de ces peintres académiques, figures du conservatisme le plus repoussant, on redécouvre Jean-Jacques Henner aujourd’hui avec l’intime plaisir de se plonger dans les derniers soubresauts du romantisme.

Cet Alsacien, fils de cultivateurs, qui a suivi la voie classique (formation en province puis à l’Ecole des Beaux-Arts et dans les ateliers parisiens, fréquentation assidue du Louvre, Grand Prix de Rome et Villa Médicis) n’a certes contribué à aucune révolution.

L’oeuvre de ce peintre aux influences multiples (Renaissance italienne, Holbein, Ingres, Corot, Prud’hon…) ne se rattache à aucun courant pictural du XIXème siècle.
Régulièrement exposé et récompensé dans les Salons et les Expositions Universelles, ainsi qu’au musée du Luxembourg après l’achat de certaines de ses oeuvres par l’Etat, il fut également un portraitiste recherché dans la société bourgeoise du XIXème siècle.

Ses portraits ne passionneront guère les foules aujourd’hui.
L’Alsace. Elle attend (1871), qui fut l’emblème du deuil national après la perte de l’Alsace-Lorraine en 1870 et Alsacienne ou Eugénie Henner en Alsacienne tenant un panier de pommes (1869-1870) ne sont pourtant pas totalement assommants : ils sont même saisissants de pose et d’attente, de vie qui se résigne et se fige dans la fleur de l’âge…

Ce n’est pas pour elles qu’on se déplacera mais pour la belle nymphe rousse, déclinée en de multiples tableaux de tous formats, tantôt sa peau laiteuse prenant le nacré de la porcelaine, nu sophistiqué quelque peu ingresque, tantôt son corps de déesse se modelant par le jeu de l’ombre et de la lumière dans un léger flou propice au rêve et à l’abandon.
On retrouve cette veine, la plus touchante chez Henner, dans Le rêve ou Nymphe endormie (1892) et Paysage de Troppmann-Kinck (1879) où le coup de pinceau libre et fluide, ce que le peintre appelait les petits tons, les contrastes exagérés de l’eau et du ciel clairs avec la végétation brune, presque noire, expriment une nature très poétique, voire mélancolique.

De la peinture de Jean-Jacques Henner, qui compte également un grand nombre de tableaux religieux (dont les impressionnants Jésus au tombeau et Saint Sébastien), on retient donc surtout la magnifique sensualité de ses nus. La seule Femme qui lit dite La Liseuse (1883), avec toujours sa chevelure rousse et libre, son corps alangui doucement modelé, redressé au dessus d’un livre grand ouvert, dans une ambiance chaude et vaporeuse fera aimer cet "académique"-là.

Face à l’impressionnisme
Jean-Jacques Henner, le dernier des romantiques
Musée de la Vie romantique
Hôtel Scheffer-Renan, 16 rue Chaptal – Paris 9ème
Jusqu’au 13 janvier 2008
TLJ sf lundis et jours fériés de 10 h à 18h
M° St-Georges, Blanche, Pigalle, Bus 74, 67, 68
Entrée 7 € (TR 5,50 et 3,50 €)
Entrée libre pour les collections permanentes

Avant de partir, on peut prendre un verre, un déjeuner léger ou un goûter dans le jardin du salon de thé (ouvert de mai à octobre de 11 h 30 à 17 h30), au milieu d’un fouillis végétal parsemé, en septembre, de rosiers remontants, de dahlias et de roses trémières.

Image : Femme qui lit dite La Liseuse (1883)

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Les Multiples de Beuys au Musée du dessin et de l'estampe originale

Les multiples de Beuys au musée de GravelinesIl n’existe en France qu’un seul musée exclusivement dédié à l’estampe originale.

Il est joliment installé à Gravelines, entre Dunkerque et Calais, dans la poudrière de l’ancien château de la ville ceinturée de remparts.

A travers l’exposition permanente Histoire et techniques de l’art de l’estampe, il explique les principales techniques de l’estampe, des origines, au XVème siècle, à nos jours (1).
Des oeuvres majeures de la riche collection du musée côtoient des outils de graveur et des presses : ce parcours esthétique est instructif rappelle que l’estampe est une oeuvre d’art à part entière et que, d’Albrecht Dürer à Picasso, en passant par Gustave Doré et Fernand Léger, des artistes très différents y ont recouru au fil des siècles.

Partie prenante de la manifestation Dunkerque l’Européenne 3, biennale de culture contemporaine qui se déroule jusqu’au mois de novembre 2007 sur le thème de l’Allemagne, le musée de Gravelines présente jusqu’au 28 octobre une exposition inédite consacrée aux Multiples de Joseph Beuys (1921-1986), artiste allemand qui n’avait pas été montré en France depuis 1994 (rétrospective au Centre Georges Pompidou).

Le Musée du dessin et de l’estampe est idéal pour valoriser les oeuvres (une centaine au total) d’un artiste qui, tenant que l’art devait être partagé et accessible au plus grand nombre, éditait ses oeuvres en grandes séries (pouvant aller jusqu’à 12 000 exemplaires), qu’il s’agisse d’estampes, de photographies, d’objet ou de vidéos.

C’est ainsi qu’à côté de différents multiples, où l’on peut souvent voir un hommage à Marcel Duchamp (de même que dans les tirages sur feuilles vinyles de photos retravaillés de ready-made de Duchamp), l’exposition met tout particulièrement en valeur l’oeuvre gravé et lithographié de Joseph Beuys.

On y découvrira, récemment acquis par le Musée, un très bel ensemble de neuf lithographies éditées en 1974 à partir de dessins réalisés dans les années 1950, ainsi que les émouvantes eaux-fortes de la Suite Larmes (1985), qui marquent un « retour aux sources » de l’artiste, le dessin ayant toujours eu chez ce grand admirateur de Leonard de Vinci une importance première, mais aussi la fidélité aux thématiques qui furent les siennes dès ses premières créations, notamment le monde animalier et la femme.

De ces motifs simplissimes mais éminemment symboliques, cerfs, cygnes, abeilles, de ces femmes (espiègle Jupons !), du trait parfois épuré, parfois violent, se dégage un grand lyrisme (poignante Tête de cerf, larme à l’oeil…).
Un sentiment que les teintes, lavis d’encre et aquarelle, véritablement naturelles à l’origine renforcent : Joseph Beuys utilisait en effet pour dessiner des matériaux organiques telles le sang ou la cire d’abeille.
Il était au demeurant fasciné par la nature et en particulier par la transformation de la matière, du liquide au solide notamment ; ainsi du sang qui se fige en séchant, de la cire d’abeille qui se fait miel…

Le film de l’interview donné par l’artiste au Musée des Beau-Arts de Calais en 1984 que l’on peut voir à la fin du parcours permettra d’en savoir plus sur cet artiste qui accordait à la spiritualité une place fondamentale.
Son discours humaniste, en appelant aux valeurs esthétiques, à la culture, à la créativité de chacun – même dans les actes les plus courants de la vie quotidienne -, considérés comme les seuls chemins d’accès à la liberté, s’écoute avec passion plus de 20 ans après sa mort : sa fraîcheur est souveraine.

Les Multiples de Beuys
Musée du dessin et de l’estampe originale
Château, Arsenal – 59 820 Gravelines
Tél. : 03 28 51 81 00
musee.de.gravelines@wanadoo.fr
TLJ sauf le mardi, de 14 h à 17 h
De 15 h à 18 h les samedi, dimanche et jours fériés
Entrée 2 € (TR : 1 €)
Gratuit chaque 1er dimanche du mois
Le 18 octobre prochain de 14 h à 16 h, une table ronde réunira Dominique Vieville, Directeur du Musée national Auguste Rodin, Jan Hoet, Directeur artistique du MARTa Herford (Allemagne), Maurice Blaussyld, Artiste, Yves Brochard, Professeur Agrégé, Université de Lille3 pour évoquer l’héritage de Joseph Beuys Plus de 20 ans après sa mort, quel héritage laisse Beuys ? Quelle place a t-il dans les musées ? Quelle influence a t-il sur les jeunes artistes ?

(1) Une estampe originale est une création artistique entièrement réalisée ou supervisée par l’artiste, puis attestée par la signature de ce même artiste.

Image : Non titré (Geyser, nymphe et cerf géant saignant), lithographie couleurs sur Zerkall gris-vert

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La collection Matisse au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis

Vigne d'Henri MatisseTerre natale d’Henri Matisse (1869-1954), le Cateau-Cambresis (Nord) dispose d’un très beau musée grâce notamment à la donation de quatre-vingt-deux oeuvres que l’artiste fit à sa ville en 1952.

Le musée Matisse est l’occasion de suivre le parcours d’un peintre, sculpteur et dessinateur que l’on croit souvent à tort originaire du Midi de la France.

Une méprise qui n’est pas sans fondement tant ses créations sont associées aux couleurs, à la lumière et au soleil.

Après avoir fait ses classes aux Beaux-Arts dans l’atelier de Gustave Moreau, c’est à la suite de ses séjours à Saint-Tropez puis à Collioure en 1905 qu’Henri Matisse imposa son style, le fauvisme, caractérisé par l’emploi de larges aplats de couleurs violentes, sans souci de réalisme, dans un dessin et un modelé volontairement sommaires mais très expressifs.

En décembre 1917, il décide de s’installer à Nice, déclarant « Moi, je suis du Nord. Ce qui m’a fixé, ce sont les grands reflets colorés de janvier, la luminosité du jour ».

En 1930, il fait un séjour de trois mois à Tahiti, où la nonchalance et la lumière moelleuse le séduisent. Pendant la guerre, il s’installe à Vence, et à partir de 1949 commence à travailler au décor de la chapelle du Rosaire de Vence, qui sera consacrée en 1951.
Il passe ses dernières années à l’hôtel Régina à Cimiez (Nice), où son état de santé le contraint à dessiner au plafond, depuis son lit, à l’aide d’un fusain attaché à un long bambou.

Ce sont toutes ces étapes que le musée du Cateau-Cambresis permet de suivre pas-à-pas, des natures mortes de la période d’apprentissage (1892-1897) au plafond de sa chambre-atelier à Nice où, en 1950, il traça le portrait de Jacqueline, Claude et Gérard, ses petits-enfants venus fêter ses quatre-vingt-ans.

« Ce sont mes petits-enfants. J’essaie de me les représenter et quand j’y parviens, je me sens mieux. Alors, je les ai dessinés au plafond pour les avoir sous les yeux, surtout pendant la nuit. Ainsi, je me sens moins seul ».

Au long du parcours, on admirera tout particulièrement les superbes Coquelicots et iris (1912), le fauve Portrait de Marguerite (1906-1907), le sensuel Nu, étude d’un mouvement de jambes (lithographie, 1929) ou encore la voluptueuse sculpture du Grand nu assis, que Matisse ne cessa de modifier et retoucher durant sept ans (1922-1929).

On s’arrêtera longtemps devant la profusion de couleurs des tableaux peints dans le Midi dans les années 1940, avec leurs fleurs et plantes luxuriantes, leurs intérieurs lumineux, leurs teintes jaunes et rouges, telles ces Deux jeunes filles, robe jaune, robe écossaise, imprégnées de soleil, sereines et épanouies.

On appréciera toujours les belles gouaches découpées, comme cette Vigne (1953), un « vitrail » de bleu, rose, jaune et vert vifs tout en coeurs et volutes (image) ; ou le célèbre Jazz (1947), où vagues et coraux évoquent une drôle de frise végétale…

Mais le plus bel endroit du musée est certainement le cabinet de dessins, au rez-de-chaussée.
Dans cette salle agréablement cossue, garnie de bois foncé du sol au plafond, sont réunis les dessins et gravures donnés par Matisse à la ville en 1952.

Ambiance chaude, sombre et intime pour découvrir de très beaux nus d’hommes et de femmes, notamment les époustouflantes Odalisque à la culotte de satin rouge et Grande odalisque à la culotte bayadère (1925) mais aussi une série de portraits hyper féminins, sans oublier un bel Autoportrait réalisé en 1900.

« Mon dessin au trait est la traduction directe et la plus pure de mon émotion » affirmait-il.

C’est avec beaucoup de douceur que cette émotion est encore transmise au visiteur plus de cinquante ans après la donation de l’artiste, qui avait à l’époque déclaré :

« J’ai compris que tout le labeur acharné de ma vie était pour la grande famille humaine, à laquelle devait être révélée un peu de la fraîche beauté du monde par mon intermédiaire.
Je n’aurai donc été qu’un médium ».

Musée départemental Matisse Le Cateau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
mél. : museematisse@cg59.fr
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois et Journées du Patrimoine
Audio-guide (gratuit)
Visites guidées pour tous le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Ateliers pour les enfants en période scolaire et durant l’été
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis.

Image : Henri Matisse, Vigne, 1953, Papiers gouachés, découpés et collés, don de Pierre Matisse en 1982

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L'été au frais : les expositions à Paris

exposition Vieira da SilvaLe programme culturel ne connaît pas de trêve estivale dans la capitale. Pour les Parisiens qui demeurent à résidence comme pour les autres qui y viennent « pour le meilleur », les propositions sont nombreuses. En voici une petite sélection.

Côté peinture, on ne peut que conseiller l’exposition, au Musée d’Orsay, De Cézanne à Picasso, chefs d’oeuvre de la galerie Vollard (lire les billets Ambroise Vollard : parcours d’un marchand d’art exceptionnel ; Galerie Vollard : autour des livres et de Vincent van Gogh et Chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard : Paul Cézanne), mais aussi Roy Lichtenstein, Evolution à voir à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 23 septembre.
D’autres méritent certainement le détour, telle celles organisée au Centre culturel Calouste Gulbenkian autour de l’artiste portugaise Maria Vieira da Silva, peintre magnifique de « l’abstraction lyrique », visible jusqu’au 28 septembre.

C’est dans le domaine de la photographie que les grandes expositions sont pléthores cet été. Ainsi, avec Double je, le glamour kitch devenu chic de Pierre et Gilles investit le Jeu de Paume (site Concorde) jusqu’au 23 septembre, alors que jusqu’au 16 , Alexandre Rodtchenko prend ses quartiers au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris qui lui consacre, avec La révolution dans l’oeil la rétrospective la plus importante organisée en France.
Autres expos attirantes : celle de la Maison européenne de la photographie Italie – Double vision propose la confrontation de deux regards sur un même lieu ou un même sujet en Italie, à des moments différents. Les plus grands y sont : Henri Cartier-Bresson, Mario Giacomelli, Martin Parr, Sabastiao Salgado…
Mais aussi celle des clichés de Willy Maywald, intitulée Le Pari(s) de la création, 1931-1955, visible au Musée Carnavalet jusqu’au 30 septembre : le programme annonce 250 photos dans le Paris bohème, de l’entre-deux-guerres aux années 1950.

Et puis il y a toutes les expos qui proposent des ballades un peu en aparté, bien tentantes elles aussi : celle qui a lieu en moment et jusqu’au 28 octobre au Musée des Lettres et Manuscrits Titanic – au coeur de l’océan (télégrammes, cartes postales, documents de bord et autres manuscrits) en fait partie.
La présentation organisée à la Galerie des Gobelins à l’occasion de sa réouverture serait quant à elle l’occasion d’admirer des tapisseries et tapis datés de 1607 à 2007 (jusqu’au 30 septembre).
Quant à l’exposition-parcours De l’Inde au Japon, dix ans d’acquisition au musée Guimet, elle est une excellente raison pour aller se plonger dans les superbes collections d’arts asiatiques de l’institution la plus importante en Occident dans le domaine. On y reviendra peut-être.

Enfin, vous avez encore quelques jours pour courir au Musée du Luxembourg voir l’exposition René Lalique, Créateur d’exception qui finit le 29 juillet, sans oublier, dans un tout autre genre, bien que féminin lui aussi, la superbe rétrospective consacrée à Annette Messager, Les Messagers, à découvrir au Centre Pompidou jusqu’au 17 septembre.

Quelques idées donc, parmi un programme très fourni, auquel on a envie d’ajouter, parce qu’il s’agit d’un thème totalement inédit, Objets blessés. La réparation en Afrique au Musée du quai Branly (jusqu’au 16 septembre) : est exposé un choix de 110 « objets blessés » réparés par les populations autochtones, et issus des collections africaines du Musée.

Bel été, au frais des musées !

Image : Vieira da Silva

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Le programme d'été de Mag… et des autres

Paul Cézanne Grand pin et terre rougeBien des lecteurs sont partis à la plage les bras chargés de livres… en oubliant d’emporter leur ordinateur portable !

Mais d’autres conservent en vacances leurs bonnes habitudes blogophiles et néanmoins culturelles, quand certains sont toujours au charbon.

Aussi, pour concilier la soif des uns avec le besoin de repos des autres, du 16 juillet jusqu’à fin août, vous trouverez sur maglm trois billets, au lieu de cinq, par semaine : rendez-vous désormais le lundi, le mercredi et le vendredi.

A demain, donc, pour la suite de la magnifique exposition De Cézanne à Picasso : chefs d’oeuvre de la galerie Vollard, à voir jusqu’au 16 septembre au Musée d’Orsay.

Image : Grand Pin et Terres rouges, Paul Cézanne (1890-1895), Musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg). Ce tableau ne fait pas partie de l’exposition Ambroise Vollard. Il n’est qu’une suggestion pour les vacances.

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Chefs-d'oeuvre de la galerie Vollard : Paul Cézanne

Les trois baigneuses, Paul CézanneAujourd’hui, suite et fin de la visite de l’exposition De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard.

On a vu ce que Renoir et Cézanne pensaient des oeuvres de van Gogh : "une peinture de fou !" (lire le billet Galerie Vollard : autour des livres d’artistes et de van Gogh).

Les relations entre les artistes à cette époque paraissaient pourtant le plus souvent marquées par l’admiration.

D’ailleurs, si l’opinion des artistes sur les oeuvres de leurs semblables mérite d’être soulignée dans l’exposition organisée autour d’Ambroise Vollard, c’est parce qu’ils étaient souvent les premiers acheteurs de tableaux.

Ce fut le cas de ceux de Cézanne – dont on rappelle qu’il fut véritablement lancé par le marchand d’art grâce à la première exposition monographique qu’il lui consacra en 1895.
Ses premiers "clients" furent Degas, Monet et Pissarro.

Comment ne pas s’extasier, en effet, devant ses superbes paysages, mais aussi ses portraits d’une touchante humanité, mettant en scène des hommes démunis, tels Le fumeur accoudé (1891), Les joueurs de carte (1893) ou encore des êtres mélancoliques comme ce pensif Garçon au gilet rouge (1888-1890) ?

On trouve aussi chez Cézanne de belles correspondances avec d’autres artistes. Son admiration pour Delacroix était telle qu’il conserva toute sa vie dans son appartement une aquarelle du peintre représentant un bouquet. Un jour, il finit par se décider à réinterpréter ce tableau. Les deux oeuvres sont accrochées côte à côte : un beau chemin…

Cézanne avait également peint, en 1870, en écho à la provocante Olympia de Manet (1863), Une moderne Olympia. Quoi de mieux que ces réinterprétations d’un même sujet pour apprécier ce qui fait la singularité et en l’occurrence le talent de chacun des artistes, à savoir le style ?

Cézanne admirateur donc, mais ensuite admiré à son tour. Touchante anecdote que celle autour de son tableau Trois baigneuses (1876-1877) : c’est Matisse qui l’acheta, mais à crédit sur douze mois… et lorsqu’il l’offrit au Petit-Palais en 1936, il déclara que l’oeuvre l’avait "soutenu moralement dans les moments critiques de mon aventure artistique. J’y ai puisé ma foi et ma persévérance".

Tel fut aussi le grand mérite d’Ambroise Vollard : avoir permis ces liens, ces admirations et cette stimulation entre les plus grands.

De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard
Musée d’Orsay
Jusqu’au 16 septembre 2007
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h
nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
RER C, bus 24, 68 et 69, M° ligne 12
Entrée 7,50 € (TR 5,50 €)

Catalogue d’exposition
Collectif, sous la direction d’Anne Roquebert
Musée d’Orsay / RMN, 56 €

Image : Les trois baigneuses de Paul Cézanne (1876-1877)

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Musée Matisse Le Cateau-Cambrésis

musée Matisse Le Cateau-CambresisS’il est un musée où l’on a envie de faire une halte tranquille dans le département du Nord, c’est bien au musée Matisse Le Cateau-Cambrésis.

Après de vastes travaux d’agrandissement et de restauration, l’ancien palais du XVIIIème siècle a rouvert ses portes le 8 novembre 2002, cinquante ans après son inauguration.

C’est en effet à l’initiative d’Henri Matisse (1869-1954) qu’un musée a vu le jour au Cateau-Cambresis, par la décision qu’il prit d’offrir à sa vile natale un ensemble de 82 oeuvres, qu’il fit d’abord installer à l’Hôtel de ville.

Depuis, le musée a fait son chemin : la collection fondatrice a été complétée de deux autres donations importantes, celle d’Auguste Herbin en 1956 et celle d’Alice Tériade en 2000, encore enrichie très récemment à la suite du legs laissé au début de l’année 2007 par Alice Tériade.

Outre la beauté du fonds permanent, ce que ce musée a d’admirable est la façon dont l’extension moderne a été intégrée à l’ensemble et surtout celle dont les salles sont mises à profit.
Le lieu est exemplaire de la manière dont on peut mettre les espaces au service d’oeuvres remarquables et donc au service du visiteur : proportions harmonieuses, scénographie aérée et accueillante, circulation fluide mais matérialisée – on passe de l’espace Tériade à celui consacré à Herbin, avant d’aborder le parcours Matisse, en ayant l’agréable impression de respecter la singularité et l’univers de chaque artiste.

On choisit, on n’assomme pas : par exemple, le très riche fonds Tériade est exposé par rotation. Après Chagall il y a quelques mois, c’est Fernand Léger qui est à l’honneur actuellement, avec le livre illustré Le Cirque, mais également des peintures.

Au fil de la visite, les fauteuils et canapés, l’élégante petite table et ses chaises invitent à se poser un moment, tandis que par les grandes ouvertures on ne quitte pas les tilleuls du parc.

Mais le musée tient également à promouvoir la création contemporaine. Ainsi, les amples volumes du rez-de-chaussée sont réservés à des expositions temporaires d’artistes d’aujourd’hui dont les références à Matisse ou à Herbin sont visibles.

C’est le cas en ce moment et jusqu’au 30 septembre avec Une évolution naturelle, la première rétrospective consacrée au travail à Norman Dilworth, qui s’inscrit dans le mouvement de l’abstraction géométrique dont Herbin fut une importante figure : on verra comment l’artiste anglais, qui a désormais pris ses quartiers à Lille, a beaucoup à montrer, et à expliquer …

La suite demain !

Musée départemental Matisse Le Cateau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
mél. : museematisse@cg59.fr
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois et Journées du Patrimoine
Audio-guide (gratuit)
Visites guidées pour tous le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Ateliers pour les enfants en période scolaire et durant l’été
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis.

Image : vue extérieure du Musée départemental Matisse Le Cateau-Cambrésis restauré et agrandi (Photo Conseil général du Nord, Pierre Cheuva, 2007).

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Günter Förg. Hôtels des Arts de Toulon

gunter_frogA raison de cinq expositions par an (et deux expositions hors les murs sur les sites de Seillans et de Saint-Cyr-Les-Lecques), l’Hôtel des Arts de Toulon se propose de mettre en lumière des artistes contemporains dans dans les domaines de la peinture, de la sculpture, de la photographie ou des formes les plus récentes de l’art contemporain.

Jusqu’au 9 septembre, il ouvre ses espaces à l’artiste Günter Förg, né en 1952 en Allemagne, aujourd’hui établi en Suisse.

Depuis sa première exposition personnelle à Munich en 1980, Günter Förg a orienté ses recherches dans différentes directions, explorant simultanément la peinture, la sculpture et la photographie.

L’exposition organisée à l’Hôtel des Arts présente une sélection de peintures et de tirages récents, dont certains ont été réalisés spécifiquement pour l’occasion.

L’accrochage permet de souligner la cohérence de l’oeuvre de Günter Förg, son évolution, mais aussi la complémentarité de ses différents supports de création.
Par un travail sur la trame, s’inscrivant dans la veine de Mondrian, il peint de grandes « grilles » d’un trait léger, en juxtaposant 3, 4 ou 5 couleurs. L’abstraction tend vers la figuration, venant évoquer les paysages urbains, leur profondeur et leurs multiples perspectives.
En écho, les grandes photographies soulignent la géométrie de l’architecture urbaine d’inspiration constructiviste, tout en offrant d’autres points de perspective, par des prises de vue en contre-plongée ou à la diagonale. C’est alors la figuration qui tend vers l’abstraction.
Mais les grands clichés sont aussi d’heureux contrepoints aux tableaux : leur tirage négatif leur confère un imperceptible flou et une atmosphère étrange qui mettent en évidence le trait vif et coloré de ses grilles peintes.

Si Günter Förg déclare avoir abandonné aujourd’hui la sculpture et la photographie, il ne cesse de poursuivre ses recherches picturales, autour de la question de la composition essentiellement.
Laissant de plus en plus la toile "à découvert", il se contente de la parsemer de taches de couleur ça et là, multipliant les teintes et fuyant toute régularité, pour un résultat d’une harmonie pleine de gaîté, enfin libéré.
Libéré de la composition ? L’artiste ne lève pas le point d’interrogation.
Enfin, il pousse davantage encore l’évolution vers la transparence, délaissant la toile et l’acrylique pour le papier et l’aquarelle.
Toujours entre abstraction et figuration, il esquisse alors des paysages où les taches de couleurs claires voisinent avec les hachures légères, venant évoquer les arbres, bosquets et buissons d’un jardin délicat et poétique.

On est loin, tout à coup, des décors urbains du début de l’exposition. On aime cette vivifiante fraîcheur, à l’image d’un artiste en perpétuel mouvement, insatiable chercheur de la forme et de la composition, aujourd’hui dans une quête de l’épure et de la clarté tout à fait convaincante.

Günter Förg
Hôtel des Arts – Centre méditerranéen d’art / Conseil général du Var
Jusqu’au 9 septembre 2007
236, bd du Général Leclerc – Toulon (83)
Tlj de 11 h à 18 h sauf lundi et jours fériés
Entrée libre
Visites commentées pour tous, pour les groupes et les scolaires
Ateliers d’arts plastiques pour enfants et adolescents
Ateliers d’arts plastiques pour adultes
Pour tous renseignements :
adresse postale / rue Saunier – BP 5112 – 83093 Toulon cedex
tél / 04 94 91 69 18 – fax / 04 94 93 54 76
site / www.var.fr

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Ambroise Vollard : parcours d'un marchand d'art exceptionnel

vollardA la fin du XIXème siècle, Ambroise Vollard (1866-1939), marchand d’art établi à Paris, fit des choix audacieux et éclairés qui, associés à un sens des affaires certain, lui assurèrent une place importante sur la scène artistique.

C’est le parcours exceptionnel de cet homme parti de rien mais entreprenant et visionnaire que l’exposition présentée au musée d’Orsay jusqu’au 16 septembre se propose de visiter.

Débarqué à Paris en 1890 après une enfance passée sur l’Ile de la Réunion, il monte sa première "galerie" dans un deux-pièces au pied du Sacré-Coeur. Il n’a alors ni fortune, ni relation, ni expérience dans le monde de l’art.
Il commence donc par revendre des dessins et estampes achetés sur les quais.

Assez rapidement, il expose un ensemble de dessins et esquisses à l’huile acquis auprès de la veuve de Manet. A cette occasion, il fait la connaissance de Renoir et Degas. C’est ainsi qu’il commence à mettre en place une technique – l’achat par lots – et un positionnement – la proximité avec les artistes – qui seront des éléments-clés de son succès commercial.

Mais c’est aussi et surtout à son goût pour l’avant-garde qu’il doit sa réussite ; un goût qui, associé à une vision sûre le conduit à lancer Cézanne, Gauguin, Picasso, Derain et les autres fauves, mais aussi les Nabis (Bonnard, Vuillard, Roussel).
L’accrochage des oeuvres de Paul Cézanne qu’il organise en 1895 marque un tournant dans sa carrière : première exposition monographique consacrée à l’artiste aixois, elle séduit immédiatement, à défaut des critiques, les artistes et les collectionneurs.
Ambroise Vollard prend alors sa véritable assise : d’une part parce qu’il s’est assuré le monopole des oeuvres de Cézanne, d’autre part parce qu’il commence à se constituer un réseau international d’acheteurs.

L’année suivante il peut installer sa galerie au coeur du marché de l’art parisien, rue Laffitte.
C’est à cette époque qu’il se lance dans l’exposition et l’édition d’albums d’estampes, en particulier avec les Nabis .
S’il tente (en vain) de faire connaître Van Gogh, en organisant deux accrochages, il expose également Matisse et Gauguin dont il est le mécène, entretient une profonde et durable amitié avec Renoir … mais il est aussi celui qui fait découvrir au public parisien, en 1901, un jeune artiste âgé de 19 ans : Pablo Picasso !

Force est de constater, face à un tel panorama, que peu de ceux qui devinrent les maîtres de l’art moderne les plus reconnus échappèrent aux mains de Vollard …

Visite de certaines salles de l’exposition très bientôt : promesse de "chefs d’oeuvre" tenue !

De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard
Musée d’Orsay
Jusqu’au 16 septembre 2007
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h
nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
RER C, bus 24, 68 et 69, M° ligne 12
Entrée 7,50 € (TR 5,50 €)

Catalogue d’exposition
Collectif, sous la direction d’Anne Roquebert
Musée d’Orsay / RMN, 56 €

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Galerie Vollard : autour des livres d'artiste et de van Gogh

nuit étoilée van GoghL’exposition que le Musée d’Orsay consacre au grand marchand d’art Ambroise Vollard jusqu’au 16 septembre est l’occasion de visiter de nombreux chefs d’oeuvre, dont la majorité sont issus de collections privées ou de prêts de musées étrangers.

Le parcours s’articule en sections organisées autour de chacun des grands peintres ou groupes de peintres que Vollard exposa dans sa galerie.

Une salle présente les portraits d’Ambroise Vollard lui-même réalisés par quelques uns de "ses" peintres ; la dernière étant réservée aux activités dites annexes du marchand d’art, mais auxquelles il se consacra avec autant sinon plus de passion : celle d’éditeur de céramiques et surtout de "livres d’artistes".

Cette dernière partie est un régal. Vollard – homme d’affaires fort avisé, doté d’un solide sens du commerce – était aussi un amoureux des beaux livres. Il n’y a qu’à regarder les extraits exposés pour en être convaincu. Ici le superbe album composé de douze lithographies en couleur de Pierre Bonnard Quelques aspects de la vie de Paris (1899) ; là les Oeuvres de François Villon illustrées par Emile Bernard (1919), sans parler de la magnifique et impressionnante Suite Vollard, un ensemble d’eaux fortes et pointes sèches de Picasso aux thématiques mythologiques qui ne compte pas moins de 117 planches !

Cette exposition remarquable à bien des égards permet aussi de nouer de délicieuses correspondances entre les artistes.
Ainsi, l’exemplaire de La Maison Tellier de Maupassant illustrée par Degas (1914), mis en regard avec l’original que l’artiste réalisa au pastel en 1878-1879 La fête de la patronne (quelles filles, quelle fête, et quelle patronne !) est précédé de quelques mètres par le tableau de Vincent van Gogh Nature morte avec statuette en plâtre (1888) représentant notamment Bel-Ami du même Maupassant…

Magnifique salle d’ailleurs que celle réunissant quelques uns des tableaux de van Gogh acquis par Vollard alors que le peintre "maudit" n’était déjà plus de ce monde. Mais il était encore trop tôt pour que son talent soit reconnu : les deux expositions que le marchand d’art organisa furent un fiasco.
Même les artistes ne le comprenaient pas. "Une peinture de fou" : c’est ainsi que Renoir et Cézanne considéraient ces oeuvres !

Et pourtant aujourd’hui le visiteur est envoûté devant Le Rhône à Arles (1888), superbe triptyque de paysages : quelle lumière et quelle fraîcheur ! On sent l’air, on est dans l’herbe, on est dans la pure poésie. Mais ces tableaux semblent si loin du style le plus connu du peintre néerlandais, que l’on retrouve, avec beaucoup de plaisir aussi, dans Les lauriers roses ou La nuit étoilée (1888), qui fait partie de la collection permanente du musée d’Orsay.
Face à cette nuit somptueuse, on a envie d’évoquer ce que van Gogh écrivait à sa soeur à l’époque où il a peint ce tableau : "Souvent, il me semble que la nuit est encore plus richement colorée que le jour".

On finit cette petite vue de l’exposition très bientôt avec Paul Cézanne…

De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard
Musée d’Orsay
Jusqu’au 16 septembre 2007
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h
nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
RER C, bus 24, 68 et 69, M° ligne 12
Entrée 7,50 € (TR 5,50 €)

Catalogue d’exposition
Collectif, sous la direction d’Anne Roquebert
Musée d’Orsay / RMN, 56 €

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