L'art de l'amour au temps des Geishas à la Pinacothèque de Paris

l-art-de-l-amour-au-temps-des-geishas-les-chefs-d-oeuvre-interdits-de-l-art-japonais_xlOh, oh, oh, la Pinacothèque réchauffe les corps en ce début d’automne… Second volet de sa saison consacrée à l’Art et l’Erotisme en Orient, présentée en complément de la superbe exposition Kâma-Sûtra, spiritualité et érotisme dans l’art indien, L’art de l’amour au temps des Geishas réunit quelques 250 œuvres, essentiellement des gravures sur bois, mais aussi quelques objets du quotidien, pour évoquer la représentation érotique japonaise au temps de l’ère Edo (1603-1867).

Les estampes japonaises ont été découvertes en France après 1868, quand le Japon s’est ouvert à l’Occident. Pierre Loti et les Goncourt les ont évoquées dans leurs écrits, Samuel Bing et une foule d’artistes tels Monet les ont collectionnées et certains peintres y ont été sensibles dans l’élaboration de leurs propres œuvres. On pense à Manet, à Toulouse-Lautrec, mais aussi à Van Gogh (cf. l’exposition Van Gogh, Rêves de Japon présentée il y a deux ans à la même Pinacothèque).

Ces dernières années, l’art japonais a été abondamment montré à Paris, avec par exemple l’exposition Hiroshige, L’art du voyage, à la Pinacothèque toujours, Hokusai au Musée Guimet en 2008 ou encore la collection de Claude Monet au Musée Marmottan Monet encore avant. Pour autant, c’est la première fois que le genre est traité à travers le thème de l’érotisme. Autant dire que ces œuvres à ne pas mettre sous n’importe quels yeux…

L’exposition replace ces œuvres dans le contexte historique, culturel et social dans lequel elles ont été créées. A la période Edo, une nouvelle classe sociale émerge. Loin de la classe dirigeante guerrière des Samouraï pétrie de la rigueur morale du néo-confucianisme, cette nouvelle bourgeoisie (chônin), aisée et citadine, constituée de commerçants, médecins, enseignants et artistes, embrasse une vision hédoniste de la vie. Ces chône sont à l’origine du mouvement culturel ukiyo-e, littéralement « images du monde flottant », que le poète Asai Riyoi décrit ainsi en 1661 : « Vivre uniquement dans l’instant présent, se livrer tout entier à la contemplation de la lune, de la neige, de la fleur de cerisier et de la feuille d’érable, chanter, boire du saké, ressentir du plaisir rien qu’à ondoyer, ne pas se laisser abattre par la pauvreté et ne pas la laisser transparaître sur son visage, mais dériver comme une calebasse sur la rivière, c’est ce qui s’appelle ukiyo ».

Les artistes abordent cette conception à la fois esthétique et morale de la vie à travers la représentation d’un idéal de beauté féminin (les bijinga, « peintures de belles femmes ») et les estampes érotiques (les shunga, « images de printemps »).

L’exposition montre ces deux thèmes en réunissant un grand nombre d’artistes, parmi lesquels naturellement les plus célèbres que sont Utamaro, Hokusai et Hiroshige, mais aussi d’autres moins connus mais tout aussi séduisants, tels Utagawa Kunisada ou Katsukawa Shuncho.

Ainsi à l’étage, par où commence la visite, sont montrées des estampes de femmes se préparant à l’art de la séduction : on ne sait lesquelles on préfère tant elles sont raffinées et gracieuses, tant les compositions sont réussies et souvent carrément modernes, les détails soignés, le trait efficace et délicat, et les couleurs, tantôt sourdes, tantôt vives, enchanteresses. Habillées, ces geishas s’affairent avec une fausse ingénuité qui fait sourire; et l’on rêve aussi parfois devant dans des paysages empreints de poésie.

La suite de l’exposition est carrément crue et peut sembler répétitive (ce qui est inhérent à son sujet). Bien vue, la présentation d’objets du quotidien, témoignant d’un mode de vie luxueux et recherché, tels des kimonos et des éventails, de petites boîtes, notamment une très jolie en bois, peau de serpent, laque et poudre d’or (fin XVIII°-début XIX°), ou encore un nécessaire à pique-nique laqué avec compartiments à nourriture, coupelle… et bien sûr deux flacons pour le saké !

L’art de l’amour au temps des Geishas

Pinacothèque de Paris

28 place de la Madeleine – Paris 8°

Tous les jours de 10h30 à 18h30 sauf le mardi

Nocturnes les mercredis et les vendredis jusqu’à 20h30

25 décembre et 1er janvier de 14h à 18h30

Jusqu’au 15 février 2015

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René Lalique, Créateur d'exception 1890-1910.

lalique epingleDes moineaux à la gorge gonflée délicatement posés sur une branche, couverts de brillants : voici l’une des premières créations de René Lalique, lorsqu’il travaillait dans l’anonymat pour les grands joaillers Boucheron et Vever.

Déjà éclatent la finesse et le travail profondément créatif de l’artiste.

Né en Champagne en 1860, Lalique puise dans son enfance champêtre une constante inspiration.
Motifs végétaux, floraux et animaux les plus ordinaires demeureront présents tout au long de sa prolifique carrière, conférant à son œuvre une simplicité que ses autres inspirations – bien de son temps – n’altèreront pas.

Lorsqu’il fonde son propre atelier en 1887, il abandonne la joaillerie et a l’audace d’utiliser des matériaux moins nobles, comme l’ivoire et la corne, des pierre fines aux couleurs étranges comme l’onyx, le jaspe, l’agate, l’opale, qui lui permettent d’explorer sans limite le champ des couleurs et des formes, à la mesure de son génie créatif et de son imagination débordante.
Sensible aux inspirations de l’époque, son œuvre permet de retrouver les grandes tendances des arts décoratifs de la fin du XIX° et du tout début du XX°.

De l’éclectisme fin de siècle, avec la veine égyptienne qui persiste depuis les conquêtes napoléoniennes, à l’Art Déco du XX°, René Lalique se délectera un long moment dans le mouvement de l’Art Nouveau avec sa faune, sa flore, ses volutes, mais aussi un symbolisme très marqué avec le cygne, le serpent …
Des estampes japonaises qui circulent alors à Paris, il utilise les motifs de pivoines, chrysanthèmes, branches de prunier, pavots, ombelles, qu’il incruste dans des peignes de bois laqués.

De tous ces mouvements, il fait un miel qui lui est propre, reconnaissable entre tous (un coup d’œil sur les créations d’autres concepteurs contemporains permet de le vérifier) : délicatesse, grâce, originalité, mais aussi une délicieuse ambiguïté dans sa représentation – constante – de la femme.
Au lissé des visages à l’ovale parfait, à la nudité innocente des corps féminins, se mêle le doux effroi des animaux qui font frissonner, insectes, iguanes, crapauds, chauves-souris …

Au delà de la beauté pure de ses bijoux d’exception, René Lalique ouvre ainsi au visiteur attentif tout un monde de poésie, de fantasmes et de fantaisie, qui fait de cette exposition un véritable enchantement.

René Lalique, Créateur d’exception 1890-1910
Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard – Paris 6ème
Jusqu’au 29 juillet 2007
Entrée 10 €
Catalogue de l’exposition, 264 p., 32 €

Image : épingle à chapeau Guêpes, or, émail, opale, diamant (vers 1890-1900)

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Les estampes japonaises. La collection de Claude Monet

estampeClaude Monet débuta sa collection d’estampes (1) japonaises en 1871 en achetant ses premières gravures Ukiyo-e chez un marchand hollandais.

Dans ce dernier tiers du XIX° siècle, le Japonisme était en plein essor : artistes, collectionneurs, industriels s’entichaient pour tout ce qui venait du Japon. L’engouement, parfois raillé, dura un demi siècle.
L’exposition Katagami, a été l’occasion de mesurer l’influence des motifs et lignes japonaises sur l’architecture et les arts décoratifs, manifestée dans les mouvements apparus en Europe et aux Etats-Unis à la fin du XIXème siècle, diversement désignés mais unanimement connus sous l’appellation d’Art nouveau.

Claude Monet fit ainsi installer un petit pont japonais dans son jardin de Giverny, qu’il a peint à toutes les heures, sous toutes ses lumières, en faisant un véritable objet d’étude.

Sa collection d’estampes, riche de plus de 200 pièces, fruit d’une véritable passion, est à découvrir sans délai au Musée Mamottan Monet.

La première salle est consacrée aux œuvres de Kitagawa Utamaro (1753-1806) représentant des maisons de geisha. Faute d’équivalent en occident, la « traduction » retenue est celle de maisons de « courtisanes ».
Les jeunes filles y étaient éduquées pour devenir de jeunes femmes élégantes, jusque dans leur démarche et leur maintien, mais aussi cultivées dans les différents domaines de l’art. Elles devaient savoir danser, chanter et tenir une conversation : le rôle de la geisha était de divertir.
Ces estampes, trait noir sur fond écru, teintes délavées de verts et de beige, donnent une idée de l’élégance des costumes – drapés de kimonos superposés, aux imprimés variés – mais aussi de celle des mouvements : beaucoup de scènes devant le miroir, au cours desquelles s’élaboraient des coiffures compliquées.
Peu d’expression sur les visages, comme si l’estampeur avait traduit l’impassibilité, l’égale humeur dont les geisha devaient faire montre en toutes circonstances.
Et souvent, même dans les scènes d’intérieur, l’artiste a pris soin de place un élément naturel, fleur ou animal venant compléter le charme de l’adorable tableau.

La visite se poursuit avec un grand nombre de scènes d’extérieur, notamment les paysages de Utagawa Hiroshige : l’occasion pour les artistes de représenter la nature, dont ils étaient fous visiblement. Les éléments choisis étaient plus ou moins toujours les mêmes, ceux des paysages qu’ils avaient sous les yeux, certainement, ou peut-être ceux dont ils rêvaient : abondance de montagnes, rivières, cascades, ponts, plages, océan.
Ils adoraient représenter la lune, les saisons, en particulier l’hiver : ils excellaient à peindre la neige, dont ces dames se protégeaient à l’aide de fines ombrelles …
Les teintes sont bleues et briques, dans des harmonies surprenantes et très vivantes. Le plaisir qu’on éprouve à contempler ces estampes vient peut-être aussi de l’agréable sentiment que l’on a, avec chacune d’entre elles, de pénétrer dans un petit monde en soi – petit univers qui nous est si lointain.

Beaucoup d’expressions et d’hommes en revanche dans la petite salle est consacrée aux scènes de théâtre (les femmes ont été interdites de scène en 1600) : costumes extravagants, mimiques et gestuelles exagérées jusqu’au grotesque, la jubilation du théâtre et des estampeurs est palpable !

Plus d’un siècle après sa découverte, l’exotisme du Japon – du moins dans ses représentations traditionnelles, empreintes de raffinement, de calme et d’esthétisme – continue de nous charmer. Si le trait noir et les motifs stylisés nous sont devenus familiers, la magnifique collection de Claude Monet révèle une palette chromatique bleutée qui n’est pas sans rappeler les couleurs qu’affectionnèrent les « preneurs de lumière », les peintres du paysage que furent les impressionnistes.

(1) image imprimée au moyen d’une planche gravée de bois ou de cuivre (eau-forte, taille-douce …) ou par lithographie.

Les estampes japonaises. La collection de Claude Monet
Musée Mamottant Monet
2, rue Louis-Boilly – Paris 16ème
Prolongée jusqu’au 18 mars 2007
De 10 h à 18 h tlj sauf le lundi
Tarif : 8 € (TR : 4,5 €)

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