L'âge d'or de la presse. Du Petit Parisien au Parisien Libéré

Le Petit ParisienAu fil de quatre billets (des 3 mai, 17 mai, 23 mai et 30 mai), nous avons suivi la conférence sur l’âge d’or de la presse au XIXème siècle tenue à la Bibliothèque nationale de France le 26 avril dernier par Philippe Mezzasalma.

Il est temps désormais de clôturer ce cycle en y ajoutant un appendice inclus dans la conférence : l’aventure exemplaire du Petit Parisien, lequel faisait partie des quatre titres, avec le Matin, le Journal et le Petit Journal qui se partageaient le lectorat sous la IIIème république.

Le Petit Parisien est créé en 1876 sous les couleurs du parti Radical. En 1880, il est racheté par un publicitaire, Paul Piégut qui inaugure une nouvelle ère avec des campagnes d’affichage, des tracts dans la rue, et, dans la veine de ce qui se pratique aux Etats-Unis, le lancement de concours.
A sa mort en 1888, Jean Dupuy poursuit dans cette direction. Il organise par exemple un concours à partir de la photographie d’une bouteille remplie de grains de blés. Les lecteurs étaient invités à deviner le nombre de grains que cette bouteille contenait. 1,5 millions de participants tentèrent leur chance !
Il organise également des référendums, par exemple sur la peine de mort : le journal reçut 1,4 millions de réponses.
Il met en place le patronage d’activités sportives, le vélo notamment.
Il lance également des souscriptions d’aides lorsque surviennent des catastrophes dans les mines.
Il organise des campagnes de vaccination gratuite pour les abonnés dans les locaux du journal …
Il finit par écraser les concurrents, et crée même de nouveaux titres.

L’impact idéologique du Petit Parisien fut très fort sur les mentalités, sur une certaine idée de la république laïque, sur la reconquête de l’Alsace-Lorraine.

Dans l’entre-deux-guerres, le quotidien, qui possédait déjà une quinzaine de titres, rachète des journaux, prend des participations dans d’autres.
Il devient un véritable groupe.
Son ton politique est modéré et prudent. Il est réservé vis-à-vis des socialistes mais de plus en plus opposé aux conservateurs.
Beaucoup d’articles sont « signés » sous pseudonyme collectif, mais en réalité écrits par André Tardieu.

Dans les années 1930, soucieux de la menace nazie, il est obligé d’affirmer son point de vue politique. Il soutient le Front Populaire et le gouvernement Blum jusqu’en 1938.
Mais à la fin de la Guerre d’Espagne, comme La Dépêche du Midi, le journal aura un discours très virulent. Par peu du communisme il sera partisan de la chute du cabinet Blum.

Lors de la déclaration de guerre, il fait le choix de rester à Paris, de se maintenir avec la nouvelle situation. Il se retrouvera alors piégé dans la collaboration.

A la fin de la guerre, il sera totalement épuré, repris en main. Il deviendra Le Parisien libéré.

L’âge d’or de la presse
Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence de Philippe Mezzasalma,
Département Droit, Economie, Politique
Conférence du 26 avril 2007
Bibliothèque Nationale de France

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L'âge d'or de la presse : panorama (4/4)

le petit parisienFin de la série L’âge d’or de la presse avec un petit panorama des tirages et des catégories de journaux à la fin du XIXème siècle.

La presse quotidienne nationale, qui se recoupe avec la presse quotidienne de Paris, est la presse traditionnellement la plus importante.

En 1870, elle compte 33 titres tirant à 470 000 exemplaires. Si on compte la « petite presse » (journaux satiriques et littéraires) on dénombre 600 000 exemplaires.
Vingt après, on est passé à 70 quotidiens pour un tirage total de cinq millions d’exemplaires !
Mais après 1914, les tirages déclineront.

Quant aux quotidiens de province, leurs tirages ont été multipliés par 10 entre le début de la IIIème République et 1914, pour atteindre 4 millions d’exemplaires à cette date !

Par ailleurs, différentes catégories de journaux peuvent être dressées en fonction de leur ligne politique.

La presse conservatrice : les journaux légitimistes et bonapartistes subissent le contre-coup du développement de la presse.
On ne voit pas apparaître de journal populaire conservateur. Ces journaux tiennent à un niveau littéraire très élevé, refusent de traiter les faits divers et de publier tout roman sentimental. Par ailleurs, sur un plan politique, l’église refuse dans un premier temps de s’investir dans la presse quotidienne. Enfin, les états-majors conservateurs ont un grand mépris pour le métier de journaliste …
L’Union, France nouvelle périclitent en même temps que le mouvement royaliste.
Survivent Le Gaulois et Le Constitutionnel.

Le Figaro, créé en 1826, est un journal satirique au départ. Il devient quotidien en 1866 et bénéficie alors d’un succès incontestable, pour la qualité de ses rubriques culturelles, ses reportages, sa façon de traiter les faits divers sur un plan sociologique, son humour féroce.

La presse républicaine : la volonté de gagner l’électorat populaire par ce moyen-là entraîne la floraison de journaux peu chers à forts tirages.

Le Temps a un parti pris de neutralité mais il est considéré à l’étranger comme la voix officielle du quai d’Orsay. Les commentaires politiques, très doctes, dus notamment à la participation de rédacteurs juristes lui valent un succès certain. Il va monter en puissance et devenir le journal de la petite bourgeoisie.

Enfin, quatre grands journaux populaires se partagent le lectorat : Le Matin, Le Petit Journal, Le Petit Parisien et Le Journal.

L’âge d’or de la presse
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Image : Le Petit Parisien, carte postale ancienne, série Journaux et lecteurs.

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L'âge d'or de la presse : vers de nouveaux publics (3/4)

petit journalLa presse connaît une telle révolution à la fin du XIXème siècle qu’on parle « d’âge d’or de la presse ».

Il faut souligner que d’autres progrès que ceux liés directement aux innovations techniques (voir billet De nouvelles entreprises de presse) favorisent de tels succès.

Ainsi, le développement du chemin de fer et de l’automobile, mais aussi l’extension des points de vente des quotidiens parisiens permettent un réseau de diffusion extraordinairement plus étendu et efficace.
Le Petit Parisien comptait par exemple 20 000 points de vente en 1910.

Les nouvelles conditions de fabrication permettent d’amortir les coûts assez rapidement, ce qui autorise des prix de vente plus attractifs. Les journaux républicains en particulier font le choix de prix à bon marché afin d’assurer une meilleure diffusion de leurs idées.
En 1863, est lancé le Petit journal à un sou.
Ainsi, alors que jusqu’alors les journaux étaient réservés à une clientèle d’abonnés riche et cultivée, les prix très bas permettent à cette nouvelle presse de pénétrer dans les milieux populaires.

La presse d’information générale bénéficie en outre de l’évolution de l’instruction publique dans les années 1880. Les ouvriers alphabétisés se précipitent sur ces journaux peu chers vendus dans la rue ; il n’est plus besoin de se rendre dans une bibliothèque ou une librairie pour y accéder.

Mais on peut aussi ajouter à cet engouement une raison « de fond », liée à l’actualité : le besoin d’informations au moments des conflits majeurs de la fin du siècle (affaire Dreyfus en 1894, conflits religieux).
Seul bémol à cette époque : les campagnes, où la lecture des quotidiens est moins répandue. Ce ne sera qu’après la guerre que la pratique massive des journaux s’y développera.

L’apparition de nouveaux publics plus populaires engendre la prise en compte de leurs goûts supposés : le style est simplifié, les maquettes aérées. Des jeux voient le jour, le traitement des faits divers se développe.

On assiste à de grands changements également au niveau des journalistes. Auparavant, ceux-ci se targuaient de ne pas êtres des techniciens de l’information mais des hommes littéraires. Cela étant, peu à peu les journalistes se professionnalisent. La technique du reportage apparaît, au départ simplement autour des faits divers. Va également se développer la fonction de correspondant sur place, pour « la vie en région » et, plus rarement, pour l’international (Le Temps est un des rares journaux à envoyer des correspondants à l’étranger). Enfin, signe de professionnalisation, les premiers regroupements et les premiers syndicats apparaissent à la fin du siècle.

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Image : Supplément illustré du Petit Journal du 10 avril 1898, « En mer, essai de pigeons voyageurs ». Le capitaine Reynaud fait une expérience à bord du transatlantique La Bretagne reliant Le Havre à New-York, visant à apprécier les services que les pigeons voyageurs peuvent rendre à la navigation et au transport de dépêches : les essais sont satisfaisants mais le parcours que peuvent fournir les pigeons est assez limité, surtout si les conditions météorologiques sont défavorables.

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L'âge d'or de la presse : la liberté de la presse (1/4)

liberté de la pressePour continuer l’histoire du livre initiée il y a plusieurs mois, on explore aujourd’hui un phénomène un peu à part avec l’âge d’or de la presse.

A part puisque, si le journal fait partie du champ éditorial, il s’en diffère toutefois par son caractère éphémère – il s’agit de diffuser l’information d’un événement – et une forme matérielle elle aussi forcément éphémère.
Son matériau de qualité médiocre fit d’ailleurs qu’il fut pendant longtemps inconcevable de chercher à le conserver.

On parle de l’âge d’or pour la période allant de 1880 à la première Guerre Mondiale, années durant lesquelles la presse connut des bouleversements sans précédent.

La révolution industrielle y est pour beaucoup avec l’arrivée des rotatives qui permettent la mécanisation de métiers qui étaient jusqu’alors artisanaux.

Mais c’est aussi au niveau des contenus que la révolution s’opère.

Son premier déclencheur est la levée d’un obstacle juridique de taille : le contrôle très serré qui s’exerçait sur la presse sous le Second Empire.

Le 29 juillet 1881 est votée la loi sur la liberté de la presse. Il s’agit de la première des grandes lois de la III° République sur les libertés publiques.

Sont ainsi supprimées toute une série de textes liberticides, les autorisations diverses, au premier chef desquelles l’autorisation de publication.
Les mesures administratives sont également simplifiées : seule la déclaration a posteriori du titre et de ses principales caractéristiques est désormais exigée.

Sont également instituées les libertés de l’affichage et celle de la vente sur la voie publique. Cette dernière nouveauté n’est pas sans importance car elle permettra une diffusion des journaux non plus seulement sur abonnement mais également par colportage et ensuite dans les kiosques.

C’est donc un carcan incroyable qui est levé grâce à cette loi. Il n’y a d’ailleurs qu’à consulter les journaux de l’époque, que ce soit La Croix, Le Figaro ou autres, pour être frappé par la violence des propos …

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Image : L’Aurore du 13 janvier 1896

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