The Tree of Life. Terrence Malick

Sean Penn in The tree of life, Terrence MalickIl était très attendu cet Arbre de vie.

D’abord parce qu’après des films tels que Les Moissons du ciel et Le Nouveau Monde enchanteurs, grande était l’impatience de découvrir ce qui ne pouvait qu’être un nouveau chef d’œuvre.

Ensuite parce que Terrence Malik était déjà annoncé au Festival de Cannes 2010, avant de déclarer in extremis qu’il préférait en peaufiner encore le montage.

Un an de plus, donc, et le film est au rendez-vous sur la Croisette, où il se voit récompensé de la Palme d’or. Il sort en salles dans la foulée, et les aficionados de s’écrier : « Enfin ! ».

On ne devrait jamais trop anticiper sur son plaisir, telle est la morale de l’histoire.
Car Malik nous déçoit, et par là-même nous laisse dubitatif sur cette année de re-montage du film…

Voici l’histoire, ou ce qui en tient lieu : dans le Texas des années 1950, le bonheur d’une famille de la middle-class est brisé par le décès accidentel du cadet des trois fils, alors âgé de 19 ans.
Devenu adulte, l’aîné – joué par Sean Penn – se remémore son enfance.
Par ailleurs, le monde est créé : l’univers, les planètes, la vie, les poissons qui prennent des pattes pour habiter la terre, les dinosaures etc.
Trois approches, donc, d’inégales durées : le cœur du film, c’est cette famille américaine ; la création du monde et Sean Penn rattrapé par son passé en étant les « périphériques ».
Sur le papier, le tout peut faire craindre l’emphase ; sur la pellicule, c’est pire.
Surtout, l’ensemble ne tient pas et, dès lors, même cette famille des années 1950 paraît théorique.

De là à jeter Terrence Malik avec l’eau de son bain, il y a un pas qu’on ne franchira pas : il fait la preuve une fois de plus de son immense talent de cinéaste, compris comme celui de créer de magnifiques images.

L'arbre de vie de Terrence MalickMais tout se passe comme s’il avait été pris à son propre piège, à son tourbillonnant génie.
Les architectures de verre contemporaines dans lesquelles Sean Penn évolue sont une splendeur. La longue séquence de création du monde, pour peu qu’on s’y laisse guider avec tranquillité, est un merveilleux moment de cinéma, yeux et oreilles comblés. La façon dont il filme la mère, le père, les enfants, l’arbre et la maison de cette famille déchirée, caméra tournoyante et caressante, séduit beaucoup au début.
Hélas cette manière ne résiste pas à la longueur du film pour un si faible contenu.
Pour qu’il fonctionne, l’art de l’ellipse doit permettre de révéler ; s’il n’est pas au service de la suggestion, et en outre insiste, il finit par fatiguer.

Tel est le travers dans lequel est tombé Terrence Malik : l’histoire du petit garçon élevé à la dure par son père, presque amoureusement lié à sa mère, fusionnel avec son frère tragiquement disparu aurait pu être émouvante.
Le réalisateur échoue à ce qu’elle le soit : trop de virtuosité dans le maniement de l’image, trop de souci esthétique passent devant la vibration des chairs et des cœurs. Le lien avec la création de la vie n’apparaît pas ; quant au petit garçon devenu grand architecte souffrant de son passé, il semble tout simplement banal.
Malgré le talent des acteurs et l’indéniable sensibilité du poète Malik, le réalisateur américain nous fait pour la première fois la triste et trop longue démonstration d’une esthétique qui tourne à vide.

The Tree of Life
Un film de Terrence Malick
Avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn
Durée 2 h 18
Sorti en salles le 17 mai 2011
Palme d’Or Festival de Cannes 2011

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Les moissons du ciel. Terrence Malick

Les moissons du ciel, Terrence Malick

Alors qu’on attend avec impatience son prochain film, un temps espéré au dernier Festival de Cannes, et dont on connaît déjà le titre – The tree of life – et les acteurs – Sean Penn et Brad Pitt -, une des belles surprises de ce début d’été est la reprise en salles du deuxième film de Terrence Malick, Les moissons du ciel.
Parfait pour débuter la fête du cinéma qui cette année durera une semaine : ceux qui ont déjà vu ce chef d’œuvre récompensé du Prix de la mise en scène à Cannes en 1979 n’ont pas besoin qu’on leur fasse l’article ; les autres n’ont qu’à courir le découvrir – ventre à terre.

L’histoire se passe au début du siècle dernier au Texas, où les sans-rien-sauf-leurs-bras vont travailler dans les champs du lever au coucher du soleil pour trois dollars par jour. Bill, accompagné de sa petite sœur Linda et de sa petite amie Abby a quitté Chicago où il a battu à mort son contremaître. Ils passent la saison des moissons dans une immense ferme céréalière, ne perdant ni leur joie de vivre ni leur fantaisie enfantine malgré le dur labeur. Mais quand Chuck, le propriétaire fermier s’éprend de Abby, Bill, qui ne supporte plus de la voir se tuer à la tâche, voit le moyen de mettre un terme à cette vie sans espoir, d’autant que les jours de Chuck sont paraît-il comptés.
La suite ne se déroulera pas comme prévu, au fil d’une tension dramatique de plus en plus aigüe.

Terrence Malick filme et monte comme personne. En fond, il y a le rythme lent des travaux des champs, le quotidien sans surprise des journaliers soumis à des gestes répétitifs, le déroulement des saisons, l’immensité des espaces, la splendeur de la nature. Au centre, se trouve un tempérament impétueux, encore adolescent mais déjà adulte, Bill, joué par un Richard Gere magnétique, yeux et cheveux bruns inoubliables, dont on ne sait jamais, entre rires, gestes tendres et explosion, quel sera le prochain élan. A ses côté, une jeune femme calme et riante au charme mystérieux, Abby, dont on ne peut que deviner les pensées et les sentiments. Chuck le propriétaire, beau et blond solitaire, aurait pu être méchant, mais ç’eût été trop simple. Tous les personnages en réalité sont attachants ; tous sont complexes ; et magnifiquement interprétés, même les rôles secondaires comme la petite Linda ou le vieil ami de Chuck.

A chaque plan, Terrence Malick montre autant qu’il réserve. Les dialogues sont rares ; le réalisateur semble laisser les regards et la nature écrire l’histoire. De ciel d’orage en épis de blé tourbillonnants, de feux de fin d’été en eaux fraîches au crépuscule, le réalisateur du Nouveau monde offre avec cette histoire d’amour et de souffrances un poème cinématographique sur fond de toile de maître.
Alors pourquoi être pressé : si tel doit à nouveau être le résultat, laissons-le peaufiner encore tranquillement son cinquième film… en quarante ans de carrière.

Les moissons du ciel
Un drame de Terrence Malick
Avec Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard
Durée 1 h 35
Année de production 1979 – Reprise le 16 juin 2010

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