
En cette semaine de fête du cinéma, qui peut être l’occasion d’entreprendre une "cure" ciné pour profiter de la multitude de propositions actuelles, de qualité inégale il est vrai, que ceux qui n’ont pas encore vu Midnight in Paris ne se sentent pas obligés de s’y précipiter.
On aura rarement vu un tel navet.
L’Europe avait pourtant ces dernières années plutôt réussi à Woody Allen, avec Match Point, Scoop, ou encore l’escapade de Vicky et Cristina à Barcelone.
Il y avait là une fantaisie et une vivacité des acteurs qui balayaient les éventuelles faiblesses scénaristiques.
Hélas, rien ne vient sauver le Paris de Woody.
Mettons un jeune couple d’Américains sur le point de se marier en villégiature à l’hôtel Bristol ; entourons-les des riches et conservateurs parents de mademoiselle, conventionnels et matérialistes, c’est entendu. Ajoutons un autre jeune couple, dont le mâle est la pédanterie intellectuelle et culturelle incarnée. Tout ça se trimbale dans Paris et ses alentours, visite Versailles, Rodin, court l’antiquaire Rive Gauche et les dégustations de Bordeaux habillées. C’est comme on le voit d’ici : personnages archétypaux et et cliché sur cliché.
Mais le jeune homme, prénommé Gil et naturellement écrivain, voit, lui, plus grand que cela : lui voit la beauté du vrai Paris, le Paris de l’entre-deux-guerres, des artistes et de la fête. A tel point que lors d’échappées nocturnes, il se met à vivre son rêve, à rencontrer Hemingway, Buñuel et Picasso (entre autres, mais qu’on se rassure, ils y sont tous).
A ce stade, les ressources du cinéaste new-yorkais pour produire du convenu semblent infinies : c’est à qui ressemblera le plus à sa propre légende. Pour faire bonne mesure, notre Gil tombe amoureux d’une belle, ex de Modigliani, dont le rôle revient en toute logique à Marion Cotillard. Si l’égérie cinématographique française des Américains pouvait un tant soit peu émouvoir, on aurait largement eu le temps de le remarquer.
Quant à ce pauvre Owen Wilson, que s’est-il fourvoyé dans cette affaire, contraint de garder toujours la même moue de poisson rouge, désespéré par ses compatriotes le jour et médusé par le bouillonnement artistique parisien des années folles la nuit ?
Il n’y a rien à faire, avec la meilleure volonté du monde, l’histoire vue de Paris (et non de Cannes !) ne prend pas, les personnages ne s’incarnent pas et la fantaisie de Woody Allen semble noyée sous un amas de vieilles cartes postales.
Minuit à Paris (Midnight in Paris )
Un film de Woody Allen
Avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Michael Sheen
Durée 1 h 34
Date de sortie cinéma : 11 mai 2011
Photo © Mars Distribution
Il était très attendu cet Arbre de vie.
Mais tout se passe comme s’il avait été pris à son propre piège, à son tourbillonnant génie.
Pourquoi évoquer aujourd’hui un spectacle dont les représentations se sont achevées (à guichets fermés) le 18 juin dernier ?






Toujours d’après des cartons de Jules Romain, sont notamment présentées plusieurs pièces de l’impressionnante Histoire de Scipion : elle retrace l’histoire des campagnes victorieuses que ce jeune patricien romain mena au III° s. avant J.-C. contre Hannibal à Carthage lors de la deuxième guerre punique. Parmi ces pièces, l’on se plaît à détailler Le repas chez Syphax, dans un palais au décor majestueux, dont les nombreuses richesses sont mises en valeur par trois flambeaux éclairant la scène nocturne : nappes, tentures, décors de marbre, vases ornés, vêtements… Jules Romain n’a pas craint l’excès, déployant un univers luxueux scintillant d’ors et de couleurs.
On connaît finalement assez peu ce peintre de la Renaissance germanique, qui exerça son art sur tout le premier XVI° siècle à la cour de Wittenberg, auprès du prince électeur de Saxe, Frédéric dit "le Sage".
Le plus frappant dans sa peinture est certainement la délicatesse des chairs et des expressions – elle fait du coup oublier les maladresses anatomiques. Les visages ont souvent un air doux, des yeux presque mélancoliques. L’ambiguïté est très forte, en particulier dans les nus, où Cranach aime associer un message moralisateur ou une iconographie biblique traditionnelle à des détails plutôt osés, même parfois franchement érotiques. Les corps sont voilés d’une mousseline transparente ; une fine branche de trois feuilles de rien du tout vient cacher pour mieux souligner ce que la pudeur voudrait voir dissimulé. Les sourires sont esquissés, voire à peine suggérés, énigmatiques. On imagine cet artiste ambitieux au solide sens des affaires s’amuser quand même beaucoup dans son atelier. Il n’y a qu’à voir l’un des derniers tableaux de l’exposition, Les amants mal assortis : jeune femme et vieil homme : pendant qu’un vieillard pelote avec joie une jeune femme, celle-ci, l’air de regarder ailleurs, glisse la main dans une bourse gonflée d’or attachée à la ceinture du concupiscent… Comme quoi, malgré l’impression d’austérité que l’ensemble dégage, le rire peut aussi trouver sa place chez ce Nordique renaissant.
Vincent Colin a adapté, pour mieux les mêler, deux textes qui se répondent tendrement : celui de Victor Hugo, L’art d’être grand-père, ouvrage poétique de 1877, et celui de Georges, son petit-fils, qui a publié un texte de souvenirs de son aïeul en 1902.