Design contre design, deux siècles de création

design contre design au Grand PalaisDès l’entrée, on sent qu’on va avoir le champ libre.
Foin de chronologie ; table rase sur l’histoire des styles.
Les textes à la graphie poétique se limitent à quelques synthèses libres et inspirées (et facultatives).
La scénographie se remarque à peine tant elle est réussie.
Avec cette exposition de meubles et objets décoratifs du début du XIXème siècle (et parfois même bien plus anciens) à aujourd’hui, montrés avec simplicité, les Galeries du Grand Palais semblent s’affranchir de leur cadre habituel.

Cela n’a l’air de rien, mais cette exposition est la légèreté même.
La simplicité n’est qu’apparente. Les oeuvres, le plus souvent remarquables de beauté et de créativité, sont soigneusement choisies et exposées. Les rapprochements tombent sous l’évidence.
L’heureux emmêlement des époques donne à l’exposition une consistance exceptionnelle.

On débouche donc sans préambule dans une vaste galerie consacrée aux formes.
A gauche, tout n’est que cercles, sinuosités et volutes : des merveilles qui vont de la chaise au dossier en coeur (noyer), en provenance du Vienne des années 1820, à Bubbles, chaise longue en carton ondulé de Frank Owen Ghehry (1987). A droite, c’est tout carré, parfois même Art nouveau, mais ça finit de guingois…

Au rez-de-chaussé, le public s’échauffe. Avec les motifs tirés de la faune et de la flore, on est ici dans le figuratif, voire dans l’affectif.
Hanap à l’escargot, coquille de nacre, tête en argent doré et pied sculpté semble tout droit sorti d’un cabinet de curiosités du XVIIème siècle. Mais de belles chichiteries Art nouveau ne sont pas en reste, telle cette lampe qui tombe de la gueule un peu effrayante d’un animal au corps reptilien fin et courbé.
Le plus excitant est au fond, lorsqu’on touche au corps humain : sofas en forme de bouche, de main, de pied, de courbes féminines… sans échapper à The Womb House (Atelier Van Lieshout, 2004), alcôve rouge équipée de kitchnette, douche, WC, en forme… d’utérus !
Auparavant, on aura eu l’occasion de relever une fois de plus que l’audace ne date pas du XXème siècle, avec ce bol en forme de sein de Marie-Antoinette (1788)…

En fin de parcours, on est invité, après avoir ôté ses chaussures, à pénétrer dans l’installation Phantasy landscape (1970).
Faites ce qu’on vous dit et entrez : choisissez votre position, par exemple, buste incliné et jambes surélevées. Au dessus de vôtre tête, bleu, violet, rose, rouge, orange et jaune s’harmonisent en un large arc-en-ciel lumineux.
La chaleur, la mousse, les formes arrondies, la musique sucrée dans la demi-obscurité détendront et feront taire aussi vos voisins (cinq au maximum). Fatigué mais léger, vous laissez couler le temps un moment… avant de ressortir en flottant.

Design contre design, deux siècles de création
Galeries nationales du Grand Palais
Jusqu’au 7 janvier 2008
Tlj sauf le mardi de 10 h à 20 h, jusqu’à 22 h mercredi et vendredi
M° Franklin-Roosvelt et Champs-Elysées-Clémenceau
Entrée 10 € (TR : 8 €)
Catalogue : 374 p., 59 €

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Les Gobelins 1607-2007, Trésors dévoilés, quatre siècles de création

galerie des Gobelins, Mobilier nationalLe mot "tapisseries" évoque aujourd’hui pour beaucoup des vieilleries aux couleurs fanées et aux motifs historiques un peu assommants.

C’est ignorer que les manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie continuent de produire chaque année, comme il y a quatre cents ans, des oeuvres d’art tissées d’après les modèles originaux d’artistes contemporains.

Telle est la découverte que nous offre l’exposition Les Gobelins 1607-2007, Trésors dévoilés, quatre siècles de création présentée à la Galerie des Gobelins jusqu’au 25 novembre prochain.

Le rez-de-chaussée réserve ainsi un déploiement spectaculaire de couleurs intenses, chatoyantes, où l’on peut admirer des tapisseries signées Alechinsky, Philippe Favier (magistral hommage à Miro) ou encore le tapis de Matali Crasset (Hommage à l’utopie de Ledoux, 2006).

Au pied de ces véritables tableaux, sont harmonieusement exposés des meubles issus de l’Atelier de recherche et de création du Mobilier national, dans d’heureux mariages de lignes et de tonalités.

Le 1er étage, réservé au passé, crée l’événement avec la Tenture Royale d’Artémise. Cet ensemble de quinze tapisseries tissées au fil d’or et d’argent d’après des dessins d’Antoine Caron avait été commandé par Henri IV pour être offert à Catherine de Médicis. Scindé dès le XVIIème siècle, il est présenté pour la première fois au public dans son intégralité.

A découvrir enfin, un échantillon du mobilier créé au fil des siècle pour orner les lieux du pouvoir. Ors, magnificence, splendeur : rien ne semble trop beau pour le décor des palais de l’Etat.
Si l’on contourne certaines pièces témoins de la folie des grandeurs de nos gouvernants – tel cet immense bénitier en cristal, cadeau à l’impératrice Eugénie – ce sera pour mieux d’approcher de splendides oeuvres du XVIIIème siècle : un adorable bonheur du jour en acajou, bronze et marbre, ou encore un cartonnier orné d’une pendule, avec marqueterie en bronze et écaille de tortue, signé André-Charles Boulle.

Un petit film (15 mn) met joliment en perspective l’héritage du passé et le savoir-faire des ateliers, en montrant le travail et les techniques des artisans qui, aujourd’hui encore, fabriquent et restaurent tapis, tapisseries et mobilier. Entre art et histoire, il met en valeur un délicat travail d’observation et de minutie passionné et passionnant.

Les Gobelins 1607-2007, Trésors dévoilés
Galerie des Gobelins
42, avenue des Gobelins – Paris 13ème
Jusqu’au 21 novembre 2007
Tlj sauf le lundi de 12 h 30 à 18 h 30
M° Gobelins, bus 27, 47, 83 et 91

On peut aussi visiter les ateliers des manufactures toute l’année, les mardi, mercredi et jeudi de 14 h à 16 h 30 (10 €, TR : 7,50 €)

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La Galerie des Gobelins

galerie des Gobelins, restaurationLa manufacture des Gobelins a été créée sous le règne d’Henri IV en 1601.

Mais c’est avec Louis XIV qu’elle prit toute son ampleur, devenant Manufacture Royale à l’initiative de Colbert.
Sous l’autorité de Charles Le Brun, elle produisit des tapisseries de haute qualité destinées à l’ameublement des Maisons royales et aux présents diplomatiques, établissant ainsi sa réputation bien au delà des frontières de la Couronne.

Par la suite, son activité déclina, notamment en raison des difficultés financières de l’Etat. Elle retrouva quelque vigueur sous l’impulsion de Napoléon, qui voulait que ses productions soient "le principal ornement des maisons impériales".

Incendiée par les Fédérés en 1871, la manufacture nationale des Gobelins fut reconstruite au début du XXème siècle selon les plans de Jean-Camille Formigé, Grand prix de Rome et architecte du métro aérien.

Rattachée à l’administration du Mobilier national depuis 1937, sa galerie a été fermée en 1972 pour des raisons de place.

Après d’importants travaux de rénovation, elle a rouvert en mai dernier, quelques quatre cents ans après sa création, afin de présenter au public tapisseries, tapis, meubles et objets d’arts issus des ateliers du Mobilier national et des trois manufactures nationales (Gobelins, Beauvais et la Savonnerie).

Son exposition inaugurale Les Gobelins 1607-2007, Trésors dévoilés, quatre siècles de création, prolongée jusqu’au 25 novembre prochain, met formidablement en avant ce bel ancrage dans l’histoire du patrimonial national.

Mais elle est également, pour le non-initié, une révélation : celle des créations issues chaque année de ses ateliers, des merveilles qui « tombent du métier », pour reprendre l’expression consacrée par la profession.

C’est notamment ce que l’on verra demain, avec la visite de l’exposition…
A très bientôt.

Galerie des Gobelins
42, avenue des Gobelins – Paris 13ème
Exposition Les Gobelins 1607-2007, Trésors dévoilés jusqu’au 21 novembre 2007
Tlj sauf le lundi de 12 h 30 à 18 h 30
M° Gobelins, bus 27, 47, 83 et 91

On peut aussi visiter les ateliers des manufactures toute l’année, les mardi, mercredi et jeudi de 14 h à 16 h 30 (10 €, TR : 7,50 €)

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Un secret. Claude Miller

Un secret de Claude MillerIl y a le corps aux rondeurs sculptées par la natation de Cécile de France et le corps large tout en muscles de Patrick Bruel.

Ils sont Tania et Maxime, les parents du petit François.
Mais l’enfant est maladroit, chétif, et craint l’eau comme un chat.
D’emblée, le contraste est excessif.

On est dans les années 1950 ; le soleil brille fort au dessus des corps dorés et de la piscine rutilante.

Le sourire de la blonde Tania explose comme une volonté tenace devant son petit garçon angoissé et son sportif de mari qui ne peut s’empêcher de laisser un profond regret à voir le malingre fils qu’il a engendré.

C’est sur ce tableau familial déséquilibré, dont le fils, dans son corps rachitique, se vit comme un symptôme maladif face à ses sportifs parents, que s’ancre l’histoire de cette famille juive, celle de son secret.

Au fil d’allers-retours du passé au présent, du présent au passé et du passé au passé, la narration tourne autour de la période de la Seconde Guerre mondiale, et finit par y plonger : c’est pendant la période de l’occupation que le drame s’est joué.
C’est drame là, c’est une passion amoureuse, qui s’est nouée au soleil, dans une nature idyllique, pendant que d’autres juifs étaient déportés.
L’interdit est écrasant de conséquences ; indécent.

Claude Miller a extraordinairement tiré parti de la trame romanesque du livre de Philippe Grimbert en faisant le choix d’un esthétisme radical : acteurs magnifiques, costumes et décors d’époque extrêmement léchés, photo cristalline.
Sous un soleil obstiné, c’est une tragédie que le cinéaste a voulu montrer ; en cela, le film est, comme le roman, beau et émouvant, mais, certainement, beaucoup plus dérangeant.

Un secret
un drame de Claude Miller
Avec Cécile de France, Patrick Bruel, Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Mathieu Amalric, Nathalie Boutefeu…
Durée : 1 h 40

Le roman du psychanalyste Philippe Grimbert a été publié chez Grasset en 2004 et depuis été réédité en poche (Le Livre de Poche, 5,50 €).

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Les Amours d'Astrée et de Céladon. Eric Rohmer

Les amours d'Astree et de Céladon d'Eric RohmerNous sommes dans la verte et pastorale Gaule du V° siècle. L’histoire nous est contée par Honoré Urfé, écrivain du XVIIème siècle totalement oublié.

Céladon, jeune et beau berger aime Astrée, belle et jeune bergère, qui le lui rend bien. Mais pour cause d’inimité entre les deux familles, lors d’une fête, Céladon, tout coeur défendant, feint d’en aimer une autre. Las ! La feinte est si belle qu’Astrée est convaincue d’être trahie. Elle commande alors à Céladon de disparaître à jamais de sa vue.

De désespoir, notre berger se jette à la rivière. Alors que tout le monde le tient pour noyé, il est sauvé par de splendides nymphes. Grâce à l’une d’elle et à son oncle druide, merveilles de bienveillance et de sagesse, Cédalon va revoir sa tendre, fidèle éplorée. Mais, afin de respecter le commandement qu’elle lui a fait, il n’apparaîtra que sous d’autres traits que les siens : déguisé en femme.
La bergère saura-t-elle ainsi reconnaître son berger ?

Décor bucolique à souhait dans de vertes forêts (Eric Rohmer a judicieusement choisi les gorges de la Sioule en Auvergne pour respecter la poésie du paysage du roman), tuniques gonflées par le vent qui agite rubans et douces chevelures, comédiens inconnus et parfaits, dialogues du XVIIème siècle à la lettre qui coulent comme l’eau vive du ruisseau… Eric Rohmer s’est emparé une fois de plus de la littérature avec audace et en a fait un film magnifique. Il nous offre avec Les Amours d’Astrée et de Céladon un moment délicieux de grâce, de fraîcheur et de sensualité.

Les Amours d’Astrée et de Céladon
Une comédie dramatique d’Eric Rohmer
Avec Andy Gillet, Stéphanie de Crayencour, Cécile Cassel, Véronique Reymond, Rosette, Jocelyn Quivrin, Mathilde Mosnier…
Film français, italien, espagnol
Durée : 1h 49 mn
Distribué par Rezo Films

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Grande Galerie. Le Journal du Louvre

Grande Galerie, Le journal du LouvreSa belle maquette s’affiche dans les kiosques depuis la rentrée : Grande Galerie est le nouveau magazine "maison" du Louvre destiné au grand public.

Si son but est naturellement (et légitimement) de faire la promotion du Musée, on apprécie qu’il le fasse sans prétention ni style journalistique accrocheur, en étant sobrement tourné vers les oeuvres et les collections.

Il offre d’abord un panorama des actualités du Musée pour la saison en cours. On se prépare ainsi à l’ouverture des expositions Chefs d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum et Le chant du monde. L’art de l’Iran safavide, 1501-1736, annoncées pour le 5 octobre prochain, ainsi que celle consacrée au style Biedermeier à partir du 18 octobre.

Mais Grande Galerie se veut aussi recueil à conserver, en présentant dans sa rubrique L’encyclopédie des collections, une section de ses collections permanentes.
Le premier numéro propose un parcours dans les salles dédiées à la peinture vénitienne du XVIème siècle.
Il s’agit peut-être de la rubrique la plus précieuse de la revue car elle vient justement rappeler qu’à côté de l’événementiel des expositions organisées ici et là tout au long de l’année, sont également à notre portée, et en abondance, des oeuvres magnifiques, à découvrir ou revisiter sans cesse, tranquillement et loin des foules qu’agglomèrent inévitablement les expos temporaires, dans l’anxiété de louper l’unique et l’indispensable.

Sur le strict plan rédactionnel, les articles sont bien calibrés, le contenu docte, le ton didactique : il s’agit d’édifier sagement le lecteur, à la façon d’un cours d’histoire de l’art et en évitant les mots compliqués.

Séduit par sa maquette classe et sobre, sa consistance justement dosée, ses bonnes idées (telle la proposition de balade parisienne dont les étapes sont les peintures d’Eugène Delacroix dans les églises et les palais), le rappel de l’agenda des nombreuses activités du musée, on ne peut que souhaiter longue vie à une revue qui, en donnant envie "d’y aller" devrait atteindre son objectif de rapprocher oeuvres et large public.

Grande Galerie. Le Journal du Louvre
Trimestriel
En kiosque et sur abonnement
Prix : 6,90 €
Présentation sur le site du Musée du Louvre

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On choisit pas ses vacances. Comédie Caumartin

On choisit pas ses vacancesVous n’êtes pas parti en vacances au camping de Pen-ar-Coët en Bretagne cet été ? Il est encore temps de le faire, mais à présent sans bouger de Paris, bien calé au chaud de la Comédie Caumartin.

Il y a les habitués, ceux qui adorent y revenir chaque année, et il y a celles qui subissent les joies de la vie communautaire au plein air en rêvant d’un séjour en hôtel-thalasso.
Il y a celui qui arrive un peu tard et se retrouve coincé dans sa canadienne contre les sanitaires, et l’inspectrice qui vient vérifier quelques 324 points qualité pour une improbable troisième étoile…

Ce pourrait être caricatural et grossier, c’est tout simplement extrêmement drôle.

Dès la première scène, on y est.
Les dialogues et les situations s’enchaînent avec délices et surprises et les cinq comédiens tous très bons composent de façon bluffante dix-sept personnages parfaitement incarnés.

Cette galerie de portraits tous très attachants, y compris l’inspecteur des impôts (le bonhomme "installé" près des cabinets, c’est lui !), la fluidité de la pièce et le talent comique indéniable de la troupe font de On choisit pas ses vacances une comédie totalement réussie.

On choisit pas ses vacances
Une comédie de Jean-Christophe Barc et Dominique Bastien
Avec Aurélie Boquien, Juliette Galoisy, Nathalie Portal, Jean-Christophe Barc et Dominique Bastien
Comédie Caumartin
26, rue Caumartin – Paris 9ème
Du mardi au samedi à 21 h 30, matinée le dimanche à 15 h
Location au 01 47 42 43 41
Billets de 15 € à 30 €

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Le Rideau de Sucre. Camila Guzmán Urzúa

Le rideau de sucre de Camila GuzmanLe Paradis. Tel est le pays où Camila Guzmán Urzúa dit avoir grandi : Cuba, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, alors que le régime castriste triomphait.

Née au Chili en 1971, ses parents fuient la dictature de Pinochet alors que Camila n’a que deux ans.
Jusqu’à son départ de l’île à l’âge de 19 ans, Cuba est son pays, le seul dont elle se souvient.

En 2002, après avoir vécu en Espagne, en Angleterre, au Chili et à Paris, où elle réside désormais depuis sept ans, Camila Guzmán revient à Cuba tourner son premier film.

Dans ce documentaire autobiographique, réalisé dans des conditions artisanales, la fille du cinéaste chilien Patricio Guzmán raconte son enfance à Cuba, son paradis donc, difficile à imaginer pour nous aujourd’hui.

Elle montre pourtant l’évidence du bonheur de sa génération : du travail et un toit pour tous, le confort matériel, l’absence de la valeur argent, la solidarité.
L’école pourvoit à tout, des stylos aux livres en passant par les loisirs au vert ou encore ces goûters faits de biscuits, de chocolat, de bonbons, de glaces et de boissons à volonté.
L’alphabétisation à fond de train pour mieux réaliser un idéal : bâtir la société de demain.
Camila et ses contemporains étaient des Pionniers qui avaient pour père Che Guevara. Tout leur semblait possible. Il faisait chaud, ils n’avaient pas faim ; ils n’avaient qu’à rêver.

En grandissant, des choses ont commencé à les "gêner" (le manque de tolérance, les fiches, la délation).
Camila Guzmán est partie voir ailleurs.
Entre-temps, le mur de Berlin était tombé. L’île n’a plus été approvisionnée par l’URSS. Les Cubains ont connu la faim, les soucis quotidiens, le besoin d’argent.
Beaucoup ont émigré. Certains sont restés. Aujourd’hui, ils se souviennent et racontent sous l’oeil d’une caméra amie.

"Je me demande si tout cela a réellement existé" s’interroge Camila Guzmán en évoquant ce bonheur passé.
Porté par son regard d’enfant, c’est la magie d’une utopie vécue que son film restitue. Il en est magnifique et troublant.

Le Rideau de sucre (El telón de azúcar)
Un film documentaire de Camila Guzmán Urzúa
France, durée 1 h 20
Distribution Epicentre Films

Le Rideau de Sucre a reçu notamment le Prix SIGNIS (Rencontres Cinéma d’Amérique Latine Toulouse 2007), le Prix LOUIS MARCORELLES (Cinéma du Réel Paris 2007) et le Prix FIPRESCI BAFICI (Buenos Aires 2007).

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Julio Gonzales au Centre Pompidou

Julio GonzalesHarmonie, beauté, cohérence : malgré la diversité des inspirations nettement visibles ici ou là dans les oeuvres du catalan Julio Gonzales (1876-1942), l’exposition qui se tient jusqu’au 8 octobre au Centre Georges Pompidou imprime le sentiment d’une homogénéité certaine.

On sent la solitude de l’artiste qui a souvent regardé autour de lui, fréquenté et travaillé avec ses contemporains – notamment avec Picasso dont il fut le praticien pour la réalisation de ses constructions en fer entre 1928 et 1932 –, mais s’est toujours gardé de s’engouffrer complètement dans le souffle solide des courants de son temps, en particulier le surréalisme et le cubisme.
Ces mouvements ne seront qu’approchés, inspirés, frôlés.

L’exposition met merveilleusement en évidence le parcours de l’artiste inventeur de la sculpture en fer, dont l’influence sur l’évolution de l’art au XXème siècle fut indéniable.

Ce parcours, c’est une origine – la ferronnerie d’art familiale –, des débuts – dessins magnifiques à la Degas dans les années 1910 à 1914 –, du talent – remarquable de bout en bout sur tous les supports qu’il a exploités –, des recherches – qui ont la grâce de demeurer « invisibles » –, un regard éveillé et curieux – cf. les influences –, parcours qui s’achève par un retour aux débuts (forcé, il est vrai par le manque de matières premières pendant l’occupation) avec le dessin, mais complètement transformé, moderne, au trait puissant et expressif.

L’évolution de ses créations sculpturales est remarquable. Aux nus féminins en bronze, tour à tour sensuels et mélancoliques succèdent les premiers reliefs en fer, visages découpés à même la feuille de métal.
Il adjoint vite barres et plaques pour élaborer des oeuvres dans lesquelles les espaces vides créés autour de la matière sont partie intégrante de la sculpture. Julio Gonzales parle alors de « dessin dans l’espace ». Ce sont des oeuvres autour desquelles on aime tourner, pour découvrir autant d’aperçus différents que d’angles de vue, tels cette Petite danseuse, cette Chevelure, ou Le Rêve Le Baiser (1934) aux proportions parfaites, tout en légèreté, force et dynamisme. Ou encore, l’une des plus belles sculptures de l’exposition, L’Ange, L’Insecte, La Danseuse (1935), silhouette hybride humaine et zoomorphe, tout droit sortie du fantastique.

Après la célèbre Montesserat, sculpture réaliste de femme criant (exposée près du Guernica de Picasso dans le pavillon espagnol de l’Exposition internationale de Paris de 1937), symbole des souffrances du peuple espagnol pendant la guerre civile, les dernières sculptures, à la fin des années 1930, une fois encore à la frontière du réalisme et de l’abstraction, mi-cactus mi-figures humaines, expriment de façon très manifeste la violence de l’époque en Europe. Ce sont les seules oeuvres porteuses d’agressivité.
Les autres évoquent des émotions plus « rentrées », mais aussi vie et mouvement.
Et, toujours, ressort une singularité, une profonde puissance créative, un élan vital hors du commun.

Julio Gonzales
Centre Pompidou
Jusqu’au 8 octobre 2007
Tlj sauf le mardi de 11 h à 21 h
Entrée « musée et expos »10 € (TR 8 €)
Catalogue 340 p., 49,90 €

Image : Jeune fille fière (1934-1936), Bronze, ADAGP- Coll. Centre Pompidou,Paris, Dist. RMN (photo : Philippe Migeat)

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Arcimboldo au Musée du Luxembourg

Arcimboldo, PrintempsCes têtes anthropomorphiques faites de fruits, de fleurs, d’animaux, maintes fois reproduites font partie de notre paysage, de notre culture picturale commune. On croit les avoir toujours vues.

Et pourtant, de sa mort, à la fin du XVIème siècle jusqu’au XXème siècle, où il fut redécouvert, notamment grâce aux surréalistes, Arcimboldo (1526-1593) est demeuré dans l’oubli complet.

Et il a fallu attendre plus de temps encore pour qu’une importante exposition monographique lui soit consacrée. Voici chose enfin faite au Musée du Luxembourg à Paris jusqu’au 13 janvier 2008.

L’on s’aperçoit alors que de Giuseppe Arcimboldo on ne connaissait rien du tout. Que plus que jamais les pâles reproductions ne donnent pas à connaître l’oeuvre peinte.
Mais aussi, et cela a quelque chose de merveilleux, qu’une part de mystère demeure inviolée. Celle du sens, bien sûr.

Quelle mouche a piqué ce portraitiste, concepteur de fêtes, de décors et de costumes à la cour des Hasbourg, pour se mettre à peindre ces figures indescriptibles, natures mortes à visage humain, s’amusant même à créer des portraits réversibles (un miroir placé dessous permet d’apprécier le génie des deux perspectives) ?
L‘Automne, tutti fruti, a pour pomme d’Adam une poire et L‘Eau, tout poissons, coquillages et crustacés, porte un collier et une boucle d’oreille en perles fines. Et que dire des représentations des métiers, ultra-caricaturistes, tel le bibliothécaire, dont le corps énorme constitué de livres immenses semble emmêlé dans le rideau de la bibliothèque ?

On a surtout envie d’y lire l’humour et l’audace d’un artiste bien établi dans son temps qui s’est trouvé pris d’envie de bizarre et de fantaisie…

Mais on peut aussi y voir des allégories (les quatre saisons pour les quatre âges de la vie), éventuellement se laisser convaincre par l’analyse structuraliste de Roland Barthes…

Le tout est d’aller voir par soi-même, de se laisser charmer par la beauté des tableaux, de s’abîmer longuement dans les détails minutieusement peints, et de se laisser surprendre dans le clair-obscur…
L’ambiance y est d’ailleurs tout à fait propice, l’exposition mêlant aux oeuvres de l’artiste des vitrines garnies d’objets décoratifs issus de cabinets de curiosités de l’époque. Ici, un serpent et un crapaud en bronze, là un tourteau et un escargot de mer, sans compter une curieuse aiguière avec coquillage et écrevisse de Bernard Palissy.
Vous en voulez encore ? Noix de coco sculptée et oeuf d’autruche montés sur argent en gobelets. Et le chouchou : la lampe à huile en forme de coquillage reposant sur une serre d’aigle.

Tout cela pour dire qu’Arcimboldo était bien de son temps : celui où l’on aimait à connaître la nature, où l’on découvrait de nouveaux mondes et donc de nouvelles espèces, où l’on voulait embrasser et confronter la diversité de ce qui existe, réunir en un même lieu les différents règnes…

Et si Arcimboldo, tout passionné qu’il était de ces cabinets, avait voulu dépasser cela, créer le merveilleux, le monstre, en transgressant les frontières entre ces différents ordres (on en revient à Barthes) ?

Artiste de génie connu et méconnu, univers fantastique et symbolique : les amateurs de curieux et de mystérieux vont adorer Arcimboldo.

Arcimboldo (1526-1593)
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – Paris 6ème
Du 15 septembre 2007 au 13 janvier 2008
Horaires d’ouverture : lun., ven., sam., de 10 h 30 à 22 h
mar., mer., jeu., de 10 h 30 à 19 h et dim. de 9 h à 19 h
Entrée 11 € (TR de 5 € à 9 €)
Catalogue 328 p., 38 € ; DVD 60 mn, 23 €, livre-CD 17 €

L’exposition s’installera ensuite à Vienne au Kunsthistorisches Museum, du 11 février au 1er juin 2008.

Image : Giuseppe Arcimboldo, Le Printemps (1573), huile sur toile, 76 x 64 cm, Paris, Musée du Louvre, ©RMN – Gérard Blot / Photo de presse

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