La nuit sacrée, Tahar Ben Jelloun

C’est dans une ambiance de conte oriental que le Goncourt 1987 nous narre l’histoire de Zahra, amenée à conquérir son identité de femme dans une société aux dures lois masculines. Et Tahar Ben Jelloun demeure dans la littérature en ne s’écartant pas du principe qu’il fait énoncer à un de ses personnages : « Un conte est un conte, pas un prêche ! »

La narratrice est libérée par la mort du père et par ses dernières paroles. Jusqu’alors, il l’a élevée comme le garçon dont il a rêvé après la naissance de la septième fille. La tromperie est allée très loin, jusqu’au simulacre de circoncision : « J’étais dans les bras de mon père qui me présenta, les jambes légèrement écartées, à un coiffeur circonciseur. Je revis le sang, le geste brusque mais adroit de mon père qui avait la main ensanglantée. Moi aussi j’avais du sang sur les cuisses, sur mon saroual blanc ».

Elle a même été mariée à une cousine épileptique. Elle fuit donc la famille, rencontre, imaginairement ou réellement, un prince, puis un violeur, avant d’échouer dans la maison de l’Assise et du Consul. Ceux-ci sont sœur et frère, elle gardienne de hammam et lui instituteur aveugle dans une école coranique. L’histoire d’amour entre Zahra et le Consul provoque la jalousie de l’Assise qui alerte la famille de Zahra. La jeune femme tue l’oncle qui venait la chercher, et c’est la prison. Mais elle n’y est pas à l’abri de la vengeance de ses sœurs qui parviennent à lui infliger mutilation et infibulation.

Tahar Ben Jelloun entretient le climat onirique du récit, et la narratrice nous fait part de visions qui ont un rapport avec son histoire personnelle. La frontière entre rêve et réalité n’est pas toujours nettement définie : « Cette histoire, vous ne l’avez peut-être pas vécue, mais elle est vraie ». C’est la force du roman de rester dans cette ambiguïté.

On ne sait pas si c’est bien le Consul que Zahra retrouve à la fin de son récit : « Votre histoire est terrible. Au fond je ne sais pas si c’est votre histoire ou celle d’une conjonction qui nous dépasse tous, quelque chose qui découle en faisceaux de lumière de la Voie lactée, parce qu’il est question de lune, de destin et de déchirure du ciel (…). Vous n’êtes pas de celles qui ferment une histoire. Vous seriez plutôt de celles qui la laissent ouverte en vue d’en faire un conte infini ».

Un texte fort, que la mémoire ne ferme pas.

Andreossi

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