A bord du Darjeeling Limited. Wes Anderson

A bord du Darjeeling Limited, Wes AndersonLe Darjeeling Limited est le vieux train bleu turquoise qui emmène trois frangins pour un périple initiatique à travers l’Inde.

L’idée vient de Francis, l’aîné, joué par Owen Wilson, belle gueule cabossée après un accident de voiture : il veut ressouder les liens de la fratrie, un peu distendus depuis le décès de leur père et surtout retrouver la mère devenue nonne dans un orphelinat himalayen.

Les cadets n’ont qu’à suivre : Jack (Jason Schwartzman, également co-scénariste avec un autre bon copain, Roman Coppola), cabossé lui aussi, mais de l’intérieur, après sa rupture avec sa fiancée magnifique et un rien vénéneuse (Natalie Portman, donc tout à fait magnifique) et Peter (Adrien Brody, le beau Pianiste de Roman Polanski, grand brun efflanqué aux yeux verts en amande) qui ne se dépêtre pas du deuil du papa (signe extérieur : les lunettes à la vue dudit paternel toujours sur le front).
Ces trois là, plus leurs névroses, plus le passé familial, plus leurs encombrants bagages orange, plus leurs pilules plus leurs cigarettes, et même un serpent : cela fait beaucoup dans un seul compartiment…

Tant mieux, car c’est chouette comme tout ; loufoque et potache juste ce qu’il faut. Le comique pince-sans-rire de nos apprentis-spirituels est irrésistible et les douleurs qu’il révèle autant qu’il les cache très attachantes.
Tout le monde ne montera pas à bord du Darjeeling Limited, certains se méfieront du côté "luxe" du road-movie. Les autres se laisseront embarquer avec ravissement face à tant de sympathie et de bonne volonté envers et contre tout, et se laisseront peut-être émouvoir par cette histoire de trois grands gamins qui au bout de l’Inde finissent par devenir grands.

A bord du Darjeeling Limited. Wes Anderson
Avec Owen Wilson, Adrien Brody, Jason Schwartzman, Natalie Portman…
Durée 1 h 47

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Bernard Piffaretti en V.O. au Musée Matisse Le Cateau-Cambrésis

Bernard Piffaretti, version originaleL’oeuvre de Bernard Piffaretti s’inscrit à bien des égards dans un jeu de mémoire.
Son processus de création picturale est depuis plus de vingt ans fondé sur la duplication : après avoir divisé la toile en deux et peint d’un côté ou l’autre du large trait vertical, il duplique le motif sur l’autre pan, non pas en le copiant, mais en essayant de retrouver les gestes successifs qui ont guidé le premier acte créatif.
Le résultat n’est donc jamais identique de part et d’autre du trait ; l’impression de double est fausse ; le spectateur se trouve toujours face à un seul tableau. Ou comment "1 + 1 n’égale pas 2, mais 1 + 1 égale 1", comme l’artiste se plaît à le souligner.

Puis, tous les 6, 8 ou 12 mois, il interrompt sa peinture et se met à dessiner ses tableaux peints. Ce travail de duplication n’a rien à voir avec celui qui caractérise l’élaboration des tableaux, et, intervenant a posteriori n’a aucune valeur de genèse. Bernard Piffaretti explique qu’au fil des ans, la reproduction des tableaux en dessins lui est devenue nécessaire, comme d’un temps de "désœuvrement" pour régénérer sa création.
En écho aux oeuvres peintes, de grandes dimensions, ces petits dessins au crayon de couleurs ne manquent pas d’évoquer un album photos, le recueil d’images que l’on constitue à un point d’étape pour tenter de rassembler les enregistrements des épisodes précédents.
A cette remarque l’artiste sourit et approuve, mais rappelle que, comme entre les deux parties du tableau "ici aussi, il y a un écart, le dessin ne peut être la photographie du tableau".
Peut-être une autre façon de dire que rien ne peut être refait à l’identique, mais tout au plus, "fait une nouvelle fois".

Enfin, à travers cette magnifique exposition, Bernard Piffaretti rend hommage à la mémoire d’Henri Matisse, figure fondatrice du Musée.
C’est davantage aux mots de Matisse qu’à sa peinture que l’artiste fait référence, en associant à vingt de ses tableaux déjà peints une phrase extraite des Ecrits et propos sur l’art d’Henri Matisse.
L’idée ? Pas de juxtaposition de phrases aux accrochages, mais un film (présenté en début d’exposition et inséré dans le catalogue) offrant des vues sur les tableaux de Piffaretti et sur lesquelles les phrases de Matisse apparaissent en sous-titrage (d’où le titre de l’expo).
Le résultat est très réussi, d’autant que la résonance de l’influence de Matisse dans les toiles de Piffaretti est tout à fait visible, notamment dans la combinaison des aplats de couleurs vives et du trait noir, dans les motifs de grilles, points et arabesques. Une jolie et originale marque de l’héritage décidément très large laissé par l’enfant du pays.

Bernard Piffaretti V.O. (version originale sous-titrée)
Jusqu’au 15 juin 2008
Musée Matisse Le Catau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois
Visites guidées sans réservation le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis
Catalogue : Emilie Ovaere, Bernard Marcadé, Michel Giroud, 120 p. avec le DVD du film, 25 €

Image : Bernard Piffaretti Sans titre, 1993 Acrylique sur toile, 181 x 222 cm Atelier de l’artiste, Paris © ADAGP, Paris 2008 Photo Bertrand Huet/Tutti
Henri Matisse « Les moyens les plus simples sont ceux qui permettent le mieux au peintre de s’exprimer. S’il a peur de la banalité, il ne l’évitera pas en se représentant par un extérieur étrange, en donnant dans des bizarreries du dessin ou les excentricités de la couleur. »

Toutes les citations d’Henri Matisse sont extraites de Ecrits et propos sur l’art, Editions Hermann, Paris 1972

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Les années. Annie Ernaux

Les années, Annie Ernaux, GallimardLes années est une magnifique et impressionnante fresque déroulant plus de six décennies de la société française.

Annie Ernaux, l’une des pionnières du dévoilement de soi et du je n’emploie ici que la troisième personne. Elle ne cache pas en réalité embrasser sa propre vie, en venant se pencher régulièrement sur une photo, du bébé posé sur un coussin qu’elle était dans les années 1940 à la femme d’âge mûr qu’elle est devenue aujourd’hui.

Mais à partir de ce "elle" qui apparaît sur les clichés de l’album-souvenirs, c’est un "nous" qu’elle évoque, qui renvoie à la collectivité d’un pays, à ses modes de vie successifs, à l’évolution de ses mentalités.
Si les vies qu’elle décrit sont celles de ses congénères, ce "elle" contient aussi le regard que sa génération portait sur celle de ses parents puis sur celle de ses enfants.

Annie Ernaux revient également sur la façon dont la société française envisageait son histoire récente à chacune des époques. Quels souvenirs évoquait-on dans les repas de famille de l’après-guerre, puis dans les années 1960, puis dans les années 1970, et jusqu’à aujourd’hui ? Mais surtout, de quoi ne parlait-on pas ? Et l’adolescente sur la photo, de quelle "histoire" était-elle consciente ? Ce rapport à la mémoire collective inséré dans l’inventaire historique apporte au livre un souffle et une profondeur formidables.
Et sa dissociation de toute entreprise romanesque (contrairement à l’empesé Une vie française de Jean-Paul Dubois) lui confère une ampleur, une légèreté remarquables.

Chacun se retrouvera dans ces années, ou y retrouvera des références. Ceux qui sont nés après l’auteur verront les récits familiaux confirmés, complétés. Certains en ressortiront pris de mélancolie.
Mais si Les années tient du livre d’histoire teinté de sociologie, il est avant tout une très belle oeuvre littéraire, dans laquelle l’on retrouve la sincérité, la simplicité et la frontalité qui font la puissance du style d’Annie Ernaux.

Extrait des années 1970 :

Quelqu’un commençait à jouer de la guitare, à chanter Comme un arbre dans la ville de Maxime Le Forestier et Duerme negrito de Quilapayun – on écoutait les yeux baissés. On allait dormir au petit bonheur sur des lits de camp dans l’ancienne magnanerie, ne sachant pas s’il valait mieux faire l’amour avec son voisin de droite ou de gauche, ou rien. Le sommeil nous prenait avant d’avoir décidé, euphorisés et confortés dans la valeur d’un style de vie dont on s’était offert toute la soirée à nous même le spectacle – loin des "beaufs" entassés dans des campings à Merlin-Plage.

Les années. Annie Ernaux
Gallimard (2008), 242 p., 17 €

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Les 20èmes Rencontres cinémas d'Amérique Latine de Toulouse

Les 20èmes rencontres cinémas d'Amérique Latine de Toulouse Depuis vingt ans désormais, les Rencontres invitent le public à la découverte de la création cinématographique contemporaine, mais aussi à revisiter le patrimoine de l’Amérique Latine à travers les grands réalisateurs qui ont marqué le siècle dernier.

Ouverture de la manifestation ce soir à la Cinémathèque de Toulouse avec la projection en avant-première de Maré, nossa historia de amor de Lúcia Murat (Brésil, 2007).
A signaler, parmi la large programmation qui s’étendra jusqu’au jusqu’au 6 avril :
– dimanche 30 mars, Limite (Brésil, 1931), film muet de Mário Peixoto, plongée dans les fantasmes et angoisses de trois jeunes gens à la dérive au milieu de l’océan. Sa restauration n’aurait pas été possible sans le travail d’archivistes obstinés et l’implication de Walter Salles (le réalisateur de Carnets de voyage), permettant ainsi sa projection en mai dernier lors du 60ème Festival de Cannes.
– jeudi 3 avril, A pedra do reino de Luis Fernando de Carvalho (Brésil, 2007), film fleuve de 3 h 48 qui raconte les mémoires familiales du vieux clown Quaderna. Petit événement technologique aussi puisqu’il s’agira de la 1ère projection en HD numérique de la ville rose…

Le 5 avril, sept prix seront décernés, dont le Grand Prix Coup de Coeur ; sélection de sept longs-métrages dans laquelle le public toulousain choisira également "son" film avec le Prix du Public Intramuros.

Et comme chaque année depuis 7 ans à Toulouse, mais aussi au Festival International de Donostia-San Sébastian, Cinéma en construction réunira des professionnels pour désigner le projet cinématographique en cours qui recevra une aide pour sa finalisation.
Lors du dernier Festival de Cannes, six films issus de Cinéma en construction étaient ainsi présents dans différentes sections, dont El bano del Papa de Enrique Fernández et César Charlone, en ce moment à l’affiche, El Asaltante de Pablo Fendrik (présenté en avant-première mercredi 2 avril), ou encore Párpados azules de Ernesto Contreras.

Programme complet, sélections et ensemble des manifestations :
20èmes Rencontres cinémas d’Amérique Latine de Toulouse

Et sur les 19èmes Rencontres :
billet du 15 mars 2007
Voir aussi le palmarès

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Jean-Louis Trintignant, extraits choisis. Théâtre du Rond-Point

Jean-Louis Trintignant, extraits choisis au Théâtre du Rond-PointIl pourrait s’asseoir n’importe où, le calendrier des Postes posé devant lui sur une table et égrener les nom des saints ; on l’écouterait les yeux plein de larmes, aimant chaque prénom et amoureux de sa voix à la fois.
Jean-Louis Trintignant a cette grâce et l’on n’y trouve pas d’explication.

Après avoir lu des extraits du Journal de Jules Renard avec Clémentine Célarié et Manuel Durand en décembre 2005 au théâtre du Petit Hébertot, ce qui était une merveille, Jean-Louis Trintignant reprend ce spectacle au Théatre du Rond-Point jusqu’au 19 avril.

Cette fois, aux textes de Jules Renard se mêlent ceux de Jean-Michel Ribes et la lecture est à quatre voix : Joëlle Belmonte, Manuel Durand et Jean-Louis Bérard l’accompagnent.
Aphorismes, réflexions et historiettes évoquent avec esprit, lucidité et un humour souvent caustique les femmes, l’amour, le couple, l’adultère, la vie, la mort, le bonheur, le théâtre, Dieu, la nature et la poésie. Au plaisir de réécouter ces textes s’ajoute celui des quatre comédiens, tous très bons, convaincus et complices. Le résultat est délicieux.
Mais demeure difficile à exprimer l’émotion qui nous saisit à écouter la voix de cet homme, Jean-Louis Trintignant, si calme, grave et profonde, si habitée et si vivante, à voir cet homme qui fut si jeune et si beau dans des films inoubliables, porter aujourd’hui les années avec tant de splendeur et peut-être plus de simplicité et d’humilité que jamais. Et cela est autre chose qu’un délice ; c’est un bouleversement.

Jean-Louis Trintignant, Extraits choisis
Journal 1887-1910 de Jules Renard, Sursauts, brindilles et pétard et autres textes de Jean-Michel Ribes
Lus par Jean-Louis Trintignant, Jean-Louis Bérard, Manuel Durand, Joëlle Belmonte
Théâtre du Rond-Point
2bis, av. Franklin D. Roosvelt – Paris 8ème
Du mardi au samedi à 18 h 30
Durée 1 h 1/4
Places de 10 € à 33 €

Photo : © Brigitte Enguerand

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La salle Giacometti 1964 à la Fondation Maeght

Alberto Giacometti, sculptures, photo Ernst ScheideggerAvec Joan Miró, qui dispose de son labyrinthe paysager constitué de statues et de céramiques exposées au milieu des pins, Alberto Giacometti est l’une des stars de la Fondation Maeght à Saint-Paul.

Un patio lui est consacré, mettant en scène certaines de ses sculptures les plus emblématiques (L’homme qui marche, Le chien, Homme debout, Femme vénitienne…).

Son oeuvre est également évoquée de façon très touchante dans une salle dédiée aux photographies prises par Ernst Scheidegger dans les années 1940 à 1960. Les grands tirages en noir et blanc de celui qui fut l’ami, mais aussi le témoin du travail et de la vie de l’artiste pendant une vingtaine d’années font écho à l’inoubliable exposition L’Atelier d’Alberto Giacometti présentée au Centre Pompidou cet hiver.
Dans le fatras du mythique atelier, où se mêlent terre, couteaux, palettes, flacons et tabourets, avec pour fond les murs perforés, incisés et dessinés, voici le magnifique Alberto, concentré, qui modèle, peint, réfléchit, créé.

Enfin, bel hommage aux fondateurs et à l’artiste, jusqu’au mois de juin, la salle Giacometti est visible dans sa scénographie de 1964, c’est-à-dire telle que les premiers visiteurs l’ont vue lors de l’inauguration de la Fondation le 28 juillet de cette année-là.
Cet espace, à la fois riche et cohérent à l’image de l’oeuvre de Giacometti est une merveille. Les superbes Femmes vénitiennes s’y élancent sur leurs pieds immenses, avec pour certaines des attributs féminins qui les rapprochent des statues africaines, mais toujours surmontés de ces cous fins, tendus, et de ces visages calmes et énigmatiques. Semble s’y trouver concentré tout le travail de recherche d’Alberto Giacometti, sa façon d’essayer différentes possibilités pour représenter un même sujet, ici la femme.
De mémoire, l’exposition du Centre Pompidou présentait peu de groupes. Ici en sont exposés plusieurs, tout à fait remarquables, comme La Clairière, Place neuf figures (1950) : toutes de tailles différentes, ces silhouettes forment un ensemble très harmonieux qui saisit le visiteur d’une sensation de douce vague, d’une ondulation sur une ligne de crête, mer ou forêt.
Un bel écho à la cour Giacometti, à l’extérieur, patio ouvert sur les pins et la mer, écrin de rêve pour quelques unes des plus célèbres oeuvres de l’artiste, ici au plus près de ses origines italiennes.

Fondation Marguerite et Aimé Maeght
06570 Saint-Paul
TJL, du 1er oct. au 30 juin de 10 h à 18 h
et du 1er juil. au 30 sept. de 10 h à 19 h
Entrée 11 € (TR 9 €)

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La Fondation Marguerite et Aimé Maeght à Saint-Paul

Fondation Maeght, Saint-PaulInaugurée le 28 juillet 1964, la Fondation Maeght à Saint-Paul (Alpes-Maritimes) a été pensée comme un ensemble architectural parfaitement intégré au milieu naturel.
Très marqués années 1960, les lieux ont plutôt bien vieillis. Utilisant la pierre récupérée dans les collines, le béton brut et les briques roses modelées à la main et cuites au feu de bois selon la tradition locale, la construction imaginée par Josep Lluis (1) était particulièrement ingénieuse.

Pour profiter du cadre exceptionnel et en particulier de la lumière, les demi-voûtes en verre diffusent un éclairage naturel dans les salles, tandis que les nombreuses ouvertures permettent de garder en permanence un oeil sur l’extérieur et les sculptures qui y sont installées.

Car l’espace muséal de la Fondation Maeght se situe autant à l’intérieur (aux très agréables variations de niveaux) que dans les jardins, architecturés en différents lieux d’exposition, conférant à l’ensemble une sensation de déambulation et de détours qui soutient l’attention tout en faisant de la visite une belle ballade.

L’on admire ainsi notamment : des statues de Giacometti, des sculptures, des peintures, des lithographies et même une tapisserie de Joan Miró, un bassin dont la mosaïque a été dessinée par Georges Braque, à l’origine également du vitrail tout mauve de la petite chapelle Saint-Bernard (édifiée à l’emplacement d’un ancien sanctuaire), des oeuvres de Calder, van Velde, Ubac, Jan Voss…

Sans oublier une superbe salle carrée où quatre immenses toiles se répondent comme pour mieux évoquer le bonheur de la vie méditerranéenne : La vie de Marc Chagall, si joyeux et coloré, Le partage des eaux de Pierre Alechinsky, archipel vu du ciel aux dominantes de bleus et de vert turquoise, L’été de Pierre Bonnard, vision paradisiaque de femmes et d’enfants dans un océan de végétation, et La partie de campagne de Fernand Léger, ode franc aux loisirs et au grand air.
Donc à voir évidemment ; mais ne pas trop attendre pour y aller car l’on a nul besoin de la foule estivale pour admirer ces "choses"-là…

Fondation Marguerite et Aimé Maeght
06570 Saint-Paul
TJL, du 1er oct. au 30 juin de 10 h à 18 h
et du 1er juil. au 30 sept. de 10 h à 19 h
Entrée 11 € (TR 9 €)

(1) Architecte d’origine catalane comme son ami Joan Miró, Josep Lluis travailla à Paris avec Le Corbusier. En 1958, il fut nommé à la tête de la faculté d’architecture à Harvard. Il édifia notamment le pavillon de l’Espagne républicaine où Picasso exposa Guernica à l’Exposition Universelle de Paris en 1937 et la Fondation Miró à Barcelone.

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Cafés de la mémoire. Chantal Thomas

Chantal Thomas, Cafés de la mémoire au SeuilEntrée tonitruante en plein Carnaval de Nice : chars, Gagantuas de carton-pâte, roitelets à grosse tête, musique, danse et batailles de fleurs.

Halte au Grand Café de Turin place Garibaldi, carafons de muscadet et magnifique plateau de fruits de mer ; conversations savoureuses avec des inconnus.
Au Grand Café de Turin, on est priés de laisser ses peines à l’entrée. Mais Chantal Thomas a à ses pieds un sac plein à craquer d’un bric-à-bracs de souvenirs, bouts de choses qu’elle a pris chez sa mère tout à l’heure, très vite. Sa mère qui vieillit ; et dont elle admet qu’elle commence à perdre la tête.

Fil d’Ariane de l’autobiographie de ses jeunes années, Chantal Thomas va refaire la tournée des cafés qui les ont accueillies, témoins de ses espoirs, de ses rencontres et de ses ivresses.

En commençant par Arcachon, où, enfant, elle n’en fréquenta aucun, mais en rêva beaucoup, l’imagination excitée par les récits qu’en faisait son grand-père adoré.

Au lycée, auprès d’un professeur prénommé Amaury, elle découvre la philosophie, qui lui apparaît alors comme « la volupté de parler », le passage de la « parole-ustensile à la parole-pensée ». La même année, elle dévore Simone de Beauvoir qui « gagnait sa vie en élaborant des idées » et « voulait s’inventer » en offrant à toutes les jeunes femmes la possibilité d’en faire de même. Elle est son premier modèle lorsque, le soir des résultats du bac, elle peut enfin s’installer dans un café.

Il y aura ensuite la faculté de philosophie à Bordeaux, moments cocasses s’il n’étaient un peu tristes où l’enflammé Amaury est remplacé par un vieux professeur qui se prend pour Hegel et où elle est confrontée à l’hermétisme du cours de logique. Si elle ne connaît pas encore l’ivresse de l’envol sur « sur les ailes grandes déployées de l’Intelligence » qu’elle attendait, ce qu’elle découvre alors l’exalte bien plus que tout ce qu’elle avait imaginé : la liberté d’avoir une chambre à soi, de parcourir la ville jusque tard dans la nuit, de fréquenter les cafés.
C’est dans cette indépendance qu’elle se sent plus proche de Simone de Beauvoir que jamais.

A Bordeaux comme ensuite à Paris, ses Cafés de la mémoire apparaissent alors comme les gardiens de ses folles années : eux ont vu les émerveillements et l’insouciance de cette jeune femme dont le programme ne fut autre qu’empoigner la vie comme elle se présentait.

Cafés de la mémoire. Chantal Thomas
Editions du Seuil
Février 2008
352 p., 20 €

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Le musée Masséna à Nice

Le musée d'art et d'histoire Masséna à NiceAu lendemain de la première Guerre mondiale, André Masséna fait don à la ville de Nice du palais édifié pour le petit-fils du maréchal à la fin du XIXème siècle, à la double condition que le lieu soit dédié à l’histoire régionale et que ses jardins soient ouverts au public.
Le Musée Masséna est ainsi inauguré en 1921.

Le 1er mars dernier, après sept ans de travaux, le musée a rouvert ses portes au public. Ses ors soigneusement lustrés et ses murs blancs flambant neufs sont l’occasion d’aller se plonger un moment dans l’histoire du pays niçois.

D’emblée, un compliment et une réserve. La deuxième est de taille mais ne devrait qu’être provisoire (tel est le moins que l’on puisse souhaiter !) : l’absence totale de cartels ! Impossible de comprendre comment un musée, qui plus est historique, se permet d’accueillir ses visiteurs sans indiquer l’origine, la date, l’auteur des oeuvres (peintures, gravures, affiches, statues, meubles, vêtements et objets) exposées !
La perplexité vaguement évacuée par la promesse d’une mise en place des panneaux explicatifs « d’ici le 30 juin », l’on peut suivre avec plaisir le fil de l’histoire de la belle ville de Nice. Car le compliment est là : le musée fait preuve d’une simplicité et d’une clarté très agréables pour retracer les grandes lignes de l’histoire assez complexe de Nice, qui est passée de l’Italie à la France et de la France à l’Italie un certain nombre de fois.

Le flash-back présenté débute avec les guerres d’Italie et les prouesses, dûment récompensées (il est élevé au grade de maréchal en 1804) du commandant Masséna auprès de l’armée de Napoléon Bonaparte.
L’on apprendra que le département des Alpes-Maritimes fut créé deux fois : d’abord en 1793, après la prise de la ville (alors partie des états du roi de Sardaigne) par les révolutionnaires français ; occupation à laquelle il sera mis en fin en 1814 par le Traité de Paris. Puis en 1860, nouvelle création du département, lorsque le roi Victor-Emmanuel II restitue la localité à Napoléon III en remerciement de son aide militaire contre les Autrichiens qui occupaient le nord de l’Italie.

La belle région niçoise, grâce à son cadre, sa lumière et son climat séduira alors tout ce que le monde contient de riches oisifs : après les Anglais (qui y venaient dès le XVIIIème siècle), les Russes (quoique ceux-ci se raréfient après la révolution bolchévique), qui laisseront la place aux Américains dans l’entre-deux guerres et enfin les Européens du Nord.

A partir du XIXème siècle, la ville connaît donc une formidable expansion.
Chemin de fer (1864), Carnaval résuscité (1873), palaces face à la mer, le tout construit avec l’aide d’une immigration transalpine abondante, et auréolé de l’inspiration que les artistes, peintres et écrivains y trouvèrent : la réputation de la Riviera devenue peu à peu Côte d’Azur était faite.
Sa célèbre promenade était, elle, réalisée dès 1822 : au départ simple chemin de terre tracé à l’initiative de la communauté anglaise, la ville l’aménagea en 1844, y déplaçant dès lors le centre de la vie mondaine.

Musée d’Art et d’Histoire – Masséna
Palais Masséna
65, rue de France et 35, promenade des Anglais – Nice
Tél. (+33) 04 93 91 19 10
Fax (+33) 04 93 82 39 79
TLJ sauf le mardi de 10h à 18h
Entrée à tarif réduit jusqu’au 30 juin : 2,50 €

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L'Heure d'été. Olivier Assayas

L'Heure d'été, Olivier AssayasIls sont presque riches, jeunes et beaux ; heureux de se retrouver dans la propriété familiale pour fêter les 75 ans de leur mère Hélène.
Avant de repartir très vite pour Pékin, New-York ou Paris.

Le regard d’Hélène – interprétée de façon impressionnante par Edith Scob -, énergique et rêveur, ne s’anime réellement que lorsqu’il s’agit d’évoquer l’oeuvre de son oncle, peintre et collectionneur dont elle a à coeur de perpétuer la mémoire.

Son seul souci désormais : préparer Frédéric, son fils aîné – le seul resté en France, joué par Charles Berling – au règlement de sa succession, avec le désir d’éviter qu’après elle "les choses ne pèsent trop lourd".

Fin du premier tableau. Hélène s’éteint. Ouverture du deuxième : la succession. D’abord, le caveau, la pierre tombale. Puis les souvenirs et les secrets, qui n’ont pas tous "disparus avec elle", contrairement à ce qu’elle avait prédit à son fils.
Et enfin : les choses, les "résidus", ainsi qu’elle les avait nommés au cours de la même conversation, superbe monologue en réalité, qui contenait presque tout le film.

Lucidité de la mère qui a prévu ce que son fils aîné ne voulait voir. Les chemins pris par sa soeur et son frère – Chine, Etats-Unis – le mettront face à la réalité. Ces résidus ne seront pas gardés par la fratrie, pour être ensuite transmis à ses propres enfants : ils seront vendus ou remis à Orsay.

Olivier Assayas traite avec une grâce et une finesse infinies ces sujets qui ne supportent que la délicatesse. Pas de thèse mais une approche subtile des questions de la transmission (dont il apparaît que l’aspect matériel n’est qu’une forme), de la mémoire, de son poids et de sa nécessité. Rien n’est tranché ni souligné et tous les personnages, les trois enfants mais aussi les petits-enfants et la servante de la défunte sont convaincants dans les différentes façons dont chacun aborde la mort, l’après d’un proche.

Grâce à la manière de filmer d’Olivier Assayas, fluide et toujours un peu froide, L’Heure d’été ne suscite jamais le débordement d’émotion mais s’adresse au spectateur dans un murmure qui suffit à le toucher.

L’Heure d’été. Olivier Assayas
Avec Juliette Binoche, Charles Berling, Jérémie Renier, Edith Scob,
Dominique Reymond, Valérie Bonneton, Isabelle Sadoyan…
Durée 1 h 40

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