Le Monde enchanté de Jacques Demy

Exposition Jacques Demy, Cinémathèque française

Des photos, des lettres, des plans de tournage, des carnets, des peintures, des dessins, des extraits d’interview et de films bien sûr… C’est tout cela à la fois qui recréé le monde en chanté de Jacques Demy, le célèbre réalisateur disparu en 1990 mais dont les plus grands succès remontent aux années 1960.
L’exposition enfin organisée à la Cinémathèque – un vieux projet déjà envisagé du temps de Claude Berri – a nécessité deux ans de préparation, pour un résultat qui tient toutes ses promesses.

L’on y pénètre par le passage Pommeraye reconstitué, décor de l’enfance de Jacques Demy, pour suivre un parcours chronologique : les débuts à Nantes où la passion du cinéma est tôt venue au petit Jacquot, avec les courts métrages, puis Lola en 1961.
Après le détour niçois du magnifique Baie des Anges, voici le succès des Parapluies des Cherbourg. La palme d’or est là, sous vitrine, tout près d’un télégramme de félicitations de François Truffaut. Les fameux papiers peints, créés spécialement pour le film, sont tendus sur les murs avec des photos du film pour les restituer dans leur contexte.
Puis viennent Les Demoiselles de Rochefort, avec de superbes photos en couleur mais aussi la reconstitution de la galerie d’art de Lancien.
Ensuite c’est la période californienne, avec Model Shop et notamment une interview d’Harrison Ford.
Peau d’âne réserve la partie la plus matérielle de l’exposition : la peau de l’âne authentique a été retrouvée et les robes couleur de Jour, de Lune et de Temps ont été recréées.
Les sections consacrées aux films suivants, qui ont eu moins de succès, sont un peu plus réduites, mais l’on retrouve avec plaisir les univers forts différents d‘Une chambre en ville,ou encore de Trois places pour le 26 (certaines des robes portées par Mathilda May sont là aussi).

Après en avoir savouré des extraits tout au long de l’exposition, on en ressort avec l’envie de revoir tous les films de Jacques Demy, y compris ceux que l’on connaît le moins. On en ressort aussi enrichi des inspirations du cinéaste. Par exemple, en introduction à Peau d’âne, des gravures de Gustave Doré rappellent le goût pour le XIXè de Demy. Des œuvres inattendues pour évoquer un film haut en couleurs, mais somme toute très cohérentes avec sa veine fantastique.

Le Monde enchanté de Jacques Demy
Cinémathèque française
51 rue de Bercy – Paris XIIème
Lundi, mercredi à vendredi 12h-19h
Week-end, jours fériés et vacances (27 avril au 12 mai et 3 juillet au 4 août) : 10h-20h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Fermeture le mardi et le 1er mai
Plein tarif : 10€, tarif réduit : 8€
Moins de 18 ans : 5€
Jusqu’au 4 août 2013

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The Place Beyond the Pines

Place beyond the pines, Ryan GoslingLe film déroule une fresque sur deux générations, celle des pères et celle des fils, avec la force implacable des tragédies antiques.

Voici Luke, interprété par Ryan Gosling, dur taiseux au cœur tendre façon héros de Drive, cascadeur dans une fête foraine, le plus rapide et le plus doué sur sa machine infernale. Un jour, Romina, interprété par Eva Mendes – merveilleuse – vient le voir. Ils ont été amants d’un soir. Elle a eu un bébé. Il est papa mais à présent elle a un compagnon. Luke veut assumer son rôle, donner des glaces et de l’argent à son enfant. Comme il n’a que sa moto pour bien et son effroyable vitesse pour talent, il se met à braquer des banques. Cela finit par mal tourner ; un flic pas plus âgé que lui le descend.
Fin de l’acte I.

Le flic (impeccable Bradley Cooper), blessé dans l’affaire et désormais boitillant, est rongé par la culpabilité – il sait que Luke avait un gosse, du même âge que le sien. Mais, confiant en la vie et en lui-même, ambitieux, il avance. Il découvre que ses collègues sont ripoux, les dénonce et se lance avec succès – et l’aide de son propre père, grand procureur en retraite – dans la politique.

Dernier acte. Quinze ans sont passés. L’ex-flic a divorcé ; il est en pleine campagne politique pour un poste de gouverneur. Son fils vient habiter chez lui, ce qui est plus un poids qu’autre chose. Le gosse de riche s’ennuie et se défonce pour s’occuper. Il rencontre Jason, adolescent osseux et effacé, porté aussi sur la fumette. Il le prend sous sa coupe, le domine avec sadisme. Contrairement au premier, Jason ne sait pas encore qui est son père…

Cette tragédie en trois actes a le souffle des grands romans américains et la réalisation parfaite des grands films de cinéma. Il a des moments lents – on dirait de germination – et d’autres d’accélération effrénée. Le spectateur a toujours un temps de retard face à l’action qui entraîne, précipite, étonne. Et émeut. Car sous trame de thriller, The Place Beyond the Pines ne parle que de destinée humaine, de transmission et – là est la véritable tragédie – de si peu de liberté dans cette Amérique sans âge. Car l’on ne naît pas neuf dans ce monde à conquérir – l’orphelin laisse un orphelin comme le bien-né assurera l’avenir de son rejeton – et c’est évidemment le plus universel et le plus bouleversant.

The Place Beyond the Pines
Un film de Derek Cianfrance
Durée 2 h 20
Sorti en salles le 20 mars 2013

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Alceste à bicyclette. Philippe Le Guay

Alceste à bicyclette, Philippe Le Guay

Serge, la cinquantaine, a interrompu sa brillante carrière de comédien il y a trois ans et s’est retiré sur l’ïle de Ré. Vêtu d’antiques cache-cols, mal rasé, sauvage avec délices, il s’occupe de ses problèmes domestiques et s’adonne à une peinture "du dimanche" avec autant de soin que de lucidité.
Voici que Gauthier, ancienne connaissance, acteur de séries télé à succès, débarque et lui demande de jouer Le Misanthrope. Non, peut-être, on verra… l’ours mal léché fâché avec le monde du spectacle (et qui a ses raisons) est malgré tout bien tenté de renouer avec la scène pour interpréter ce rôle d’Alceste qu’il connait par cœur. En attendant de se décider, il propose d’entamer tout de suite les répétitions avec Gauthier…

Et voilà qui est parti : dans ce paysage de carte postale hors saison, dans un décor de vieille baraque encombrée, deux immenses comédiens – Fabrice Luchini et Lambert Wilson – interprètent deux acteurs qui se (re)mettent en bouche la première scène du Misanthrope. Comme tous deux se disputent le premier rôle, ils tirent au sort chaque jour et le perdant doit se contenter de celui de Philinte.
Moments suspendus, où seul le texte existe, où l’on s’étripe pour un vers amputé, pour un mot travesti, où l’exigence envers soi et envers l’autre est la plus haute… Moments de régal absolu pour le spectateur.

Mais autour d’eux, et avec eux, la vie continue : celle de Paris et de ses mondanités appelle Gauthier, le microcosme local n’est pas indifférent à la venue du célèbre interprète du Docteur Morange, tandis qu’une irrésistible Italienne croise leur route. La bataille d’égos qui se joue en répétition et en sourdine autour du rôle d’Alceste se rejoue à bicyclette et non moins souterrainement pour conquérir la belle…

Si Philippe Le Guay se contente souvent de plans convenus voire approximatifs, il trousse ici un film plein de qualités et de charmes, dont la justesse de ton et de point de vue n’est pas des moindres. Ses personnages – des "caractères" – sont extrêmement convaincants et interprétés à merveille ; les situations ne le sont pas moins. Le succès, les relations qui en découlent, l’orgueil, l’argent, la sincérité, l’amour, l’amitié, la générosité… autant de thèmes fort bien illustrés à travers cette belle conjugaison du cinéma et du théâtre, souvent cocasse, parfois amère mais jamais aigre…

Alceste à bicylette de Philippe Le Guay

Alceste à bicyclette
Une comédie de Philippe Le Guay
Avec Fabrice Luchini, Lambert Wilson, Maya Sansa
Durée 1 h 44
Sorti en salles le 16 janvier 2013

Photos © Myriam Touzé / Pathé Distribution

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Après Mai. Olivier Assayas

Apres-MaiAprès Mai est un très beau film, aussi bien écrit qu’il est réalisé et interprété. Portrait d’une adolescence au début des années 1970, il est clairement d’inspiration autobiographique : Olivier Assayas, né en 1955, avait publié en 2005 un court récit sur cette période de sa vie : Une adolescence dans l’après-Mai. (1)

Récompensé du prix du scénario à la Mostra de Venise, ce long-métrage raconte le parcours initiatique de Gilles, de la classe de terminale aux premiers pas de sa vie d’adulte, à une époque où le collectif primait largement sur l’individuel. Et Olivier Assayas réussit merveilleusement à montrer tout à la fois un cheminement personnel – avec ce qu’il comporte d’intime – et le tableau social dans lequel il évolue et doit trouver sa place.

Fils de bourgeois comme tous ses camarades, il veut comme eux faire "La Révolution" – le réalisateur restitue d’ailleurs subtilement et efficacement au début du film l’actif et le passif de Mai 1968 en tant que révolution non aboutie. Mais sur les moyens, les vues divergent assez vite : Gilles, déjà sur une voie artistique, conçoit la révolution à travers celle du langage pictural et cinématographique, quand ses camarades, pris dans les dogmes gauchistes et leurs affrontements internes, ne l’envisagent que dans la radicalité d’une "action" conforme aux "idées".

Si la vision d’Olivier Assayas sonne juste c’est parce qu’il montre autant la liberté de l’époque (ces enfants de bonne famille allaient et venaient au gré de leurs envies, prenant après le bac plutôt la route que la carte d’étudiant) que sa gravité (on cherchera en vain une quelconque forme d’insouciance ou de légèreté chez ces adolescents), ou encore son totalitarisme (voir la mémorable scène dans un van, où un "aîné" reproche vertement à Gilles de lire Les habits neufs du président Mao de Simon Leys, dénonciateur du maoïsme : "tu es jeune, tu devrais surveiller tes lectures"). Et il n’y a finalement dans Après-Mai pas de nostalgie, encore moins d’apologie, ni non plus d’amertume, mais simplement un regard tendre et critique, qui lui donne à la fois sa force romanesque et sa crédibilité historique.

Après Mai
Un film de Olivier Assayas
Avec Clément Métayer, Lola Creton, Félix Armand
Durée 2 h 02
Sorti en salles le 14 novembre 2012

(1) Editions des Cahiers du cinéma, 96 p., 14 euros

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Skyfall. Sam Mendes

Skyfall, Sam Mendes

Pour découvrir en salles le dernier James Bond, il fallait être patient : supporter des files d’attente interminables ou bien attendre… quelques semaines de plus.

Le succès est colossal, et c’est plus que mérité.
Aucune raison de bouder son plaisir avec ce Skyfall : scénario en acier trempé, tel un câble qui jamais ne se grippe ; scènes de poursuites fidèles au canon du genre ; escapades en Orient comme James Bond les affectionne – jolie et mystérieuse étrangère comprise ; méchant très méchant, mais à la mode d’aujourd’hui – entendez pirate internet travaillé par son Oedipe.
Ajoutez, toujours dans le chapitre psychologie, un peu d’inédit : rapport fâché à la mère-patronnesse des services secrets, mais qui ne remettra pas en cause la légendaire loyauté de 007 à sa mère-patrie ; incursion dans l’enfance écossaise – et meurtrie – du plus célèbre agent secret du monde.
Si vous voulez d’autres attraits, et ce ne sont pas les moindres, il y aussi la caméra très douée de Sam Mendes qui, par exemple, en une superbe scène, montre un meurtre dans une tour de verre, nuitamment et à Shangaï, avec des jeux de miroirs et de clairs-obscurs inoubliables. Enfin, comment ne pas citer les acteurs excellents (et fort bien dirigés) que sont ici Daniel Craig, en un James Bond vieillissant et inquiet mais qui a décidé, une fois ressuscité, de ne plus rien céder, et Javier Bardem en "folle" aussi déjantée que dangereuse, mais aussi certains seconds rôles comme Ben Whishaw, impeccable dans le rôle de Q, jeune brillant des services secrets, qui oppose sa manière moderne (agir par le biais des réseau internet, en pyjama et une tasse de thé à la main) à celle à l’ancienne et sur le terrain de notre 007, qui sera quand même bien celui qui règlera son compte au traître… à coup de poignard de chasseur écossais dans le dos.
Comme quoi, même à la cinquantaine passée, ce cher bon vieux Bond peut encore utilement sortir son Aston Martin et ses costumes à la coupe parfaite… toujours accompagnés de son irrésistible humour so british, bien sûr !

Skyfall
Un film de Sam Mendes
Avec Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem, Ben Whishaw
Durée 2 h 23
Sorti en salle le 26 octobre 2012

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Amour. Michael Haneke

Amour, Michael Haneke

C’est sans doute l’une des plus belles histoires d’amour du cinéma. Mais l’une des plus dures aussi : l’amour face à la maladie, à la déchéance, à la mort qui galope vers soi. Anne et Georges, octogénaires parisiens, intellectuels et cultivés (elle était professeur de piano) voient leur retraite complice et gaie ébranlée le jour où Anne est victime d’un accident vasculaire cérébral, qui la laisse partiellement paralysée et la conduit à s’enfoncer chaque jour davantage dans la décrépitude.
Bouleversé mais présent plus que jamais, Georges la soigne, subit ses crises, lui fait faire ses exercices de rééducation, jusqu’au jour où il doit apprendre à lui changer ses couches, jusqu’au jour où il doit la nourrir à la petite cuillère, jusqu’au jour où…

La première scène montre le couple la veille de l’accident au théâtre des Champs-Elysées, où ils sont venus écouter Alexandre Tharaud (joué par soi-même), ancien élève d’Anne, avant de rentrer en bus dans leur appartement bourgeois. A partir de ce moment, la caméra ne sortira plus de l’appartement, espace auquel se réduit désormais la vie du couple.
Haneke a le chic pour créer des ambiances étouffantes ; il aime le clos, qu’il filme en longs plans fixes. Si cette manière fait mouche pour traiter sans complaisance du naufrage de la vieillesse, elle s’avère tout aussi efficace pour montrer la force de l’amour : face à l’insistance de Anne, Georges lui fait promesse de ne plus la laisser aller à l’hôpital, il l’aide autant qu’il le peut, lui parle sans cesse, ne sortant pratiquement plus lui-même. Plus encore, il fait barrage contre le monde extérieur, infirmière peu délicate, gendre arrogant, mais surtout leur propre fille Eva, qui voudrait voir sa mère sortir de "là", sans pouvoir reconnaître que c’est pourtant "là", auprès de son aimant mari qu’elle est le mieux.
Au cours d’une scène déchirante, Georges envoie promener Eva car il n’a même plus la force de répondre à ses questions, il ne peut même plus prendre en charge l’inquiétude de l’entourage. Il n’a plus que l’énergie du dernier combat, celui de son amour pour Anne, jusqu’au bout de ses forces à elle, jusqu’au bout de ses forces lui.

Les plans interminables face à une Anne chaque jour un peu plus diminuée et toujours si aimante, face à un Georges si amoureux et chaque jour un peu plus brave et un peu plus triste à la fois sont parfois à la limite du soutenable. C’est un miroir que Michael Haneke nous tend ; c’est si frontal, donc brutal, que l’on en sort comme sidéré. En même temps, le film longtemps nous habite car la puissance de l’amour qui unit ces deux êtres-là est finalement, au-delà de leur sort commun de mortels, ce qui fait leur singularité. En cela, c’est davantage un film sur l’amour que sur la mort et aucun autre titre que celui-là ne lui aurait mieux convenu. Et aucun autre comédien n’aurait pu incarner ce personnage amoureux fou et lucide, blessé et courageux comme le fait Jean-Louis Trintignant. Il porte le film comme il porte Anne jusqu’au bout, merveilleusement.

Amour
Un film de Michael Haneke
Avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert
Durée 2 h 07min
Sorti en salle le 24 octobre 2012
Amour a reçu la Palme d’Or au Festival de Cannes 2012

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Les Contes d'Hoffmann à l'Opéra de Paris

Les contes d'Hoffmann, mise en scène Robert Carsen

Ce vendredi était donnée à l’Opéra Bastille la première représentation de la saison des Contes d’Hoffmann dans la production de Robert Carsen créée en mars 2000.
A tous points de vue, ce fut une soirée inoubliable.

La mise en scène de Carsen, qui a succédé notamment à Patrice Chéreau en 1974 et à Roman Polanski en 1992, est un ravissement. Elle enracine l’aspect littéraire des Contes, en positionnant l’ensemble de l’opéra dans un théâtre. Robert Carsen joue ainsi deux cartes à fond, d’une part celle du clin d’œil – pour ne pas dire l’hommage – d’Offenbach à Mozart avec la représentation de Don Giovanni qui encadre l’histoire, et d’autre part celle de l’illusion de l’amour, en montrant en permanence les dessous du décor, comme pour rappeler à chaque instant que toutes les histoires d’amour ne sont que jeux d’apparence trompeurs qui ne mèneront qu’à la désillusion. Sa mise en scène fait enfin sa juste part au fantastique et à la balance des sentiments, tantôt gais, tantôt déchirants, qui participent au charme du célèbre opéra.

Le prologue qui voit les amis d’Hoffmann se réunir au café pour écouter ses contes est une merveille de joie, teintée d’un peu d’inquiétude et d’ironie, vu l’état d’ébriété d’Hoffmann, mais aussi de la suite qui s’annonce. Le bar est magnifique, les chorégraphies parfaites, la musique et les voix, y compris les chœurs exactement en place : cela démarre fort.
L’apothéose du plaisir vient au premier acte, au cours duquel la canadienne Jane Archibald nous offre une Olympia mécanique aussi talentueuse que tordante ; celle de l’émotion au deuxième où Antonia interprétée par la Portoricaine Ana Maria Martinez, plongée dans la pénombre de la fosse, errant entre les instruments, nous bouleverse quand sa défunte mère apparaît au dessus d’elle dans une lumière lunaire presque surnaturelle. Il y a là peu après l’un des plus émouvants trios qui soient.

La direction, le sens du jeu et surtout l’homogénéité des voix ne sont pas pour rien dans cette réussite. Les sopranos Jane Archibald et Ana Maria Martinez (Olympia et Antonia), la mezzo-soprano américaine Kate Aldrich dans les rôles de La Muse et du compagnon Nicklausse, la Française Sophie Koch, mezzo également dans celui de Giulietta, le ténor Stefano Secco dans celui d’Hoffmann, le baryton niçois Franck Ferrari dans les terribles rôles de Lindorf, Coppélius, Dapertutto et dr Miracle, sans oublier bien sûr le baryton toulousain Jean-Philippe Lafont (dans ceux de Luther et de Crespel le père d’Antonia) mirent dans leurs sublimes interprétations, seuls ou ensemble, une générosité qui enthousiasma un public ravi de sa rentrée lyrique.

Les Contes d’Hoffmann
Un opéra fantastique en un prologue, trois actes et un épilogue
de Jacques Offenbach (1819-1880)
Livret de Jules Barbier d’après le drame de Jules Barbier et Michel Carré
Créé à l’Opéra-Comique de Paris le 10 février 1881

Direction musicale : Tomas Netopil
Mise en scène : Robert Carsen
Décors et costumes : Michael Levine
Lumières : Jean Kalman
Mouvements chorégraphiques : Philippe Giraudeau
Chef du Choeur : Patrick Marie Aubert

Distribution :
Jane Archibald Olympia
Sophie Koch Giulietta
Ana Maria Martinez Antonia
Kate Aldrich La Muse, Nicklausse
Qiu Lin Zhang Une voix
Stefano Secco Hoffmann
Fabrice Dalis Spalanzani
Cyrille Dubois Nathanaël
Jean-Philippe Lafont Luther, Crespel
Eric Huchet Andrès, Cochenille, Pitichinaccio, Frantz
Franck Ferrari Lindorf, Coppélius, Dapertutto, Miracle
Damien Pass Hermann
Michal Partyka Schlemil

Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris

Durée 3 h 30 avec 2 entractes
Places de 5 euros à 180 euros
Jusqu’au 3 octobre 2012
Opéra National de Paris – Opéra Bastille

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Magic Mike. Steven Soderbergh

Magic Mike, Steven Soderbergh

Mike est un très beau mec, aux traits doux et au corps sculptural. Ses yeux et son sourire sont bons et ses épaules larges.
Le jour, il fait tout un tas de boulots classiques. Le soir, il devient strip-teaseur dans la boîte dirigée par Dallas.
Nous sommes à Tampa, en Floride et la vie de Mike y est facile : l’argent rentre, la fête est quotidienne et les filles à ses pieds. Quant à ses numéros de strip-tease, ils ont un succès fou. Il est le meilleur employé de Dallas et espère devenir bientôt son associé.
Un jour, il rencontre Adam, un jeune beau gosse un peu paumé. Il le prend sous sa protection, le fait entrer dans la boîte de Dallas et fait la connaissance de sa grande sœur. Ces rencontres ne seront pas sans conséquence.
C’est ce moment que filme Soderbergh : une sorte de point de bascule de la vie de Mike qui atteint la trentaine ; une bascule souterraine, douce et irrépressible, presque brutale. Que veut-il vraiment faire de sa vie, qu’est-ce qui compte vraiment pour lui ?…

Le film est à la fois très beau et très séduisant.
La séduction, c’est d’abord celle de toutes les scènes de spectacle de strip-tease ; c’est le succès, celui de Dallas avant tout, qui voit sa boîte prospérer au point de s’installer à Miami ; c’est aussi la vie joyeuse au soleil le jour et euphorisante le nuit ; c’est enfin, et bien sûr, la séduction de ces corps magnifiques.
La beauté, c’est celle du personnage de Mike, plus complexe qu’il n’y paraît – son rêve n’est-il pas de créer une entreprise afin d’éditer les meubles qu’il dessine ? -, qui doute et qui doit faire des choix.
C’est évidemment la justesse de la mise en scène de Soderbergh, la profonde intelligence avec laquelle il traite son sujet, en demeurant toujours à l’exacte hauteur de ses thèmes et de ses personnages, sans moraliser jamais.

Magic Mike, Soderbergh, McConaugheyC’est encore la beauté d’une photo très douce, à la lumière vintage et chaleureuse qui pourtant n’enjolive pas tout, Soderbergh montrant la Floride telle qu’elle est, y compris dans ce qu’elle a d’un peu triste.
C’est enfin la beauté du jeu des acteurs, dont deux crèvent littéralement l’écran : Channing Tatum bien sûr dans le rôle de Mike, mais aussi Matthew McConaughey, impeccable dans celui de Dallas, à la fois mâle dominant cynique et bête de scène lascive qui se voit artiste.

Magic Mike
Un film de Steven Soderbergh
Avec Channing Tatum, Alex Pettyfer, Matthew McConaughey
Durée 1 h 50 min
Sorti le 15 août 2012

Images © ARP Sélection

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Au frais dans les salles !

Et voilà les vacances qui s’achèvent au moment où la canicule bat son plein… bigre ! Où aller se rafraîchir en ville ? Dans les salles de cinéma, pardi… En cette saison, il y en a un peu pour tous les goûts, alors autant en profiter pour se concocter un programme varié.

Sorti mercredi dernier, Cornouaille d’Anne Le Ny, avec Vanessa Paradis et Samuel Le Bihan notamment, se laisse regarder avec d’autant plus de plaisir qu’il permet de rester au bord de la mer – on en reparlera, avec des réserves toutefois. Autre sortie du 15 août, pas vu encore, Magic Mike de Steven Soderbergh est bien tentant – à suivre donc.

Le Amiche, AntonioniMais on peut aussi découvrir ou redécouvrir des films plus anciens, comme le dernier Ken Loach ou le Batman, voire très anciens, comme Femmes entre elles daté de 1955 et ressorti ce 1er août.
Récompensé du Lion d’argent à la Mostra de Venise 1955, de son titre original Le amiche (Les amies), Femmes entre elles est le troisième long métrage d’Antonioni. Il met en scène une Romaine célibataire venue ouvrir un atelier de couture à Turin, où elle fait la connaissance d’une bandes d’amies suite à la tentative de suicide de l’une d’entre elles, pour cause d’amour bien entendu. Car entre illusions et cynisme, les rapports hommes-femmes sont ici loin de mener au bonheur. Femmes entretenues, femmes possessives, femmes indépendantes… hommes volages, machos, hommes un peu paumés finalement… l’ensemble est complet. Et dans ce potage-là, l’amitié des femmes "entre elles" n’a pas toujours la sincérité requise pour remonter le moral à notre jeune suicidée…
Inspiré d’une nouvelle néoréaliste de Cesare Pavese, Femmes entre elles est un terrible portrait de la bourgeoisie italienne des années 1950. Porté par une magnifique mise en scène, à laquelle une très belle photo et un casting nickel (féminin en particulier) ne gâchent rien, il montre jusqu’où le poids du "paraître" et l’hypocrisie du jeu mondain peuvent mener : à l’aveuglement et au désastre.

La part des anges, Ken LoachA voir aussi La part des anges de Ken Loach. Il commence dans le misérabilisme le plus poisseux qui soit pour évoluer rapidement vers une intrigue aussi singulière que délicieuse, à laquelle on s’arrime sans forcer, d’autant moins que le personnage principal, admirablement joué par Paul Brannigan, et ses compagnons, tout aussi bien interprétés, sont des plus attachants. Pour finir, ce film constitue une comédie très haute en saveurs…

The Dark Knight Rises, Christopher NolanEnfin, dans un tout autre style, The Dark Knight Rises, le dernier épisode de la saga Batman signée Christopher Nolan est un très bon film d’actions, certes un poil long (la fin aurait pu être allégée d’une bonne vingtaine de minutes), mais évitant la surenchère d’effets spéciaux et bénéficiant de plans superbes, d’un scénario bien ficelé et d’une distribution très honorable : Christian Bale, Gary Oldman, Anne Hathaway et Morgan Freeman entre autres…

Femmes entre elles (Le Amiche)
De Michelangelo Antonioni
Avec Eleonora Rossi Drago, Gabriele Ferzetti, Valentina Cortese…
Sorti en 1955, repris le 1er août 2012
Durée 1h 44min

La Part des anges
De Ken Loach
Avec Paul Brannigan, John Henshaw, Gary Maitland…
Sorti le 27 juin 2012
Durée 1h 41min

The Dark Knight Rises
De Christopher Nolan
Avec Christian Bale, Gary Oldman, Tom Hardy…
25 juillet 2012
Durée 2h 44min

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Cornouaille. Anne Le Ny

Cornouaille, Anne Le Ny

Jolie trentenaire, Odile vit à Paris où elle a réussi sa vie professionnelle en créant sa propre agence de voyages. Célibataire, elle passe ses "13 à 15" dans une chambre d’hôtel du 20ème arrondissement avec Fabrice, marié et père de famille, .
Gaie, vive et déterminée, c’est plutôt de bonnes grâces qu’elle se rend seule dans le Finistère, le temps d’expédier une affaire successorale : vider et vendre la maison de sa tante dont elle vient d’hériter.
Mais une fois sur place, les choses ne se déroulent pas aussi simplement que prévu : sitôt arrivée, Odile est saisie par le souvenir de son père mort dans cette maison alors qu’elle avait douze ans. Un ami d’enfance s’invite chez elle et l’amène à réfléchir sur elle-même.
Tout le passé qu’elle avait voulu effacer lui revient en mémoire et ses fantômes viennent la hanter. Mais n’est-ce pas là l’occasion de renouer avec son enfance pour mieux se trouver et choisir enfin la vie d’adulte qui lui correspond vraiment ?

Sur un scénario bien bâtit au départ mais que l’on sent au fur et à mesure du film de plus en plus hésitant, la réalisatrice a voulu développer de belles et fortes thématiques, celles de la mort, du poids des souvenirs, de la fidélité aux disparus mais aussi de la difficulté de s’en libérer pour enfin devenir soi.
Pour l’essentiel, elle y est parvenue mais parfois sur le fil du rasoir, entre scénario un peu bancal et mise en scène trop conventionnelle.
Pour autant, les paysages envoûtants de Cornouaille et le jeu très juste des acteurs, à commencer par Vanessa Paradis dans le rôle principal, mais également les hommes qui l’accompagnent, Samuel Le Bihan et Jonathan Zaccaï (et de brèves mais toujours délicieuses apparitions de Laurent Stocker en notaire complexé), parviennent à faire passer ces émotions qui, surgies des temps anciens, viennent tour à tour bouleverser, illuminer et apaiser nos vies présentes.

Cornouaille
Un film d’Anne Le Ny
Avec Vanessa Paradis, Samuel Le Bihan, Jonathan Zaccaï, Laurent Stocker
Durée 1 h 36
Sorti en salles le 15 août 2012

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