Zelda Fitzgerald est l’héroïne du roman de Gilles Leroy couronné par le prix Goncourt 2007. C’est elle-même qui nous raconte sa vie, d’abord de jeune fille de bonne famille de l’Alabama, puis d’épouse du célèbre écrivain Scott Fitzgerald. Une vie que l’auteur a choisi avec justesse de présenter sous le thème de la difficulté pour une femme de l’époque de parvenir à exister pour elle-même.
Ce n’est pas du côté de ses parents qu’elle trouve la plus grande affection mais plutôt du côté de sa nourrice noire Auntie. Plutôt indisciplinée, parfois effrontée, elle en veut à son père : « Le jour où je couperai mes cheveux à l’égal des hommes, comme je me le suis promis et même si cela vous déplaît, ce jour-là où tomberont en morte enfance les boucles blondes qui me contraignaient de faire la greluche sudiste, ce jour-là je ne jouirai vraiment qu’à l’idée de la tête de mon père, ce spectacle de lui, mâchoire décrochée, teint fantôme, et ses râles, ses jérémiades, ses insultes régurgitées, mâchonnées puis ravalées ».
Elle rencontre Scott lorsqu’il a 21 ans « et danse à merveille toutes les danses à la mode ». Sitôt mariés ils mènent dans les années 1920 une vie de « flambeurs », dans laquelle l’alcool a une part de plus en plus grande : « On était si semblables, lui et moi, on l’était dès la naissance, deux danseuses mondaines, deux gosses de vieux, deux enfants gâtées, intenables et, lui comme moi, médiocres à l’école, un duo de brillants « Peut mieux faire », deux créatures insatiables et condamnées à être déçues ».
A l’occasion d’un séjour en France, elle rencontre un bel aviateur avec qui elle vit une histoire d’amour intense. Scott la punit en l’arrachant à son bonheur, comme il la brime dans son désir d’écrire, en lui volant des extraits de son journal, en oubliant son nom aux histoires qu’ils écrivent en commun, en faisant pression pour qu’elle ne publie pas son premier roman. Et elle passe une grande partie de sa vie en hôpital psychiatrique, où elle meurt dans un incendie en 1948.
Le romancier se découvre dans les dernières pages : « Mes mains tremblent un peu. Il y a des morts devant lesquelles l’esprit bute, auxquelles il se refuse, et l’agonie par les flammes est de toutes la pire à mes yeux ». S’il profite de la liberté du romancier pour se mettre dans l’esprit de Zelda, il parvient à faire passer ses sentiments pour elle, grâce à une écriture évocatrice, habile à traduire la densité des corps.
Andreossi
Alabama Song, Gilles Leroy