Mariage à l'italienne. Vittorio De Sica

Mariage à l'italienne, Vittorio de Sica Ressorti en copie neuve le 23 juillet 2008, Mariage à l’italienne, film de 1964 nous offre une virée napolitaine haute en tempérament qui se déroule sur plus de vingt ans, entre cris, rires et amour.

Don Domenico, riche commerçant de la ville, s’entiche de Filumena, prostituée aux yeux de biche, l’installe chez lui, en fait sa femme à tout faire mais ne l’épouse jamais. Les années passent, jusqu’au jour où l’amateur de femmes insatiable songe enfin à se marier… mais avec une toute jeune, et bien mieux éduquée.
Pour empêcher cette union et forcer la main de Domenico en sa faveur, Filumena feint l’agonie et arrive ainsi à ses fins.
Aussitôt épousée, Filumena ressuscite et, pour expliquer son geste, jette à la figure de Domenico ses années d’humiliation. Fou de rage de s’être fait duper, le maître de la maison demande l’annulation du mariage et chasse sa dévouée.
Sur le seuil de la porte, elle lui avoue être mère de trois enfants, dont un est de lui…

Pendant 1 h 40, la langue italienne, un régal à elle-seule, sert bien plus la colère et les insultes que les mots d’amour ; mais le rythme trépidant de ce Mariage à l’italienne réserve aussi des moments de pure tendresse.
Le regard satirique du réalisateur du Voleur de bicyclette fait la part belle à l’humour, comme dans cette scène où Domenico est obligé de reconnaître qu’il se souvient davantage des costumes qu’il a portés que des femmes qu’il a conquises.
Le tableau de la société napolitaine est bien léché, il n’y manque ni la gouvernante qui en fait des tonnes, ni la vieille mère bigotte, ni les chants, ni cette hantise des robes "qui tombent mal". Au centre du tableau, Sophia Loren et Marcello Mastroianni, jeunes et beaux, crèvent la toile et éblouissent.

Mariage à l’italienne
Un film de Vittorio De Sica
Avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni, Aldo Puglisi
Première sortie en 1964
Durée 1 h 40

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Le voyage aux Pyrénées

Arnaud et Jean-Marie Larriau, Voyage aux PyrénéesBien déjanté, ce film est aussi totalement jubilatoire, malgré sa fin un peu ratée. Aucune importance, tant est grand le plaisir que l’on prend à ce Voyage, tant est juste le regard des deux cinéastes sur ce drôle de pays que sont les Pyrénées centrales et qu’ils connaissent bien pour être le leur. Celui où, au bonheur « d’avoir dépassé » s’ajoute celui « d’être encore dépassé » : la moyenne montagne de ces Pyrénées que l’on a baptisé « Hautes ».

Alexandre et Aurore, deux comédiens parisiens partent en goguette vers ces terres reculées avec pour seul objectif de trouver remède à la nymphomanie de Madame. Calme, discrétion et communion avec la nature, tel est leur programme pour retrouver la paix. Mais il n’en ira pas aussi simplement. Rencontres en tous genres – hommes, femmes, ours et même curés – se chargeront d’ajouter bien de l’excitation à leur séjour…

Ce que le film des frères Larrieu a de formidablement réussi est l’intelligence avec laquelle ils combinent – et avec quel humour – les deux regards fondamentalement opposés des protagonistes. D’un côté, celui des citadins qui découvrement des modes de vie à mille lieux des leurs ; de l’autre, celui des gens du cru (ou assimilés, et qui ne sont pas les moins beaux), lesquels voient débarquer « la grande ville et ses stars » en leur demandant inlassablement : « Mais pourquoi les Pyrénées ? ».
La moquerie est équitablement partagée, tous en prennent pour leur grade mais avec une immense tendresse. Les dialogues, très écrits, sont un régal, mis dans la bouche de comédiens dont le flegme se prête précisément à ce mélange très « pyrénéen » de recul, de spontanéité et de philosophie, absolument irrésistible.
Avec des comédiens comme Jean-Pierre Darroussin ou encore Philippe Katerine (ici en digne représentant des Frères de la Gaîté), ces répliques semblent relever du miracle. Quant aux femmes, venues de l’autre côté de la frontière ou ayant, petites, elles aussi « dansé nues la-haut sur la montagne », elles font, naturellement, figure d’authentiques merveilles.

Le voyage aux Pyrénées
Un film de Jean-Marie et Arnaud Larrieu
Avec Sabine Azéma (Aurore Lalu), Jean-Pierre Darroussin (Alexandre Dard), Arly Jover (Aline), Kyap Gurgon (Tenzing)
Durée 1 h 40

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Valse avec Bachir. Ari Folman

Valse avec Bachir, Ari FolmanComment traverser Valse avec Bachir sans être profondément ému par l’histoire singulière que le documentaire raconte, celle du massacre de Sabra et Chatila à Beyrouth-Ouest, mais aussi par la portée universelle qu’elle contient ?

En septembre 1982, quelques jours après l’assassinat du président libanais Bachir Gemayel, les Phalangistes chrétiens entrent dans les camps de réfugiés palestiniens Sabra et Chatila au motif d’en éliminer les éléments terroristes. Le lendemain, l’on découvre qu’un véritable massacre a été perpétré, y compris contre de nombreux civils, hommes, femmes et enfants. Aux portes des camps, des soldats israéliens sécurisaient l’intervention. Au fil des heures, certains ont compris qu’une tuerie se déroulait à l’intérieur.

Le narrateur faisait partie de ces soldats israéliens en poste devant les camps. Plus de vingt après, il réalise qu’il a tout oublié de la période de la guerre du Liban.
Une scène vient pourtant le hanter : dans la nuit éclairée par des fusées, il se retrouve avec d’autres soldats, nus dans la mer au pied d’immeubles criblés de balles. Lui et ses camarades sortent lentement de l’eau, remettent leur kaki et reviennent vers la ville en guerre.
A partir de cette image, il essaie de reconstituer les évènements auxquels il a participé et les actes qu’il a commis, se faisant aider par un ami psychanalyste, allant à la rencontre des hommes qui étaient avec lui, les interrogeant, écoutant leurs souvenirs.

Tout à fait original (premier documentaire d’animation), Valse avec Bachir est d’une esthétique remarquable. Le jaune et le noir de la scène fondamentale – celle qui n’a jamais existé réellement, mais révélatrice de la peur et de la culpabilité encaissées – marquent durablement. Au dessin, sobre et stylisé, poussant parfois jusqu’à la poésie et l’onirisme, Ari Folman associe des musiques évocatrices de la jeunesse des années 1980 avec beaucoup de justesse, et suit de bout en bout une narration impeccablement écrite.

Mais son film est aussi admirable en ce qu’il dépasse l’histoire (de Sabra et Chatila) pour porter à l’écran toutes les histoires, celles des victimes des guerres, mais aussi celles de tous ces soldats, gamins de 17, 18 ou 19 ans qui y ont été impliqués, dans un mélange d’inconscience et de "peur incontrôlée", et se retrouvent vingt, vingt-cinq après, à devoir porter ces actes dont ils ne sont pas responsables mais dont ils se sentent coupables.
Valse avec Bachir est enfin un film sur le travail de mémoire, ses blancs, ses "arrangements" et sa reconstitution ; il en est en même temps le résultat magnifique et bouleversant.

Valse avec Bachir
Ari Folman
Durée : 1 h 27 mn
Année de production : 2008
Titre original : Waltz with Bashir
Distribué par Le Pacte

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Le Sacre du printemps à La Villette

Le sacre du printemps de Stravinsky par Heddy MaalemHeddy Maalem a déplacé le célèbre ballet sur le continent africain, dans une pièce créée en 2004 et présentée jusqu’au 12 juillet dans la Grande Halle de la Villette dans le cadre du festival Afrique(s).

Cette réinterprétation des rites universels du Sacre du printemps résonne avec une force formidable dans les rythmes et mouvements des cultures africaines. La chorégraphie de Maalem, à la fois très écrite et brute associe dans un bel équilibre les "classiques", si l’on peut dire, de la danse contemporaine, des passages de danse "tribale" déchaînée et des moments très lents de pure sensualité. Son langage permet à chacun des quatorze danseurs de s’exprimer selon une gestuelle propre, même dans les tableaux d’ensemble. Malgré les rythmes parfois insensés, malgré la folle énergie, le spectacle demeure dans l’épure. Une qualité qui ne tient pas seulement à la chorégraphie, mais également aux choix de mise en scène extrêmement sobres. Après un magnifique prélude dans la semi-obscurité, où un couple de danseur se dessine comme des ombres chinoises sur un fond d’écran de feuillages africains, place à la lumière franche, murs et sol blancs sans autre décor. Les six danseuses et huit danseurs africains sont simplement vêtus de maillots. La vidéo ne revient qu’aux moments clés du ballet, toujours de façon simple et juste.Quant à la musique de Stravinsky vieille de près d’un siècle, elle semble avoir trouvé un nouveau souffle et même redoublé de puissance, portée par le vent de ce fascinant continent noir.

Le Sacre du printemps
Chorégraphie de Heddy Maalem
Musique de Igor Stravinsky
Grande Halle de la Villette – Salle Charlie Parker
Festival Afrique(s)
Jusqu’au samedi 12 juillet 2008
A 20 h, durée 1 h
De 8 € à 15 €

Photo © Patrick Fabre

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Bamboo Blues. Pina Bausch

Bamboo Blues, Pina Bausch au Theâtre de la VillePina Bausch est allée en Inde avec sa troupe pour créer son dernier spectacle, dans le Kerala et à Calcutta. Elle en a ramené ses couleurs, ses parfums, sa musique, dans une pièce dansée inspirée et dénuée de kitch.

Les représentations de Bamboo Blues, montré en primeur au Théâtre de la Ville à Paris selon une tradition établie depuis près de trente ans, se sont achevées mercredi dernier à guichet fermé.

A l’image des splendides voiles blancs parcourus d’une légère brise en fond de scène, du début à sa fin, la soirée est bercée d’une douce beauté. Les robes des femmes, le poli des corps, les chorégraphies en rondeurs et rapprochements créent une sensualité d’ensemble, mise en évidence avec plus de force et toujours beaucoup de simplicité dans certains tableaux, siestes tranquillement balancées sur des rondins de bois ou scène de toilette dans une brume d’eau.

Pina Bausch explore à nouveau les thèmes qui lui sont chers, comme celui des rapports entre les hommes et les femmes, faits d’attraction, d’amour, mais aussi de jeux de domination et de cruauté. Peu de violence pourtant dans Bamboo Blues ; la séduction est elle omniprésente. Elle atteint son apogée lorsqu’apparaît Shantala Shivalingappa, d’une finesse et d’une grâce incroyables, exécutant un solo qui semble renvoyer tous les autres au rang de gestuelles éculées et incarner à elle seule tout le charme et toute la féérie de l’Inde, lumineuse, délicate, magnifiquement "posée".

A réserver : Pina Bausch reviendra l’année prochaine au Théâtre de la Ville, d’abord avec une reprise, Wiesenland, du 7 au 14 janvier, puis avec une création du 19 au 29 janvier 2009.
A lire : Pina Bausch vous appelle par Leonetta Bentivoglio et Francesco Carbone (traduction de Leonor Baldaque, L’Arche, 2007)

Site de Pina Bausch
Site du Théâtre de la Ville

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Eldorado. Bouli Lanners

Bouli Lanners, EldoradoL’on se souviendra longtemps de cette terre belge, de ses forêts, de ses rivières, et aussi de son ciel, de ses lumières et de ses nuages aux nuances infinies. Bouli Lanners a, selon son expression, « repoussé les frontières » de son petit pays et a donné à son road movie la splendeur des grands espaces nord-américains avec la subtilité des maîtres flamands. Immédiatement, les dons du réalisateur crèvent l’écran : son sens du graphisme, son goût pour l’étrangeté, son talent pour faire surgir l’inattendu, l’humour, le surréalisme, et soudain l’émotion. Quant à l’acteur, il a non seulement un visage et une corpulence bien à lui mais encore une façon de se mouvoir, de parler et de regarder, bref ce qu’on appelle une présence.
Il n’a pas l’air, comme ça, avec son histoire de revendeur de « belles américaines » qui un soir trouve sous son lit Didier, un voleur à la petite semaine qu’il finit par embarquer dans sa Chevrolet. Les rencontres et les situations cocasses se succèdent ; mine de rien, les personnages se dessinent, une relation se noue, les blessures refont surface, le passé vient retourner les coeurs, à l’image du jardin de la mère de Didier que les deux hommes bêchent dans une magnifique scène. Transmission, humanisme, culpabilité, il y a tout cela dans l‘Eldorado de Bouli Lanners, mais il y a aussi l’élégance d’un cinéaste qui économise les dialogues, choisit soigneusement ses plans et caresse les demi-teintes avec une singulière douceur.

Eldorado. Bouli Lanners
Avec Bouli Lanners, Fabrice Adde, Philippe Nahon
Durée 1 h 15

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Espagnolas en París, Différent !

Espagnolas en Paris, Différent !A l’initiative d’un groupe d’amis ibériques auxquels se sont joints professionnels et amateurs de cinéma, les soirées Espagnolas en Passy ont réuni chaque dernier lundi du mois depuis janvier 2008 Espagnols d’origine et d’affinité au Majestic Passy autour de films espagnols inédits. (1)
Lancé au coeur de ce quartier historique de l’immigration espagnole à Paris, le projet se prolonge et s’élargit autour de la manifestation Espagnolas en París, Différent ! qui aura lieu dans trois cinémas parisiens du 19 au 22 juin 2008.

La fête commence jeudi à 20 h au Majestic Passy avec Tristana de Luis Buñuel (1970). Catherine Deneuve y sera accueillie par Juan Luis Buñuel et Laura del Sol.

Elle se poursuit vendredi au Latina dès 16 h 30 avec un cycle de courts et longs métrages sur le thème de l’intolérance et des discriminations. A 19 h, toujours au Latina, projection des Vilains de Xavier Durringer, en présence du cinéaste, de Paco Ibañez, Yves Boisset, Jean-François Stévenin…
La soirée se finira tard avec la Nuit de l’étrange espagnol qui démarre à 22 h.

Samedi, le Reflet Médicis célèbrera la fête de la musique, en salle (Le Silence avant Bach de Pere Portabella, La leyenda del tiempo de Isaki Lacuesta…), puis dans la rue avec un concert à partir de 23 h.
La manifestation se clôturera dimanche 22 au Latina avec la projection à 20 h de Españolas en París de Roberto Bodegas.
Vins et charcuteries, espagnols naturellement, promettent de réchauffer, si besoin est, ces amicales soirées.

Renseignements aux cinémas :
Le Majestic Passy
18 rue de Passy – Paris XVIème
Tel : 08.92.68.48.24
Le Latina
20, rue du Temple – Paris IVème
Tél : 01.42.78.47.86
Le Reflet Médicis
3, Rue Champollion – Paris Vème
Tel : 08 92 68 48 24

(1) Espagnolas en Passy

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Un conte de Noël. Arnaud Desplechin

Un conte de noel, Arnaud DesplechinC’est l’histoire d’une famille un peu déjantée, voire carrément folle, en tout cas extrême. Mais une famille à laquelle l’on croit et l’on s’attache immédiatement parce qu’au fond les mécanismes qui l’actionnent, les liens qui la dessinent et les réactions qu’elle provoque chez les individus qui la composent sont un peu les mêmes que dans bien des familles.

Au début, il s’agit bien de cela : des individus, des êtres éminemment singuliers qui se racontent. Mais raconter son histoire ne revient-il pas forcément, à un moment donné, à raconter l’histoire de la famille, ou plus exactement son histoire familliale ? Car une famille a ses moments fondateurs, ceux à partir desquels tout s’organise et à partir desquels chacun se trouve positionné d’une façon qu’il n’a pas nécessairement choisie, jusqu’au jour (qui n’est qu’éventuel), où il souhaite se repositionner. Evidemment, ce jour-là : remue-ménage.

L’épisode qui a structuré la famille d’Abel et Junon est la maladie de leur premier enfant. Seule une greffe de moelle osseuse aurait pu le sauver. La deuxième, Elisabeth, n’était pas compatible. Ils conçoivent alors Henri à cette seule fin, mais en vain : l’aîné meurt à l’âge de six ans.
Elisabeth devient l’aînée, Henri le mal-aimé et un benjamin, Ivan, arrive ensuite.

Aujourd’hui, c’est Junon qui à son tour a besoin d’une greffe.
Au moment de Noël, les enfants flanqués de leurs conjoints et de leurs enfants se réunissent chez Abel et Junon pour la première fois depuis six ans. Tous ont fait le test de compatibilité. Reste à attendre les résultats.
Bien des années ont passé mais bien peu de choses finalement sont passées. Abel et Junon forment un couple toujours aussi amoureux. Les drames et les démons sont eux aussi toujours aussi vifs.
Le conte devient alors un feu d’artifices de souffrances, de cris, de gestes brutaux, de mots durs jetés ou murmurés, mais aussi de mots d’amour, de fraternité, de tendresse. Film bouillonnant de mouvements, de sentiments et de motifs richement explorés, ce Conte de Noël déborde aussi d’une sensibilité et d’une intelligence inouïes, d’un humour frontal et d’une audace souveraine.
Mû par un élan vital hors du commun, il est en même temps parfaitement maîtrisé, accompli, abouti.
Et jamais comme dans ce film chacun de ces merveilleux comédiens ne semble avoir été aussi investi, nourri par un rôle, dirigé avec un tel art.

Un conte de Noël. Arnaud Desplechin
Avec Catherine Deneuve, Jean-Paul Roussillon, Anne Consigny, Mathieu Amalric, Melvil Poupaud, Hippolyte Girardot, Emmanuelle Devos, Chiara Mastroianni
Durée 2 h 30

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Wonderful town. Aditya Assarat

Aditya Assarat, Wonderful townC’est un film étrange, beau, troublant. Il garde quelque chose d’impalpable, peut-être à cause de sa fin déconcertante, peut-être à cause du lieu où l’histoire se déroule.
Dans une ville du sud de la Thaïlande, sur cette côte touchée par le tsunami deux ans auparavant, Ton, architecte vient superviser les travaux de construction d’un nouveau complexe hôtelier. Il s’installe dans un hôtel tout simple tenu par Na, une jeune femme réservée et travailleuse.
Une histoire d’amour va se nouer entre ces deux personnages.

Il y a l’étrangeté de ces deux êtres opposés, l’un qui vient de Bangkok et cherche le calme loin de la grosse ville, et elle qui étouffe dans ce coin de campagne pris entre mer et montagne.
Le lien amoureux qui s’ébauche, timide, doux, sensuel contient d’emblée une ambivalence – on y croit et en même temps on ne peut y croire complètement : une menace plane, l’ombre de l’interdit.
Il y a aussi cette drôle de ville, pauvre, éteinte, triste, où les maisons ravagées sont laissées en l’état, comme hantées, taboues, à côté desquelles on préfère construire tout à neuf. Des lieux aux repères incertains, aux zones mal définies, ici route, ici mer, ici campagne, ici édifices, et un peu de tout là et là.
Il y a enfin le plus lourd : le passé. Celui, tragique, du tsunami qui a détruit les lieux et les êtres. Le sujet n’est pas abordé de façon explicite – ici encore, délicatesse – mais plus le film avance, plus ce passé se met à "crier".
Est-il possible de se reconstruire en faisant fi de ce qui fut et de ce que l’on fut ? Les hommes sont-ils comme les maisons : peut-on les réparer ou faut-il les laisser en l’état et recommencer simplement ailleurs ?
Jusqu’où peut aller la fidélité aux parents disparus ? Doit-on occuper la place vide qu’ils ont laissée au point d’en devenir prisonnier ?
A toutes ces questions, Aditya Assarat ne donne pas de réponses claires ; il se contente de les esquisser petit à petit et très subtilement. De son film se dégage de la poésie et de la tristesse, une ambiance singulière et le souvenir d’un moment heureux. En cela, il marque durablement, peut-être autant qu’il nous échappe.

Wonderful town. Aditya Assarat
Avec Anchalee Saisoontorn, Ton Supphasit Kansen, Dul Yaambunying
Durée : 1 h 32

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Le premier venu. Jacques Doillon

Le premier venu, Jacques DoillonCosta, garçon vif et inquiet, débarque du train à Abbeville ; Camille, déterminée et énigmatique ne le lâche pas. Bientôt Cyril, jeune flic souriant et tranquille complètera le trio.

Pourquoi Camille s’obstine-t-elle à coller Costa, ce voyou de petit calibre qui lui a visiblement fait du mal pendant la nuit ? Un viol ou quelque chose qui y ressemble, en tout cas qui mérite des excuses. Elles viennent. Mais cela ne suffit pas. Camille veut aimer ce "premier venu"‘. Et pour l’aimer, il faut qu’il soit "beau" ; sinon elle n’est qu’une pauvre fille. Rendre beau ce gars un peu minable : la jeune femme ne manque pas d’ambition. Mais il faut dire qu’il y a matière à rédemption : Costa a abandonné depuis belle lurette sa femme et leur petite fille. Le rétablissement du lien sera donc le cheval de bataille de Camille.

Variations et multiples reflets des sentiments, mouvement incessant de l’adolescence, lumière fine des paysages maritimes du Nord, ce film porte la grâce infinie de la caméra de Jacques Doillon.
Ses dialogues, dignes d’un travail de haute-couture, ont dans la bouche des personnages, y compris ceux des milieux populaires et à l’accent du Nord bien marqué, un naturel confondant.
Ils sont incarnés à la perfection, avec Gérald Thomassin, que le réalisateur retrouve plus de quinze ans après Le petit criminel ; Clémentine Beaugrand, révélation ultra-convaincante ; mais aussi Guillaume Saurrel (le flic amoureux), Gwendoline Godquin (Gwendoline), Jany Garachana (le père)…

Et, cerise sur le gâteau, plus le film avance, plus il adopte le ton de la comédie. L’on se surprend à rire – d’abord discrètement en se demandant si l’on ne commet pas une faute de goût – puis de plus en plus franchement. Qu’il est beau, léger et élégant, ce cinéma-là.

Le premier venu. Jacques Doillon
Avec Gérald Thomassin, Clémentine Beaugrand, Guillaume Saurrel, Gwendoline Godquin, Jany Garachana, François Damiens…
Durée 2 h

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