Les fruits de l’hiver. Bernard Clavel

Il fait souvent froid dans le Jura de Bernard Clavel : Les Fruits de l’hiver, Goncourt 1968, sont ceux de l’occupation allemande, mais aussi ceux de la vieillesse du couple Dubois. En cinq chapitres plutôt lents, des premières difficultés à « fabriquer », comme on dit au pays, son bois de chauffage, jusqu’au lit de mort du père Dubois, diverses étapes du vieillissement nous sont décrites, dans un style « réaliste » qui ne parvient pas complètement à nous faire ressentir l’intimité du vieillir.

Pour cet ancien boulanger fort éloigné de la chose politique, c’est le travail bien fait, à base d’effort physique, qui était l’essentiel : « une vie sans ouvrage était dépourvue de sens ». Même sous la domination nazie, la vie aurait pu être tranquille si un autre froid n’avait perturbé la vie du couple : le père Dubois a deux fils, mais Paul, l’aîné, est issu d’un premier mariage et est peu apprécié, ni de sa seconde épouse ni de leur fils commun Julien.

Il est vrai que tout oppose les deux garçons, le premier est commerçant et fréquente la Milice, le deuxième est artiste et penche du côté de la Résistance : « Ces enfants-là, c’était un mal plus grand que la fatigue et la misère. Plus grand que les privations. Et ce mal était entre sa femme et lui, vivant comme ce feu d’éclapes qu’ils alimentaient sans cesse ».

Peu de lumière dans ce froid de l’hiver, si ce n’est la visite de la fiancée de Julien, une résistante communiste au regard doux. Même la libération de la ville n’apaise pas les soucis du père Dubois, car Paul, qui a trafiqué avec les Allemands, est un temps inquiété. Et puis sa « pauvre vieille » (il nous faut aujourd’hui oublier les âges de chacun, 71 ans pour lui, 57 pour elle !) meurt.

Cet homme têtu, avare en paroles, enfermé dans une vision très traditionnelle du couple, devient dépendant des bonnes et surtout mauvaises volontés de son aîné. Il entame son chemin solitaire, ponctué de moments où il retrouve quelque force ancienne (lorsqu’il refend son bois), et, plus souvent encore, se découvre de nouvelles faiblesses. Il fréquente de plus en plus le cimetière : « Je vais m’en retourner par l’autre allée, comme ça, je verrai un peu plus de monde. A présent, j’ai plus de connaissance ici que par la ville ».

Andreossi

Les fruits de l’hiver, Bernard Clavel

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