Minuit à Paris. Woody Allen

Minuit à Paris

En cette semaine de fête du cinéma, qui peut être l’occasion d’entreprendre une "cure" ciné pour profiter de la multitude de propositions actuelles, de qualité inégale il est vrai, que ceux qui n’ont pas encore vu Midnight in Paris ne se sentent pas obligés de s’y précipiter.

On aura rarement vu un tel navet.
L’Europe avait pourtant ces dernières années plutôt réussi à Woody Allen, avec Match Point, Scoop, ou encore l’escapade de Vicky et Cristina à Barcelone.
Il y avait là une fantaisie et une vivacité des acteurs qui balayaient les éventuelles faiblesses scénaristiques.
Hélas, rien ne vient sauver le Paris de Woody.

Mettons un jeune couple d’Américains sur le point de se marier en villégiature à l’hôtel Bristol ; entourons-les des riches et conservateurs parents de mademoiselle, conventionnels et matérialistes, c’est entendu. Ajoutons un autre jeune couple, dont le mâle est la pédanterie intellectuelle et culturelle incarnée. Tout ça se trimbale dans Paris et ses alentours, visite Versailles, Rodin, court l’antiquaire Rive Gauche et les dégustations de Bordeaux habillées. C’est comme on le voit d’ici : personnages archétypaux et et cliché sur cliché.

Mais le jeune homme, prénommé Gil et naturellement écrivain, voit, lui, plus grand que cela : lui voit la beauté du vrai Paris, le Paris de l’entre-deux-guerres, des artistes et de la fête. A tel point que lors d’échappées nocturnes, il se met à vivre son rêve, à rencontrer Hemingway, Buñuel et Picasso (entre autres, mais qu’on se rassure, ils y sont tous).
A ce stade, les ressources du cinéaste new-yorkais pour produire du convenu semblent infinies : c’est à qui ressemblera le plus à sa propre légende. Pour faire bonne mesure, notre Gil tombe amoureux d’une belle, ex de Modigliani, dont le rôle revient en toute logique à Marion Cotillard. Si l’égérie cinématographique française des Américains pouvait un tant soit peu émouvoir, on aurait largement eu le temps de le remarquer.
Quant à ce pauvre Owen Wilson, que s’est-il fourvoyé dans cette affaire, contraint de garder toujours la même moue de poisson rouge, désespéré par ses compatriotes le jour et médusé par le bouillonnement artistique parisien des années folles la nuit ?
Il n’y a rien à faire, avec la meilleure volonté du monde, l’histoire vue de Paris (et non de Cannes !) ne prend pas, les personnages ne s’incarnent pas et la fantaisie de Woody Allen semble noyée sous un amas de vieilles cartes postales.

Minuit à Paris (Midnight in Paris )
Un film de Woody Allen
Avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Michael Sheen
Durée 1 h 34
Date de sortie cinéma : 11 mai 2011

Photo © Mars Distribution

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The Tree of Life. Terrence Malick

Sean Penn in The tree of life, Terrence MalickIl était très attendu cet Arbre de vie.

D’abord parce qu’après des films tels que Les Moissons du ciel et Le Nouveau Monde enchanteurs, grande était l’impatience de découvrir ce qui ne pouvait qu’être un nouveau chef d’œuvre.

Ensuite parce que Terrence Malik était déjà annoncé au Festival de Cannes 2010, avant de déclarer in extremis qu’il préférait en peaufiner encore le montage.

Un an de plus, donc, et le film est au rendez-vous sur la Croisette, où il se voit récompensé de la Palme d’or. Il sort en salles dans la foulée, et les aficionados de s’écrier : « Enfin ! ».

On ne devrait jamais trop anticiper sur son plaisir, telle est la morale de l’histoire.
Car Malik nous déçoit, et par là-même nous laisse dubitatif sur cette année de re-montage du film…

Voici l’histoire, ou ce qui en tient lieu : dans le Texas des années 1950, le bonheur d’une famille de la middle-class est brisé par le décès accidentel du cadet des trois fils, alors âgé de 19 ans.
Devenu adulte, l’aîné – joué par Sean Penn – se remémore son enfance.
Par ailleurs, le monde est créé : l’univers, les planètes, la vie, les poissons qui prennent des pattes pour habiter la terre, les dinosaures etc.
Trois approches, donc, d’inégales durées : le cœur du film, c’est cette famille américaine ; la création du monde et Sean Penn rattrapé par son passé en étant les « périphériques ».
Sur le papier, le tout peut faire craindre l’emphase ; sur la pellicule, c’est pire.
Surtout, l’ensemble ne tient pas et, dès lors, même cette famille des années 1950 paraît théorique.

De là à jeter Terrence Malik avec l’eau de son bain, il y a un pas qu’on ne franchira pas : il fait la preuve une fois de plus de son immense talent de cinéaste, compris comme celui de créer de magnifiques images.

L'arbre de vie de Terrence MalickMais tout se passe comme s’il avait été pris à son propre piège, à son tourbillonnant génie.
Les architectures de verre contemporaines dans lesquelles Sean Penn évolue sont une splendeur. La longue séquence de création du monde, pour peu qu’on s’y laisse guider avec tranquillité, est un merveilleux moment de cinéma, yeux et oreilles comblés. La façon dont il filme la mère, le père, les enfants, l’arbre et la maison de cette famille déchirée, caméra tournoyante et caressante, séduit beaucoup au début.
Hélas cette manière ne résiste pas à la longueur du film pour un si faible contenu.
Pour qu’il fonctionne, l’art de l’ellipse doit permettre de révéler ; s’il n’est pas au service de la suggestion, et en outre insiste, il finit par fatiguer.

Tel est le travers dans lequel est tombé Terrence Malik : l’histoire du petit garçon élevé à la dure par son père, presque amoureusement lié à sa mère, fusionnel avec son frère tragiquement disparu aurait pu être émouvante.
Le réalisateur échoue à ce qu’elle le soit : trop de virtuosité dans le maniement de l’image, trop de souci esthétique passent devant la vibration des chairs et des cœurs. Le lien avec la création de la vie n’apparaît pas ; quant au petit garçon devenu grand architecte souffrant de son passé, il semble tout simplement banal.
Malgré le talent des acteurs et l’indéniable sensibilité du poète Malik, le réalisateur américain nous fait pour la première fois la triste et trop longue démonstration d’une esthétique qui tourne à vide.

The Tree of Life
Un film de Terrence Malick
Avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn
Durée 2 h 18
Sorti en salles le 17 mai 2011
Palme d’Or Festival de Cannes 2011

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Un fil à la patte. Jérôme Deschamps

Un fil à la patte, Feydeau, Jérôme DeschampsPourquoi évoquer aujourd’hui un spectacle dont les représentations se sont achevées (à guichets fermés) le 18 juin dernier ?

D’abord, parce qu’on ne peut résister au plaisir de faire partager la joyeuse soirée passée en compagnie de la troupe du Français dirigée par Jérôme Deschamps – qui fut d’ailleurs lui-même dans les années 1970 pensionnaire de la Comédie-Française avant de créer les Deschiens – dans cet inoxydable texte de Georges Feydeau.

Mais surtout, pour signaler que la pièce sera à nouveau donnée dans la salle Richelieu en décembre 2011, avant d’être reprise à l’été 2012.

Dans les vaudevilles de Feydeau, c’est bien connu, tout est affaire de rythme. La situation de départ est classique – ici un Bois d’Enghien désargenté sur le point de faire un mariage de fortune, qui ne sait comment rompre avec sa maîtresse Lucette Gautier, chanteuse de café-concert très éprise.
Mais très vite, l’intrigue se complique de péripéties qui viennent bousculer tant et plus la narration, jusqu’à ne plus savoir, à la fin, comment on en est arrivé là.

Ce rythme trépidant, la mise en scène de Jérôme Deschamps l’imprime parfaitement et l’implacable mécanique roule à merveille.
Quant aux comédiens du Français, ils ont leur très large part dans ce succès. La distribution est parfaitement en place – on a pu entendre des réserves sur Hervé Pierre dans le rôle de Bois d’Enghien à la création de la pièce, mais c’était en décembre dernier et depuis, après plus de six mois de représentations, l’on voit un comédien des plus à son aise dans la puissance comique du Fil à la patte.
Evidemment, c’est Christian Hecq (justement récompensé du Molière du Meilleur comédien 2011) qui remporte les suffrages, mesurés aux éclats de rire et aux applaudissements pendant le spectacle. Jouant de son corps d’une façon étonnante, il fait du rôle de Bouzin – clerc de notaire mesquin et étriqué, à ses heures auteur de pauvres chansons et bouffi de prétentions – le bouffon qui sur scène exaspère son monde et dans la salle dynamite le public.
Florence Vial est une Lucette Gautier délicieuse du naturel qui est le propre du rôle. Ses comparses ne sont pas en reste, que ce soit Dominique Constanza en Baronne qui ne s’en laisse guère conter, mère de la future mariée, ou celle-ci, interprétée par Giorgia Scalett avec tout le mélange de lucidité et de naïveté requis, ou encore Guillaume Galienne, irrésistible en Miss Betting.
Les décors, classiques et lumineux sont tout à fait propos, alors que les costumes – robes longues froufroutantes pour ces dames – achèvent de nous plonger dans la gaité et la frivolité de la Belle Epoque.

Un fil à la patte
de Georges Feydeau
Mise en scène Jérôme Deschamps
Avec Hervé Pierre, Florence Viala, Dominique Constanza, Christian Hecq, Thierry Hancisse, Georgia Scalliet, Guillaume Galienne, Claude Mathieu
Comédie Française
Salle Richelieu – Place Colette 75001 Paris
Du 2 décembre 2011 au 1er janvier 2012 puis du 26 juin au 22 juillet 2012
La pièce a été diffusée le 22 février 2011 en direct sur France 2

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Le Festival ImageSingulières à Sète, entre poésie et violence

Juan Manuel Castro Prieto à Sete

La 3ème édition du festival de photographie documentaire sétois est l’occasion d’exposer les images de l’artiste invité à résidence cette année pour révéler son regard photographique sur la ville-port. Objet d’un nouvel ouvrage de la collection « ImageSingulières » après ceux du Suédois Anders Peterson, du Français Bertrand Meunier et de l’Américaine Juliana Beasley, le travail de l’Espagnol Juan Manuel Castro Prieto est exposé à la Chapelle du Quartier Haut jusqu’au 10 juillet 2011.

Partie de l’ancien couvent des religieuses de Saint-Maur construite au XVIII° siècle, désacralisée au début du XX° pour être transformée en atelier du collège technique, la chapelle est désormais un lieu d’exposition. Avec son beau volume et ses murs patinés, elle constitue l’écrin idéal aux photographies empreintes de mélancolie de Castro Prieto.

L’Espagnol a photographié Sète à l’ancienne, avec une chambre 20 x 25. Ses photos ont des teintes pastels, très douces, parfois presque fanées.
Les objets familiers en tous genres, notamment de ceux exposés au Musée International des Arts Modestes (le MIAM) de Sète y ont une belle place, rappelant la culture populaire de la ville. La barque de pêcheur se découpant au dessus de l’étang de Thau avec le Mont Saint-Clair en arrière-fond semble avoir été là de toute éternité. Un calme formidable se dégage de ces images, qu’il s’agisse de l’intérieur du théâtre Molière vide ou de ces « personnages » locaux impassibles. Même la conversation de deux dames de la Pointe Courte assises l’une près de l’autre ne paraît nullement dérangée, encore moins dérangeante.
Grâce à un flouté cohabitant avec des zones si nettes que l’on croirait pouvoir toucher les objets et les sujets, les photographies de Castro Prieto convoquent tout à la fois le présent le plus immédiat, le passé le plus émouvant et la poésie la plus délicate.

ImageSingulieres 2011, Letizia Bettaglia

Ce sera à peu près le seul moment de quiétude au cœur de la manifestation ImageSingulières qui, elle, finit le 19 juin 2011 : la photographie documentaire présentée à Sète nous montre dans son ensemble un monde d’une violence radicale.
Concentré de ces regards sans fards, l’exposition collective au titre explicite « Mafia(s) » bénéficie elle aussi d’un espace des plus adaptés à son propos.
Dans l’un des anciens chais du Quai des Moulins, une friche industrielle en pleine restauration, des containers installés sur la terre battue humide abritent les photos projetées, quand elle ne le sont pas à même les murs bruts à peine blanchis. Pendant la visite, dans les chais contigus, les bruits des chantiers en cours continuent de résonner…
Telle est l’ambiance générale dans cet étrange cadre. Mais elle est presque poésie à côté des images que l’on découvre. De la violence de la mafia russe à celle du Japon (Bruce Gilden), du Cartucho , quartier de Bogota où vivent des milliers de délinquants et de miséreux, au film « La vida Loca » du photographe et réalisateur Christian Poveda assassiné en 2009 par ceux-là mêmes qui faisaient l’objet de son documentaire, les gangs des Maras du Salvador, qui sèment la terreur en Amérique Centrale, d’un bout à l’autre du globe, c’est la pègre, la violence et la mort toujours recommencées.
Poignants entre tous, le travail d’Elisabeth Cosmi sur les toutes jeunes femmes nigérianes prostituées de force au large de Naples et l’inlassable (et risqué) témoignage de Letizia Battaglia sur les crimes de la mafia sicilienne sont d’autres bourrasques que le visiteur reçoit en pleine face, les yeux décillés sur ce qu’il croit savoir mais ne réalise vraiment que confronté à sa représentation.

ImageSingulières
3ème rendez-vous photographique
Du 2 au 19 juin 2011
Divers lieux de Sète, dans l’Hérault

Photos de Juan Manuel Castro Prieto
Chapelle du Quartier Haut à Sète
Jusqu’au 10 juillet 2011
Catalogue (CéTàVoir / Images en manoeuvre) 96 p., 25 €
www.cetavoir.fr

Photo © Juan Manuel Castro Prieto / VU
et Letizia Battaglia

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Anish Kapoor – Leviathan, Monumenta 2011

Leviathan, Anish Kapoor

Leviathan est la 4ème proposition du cycle Monumenta présenté sous la nef du Grand-Palais depuis 2009.
L’artiste invité à créer une œuvre spécifique pour ce lieu exceptionnel est toujours un grand nom de l’art contemporain, mais sans être pour autant bien connu du grand public. Tel est le cas du britannique d’origine indienne Anish Kapoor, qui succède jusqu’au 23 juin prochain à Anselm Kiefer, Richard Serra et Christian Boltanski.
Autant de souvenirs d’expériences sensorielles et émotionnelles inoubliables, qui désormais créent une attente et une exigence presque aussi élevées que la verrière de la célèbre nef.
La déception n’est pourtant pas pour cette fois.

Avec Leviathan, le spectacle se découpe en deux actes, tout aussi impressionnants l’un que l’autre.
Premier acte au débouché d’un seuil de porte à tambour où, après avoir été brièvement plongé dans l’obscurité complète, l’on se retrouve soudain entièrement immergé dans l’œuvre elle-même, immense volume sombre et parfaitement clos, rouge monochrome dont les nuances ne résulteront que des jeux de la lumière naturelle inondant la nef. Le souffle coupé, le nez en l’air, les yeux écarquillés, il faut de longues minutes pour digérer le choc visuel, avant de se demander de quoi il s’agit : forme ? Matière ? Et d’où viennent ces ombres et ces éclaircies qui se dessinent par moments sous la voûte ?
Petit à petit, l’on comprend mieux ; on reconnaît le découpage de la structure métallique de la verrière dans le jeu d’ombres chinoises, on réalise que cette œuvre gigantesque qui nous accueille en elle est faite d’un même matériau et que les lignes qui la strient ne sont que des motifs soulignant les formes concaves et convexes de la paroi.

Anish Kapoor, Leviathan

Puis, lorsqu’on en a assez de se trouver enfermé dans cette sorte de ventre alors que dehors est la lumière… il est temps de sortir.

C’est ainsi que se découvre, toujours dans la nef, l’extérieur du Leviathan. Il s’agit d’une sorte de PVC gonflé, de couleur rouge sombre, très brillante, formant en plusieurs sphères reliées entre elles une espèce d’organe géant près de toucher le plafond de verre.
Promenade autour, multiplication des points de vue, admiration.
Au caractère proprement inédit de l’expérience, se mêle l’impression de simplicité que dégage cette oeuvre, très corporelle, très humaine, rassurante dans ses courbes, sa texture et sa teinte et, en même temps, occupant tant de place qu’elle en est effrayante…

Monumenta 2011
Anish Kapoor – Leviathan
Nef du Grand Palais – Avenue Winston Churchill 75008 Paris
TLJ sf mar., de 10h à 19h lun. et le mer. et de 10h à minuit du jeu. au dim.
Fermeture des caisses 45 min avant la fermeture de l’exposition
Métro : lignes 1, 9, 13 / Franklin Roosevelt ou Champs-Elysées-Clemenceau
Bus : lignes 28, 32, 42, 72, 73, 80, 83, 93
Entrée : 5 euros (TR : 2,50 euros)
Le billet d’entrée donne également accès à la programmation culturelle du même jour
A voir jusqu’au 23 juin 2011

Monumenta 2011, Anish Kapoor, Leviathan

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Mille francs de récompense au Théâtre de l'Odéon

Mille francs de récompense mis en scène par Laurent Pelly

Alors que les feux sont braqués sur les écrans cannois, il se passe en ce moment sur les planches parisiennes un grand moment de théâtre, un de ces spectacles intelligents et populaires que l’on attend longtemps et ne vit que trop rarement.

Le texte a près de 150 d’âge et n’est presque jamais joué. Son auteur est pourtant illustre, mais allez savoir pourquoi cette pièce écrite par Victor Hugo en 1865 n’a été éditée qu’en 1934 et montée pour la première fois… en 1961.
Et elle a en tout cas gardé toute sa fraîcheur.

C’est à Laurent Pelly que l’on doit la grâce de (re)découvrir cette œuvre, avec un travail de mise en scène des plus réussis.

Dans cette vaste pièce trépidante, qui tient en quatre actes comme autant d’épisodes d’un feuilleton illustré, l’on croise un député qui parle davantage de finance que de politique, un nouveau riche dégoulinant de vanité qui retourne sa veste à chaque changement de régime, méprisant avec les faibles et obséquieux avec les puissants, un homme né dans le ruisseau qui a tâté trois ans de cachot pour douze sous de forfait et dort depuis à la belle étoile, une fausse veuve-vraie fille, une demoiselle aussi pauvre qu’amoureuse, un huissier vendu au plus offrant, un grand-père malade, musicien, aimant et faussement italien, sans compter un richissime banquier prétendument espagnol et un juge de bois vert…
Avec tout ça, une vraie intrigue, qui tourne autour de mille francs de récompense pour quatre mille à retrouver, mais pour mieux accompagner les véritables questions de la pièce, qui sont celles de la dissimulation, de l’identité et de la fidélité.

La pièce est merveilleusement écrite, pleine d’humour notamment grâce au personnage du vagabond Glapieu qui se fait aussi observateur et commentateur de l’histoire. Victor Hugo, défenseur de la liberté, de l’honneur, du pauvre, de la veuve, du vieux, de la fille et de l’orphelin, y dresse un formidable tableau social du Paris sous la Restauration… dans lequel, hélas, le spectateur de 2011 trouvera bien des thèmes d’actualité.

Ce qu’en fait Laurent Pelly est formidable, à la fois respectueux de l’époque à travers des costumes et des décors impeccables, évitant la surcharge du XIXème dans le premier acte – idée géniale de figurer l’appartement et ses annexes en décor filaire -, faisant tomber la neige nocturne du 2ème sur un somptueux décor, et capable de faire ressortir la modernité de la pièce grâce à un rythme et une direction d’acteurs des plus justes. Tous les comédiens excellent, qui dans l’humour, qui dans l’émotion la plus touchante, tout en mettant en évidence ce que la pièce a de plus classique : cette variété de mensonges petits et grands, bien et mal fondés, ce jeu permanent et cette hypocrisie qui donnent à la vérité toute sa valeur…

Mille francs de récompense
De Victor Hugo
Mise en scène Laurent Pelly
Théâtre de l’Odéon
Jusqu’au 5 juin 2011
Dramaturgie : Agathe Mélinand
Scénographie : Chantal Thomas
Costumes : Laurent Pelly
Lumières : Joël Adam
Son : Aline Loustalot
Avec Vincent Bramoullé, Christine Brücher, Emmanuel Daumas, Rémi Gibier, Benjamin Hubert, Jérôme Huguet, Pascal Lambert, Eddy Letexier, Laurent Meininger, Jean-Benoît Terral, Émilie Vaudou, avec la participation de François Bombaglia
Durée : 3h15 avec un entracte
Places : 10 euros à 32 euros

Créé le 14 janvier 2010 au TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées, production TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées

photo © Polo Garat-Odessa

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L’Éclat de la Renaissance italienne à la Galerie des Gobelins

Exposition à la Galerie des Gobelins, éclats de la Renaissance italienne

A côté de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, les splendeurs de la Renaissance italienne sont aussi à admirer sur de majestueuses tapisseries, à relier naturellement à la grande peinture du XVI° siècle renaissant.

La Galerie des Gobelins, dont on aime suivre régulièrement les expositions, inédites par leur objet et démesurées par la taille des œuvres déployées, nous amène une fois de plus à découvrir ces décors réalisés au fil des siècles pour décorer les demeures des papes et des souverains.

Jusqu’au 24 juillet, sont exposées une vingtaine de pièces issues des manufactures françaises et flamandes aux XVI° et XVII° siècles d’après des cartons ou des peintures de grands artistes de la Renaissance italienne : Raphaël, Giovanni da Udine, Jules Romain , mais aussi Giorgio Vasari et Michelangelo Cinganelli. A l’exception de trois acquises pour le Musée des Gobelins à la fin du XIX° siècle, toutes proviennent de la collection de Louis XIV et servirent d’ameublements jusqu’à la Révolution française.

Pour l’essentiel, ces œuvres sont marquées du sceau de Raphaël (1483-1520), extrêmement admiré dès le XVI° siècle. Il en est ainsi de la tenture des Actes des Apôtres, aux mouvements et aux expressions très accentués, réalisée à la demande du pape Leon X et dont des tissages ont été exécutés tout au long des XVI° et XVII° siècles. Les 4 pièces exposées ornaient à Paris les murs de l’abbaye de Sainte-Geneviève-du-Mont, à l’emplacement de l’actuel lycée Henri IV. La Messe de Bolsène, d’après les fresques des Chambres du Vatican commandées par Jules II, est d’un style assez différent : Raphaël y a majestueusement structuré l’espace grâce à moult éléments d’architecture mais aussi à un recours à la couleur très appuyé.

L’on découvre de nombreuses œuvres réalisées d’après les cartons du plus célèbre élève de Raphaël, Giulo Romano (1499-1546), dit Jules Romain en France. Selon Giorgio Vasari, « Parmi les innombrables élèves de Raphaël d’Urbin qui, pour la plupart, devinrent des artistes de talent, aucun ne l’imita mieux dans son style, son invention, son dessin et son coloris que Jules Romain (…) Raphaël l’aimait comme un fils et le fit collaborer à ses principales œuvres. » C’est lui qui réalisa, avec Fian Francesco Penni La bataille de Constantin, dont l’exécution avait été confiée à Raphaël avant sa mort. La scène représente un moment clé de l’histoire du christianisme, lorsque Constantin, au pont de Milvius, par sa victoire définitive sur Maxence, devint le maître de Rome et fit ainsi cesser les persécutions contre les Chrétiens.

Jules Romain, La bataille de ConstantinToujours d’après des cartons de Jules Romain, sont notamment présentées plusieurs pièces de l’impressionnante Histoire de Scipion : elle retrace l’histoire des campagnes victorieuses que ce jeune patricien romain mena au III° s. avant J.-C. contre Hannibal à Carthage lors de la deuxième guerre punique. Parmi ces pièces, l’on se plaît à détailler Le repas chez Syphax, dans un palais au décor majestueux, dont les nombreuses richesses sont mises en valeur par trois flambeaux éclairant la scène nocturne : nappes, tentures, décors de marbre, vases ornés, vêtements… Jules Romain n’a pas craint l’excès, déployant un univers luxueux scintillant d’ors et de couleurs.

Agréable « récréation » vers une iconographie davantage décorative qu’historique, la série de Giovanni da Udine (1487-1564), autre élève de Raphaël, montre la fantaisie du décor grotesque, imité de la Maison de Néron à Rome. Issues de l’ensemble Le triomphe des Dieux, Le triomphe de Minerve et plus encore Le triomphe de Vénus font toute leur place à la liberté d’invention, à la légèreté de ton, à la respiration. Motifs végétaux et floraux, mélange des règnes humain et animal, ambiance festive, aucune des épreuves traversées ne semble affecter la félicité des dieux triomphants.

L’Éclat de la Renaissance italienne
Galerie des Gobelins
42 avenue des Gobelins 75013 Paris – tél. : 01 44 08 53 49
M° Gobelins / bus 27, 47, 83, 91
Tous les jours, de 11 h à 18h, sauf le lundi
Plein tarif : 6 € (Tarif réduit : 4 €)
Accès gratuit le dernier dimanche de chaque mois
Jusqu’au 24 juillet 2011

Images : partie de Tenture du Triomphe des dieux d’après Giovanni da Udine, Le triomphe de Vénus, Bruxelles, atelier de F. Geubels, tissage du 3e quart du XVIe siècle, 4,95 x 7,22 m, Paris, Mobilier national © P. Sébert
et partie de la Bataille de Constantin, Paris, Manufacture des Gobelins, tissage autour de 1740, dim. 4,85 x 4,55 m, Mobilier national © L. Perquis

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Cranach et son temps. Musée du Luxembourg

Exposition Cranach au Luxembourg, ParisOn connaît finalement assez peu ce peintre de la Renaissance germanique, qui exerça son art sur tout le premier XVI° siècle à la cour de Wittenberg, auprès du prince électeur de Saxe, Frédéric dit "le Sage".
Artiste prolifique, Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553) connut pourtant un immense succès, développa un grand atelier et déploya son talent – de peintre, mais aussi de graveur, ainsi que l’exposition en témoigne – dans tous les genres : peinture religieuse, catholique bien sûr mais aussi au service de la Réforme (voir notamment les portraits de Martin Luther), peinture mythologique (Hercule et Antéeson, directement inspiré d’un médaillon italien, ou encore sa superbe Lucrèce se donnant la mort), portraits des grands d’Europe, comme le roi Ferdinand Ier, empereur du Saint-Empire romain germanique, tableaux de mœurs avertissant le spectateur des vertus à poursuivre et des travers dont il fallait se méfier (visiblement, faire confiance aux femmes faisait partie des pires) et bien sûr des nus, sans doute le pan le plus connu de l’œuvre de Cranach.

Le parcours présentant quelques 75 peintures et gravures fait le tour des différents thèmes iconographiques explorés par le peintre allemand. Il montre également, par d’opportuns rapprochements avec des œuvres de contemporains, ses sources d’inspiration : elles sont à rechercher chez Dürer essentiellement, dont des gravures sont également exposées, puis auprès des peintres flamands après son séjour aux Pays-Bas, même si chez tous ces artistes, la connaissance directe ou indirecte de la Renaissance italienne a joué également un rôle important.

La spécificité du style de Cranach apparaît clairement à travers ces confrontations, en particulier face à l’ensemble de représentations de Lucrèce se poignardant exécutées par différents peintres, dont l’un de ses fils, dit Cranach le jeune, l’un des piliers de l’atelier de Cranach père, et qui en deviendra le successeur.

Exposition Cranach au musée du Luxembourg, Adam et EveLe plus frappant dans sa peinture est certainement la délicatesse des chairs et des expressions – elle fait du coup oublier les maladresses anatomiques. Les visages ont souvent un air doux, des yeux presque mélancoliques. L’ambiguïté est très forte, en particulier dans les nus, où Cranach aime associer un message moralisateur ou une iconographie biblique traditionnelle à des détails plutôt osés, même parfois franchement érotiques. Les corps sont voilés d’une mousseline transparente ; une fine branche de trois feuilles de rien du tout vient cacher pour mieux souligner ce que la pudeur voudrait voir dissimulé. Les sourires sont esquissés, voire à peine suggérés, énigmatiques. On imagine cet artiste ambitieux au solide sens des affaires s’amuser quand même beaucoup dans son atelier. Il n’y a qu’à voir l’un des derniers tableaux de l’exposition, Les amants mal assortis : jeune femme et vieil homme : pendant qu’un vieillard pelote avec joie une jeune femme, celle-ci, l’air de regarder ailleurs, glisse la main dans une bourse gonflée d’or attachée à la ceinture du concupiscent… Comme quoi, malgré l’impression d’austérité que l’ensemble dégage, le rire peut aussi trouver sa place chez ce Nordique renaissant.

Cranach et son temps
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – 75006 Paris
Jusqu’au 23 mai 2011
TLJ de 10 h à 20 h, les vendredis et samedis jusqu’à 22 h
Fermé le 1er mai
Entrée 11 €

Images : Cranach, La Bouche de la Vérité, vers 1525-30, collection privée et Cranach et Adam et Eve, vers 1510, Musée national de Varsovie

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La Fille du puisatier. Daniel Auteuil

La fille du puisatier de Daniel Auteuil, Jacques et Patricia

Patricia est l’aînée d’une ribambelle de filles que leur mère a laissées au puisatier avant de s’éteindre. S’il aurait préféré des garçons, il les aime malgré tout tendrement et les élèves dignement.
Patricia est sa préférée. Éduquée à Paris, elle est revenue au bercail à 15 ans et, à 18 désormais, la douce, aimante et dévouée Patricia s’occupe de son père et de ses cadettes. Fraîche comme une fleur, elle est une princesse pour son père, mais aussi pour Felipe, son assistant, qui rêve de l’épouser. La perspective séduit le père, qui voit là le moyen de garder son aînée près de lui, mais n’attire guère la jeune fille.

C’est alors qu’au bord du torrent, Patricia croise le beau Jacques Mazel, fils des riches boutiquiers du coin. De traversée de rivière dans ses bras en chevauchée en moto-bécane le nez au vent, le galant a tôt fait de se faire aimer et d’obtenir ce qu’une pure ne donne que dans le lit nuptial.
Dès le lendemain, le prince d’un jour part pour la guerre et, au bout de quelques semaines, c’est à son père que Patricia avoue qu’elle attend un enfant. Le puisatier envoie Patricia chez sa sœur, où naîtra le petit Amoretti. Mais l’histoire est loin, bien loin de s’arrêter là.

Le "conte" de Marcel Pagnol est magnifique, comme toutes les histoires de Pagnol. Vingt-cinq ans après avoir interprété Ugolin pour Claude Berri dans les deux films de L’eau des collines, Daniel Auteuil passe de l’autre côté de la caméra pour réaliser son premier long-métrage, tout en interprétant lui-même le rôle du puisatier.
C’est un régal. Il n’y a aucune surprise, ni d’inventivité (si ce n’est peut-être une façon de filmer les visages en très gros plans) : le film aurait pu être tourné il y a trente ans, il est sans âge.
Mais qu’importe ! Pagnol, c’est un classique et les classiques n’ont pas besoin de mode. Certes Auteuil n’est pas Raimu, mais il est le puisatier en couleurs qu’il nous fallait : il parle bien le Pagnol et l’on y croit. Le reste de la distribution est plus ou moins en place, mais pour l’essentiel émeut comme il se doit. On s’habitue au phrasé appliqué d’Astrid Berges-Frisbey dans le rôle titre, largement compensé par une belle expressivité de traits, Kad Merad habite fort bien le maladroit Felipe, Mazel père (Jean-Pierre Darroussin) et fils (Nicolas Duvauchelle) son nickels, alors que Sabine Azéma a plutôt l’air de se demander ce qu’elle fait là, la greffe provençale n’ayant avec elle pas très bien réussi.

Mais qui aime Pagnol aimera ce film, comme il a aimé les autres, les anciens et les plus récents, parce que c’est la Provence, la famille, la terre, les faiblesses et l’orgueil, et aussi les feux d’un temps passé qui ne s’éteignent pas, tant y brûlent encore de passions et d’amour.

La Fille du puisatier
Un film de Daniel Auteuil
Avec Daniel Auteuil, Kad Merad, Sabine Azéma, Jean-Pierre Darroussin, Nicolas Duvauchelle, Astrid Berges-Frisbey, Emilie Cazenave, Marie-Anne Chazel
Durée : 1 h 47 min
Date de sortie en salles : 20 avril 2011

photo © Pathé Distribution

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L’art d’être grand-père de Victor Hugo au Lucernaire

L'art d'être grand-père, Victor Hugo, par Vincent ColinVincent Colin a adapté, pour mieux les mêler, deux textes qui se répondent tendrement : celui de Victor Hugo, L’art d’être grand-père, ouvrage poétique de 1877, et celui de Georges, son petit-fils, qui a publié un texte de souvenirs de son aïeul en 1902.

A la mort prématurée de son fils Charles, Victor Hugo joue auprès de ses petits-enfants Jeanne et Georges à la fois le rôle de père et celui de grand-père. Surnommé par eux "Papapa", il en était totalement gâteau. Il leur racontait des histoires, dessinait pour eux des petites images qu’il leur donnait à titre de bon point, imitait les animaux, les promenait en forêt, et même essayait de leur décrocher la lune… Eux l’adoraient, ravis de trouver en cet adulte impressionnant un fidèle complice.

Ce lien magnifique, le travail de Vincent Colin le fait merveilleusement revivre, notamment grâce à un Albert Delpy étonnant de justesse dans sa barbe blanche et son ventre convexe : ses yeux roulent de malice, son sourire n’est que tendresse, sa voix veloutée se fait l’écrin idéal pour restituer la beauté des vers de Hugo.
Évoquant les souvenirs des enfants, la pétillante Héloïse Godet lui rend la réplique avec bonheur, tour à tour boudeuse, espiègle ou bondissante.
Dans un dispositif scénique très simple, le caricaturiste Victor Hugo est mis à l’honneur, quand, à d’autres moments, le même rond de lumière se prête aux jeux d’ombres chinoises pour mieux illustrer "le souvenir"…
Tout en émotions, voici un bel exemple de mise en scène de la poésie très réussie.

Extrait (La sieste) :

Elle fait au milieu du jour son petit somme ;
Car l’enfant a besoin du rêve plus que l’homme,
Cette terre est si laide alors qu’on vient du ciel !
L’enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.
Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions,
Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons,
Ces paradis ouverts dans l’ombre, et ces passages
D’étoiles qui font signe aux enfants d’être sages,
Ces apparitions, ces éblouissements !
Donc, à l’heure où les feux du soleil sont calmants,
Quand toute la nature écoute et se recueille,
Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
La plus tremblante oublie un instant de frémir,
Jeanne a cette habitude aimable de dormir ;
Et la mère un moment respire et se repose,
Car on se lasse, même à servir une rose.
Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr
Dorment ; et son berceau, qu’entoure un vague azur
Ainsi qu’une auréole entoure une immortelle,
Semble un nuage fait avec de la dentelle ;
On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là,
Voir une lueur rose au fond d’un falbala ;
On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse,
Et c’est un astre, ayant de plus la petitesse ;
L’ombre, amoureuse d’elle, a l’air de l’adorer ;
Le vent retient son souffle et n’ose respirer.
Soudain, dans l’humble et chaste alcôve maternelle,
Versant tout le matin qu’elle a dans sa prunelle,
Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant,
Agite un pied, puis l’autre, et, si divinement
Que des fronts dans l’azur se penchent pour l’entendre,
Elle gazouille… — Alors, de sa voix la plus tendre,
Couvrant des yeux l’enfant que Dieu fait rayonner,
Cherchant le plus doux nom qu’elle puisse donner
À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère :
— Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère.

L’art d’être grand-père
Textes de Georges et Victor Hugo
Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame- des-Champs – Paris 6°
Du mardi au samedi à 20 h et dimanche 17 h
Compagnie Vincent Colin, adaptation et mise en scène : Vincent Colin
Avec Albert Delpy et Héloïse Godet
Scénographie : Marie Begel
Lumières : Alexandre Dujardin, costumes : Cidalia Da Costa
Durée : 1h10
Places : de 15 à 30 €
Jusqu’au 8 mai 2011
Texte publié aux Ed. de L’Harmattan

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