On connaît finalement assez peu ce peintre de la Renaissance germanique, qui exerça son art sur tout le premier XVI° siècle à la cour de Wittenberg, auprès du prince électeur de Saxe, Frédéric dit "le Sage".
Artiste prolifique, Lucas Cranach l’Ancien (1472-1553) connut pourtant un immense succès, développa un grand atelier et déploya son talent – de peintre, mais aussi de graveur, ainsi que l’exposition en témoigne – dans tous les genres : peinture religieuse, catholique bien sûr mais aussi au service de la Réforme (voir notamment les portraits de Martin Luther), peinture mythologique (Hercule et Antéeson, directement inspiré d’un médaillon italien, ou encore sa superbe Lucrèce se donnant la mort), portraits des grands d’Europe, comme le roi Ferdinand Ier, empereur du Saint-Empire romain germanique, tableaux de mœurs avertissant le spectateur des vertus à poursuivre et des travers dont il fallait se méfier (visiblement, faire confiance aux femmes faisait partie des pires) et bien sûr des nus, sans doute le pan le plus connu de l’œuvre de Cranach.
Le parcours présentant quelques 75 peintures et gravures fait le tour des différents thèmes iconographiques explorés par le peintre allemand. Il montre également, par d’opportuns rapprochements avec des œuvres de contemporains, ses sources d’inspiration : elles sont à rechercher chez Dürer essentiellement, dont des gravures sont également exposées, puis auprès des peintres flamands après son séjour aux Pays-Bas, même si chez tous ces artistes, la connaissance directe ou indirecte de la Renaissance italienne a joué également un rôle important.
La spécificité du style de Cranach apparaît clairement à travers ces confrontations, en particulier face à l’ensemble de représentations de Lucrèce se poignardant exécutées par différents peintres, dont l’un de ses fils, dit Cranach le jeune, l’un des piliers de l’atelier de Cranach père, et qui en deviendra le successeur.
Le plus frappant dans sa peinture est certainement la délicatesse des chairs et des expressions – elle fait du coup oublier les maladresses anatomiques. Les visages ont souvent un air doux, des yeux presque mélancoliques. L’ambiguïté est très forte, en particulier dans les nus, où Cranach aime associer un message moralisateur ou une iconographie biblique traditionnelle à des détails plutôt osés, même parfois franchement érotiques. Les corps sont voilés d’une mousseline transparente ; une fine branche de trois feuilles de rien du tout vient cacher pour mieux souligner ce que la pudeur voudrait voir dissimulé. Les sourires sont esquissés, voire à peine suggérés, énigmatiques. On imagine cet artiste ambitieux au solide sens des affaires s’amuser quand même beaucoup dans son atelier. Il n’y a qu’à voir l’un des derniers tableaux de l’exposition, Les amants mal assortis : jeune femme et vieil homme : pendant qu’un vieillard pelote avec joie une jeune femme, celle-ci, l’air de regarder ailleurs, glisse la main dans une bourse gonflée d’or attachée à la ceinture du concupiscent… Comme quoi, malgré l’impression d’austérité que l’ensemble dégage, le rire peut aussi trouver sa place chez ce Nordique renaissant.
Cranach et son temps
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – 75006 Paris
Jusqu’au 23 mai 2011
TLJ de 10 h à 20 h, les vendredis et samedis jusqu’à 22 h
Fermé le 1er mai
Entrée 11 €
Images : Cranach, La Bouche de la Vérité, vers 1525-30, collection privée et Cranach et Adam et Eve, vers 1510, Musée national de Varsovie

Malgré cet enseignement qualifié d’académique, Manet ne tarde pas à prendre son envol, se frottant à d’autres influences tout en développant avec une grande audace son propre style. Tout au long de l’exposition, on constate d’ailleurs que Manet a tout à la fois essayé de s’adapter aux attentes du jury du Salon afin d’y être admis (il l’a été certaines fois, mais les refus furent plus nombreux…), mais sans jamais se renier : il apparaît aujourd’hui comme celui qui aura, coûte que coûte, essayé d’imposer la modernité.
On pense aussi à Velázquez devant Le jeune garçon à l’épée du MoMA ou cette Lola de Valence au jupon bariolé, dont on peut regretter que le peintre ait, après coup, ajouté un décor de théâtre alors que la pure "atmosphère" autour d’elle à la manière du maître espagnol aurait encore renforcé l’incroyable présence.
Mouvement, liberté, et grâce. Tels sont les mots qui viennent à l’esprit en découvrant l’exposition, très réussie dans sa mise en espace généreuse, présentée au
Parfait écho aux 67 dessins présentés – tous issus des fonds du Musée Rodin et dont près de la moitié sont exposés au public pour la première fois – les 9 sculptures des mouvements de danse et de Nijinski, elles aussi venues de Paris, apparaissent comme une autre forme de ce travail sur le corps et le mouvement.
Comment naît un musée ? Avec beaucoup de passion, d’audace et d’ingéniosité a-t-on envie de répondre en découvrant les nouveaux espaces de la Pinacothèque de Paris, et en écoutant son directeur, Marc Restellini, toujours enflammé, souvent emporté, et parfois l’air rêveur, comme déjà dans le "coup d’après".
Si l’on n’a pas encore eu la chance de visiter ces deux institutions, dont les collections sont très occidentales, l’ensemble à voir à la Pinacothèque n’est que découverte. Car la collection permanente, constituée de dépôts de collectionneurs privés, est, elle, totalement inédite. Et le tout regorge de pépites.
Les collections de L’Ermitage et de Budapest, bien sûr antérieures à la peinture moderne, présentent elles aussi nombre de trésors.

L’exposition est courte (une soixantaine d’œuvres), voit large (cf. son titre), mais ne déçoit pas si l’on est prévenu de sa véritable substance.
Dans la salle consacrée à l’art du portrait, un grand portrait féminin de Goya se laisse longuement contempler. L’artiste semble avoir joué sur le contraste entre la monumentalité du buste drapé d’étoffes et de fourrure de l’Infante et un visage très naturel dont les yeux sont d’une extraordinaire expressivité.

Deux mois après son inauguration, le souvenir de l’exposition demeure encore vif.