Pierre Bonnard, peindre l'Arcadie. Musée d'Orsay

Pierre Bonnard, Nu dans un intérieur, vers 1935, Huile sur toile, USA, National Gallery of Art of Washington © D.R.
Pierre Bonnard, Nu dans un intérieur, vers 1935, Huile sur toile, USA, National Gallery of Art of Washington © D.R.

Rapprochement plein de sagesse : alors qu’au musée du Louvre est présentée jusqu’à la fin du mois de juin une superbe exposition des œuvres de Nicolas Poussin (Poussin et Dieu), et notamment l’un de ses fameux tableaux Et in Arcadia ego, où l’on voit des bergers déchiffrer l’inscription sur un tombeau « Moi (la mort), je suis aussi en Arcadie », de l’autre côté de la Seine, le musée d’Orsay y fait directement référence, utilisant cette formule pour la dernière section de sa rétrospective consacrée à Pierre Bonnard (1594-1665).

Joli pont pour relier ces deux peintres éloignés de près de trois siècles, le premier devenu synonyme de classique, le second, moderne, bien de son époque post-impressionniste mais inclassable, sauf à ses débuts Nabis, n’ayant par la suite souscrit à aucun -isme du XX° siècle.

Cet emprunt fait à un Poussin méditatif par Guy Cogeval et de sa co-commissaire Isabelle Cahn, respectivement président et conservateur en chef du musée d’Orsay, n’est pas aussi fantaisiste qu’il y paraît. Bonnard aussi à sa manière était un philosophe, un sage qui menait une existence retirée, consacrée à son art et à ses proches. Si sa philosophie semblait être celle de la joie de vivre, qu’il étalait sur de grandes toiles resplendissantes de lumière et de couleurs, Bonnard n’était peut-être pas uniquement l’homme heureux que l’on pense deviner derrière le peintre des petits bonheurs quotidiens.

C’est à cette lecture un peu ambiguë que le musée d’Orsay invite, en montrant d’un doigt discret, au détour des somptueux paysages d’Arcadie, gravité et mélancolie. Du reste, un passage de l’exposition montre bien l’anxiété de Bonnard : celle où sont réunis cinq de ses autoportraits. On ne lit dans ces représentations de lui-même par lui-même qu’interrogation, angoisse, dénuement. On rejoint ici l’analyse de Jean Clair dans son merveilleux Bonnard (1) :

 Femme dans un paysage ou La sieste au jardin - 1914

Femme dans un paysage ou La sieste au jardin – 1914

« (…) il faudra bien un jour sous son apparente douceur, rendre aussi à Bonnard sa dureté, qui fait que derrière la superficielle banalité des sujets qu’il avait choisi de traiter, les gestes d’un chat, la vision d’un jardin, le parfum des fleurs, le temps qui passe, il aura laissé une œuvre à la fin si éloignée de la complaisance humaniste de ceux qui croient encore posséder des certitudes, qu’elle ne laisse plus entendre que le tremblement déchirant qu’on ne connaît qu’à de rares moments, ce ton si incroyablement juste, dans son mélange de gravité et de légèreté, de rêve et de précision, qui s’entend dans certaines pages de Mozart ou dans les derniers quatuors de Beethoven, comme il sonne ici dans les derniers portraits, aussi légers que des aquarelles et lourds pourtant d’une sérénité déchirante, avec ce visage blanc, ridé et dépossédé de tout, sinon des objets familiers qui, dans l’eau du miroir ou sur la tablette du lavabo sont disposés autour de lui comme autour d’un gisant, dans les tombeaux antiques, les ustensiles qui devront l’accompagner dans l’autre vie, si bien que si l’on devait, en effet, mourir à l’instant même, comme dans ce jeu où l’on vous demande ce que vous aimeriez emporter dans une île déserte, on pense que c’est cela, ce tremblement qui dure encore, dont il faudrait pouvoir garder le souvenir. »

Nu à Contre-jour (1908) Pierre Bonnard, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
Nu à Contre-jour (1908) Pierre Bonnard, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

Le souvenir est un thème auquel on ne peut que penser en parcourant la magnifique exposition du musée d’Orsay. Bonnard, qui ne peignait que de mémoire, semble avoir poursuivi tout au long de son existence  l’enregistrement de ce qui faisait la beauté de sa vie : la femme qu’il aimait, les enfants, les amis, les chats, les lieux adorés, paysages urbains à Paris, vues de sa maison de la vallée de la Seine (sa « Roulotte »), plus tard celles de sa maison du Cannet (Le Bosquet), des intérieurs et des rituels rassurants (le déjeuner, la sieste, la toilette), des arbres en fleurs, des fleurs, un soleil chaud, des ombres douces… Témoigne également de ce souci de garder trace des moments heureux la salle montrant des photographies prises par l’artiste.

Devant tant de beauté, nacre des corps, explosion des couleurs, luxuriance des paysages, gourmandise des tables, chatoyance des décors intérieurs, beauté qui souvent laisse coi, n’invitant qu’à une longue contemplation, on a envie de laisser parler à nouveau Jean Clair évoquant Bonnard comme ce « peintre de l’inquiétude, connaissant trop la beauté des apparences pour n’en pas peindre la précarité. »

Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie

Musée d’Orsay

1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7°

TLJ sauf le lun., de 9h30 à 18h, le jeu. jusqu’à 21h45

Entrée 11 euros, TR 8,50 euros

Jusqu’au 19 juillet 2015

Puis à la Fondation Mapfre à Madrid du 18 septembre 2015 au 6 janvier 2016

et au Legion of Honor à San Francisco, du 6 février au 15 mai 2016

(1) Bonnard, Jean Clair, Hazan, 2006

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Dolce Vita ? Du Liberty au design italien. Musée d'Orsay

"Coupe des mains" en verre "laguna" et verre ivoire, de Tomaso Buzzi © ENRICO FIORESE - GALERIE ANAGAMA - GRAND PALAIS
« Coupe des mains » en verre « laguna » et verre ivoire, de Tomaso Buzzi © ENRICO FIORESE – GALERIE ANAGAMA – GRAND PALAIS

Au tournant du XX° siècle, à l’instar des beaux-arts, les arts décoratifs ont connu leurs révolutions. A Bruxelles et en France, ce fut l’Art Nouveau, en Angleterre, l’Arts & Crafts, à Vienne, la Sécession, en Italie, le Liberty.

La première salle de la riche exposition que le musée d’Orsay consacre aux arts décoratifs italiens du premier XX° siècle nous fait plonger directement au cœur de ce fameux mouvement Liberty.

Son programme : comme l’Art Nouveau, lignes sinueuses, motifs végétaux et formes zoomorphes. C’est d’ailleurs une vraie ménagerie : meubles couverts de parchemin que Carlo Bugatti a présentés lors de la première Exposition internationale des Arts décoratifs modernes en 1902 à Turin, dont une étonnante chaise en forme d’escargot, pièces d’orfèvrerie du même Bugatti dont un seau à glace orné de batraciens, sculpture Les Serpents du ferronnier Alessandro Mazzucotti. Côté végétal, un adorable ensemble bureau/coiffeuse-chaise en noyer de Quarti, en noyer incrusté de fils de laiton et de nacre. L’humeur est joyeuse ; les tableaux de l’époque le confirment, où les peintres divisionnistes Previati, Da Volpedo ou encore Segantini, de leur palette claire, imaginent des scènes d’inspiration symboliste où femmes et enfants s’unissent et dansent dans une nature lumineuse, aérienne et amie.

Mais la Sécession viennoise infuse aussi bien sûr la production italienne. En témoignent les somptueux tableaux de Bonazza, longtemps actif à Vienne (La Légende d’Orphée), ou encore du verrier-touche-à-tout Vittorio Zecchin (Le mille e una notte, réalisé pour l’hôtel Terminus à Venise).

Le principe de rapprochement de l’art décoratif et de l’art pictural est maintenu tout au long des cinq sections qui articulent la présentation chronologique. Autour de quelques 160 œuvres, le visiteur parcourt l’Italie – encore toute neuve nation unifiée – des années 1900 aux années 1930.

Frederico Tesio (1869-1954), Bureau et Fauteuil, 1898 Chêne marqueté d’ébène © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand palais / Patrice Schmidt
Frederico Tesio (1869-1954), Bureau et Fauteuil, 1898 Chêne marqueté d’ébène © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand palais / Patrice Schmidt

Les mouvements s’entrechoquent : dès les années 1910, le mouvement Futuriste voit le jour. Ode au dynamisme et à la modernité, il se manifeste d’abord en peinture, avec Gino Severini notamment : sa Danseuse articulée, peinture avec éléments mobiles actionnés par des chaînes, en est l’illustration littérale. Son Rythme plastique du 14 juillet, qui déborde jusque sur le cadre est un convaincant exemple de traduction du mouvement en peinture pure. Le Futurisme gagnera ensuite le domaine des arts décoratifs (voir le décoiffant service à café de Giacomo Balla).

A partir des années 1920, dans les suites de la Première Guerre mondiale, si un peu partout en Europe l’art opère un « retour à l’ordre », ce mouvement n’en est pas moins créatif. On le voit en Italie, en peinture avec les œuvres « métaphysiques » de De Chirico, où les références à la culture classique se mêlent à la trivialité dans un esprit de surprise et de poésie, celles de Morandi (très belle Nature morte), Casorati, qui réalise des meubles d’une austérité telle qu’elle en fait le précurseur des « fonctionnalistes » de la décennie suivante. On découvre une jolie illustration de cette veine en arts appliqués, avec une Coupe des mains en verre « laguna » rose rehaussé à la feuille d’or : drôle d’objet, fin, aérien, presque littéraire avec ses mains sorties de nulle part.

Umberto Bellotto et Atelier de Guiseppe Barovier Vase « Plume de paon », vers 1914, Verre de Murano et fer forgé, 55 cm (haut.), Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay Dist. RMN-grand Palais / Patrice Schmidt
Umberto Bellotto et Atelier de Guiseppe Barovier Vase « Plume de paon », vers 1914, Verre de Murano et fer forgé, 55 cm (haut.), Paris, Musée d’Orsay © Musée d’Orsay Dist. RMN-grand Palais / Patrice Schmidt

Le Classicisme moderne, s’il a eu pour funeste destin d’être dans le goût des Fascistes, a donné lieu à de splendides créations. Notamment celles de Gio Ponti, qui revisite les plats et vases grecs avec décalage et humour, sans rien concéder à l’esthétique. Nous sommes encore dans les année 1920, mais on comprend pourquoi, quelques 25 ans plus tard, Ponti a trouvé en Fornasetti un fructueux complice. A la visite de cette exposition, c’est tout le terreau dans lequel Fornasetti est venu développer son grain de folie que l’on hume avec délices.

La dernière section est naturellement dédiée au Rationalisme dans la veine de Le Corbusier. Métal, formes « utiles », possibilité d’industrialiser la fabrication, on connaît tout cela. Mais ici, la fantaisie et le chic transalpins font sensation : on adore ce fauteuil dit Télésiège qui, accroché à une mezzanine, faisait office de balancelle d’intérieur (à une place !). A ses pieds, il y avait, paraît-il, quelques dalles de faux gazon… Un air de dolce vita en somme, que le contexte si sombre des années 1910 à 1930 en Italie ne laisse pas d’interroger, tant les créations de l’époque sont osées, enjouées, débordantes d’imagination et d’humour.

Dolce Vita ? Du Liberty au design italien (1900-1940)

Musée d’Orsay

1 Rue de la Légion d’Honneur – Paris 7°

Tous les jours sf le lundi de 9h30 à 18h, jeudi de 9h30 à 21h45

Jusqu’au 13 septembre 2015

 

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Sept ans de réflexion. Musée d'Orsay

sept_ans_reflexion_orsayOn tient sans doute ici « l’Exposition de l’hiver » 2014-2015 à Paris. Voyez cela : 180 chefs d’œuvres parmi les quelques 4000 pièces entrées dans les collections du musée d’Orsay depuis 7 ans, c’est-à-dire depuis le début de la présidence de Guy Cogeval. Cinq raisons – au moins – de s’y précipiter.

1. Ce ne sont que des œuvres de haut vol. Parmi toutes celles acquises ou reçues par le musée depuis 2008, sont ici présentées quelques unes des plus belles et/ou des plus rares. Juste dans la première salle, consacrée aux peintres Nabis et garnie de mobiliers de la même période, on tombe en amour devant un superbe paysage de Bonnard (La Symphonie pastorale), placé au-dessus d’une splendide commode de Clément Mère, toute simple, toute légère, dont les lignes géométriques annoncent les développements à venir en matière d’art décoratif. Un deuxième Bonnard, adorable Ballet voisine avec une bergère de Ruhlmann qui déjà en 1914 préfigurait les lignes de l’Art Déco. Vallotton, avec un hilarant Toast (tout le monde dort autour de la table), Denis, Majorelle, Ranson sont aussi de la partie.

On retrouvera Maurice Denis plus loin avec, en pied, le Portrait d’Yonne Lerolle en trois aspects, une fierté du musée et on comprend pourquoi : tonalités pastel, sensualité des traits, jardin d’Eden, tout n’est que douceur dans ce grand tableau de la toute fin du XIX°.

2. La sélection est très variée et traduit l’interdisciplinarité propre au projet du Musée d’Orsay depuis le début, tout en couvrant l’ensemble de sa période dédiée (1848-1914) : peintures, arts graphiques (dessins, pastels…), sculptures, photographies, dessins d’architecture, arts décoratifs. Une période fort riche dans tous ces domaines, et plus encore quand on se tourne, comme le fait le Musée, vers les créations de toute l’Europe.

3. C’est ainsi que l’on découvre des pans entiers jusqu’ici assez peu connus et présentés. Deux salles sont à cet égard particulièrement remarquables. D’abord celle consacrée aux œuvres des pays de l’Est et du Nord de l’Europe (Allemagne, Autriche, Finlande, Norvège et Suède), où l’on admire aussi bien une grande toile de Lentz, peintre co-fondateur de la Sécession, offerte par la Société des Amis du musée d’Orsay, qu’une magnifique chaise de Moser (Sécession viennoise quand tu nous tiens) ou encore d’originales pièces d’orfèvrerie venues de l’Allemagne du début du XXème. Une autre salle est dédiée à l’art et au design (avant qu’on appelle cela comme ça) italiens : les découvertes y sont encore plus belles. On est épaté par la modernité des meubles, signés Tesio ou Quarti, par la créativité des pièces de table en argent de Bugatti, par l’audace d’une étonnante Scène de fête au Moulin-Rouge de l’Italien Boldini ou d’un symboliste Le Mille et una notte de Zecchin.

4. En visitant l’exposition, on comprend mieux la politique d’enrichissement du Musée. C’est-à-dire, comment elle se fait : par acquisition (grâce à un budget propre prélevé sur 16 % des droits d’entrée du musée), par dons et legs (ils sont parfois impressionnants), par dation en paiement enfin (quand un particulier paie des droits de succession en nature, en remettant une œuvre). Mais on apprend aussi comment les choix sont opérés : faire entrer une pièce dans le musée, c’est engager les générations futures. Alors il faut réfléchir sur ce que l’œuvre apportera par rapport à ce que le musée possède déjà (couvrir un pan absent ou famélique, compléter un ensemble déjà en place pour parfaire sa cohérence, etc).

5. Enfin, grâce à ce parcours on se remémore avec bonheur toutes les expositions vues à Orsay au cours de ces sept dernières années, où certains des chefs d’œuvres présents ici avaient été montrés, ou certaines thématiques développées. Ainsi la salle dédiée aux dessins d’architectes montre des compléments au passionnant accrochage Paris probable et improbable. Dessins d’architecture du musée d’Orsay, où l’on avait pu découvrir des dessins de projets non réalisés. La grande toile de James Tissot mettant en scène l’élégant Cercle de la Rue Royale, acquise en 2011, avait été montrée avec L’impressionnisme et la mode il y a deux ans. Nous avions vu l’académique Bouguereau à L’Ange du bizarre (Dante et Virgile) puis à Masculin-Masculin (Egalité devant la mort), deux tableaux reçus par dation en 2010. Impossible d’oublier la sculpture de Gustave Doré A Saute-mouton, qui nous avait amusé à la remarquable exposition Gustave Doré, L’imaginaire au pouvoir. Et la photographie Vierge à l’enfant, de l’Anglaise Julia Margaret Cameron, bien qu’il s’agisse d’une acquisition visiblement plus récente, elle nous rappelle les délices de Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde et de Une ballade d’amour et de mort : photographie préraphaélite en Grande Bretagne, 1848-1875. Quant à l’un des « clous » de l’exposition, s’il ne faut qu’en citer qu’un, restons avec les Préraphaélites et L’adoration des mages, une somptueuse tapisserie signée Burne-Jones, qui domine avec joie la salle anglaise de ce superbe parcours.

7 ans de réflexion. Dernières acquisitions

Musée d’Orsay – Paris 7°

Jusqu’au 22 février 2015

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Les expos à Paris au mois d'août

1900_expositionQue voir à Paris au mois d’août ? La ville, bien sûr, un magnifique spectacle en soi ! Mais si on a envie de découvrir des expositions, les propositions ne manquent pas. Voici une petite sélection… pas eu le temps de les voir toutes, loin de là :

Paris 1900 au Petit Palais jusqu’au 17 août (vue, non chroniquée, mais tout à fait conseillée !)

Unedited History (Iran 1960-2014) au Musée d’art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 24 août

L’Orient-express à l’Institut du Monde arabe jusqu’au 31 août

Le mythe Cléopâtre à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 7 septembre

L’Envol du dragon – Art royal du Vietnam au Musée Guimet jusqu’au 15 septembre

Mapplethorpe-Rodin au Musée Rodin jusqu’au 21 septembre

Masques, mascarades et mascarons au Musée du Louvre jusqu’au 22 septembre

Martial Raysse au Centre Pompidou jusqu’au 22 septembre

Libération de Paris : août 1944, Le combat pour la liberté, à l’Hôtel de Ville jusqu’au 27 septembre

Les plages à Paris selon Daumier – Parisiens en Seine d’hier à aujourd’hui à la Maison de Balzac jusqu’au 28 septembre

Jean-Baptiste Carpeaux au Musée d’Orsay jusqu’au 30 septembre

Les années 1950 au Palais Galliera jusqu’au 2 novembre

Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé au Musée Carnavalet jusqu’au 8 février 2015

Liste non exhaustive bien sûr…

Très bel été à tous, à Paris ou ailleurs !

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Van Gogh – Artaud. Le suicidé de la société. Musée d'Orsay

Vincent Van Gogh (1853-1890) Route de campagne en Provence de nuit 1890 Huile sur toile H. 92 ; L. 73 cm Otterlo, collection Kröller-Müller Museum © Kröller-Müller Museum
Vincent Van Gogh (1853-1890) Route de campagne en Provence de nuit 1890 Huile sur toile H. 92 ; L. 73 cm Otterlo, collection Kröller-Müller Museum © Kröller-Müller Museum

A la veille de l’inauguration d’une rétrospective consacrée à Vincent Van Gogh (1853-1890) présentée au Musée de l’Orangerie à Paris de janvier à mars 1947, le galeriste Pierre Loeb propose à Antonin Artaud (1896-1948) d’écrire un texte sur le peintre hollandais.

D’abord peu emballé, c’est lorsque il découvre dans la presse des extraits du livre du docteur Beer intitulé Un démon de Van Gogh que, fou de rage face au jugement porté par le médecin (et la société) sur la santé mentale de Van Gogh, il écrit, pratiquement d’un jet, Van Gogh, le suicidé de la société. Le texte, dicté à son assistante Paule Thévenin entre le 8 février et le 3 mars 1947, publié la même année, recevra le prix Sainte-Beuve.

L’exposition à voir jusqu’au 6 juillet 2014 au Musée d’Orsay redonne vie à cet essai dans lequel Artaud s’élève contre la médecine psychiatrique, laquelle avec la complicité de la société aurait poussé Van Gogh au suicide, tout en tressant une couronne de lauriers au peintre dont l’œuvre criait « d’insupportables vérités ».

Des extraits du texte servent de fil conducteur au parcours qui réunit une bonne quarantaine de tableaux, des aquarelles et des dessins du peintre, issus pour partie des collections du musée d’Orsay mais aussi de collections muséales et privées internationales.

S’y ajoutent des dessins d’Antonin Artaud et des photographies, principalement de Denise Colomb, ainsi qu’une de Man Ray de 1926 rappelant les liens de l’homme de théâtre avec le groupe des Surréalistes.

«Le Fauteuil de Gauguin», 1888. (Photo Amsterdam Van Gogh Museum. Fondation Vincent Van Gogh)
«Le Fauteuil de Gauguin», 1888. (Photo Amsterdam Van Gogh Museum. Fondation Vincent Van Gogh)

L’exposition évoque ainsi la personnalité et le parcours d’Artaud : une vie et une œuvre profondément marquées par la maladie mentale (depuis l’enfance), l’enfermement (neuf années en hôpital psychiatrique), mais aussi le théâtre (il fut comédien et créateur de décors scéniques), le dessin (significatif des plus grands tourments et de tentatives de « rassemblement »), et bien sûr l’écriture.

Le lien avec Van Gogh se fait évidemment autour de « la folie » qui était d’ailleurs le motif pour lequel Pierre Loeb, galeriste d’Artaud, lui avait suggéré cet écrit. Ce lien, à travers les extraits du texte, amène et présente les tableaux du peintre suicidé à 37 ans.

Malgré le caractère inédit et l’indéniable intérêt de l’exposition, une autre évidence se fait plus criante : l’œuvre de Van Gogh n’a besoin d’aucun avocat. Les tableaux « écrasent tout » sur leurs cimaises, y compris le texte d’Artaud à certains moments. Couleurs, touches, composition, regard : autoportraits, portraits, paysages et natures mortes ne sont que splendeurs. On redécouvre et découvre cette incroyable peinture et, cruellement, le reste semble presque anecdotique. Il est vrai que les propos d’Artaud, aussi beaux, poétiques et émouvants soient-ils, résonnent comme des adresses faites contre les docteurs autant pour son propre compte (on peut le comprendre, tant il a souffert) que pour celui de Vincent Van Gogh, pourtant sujet de son texte brillant.

Vincent van Gogh / Antonin Artaud. Le suicidé de la société
De 9h30 à 18h les mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche et jusqu’à 21h45 le jeudi
Métro Solférino, RER C, station Musée d’Orsay, bus 24, 63, 68, 69, 73, 83, 84, 94
Entrée 11 euros (tarif réduit 8,50 euros), gratuit le 1er dimanche du mois
Jusqu’au 6 juillet 2014
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Entrée libre au Musée National du Moyen-Age

La Dame à la Licorne, A mon seul désirLe Musée National du Moyen-Age fait partie des quatorze musées et monuments nationaux français pour lesquels la gratuité est expérimentée depuis le début de l’année et jusqu’au 30 juin prochain. (1)

Dès le premier week-end de janvier, Parisiens et touristes s’y sont pressés. Favorable a priori à l’accès le plus libre possible à la culture, l’on en sort en s’interrogeant sur le bien-fondé de la décision politique pour le musée du Moyen-Age en particulier.

La dimension modeste des salles, qui tient à l’architecture du bâtiment, la faiblesse de l’éclairage, l’entassement des oeuvres et le manque de lisibilité du parcours d’ensemble sont autant de facteurs d’embouteillage qui ne plaident pas en faveur de l’ouverture au plus grand nombre au même moment. Ajoutons à cela que les cartels sont tout petits (et vieillots), et que bien des fois l’on ne sait où se poser pour lire les fiches de salles, pourtant d’une grande qualité en matière d’explications.

Surtout, le manque d’espace sied particulièrement mal aux oeuvres médiévales, qui exigent souvent du recul, comme les statues ou les retables. Et que dire de la minuscule salle des vitraux, qui présente notamment des vitraux de la Sainte-Chapelle ? Le nez collé dessus, on balance entre rage et pitié.
Quant aux chapiteaux, ils mériteraient d’être isolés les uns des autres et de pouvoir être vus aisément sous leur quatre côtés.
Les frustrations qui en découlent, liées au lieu lui-même, deviennent plus aiguës lorsque le musée se remplit.
Mais le problème est le même pour les oeuvres plus petites dans les vitrines, telles ces petites châsses-reliquaires et autres objets liturgiques en ivoire sculpté au rez-de-chaussée. La finesse des décors mériterait tranquille observation…

Dans ces conditions, faut-il y aller ?
La réponse est oui, bien sûr, car le Moyen-Age est une période aussi longue (dix siècles !) que passionnante sur le plan artistique, qu’il s’agisse de l’architecture ou de de tout ce qui a trait à l’iconographie.
Donc, on y reviendra, ne serait-ce que pour admirer La Dame à la Licorne, chef d’oeuvre du XVème siècle, qui, elle, bénéficie d’une belle présentation, dans une salle semi-circulaire faite pour elle.
Mais l’on se rappellera aussi que la meilleure façon d’apprécier l’art médiéval est certainement d’aller le voir là où il est, à savoir dans les églises, les abbatiales et les cathédrales. La France (et pas seulement !) en déborde dans tous ses coins. On y admire in situ chapiteaux, vitraux, tympans, statues et trésors, dans l’ambiance pour laquelle ils ont été faits : celle de la déambulation pieuse ou rêveuse, du retrait et du recueillement.
Ce qui n’est pas forcément le programme réservé au Musée du Moyen-Age pour les six mois à venir.

Musée National du Moyen-Age
Thermes et hôtel de Cluny
6, place Paul Painlevé – Paris 5ème
M° Cluny-La Sorbonne / Saint-Michel / Odéon
Bus n° 21 – 27 – 38 – 63 – 85 – 86 – 87
RER C Saint-Michel / l B Cluny – La Sorbonne
TLJ sf le mardi, de 9 h 15 à 17 h 45
Entrée libre jusqu’au 30 juin 2008

(1) Participent à l’expérimentation :
A Paris et en région parisienne : le musée Guimet, le musée du Moyen-Age, le musée des Arts et Métiers, le musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le musée national de la Renaissance d’Ecouen (Val-d’Oise) et le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget (Seine-Saint-Denis).

En province : le musée de la Marine de Toulon, le musée national Adrien Dubouché à Limoges, le musée Magnin à Dijon, le palais du Tau à Reims, le palais Jacques Coeur à Bourges, le château d’Oiron, le musée national du château de Pau et le château de Pierrefonds.

Pour les 18-26 ans, accès gratuit dans quatre musées nationaux parisiens un soir par semaine entre 18h et 21h : le mercredi pour le musée d’art moderne du centre Pompidou, le jeudi pour le musée d’Orsay, le vendredi pour le Louvre et le samedi pour le quai Branly.

Image : Musée National du Moyen-Age, "La Dame à la Licorne, A mon seul désir", XVème siècle

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Chefs-d'oeuvre de la galerie Vollard : Paul Cézanne

Les trois baigneuses, Paul CézanneAujourd’hui, suite et fin de la visite de l’exposition De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard.

On a vu ce que Renoir et Cézanne pensaient des oeuvres de van Gogh : "une peinture de fou !" (lire le billet Galerie Vollard : autour des livres d’artistes et de van Gogh).

Les relations entre les artistes à cette époque paraissaient pourtant le plus souvent marquées par l’admiration.

D’ailleurs, si l’opinion des artistes sur les oeuvres de leurs semblables mérite d’être soulignée dans l’exposition organisée autour d’Ambroise Vollard, c’est parce qu’ils étaient souvent les premiers acheteurs de tableaux.

Ce fut le cas de ceux de Cézanne – dont on rappelle qu’il fut véritablement lancé par le marchand d’art grâce à la première exposition monographique qu’il lui consacra en 1895.
Ses premiers "clients" furent Degas, Monet et Pissarro.

Comment ne pas s’extasier, en effet, devant ses superbes paysages, mais aussi ses portraits d’une touchante humanité, mettant en scène des hommes démunis, tels Le fumeur accoudé (1891), Les joueurs de carte (1893) ou encore des êtres mélancoliques comme ce pensif Garçon au gilet rouge (1888-1890) ?

On trouve aussi chez Cézanne de belles correspondances avec d’autres artistes. Son admiration pour Delacroix était telle qu’il conserva toute sa vie dans son appartement une aquarelle du peintre représentant un bouquet. Un jour, il finit par se décider à réinterpréter ce tableau. Les deux oeuvres sont accrochées côte à côte : un beau chemin…

Cézanne avait également peint, en 1870, en écho à la provocante Olympia de Manet (1863), Une moderne Olympia. Quoi de mieux que ces réinterprétations d’un même sujet pour apprécier ce qui fait la singularité et en l’occurrence le talent de chacun des artistes, à savoir le style ?

Cézanne admirateur donc, mais ensuite admiré à son tour. Touchante anecdote que celle autour de son tableau Trois baigneuses (1876-1877) : c’est Matisse qui l’acheta, mais à crédit sur douze mois… et lorsqu’il l’offrit au Petit-Palais en 1936, il déclara que l’oeuvre l’avait "soutenu moralement dans les moments critiques de mon aventure artistique. J’y ai puisé ma foi et ma persévérance".

Tel fut aussi le grand mérite d’Ambroise Vollard : avoir permis ces liens, ces admirations et cette stimulation entre les plus grands.

De Cézanne à Picasso, chefs-d’oeuvre de la galerie Vollard
Musée d’Orsay
Jusqu’au 16 septembre 2007
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h
nocturne le jeudi jusqu’à 21h45
RER C, bus 24, 68 et 69, M° ligne 12
Entrée 7,50 € (TR 5,50 €)

Catalogue d’exposition
Collectif, sous la direction d’Anne Roquebert
Musée d’Orsay / RMN, 56 €

Image : Les trois baigneuses de Paul Cézanne (1876-1877)

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