Les neiges du Kilimandjaro. Robert Guédiguian

Les neiges du Kilimandjaro, Robert Guédiguian

Est-ce le soleil de Midi, le scintillement de l’eau du port de Marseille, le magnifique sourire d’Ariane Ascaride ? D’une manière ou d’une autre, le dernier film de Robert Guédiguian est obstinément lumineux.

La lumière du début est calme et plutôt assurée : Michel malgré son licenciement qui l’amène à occuper comme il peut ses journées de "pré-retraite" coule des jours heureux avec Marie-Claire, son aimée depuis trente ans. Tous deux profitent de ce qu’ils ont construit tout au long de leur vie d’ouvriers : une maisonnette, un peu de repos, de bons moments entre amis fidèles, des enfants et des petits-enfants. Leurs convictions politiques et sociales sont solides et Michel, que Marie-Claire surnomme tendrement Jaurès, y est resté fidèle puisque malgré ses responsabilités syndicales qui auraient pu l’en protéger, il s’est mis sur la liste des personnes tirées au sort pour le "choix" des vingt licenciés que réclame la direction. Contre les privilèges et solidaire, jusqu’au bout.
Malgré ce pépin, la retraite n’étant pas loin, l’équilibre d’ensemble n’est pas menacé. D’autres bonheurs sont même à venir, avec l’anniversaire de mariage du couple : une fête chaleureuse dont le cadeau est un voyage au pied du Kilimandjaro. Un clin d’œil à la chanson sur laquelle ils se sont connus, dans les années 1960, et qu’enfants et petits-enfants entonnent avec émotion devant la pièce montée.

Mais le film bascule lors d’une tranquille soirée de cartes avec leurs plus proches : Denise, la sœur de Marie-Claire et son époux Raoul, beau-frère et meilleur ami de Michel. Deux jeunes font irruption dans la salle à manger avec armes et cagoules, les violentent et les détroussent de tout leur argent, billets du voyage inclus.
Ils sont encore sous le choc, chacun réagissant à sa manière, quand Michel découvre que l’un de leurs agresseurs, Christophe, est un ancien de la boîte, un jeune qui faisait partie des vingt licenciés. Et donc aussi, d’ailleurs, des invités de son anniversaire de mariage, puisqu’il y avait invité les dix-neuf autres malheureux tirés au sort.

La confrontation avec Christophe, qu’il considérait jusqu’alors comme l’un des leurs, est un coup de pied dans les repères de Michel. Il pense avoir agi de façon loyale et désintéressée en procédant à ce tirage auquel il s’était inclus. Il pense avoir mené toute. sa vie au sein du syndicat un combat juste, au service des plus faibles. Et voici que ce jeune ne lui renvoie que haine et mépris. Il y avait peut-être des voies plus équitables qu’un tirage au sort pour le choix des mis-sur-le-carreau ; vous croyez avoir mené de nobles combats, en réalité vous n’avez fait que vous embourgeoiser ; que laissez-vous à vos cadets ? Voilà ce que Christophe lui balance en substance, et avec une violence incroyable.

Ici se dévoile le thème central du film, développé sans pudeur : le choc de deux générations. Et le gouffre entre les deux, malgré la bonne entente à première vue entre Marie-Claire et Michel et leurs propres enfants, va être de plus en plus manifeste.
Si le portrait de la classe ouvrière née après la guerre, de gauche et sûre du bien-fondé de ses croyances et de ses actions, est magnifiquement brossé, celui de la génération suivante, atomisée et moins évidente à restituer, l’est pourtant tout aussi magistralement. Christophe et sa jeune mère qui l’a abandonné (et ses deux frères avec), tous deux perdus, ne cherchent qu’à s’en sortir. La jeune amie de Christophe, gaie et généreuse, travaille de nuit. Chacun fait comme il peut pour subsister économiquement. Le comment, les valeurs, on en est plus là.
Même avec les enfants du couple, à l’épreuve des événements, des incompréhensions voient le jour. Jamais le fossé générationnel n’a semblé aussi abyssal.

Mais Robert Guédiguian ne renonce pas à la lumière. Après la tourmente, elle est encore plus belle. Michel et Marie-Claire, Raoul et Denise n’ont rien perdu de leurs valeurs. Ils en font la démonstration dans un final dont on ne dira rien, si ce n’est qu’il est bouleversant au possible.

Les neiges du Kilimandjaro
De Robert Guédiguian
Avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilyne Canto, Grégoire Leprince-Ringuet
Durée 1 h 47

Sorti en salles le 16 novembre 2011

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L'Epreuve et Les acteurs de bonne foi, Marivaux à l'Atalante

Les acteurs de bonne foi, Marivaux, L'AtalanteAh, Marivaux, sa finesse psychologique, son sens de l’intrigue, maître dans l’art du jeu, de la dissimulation, et des faux-semblants ! Orfèvre de la langue, il demeure obstinément à la mode, l’un des classiques les plus présents aujourd’hui, souvent joué par et pour les lycéens – ce qui n’avait pas échappé au cinéaste de L’Esquive, Abdellatif Kechiche, qui en 2004 avait mis en scène des jeunes de banlieue s’essayant au Jeu de l’amour et du hasard. Mais si les pièces de cette star de la comédie du XVIIIème siècle continuent de plaire à tous en ce début de XXIème siècle c’est parce qu’à travers leurs dialogues enlevés et aux atours légers, elles sont une ode à la noblesse des sentiments, à l’authenticité de l’amour et à ses élans vrais.

La compagnie suisse du Passage et celle d’Agathe Alexis, avec le Centre dramatique régional de Tours, s’associent pour présenter au théâtre de l’Atalante à Paris un diptyque de courtes pièce du célèbre dramaturge, et qui ne sont pas les plus connues : L’Epreuve, suivie de Les acteurs de bonne foi. Les deux s’enchaînent, formant un spectacle de deux heures dont on ressort d’autant plus enchanté que Les acteurs de bonne foi est de loin la plus originale, la plus amusante et la mieux mise en scène des deux pièces.

L'Epreuve, Marivaux, L'AtalanteL’Epreuve, c’est celle qu’inflige Lucidor, citadin fortuné, à sa bien-aimée Angélique, bourgeoise de campagne, en lui envoyant un faux prétendant en la personne de Frontin son valet déguisé, prétendument richissime et très épris. Si elle accepte, c’est que ses sentiments pour Lucidor ne sont pas véritables… Autour du trio, la suivante d’Angélique, qui croît reconnaître le coquin, et Blaise, fermier cupide et lourdaud, joué pour notre plus grand plaisir par Guillaume Marquet (Molière 2011 du jeune talent masculin pour son interprétation dans Feydeau). Lui et Franck Michaux, irrésistible valet dans les deux pièces, ont tout le talent requis pour interpréter ces rôles de bouffons, volontaires ou malgré eux. Si le reste de la distribution est aussi à l’aise, la réserve vient plutôt de la mise en scène. Ce ne sont pas les intrusions contemporaines qui gênent, mais plutôt le ton et le rythme choisis par Agathe Alexis : à toute vitesse, façon boulevard. Marivaux mérite plus d’égards : ses répliquent se savourent, il faut donc les entendre ; et les ressorts dramatiques ne nécessitent nullement de sacrifier à la convention boulevardière.

Les acteurs de bonne foi de Marivaux à l'Atalante Les acteurs de bonne foi est une véritable perle, dont l’intrigue repose sur une comédie que doit jouer une troupe cocasse, menée par le valet de Mme Amelin, laquelle a décidé, pour amuser la noce de son neveu, et notamment la future belle-mère Mme Argante, de faire donner quelque pochade impromptue. Les répétitions commencent, les acteurs s’emmêlent entre fiction et réalité, la future belle-mère s’offusque, mais Mme Amelin est résolue, face au manque de goût de cette dernière, à faire jouer la comédie coûte que coûte, quitte à jouer elle-même et au détriment de Mme Argante…
On a là un matériau vif et solide, que Robert Bouvier à la mise en scène, et la joyeuse troupe, en grande partie la même que dans L’Epreuve à laquelle s’ajoute l’excellente Sandrine Girard, travaillent admirablement. La mécanique du jeu, de la tromperie et de la moquerie actionne des comédiennes et des comédiens tout à leur affaire, avec une grâce comique impeccable.
Un spectacle chaudement et justement applaudi.

L’Épreuve et Les Acteurs de bonne foi de Marivaux
Théâtre L’Atalante
10, place Charles Dullin – 75018 Paris
Places 20 € (tarifs réduits 10 € et 15 €)
Réservations : latalante.resa@gmail.com ou au 01 46 06 11 90
Jusqu’au jeudi 29 décembre 2011
Lundi, mercredi, vendredi à 20h30
Jeudi, samedi à 19h, dimanche à 17h
Relâche le mardi, les 24 et 25 décembre
Représentation exceptionnelle mardi 27 décembre 2011 à 20h30

L’Épreuve
Mise en scène – Agathe Alexis, assistante – Nathalie Sandoz, son – Jaime Azulay
Avec Robert Bouvier, Marie Delmarès, Nathalie Jeannet, Guillaume Marquet, Franck Michaux, Maria Verdi
Scénographie et costumes – Gilles Lambert, lumières – Laurent Junod

Les Acteurs de bonne foi
Mise en scène – Robert Bouvier, assistant – Olivier Nicola, son – Cédric Liardet
Avec Agathe Alexis, Jaime Azulay, Robert Bouvier, Marie Delmarès, Sandrine Girard, Nathalie Jeannet, Guillaume Marquet, Franck Michaux, Nathalie Sandoz, Maria Verdi
Scénographie et costumes – Gilles Lambert, lumières – Laurent Junod

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Matisse, Cézanne, Picasso… L'aventure des Stein

Matisse, la femme au chapeau, exposition Stein, grand palaisIl semble qu’à jamais ces tableaux resteront dans notre mémoire. Ces paysages de Matisse, sa Femme au chapeau, son Nu bleu, ces portraits de Picasso, son Meneur de cheval nu, cette Femme renversée de Degas, cette Sieste de Bonnard, cette Femme de l’artiste dans un fauteuil de Cézanne…
Ils viennent de New-York, Chicago, San Francisco ou Los Angeles, de la fondation Barnes ou de collections particulières, et sont enfin réunis sous nos yeux !
Ces œuvres immenses sont celles achetées par les Stein, Américains d’origine juive, fous d’art et fous de Paris, au point de s’y établir et, pour Gertrude, d’y rester pendant les funestes années de l’Occupation. Au tout début du XXème siècle, ils ont décidé de soutenir des peintres "hérétiques", dans un monde de l’art qui alors digérait tranquillement l’impressionnisme et s’écriait face aux taches matissiennes du Salon d’Automne de 1905 : "Voici la cage aux fauves !". C’était la Femme au chapeau de Matisse, faite de grosses touches de couleurs, révolutionnaire avec son vert vif sur le nez et son orange sur na nuque, qui scandalisait et suscitait l’opprobre mais fut acquise par Léo Stein.

Gertrude Stein, ses frères Léo et Michael, et Sarah l’épouse de ce dernier sont arrivés à Paris avec ce qu’il fallait pour vivre, mais peut-être pas la grande fortune, certainement pas celle des grands collectionneurs que furent un peu plus tard Barnes ou Rockefeller. Mais ils était allés en Italie, avaient aimé l’art classique, le Moyen-Age et la Renaissance.
L'aventure des Stein au Grand Palais, Matisse En témoignent les photos de l’appartement de la rue de Fleurus, dans le 6ème arrondissement, où Gertrude tenait salon, réunissant le samedi soir hommes et femmes de pinceau comme de plume et amateurs éclairés : les tableaux d’avant-garde surplombaient des meubles d’inspiration médiévale, des statues de toutes époques, et côtoyaient des primitifs italiens.
Ce n’était pas qu’affaire d’œuvres et de collections, c’était aussi affaire humaine. Longue et profonde amitié entre Gertrude et Picasso. Longue amitié et immense admiration entre Sarah et Matisse, jusqu’à la fin de sa vie.

Aujourd’hui, le prix de ces tableaux sur le marché de l’art semble en faire des objets de spéculation (presque) comme les autres. On annonce des sommes folles à l’issue et même avant les ventes publiques, on déclame des records.

L'aventure des Stein au Grand Palais, Picasso Mais à l’époque, c’était tout autre chose, c’était une entreprise de pionniers, d’inventeurs au sens premier du terme. Cette aventure a eu lieu dans l’enthousiasme et avec ce qu’il fallait d’émulation : la confrontation de Picasso et de Matisse a bien pris racine dans le salon des Stein, où l’un et l’autre étaient exposés et se rendaient.
Depuis, les natures mortes cubistes de PIcasso et de Juan Gris n’interpellent plus personne. Les gros seins cernés de bleu de Matisse ne scandalisent plus qui que ce soit. Les paysages constellés de taches, aux limites de l’abstraction et les portraits aux allures de masques primitifs sont presque l’ABC de l’amateur d’art.
Et pourtant ! Il a fallu les repérer, les montrer, habituer les yeux et les esprits, jusqu’à ce qu’ils deviennent référence, au point que leurs inventeurs, cruel succès, les Stein soi-même, quelques dix ou vingt ans plus tard, ne soient plus en mesure de les acquérir tant leur côte avait grimpé !

Cézanne à l'exposition Stein au Grand PalaisIl est malgré tout un choc qui demeure, pas celui de l’avant-garde, mais celui de la beauté pure que l’exposition du Grand Palais sait rendre, ne cherchant rien d’autre qu’à accrocher les peintures sur de grands murs blancs, regroupées par artistes et par style, simplement.
L’aventure des Stein est racontée dans les coins, avec photos et écrits de l’époque, c’est indispensable et passionnant. Les cartels sont quasiment illisibles comme il est de coutume en ce lieu. Mais les tableaux demeurent, tranquillement, passés peut-être de mains en mains après avoir été adorés dans un salon de la rue de Fleurus ou de la rue Madame il y a un siècle, et aujourd’hui à nouveau montrés à Paris, avec toutes leurs audaces, leurs couleurs, leur inventivité et leur force. Leur révolution relève de la permanence et de l’indissoluble, comme un insoluble mystère qui n’a d’autre nom sans doute que la beauté de l’art.

Matisse, Cézanne, Picasso… L’aventure des Stein
Galeries Nationales du Grand Palais – 3, av. du General Eisenhower – Paris 8°
Jusqu’au 16 janvier 2012
Du ven. au lun. de 9h à 22h, le mar. de 9h à 14h,
le mer. de 10h à 22h, le jeu. de 10h à 20h
Pendant les vacances, du 17 déc. au 2 jan. inclus, TLJ de 9h à 23h
Fermeture à 18h les 24 et 31 décembre et toute la journée le 25 décembre
Entrée : 12 €, tarif réduit : 8 € (13-25 ans, demandeur d’emploi, famille nombreuse)
Gratuité pour les moins de 13 ans, bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse
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Images :
Henri Matisse, Femme au chapeau, San Francisco Museum of Modern Art, don d’Elise S. Haas, San Francisco, USA © Succession H. Matisse. Photo : Moma, San Francisco, 2011
Henri Matisse, Femme en kimono, The Courtauld Gallery, Londres, Grande-Bretagne © Succession H. Matisse. Photo : The Courtauld Galery, London, 2011
Pablo Picasso, Les pierreuses, 1902, Huile sur toile, 80 x 91,5 cm, Hiroshima, Hiroshima Museum of Art © Succession Picasso 2011
Paul Cézanne, Les baigneurs, Lyon, Musée des Beaux Arts, dépôt du musée d’Orsay © service presse Rmn-Grand Palais (Musée d’Orsay) / René-Gabriel Ojéda

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Le nouvel Orsay

Nouvel Orsay, Salle Courbet

On l’aimait déjà beaucoup, notre musée d’Orsay. Nous les Français, mais aussi les visiteurs étrangers, pour lesquels il constitue une étape incontournable, notamment ses salles dédiées aux impressionnistes.
Mais la conception d’origine, qui remontait à 1986, avait vieilli. Les espaces de circulation n’étaient plus adaptés à la fréquentation de 3 millions de visiteurs par an. Les éclairages et les fonds rendaient pâlottes certaines couleurs, gommaient certains contrastes. Enfin, l’enchaînement de l’impressionnisme et du post-impressionnisme reléguait certaines œuvres comme celles de Toulouse-Lautrec dans des espaces confinés.

Il fallait revoir tout cela et Guy Cogeval, le directeur du musée, aidé d’architectes talentueux et de designers inspirés a mené à bien l’entreprise. Celle-ci ne s’est pas limitée à de simples aménagements puisque quelques 1200 m2 de surfaces supplémentaires ont été dégagées.

Le résultat, visible depuis le 20 octobre dernier, est très convaincant.
Le volet le plus audacieux du projet est certainement la rénovation du pavillon Amont – l’ancienne salle des machines de la gare – placé au fond à gauche de la nef.
Introduisant le violet et le rouge cardinal à Orsay, il consacre aux grands formats de Courbet (L’atelier, Un enterrement à Ornans, L’hallali du cerf…) la salle du rez-de-chaussée, quand les étages jouent la carte de l’innovation. En effet, pour permettre au public de profiter de sa riche collection d’objets d’art et de mobilier jusqu’à présent en grande partie remisée dans ses réserves, tout en plaçant la peinture dans son époque et son contexte "domestique", Guy Cogeval a installé de toutes nouvelles salles où l’une et l’autre disciplines cohabitent en se complétant naturellement.
L’on trouve ainsi au 2ème étage les décors et peintures modernes français de la fin du XIXème et du début du XXème siècles, incarnés par les Nabis, et aux 3ème et 4ème étages l’Art nouveau et ses développements en Europe et aux Etats-Unis.
Les plafonds sont resserrés, les couleurs chics, les œuvres groupées par artistes ; c’est lisible, harmonieux, très cosy.

Le 5ème niveau débouche sur un vaste pallier dépourvu d’œuvres – si ce n’est le canapé de repos, L’étoile de mer, dessiné par les brésiliens Humberto et Fernando Campana, également auteurs de la réfection du café de l’Horloge, qui évoque des fonds sous-marins où étincellerait le soleil, au bout de la galerie des impressionnistes. Mais avant de la traverser, le visiteur peut se clarifier l’esprit en faisant étape dans cet espace de respiration offrant une vue magnifique sur la Seine et les grands monuments de Paris. Une nouvelle boutique est installée à proximité.

Galerie des impressionnistes, nouvel Orsay

Puis l’on aborde les Impressionnistes, dans une galerie entièrement rénovée. Les tons beiges et l’éclairage naturel parfois blafard ont cédé la place à des teintes sombres au sol (parquet) et aux murs, et la lumière de la verrière complétée de projecteurs soigneusement disposés. Des bancs en verre blanc du designer japonais Tokujin Yoshioka ont été installés. L’accrochage a lui aussi été repensé et fait de la "traversée" un enchantement de chaque instant. La plus-value en termes d’élégance est évidente. Mais surtout, les couleurs des toiles de Van Gogh, Gauguin, Manet, Monet et autres Degas, plus belles que jamais, gagnent considérablement en éclat et en nuances.

Côté rue de Lille, la galerie post impressionniste au niveau médian (désormais galerie Françoise Cachin), de même que la galerie symboliste, répondent aux mêmes objectifs de gagner en fluidité dans l’enchaînement des périodes et dans la circulation, et de plus grande mise en valeur des œuvres avec des cimaises aux couleurs profondes.

Au total, 7000 m2 ont été rénovés et un millier d’œuvres sur les 1850 exposées ont été déplacées ou réaccrochées, pour un coût total de 20 million d’euros.
Plus qu’une remise en beauté, c’est avec un supplément d’art que le musée d’Orsay s’apprête à fêter, le 1er décembre prochain, son vingt-cinquième anniversaire.

Musée d’Orsay
1, rue de la Légion-d’honneur – Paris 7ème
TJL de 9 h 30 à 18 h, sf le lundi et jusqu’à 21 h 45 le jeudi
Entrée 8 € (TR 5,5 €)

A voir également en ce moment au musée d’Orsay : l’exposition Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde jusqu’au 15 janvier 2012

Photos © Musée d’Orsay Sophie Boegly

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Polisse. Maïwenn

Polisse, Maiwenn

Une toute petite fille dit que son père lui gratte les fesses. Une femme assise près d’elle essaie de lui faire préciser, de la mettre en confiance. Un jeune homme derrière une cloison vitrée suit attentivement, enregistre, suggère à sa collègue d’autres questions. Plus tard, le père de l’enfant, bouleversé, nie les accusations de sa fille, semble sincère, autant que la petite. Dans la rue, une jeune femme secoue son bébé comme un prunier pour tenter d’arrêter ses pleurs. Une autre jeune femme l’interpelle, l’embarque au poste. Lui pose des questions. Avec celle-là, aucun doute : elle débite les horreurs qu’elle inflige à ses enfants avec une candeur désarmante.
Nous sommes dans une brigade de protection des mineurs (BPM), qui opère dans le nord de Paris. Plus de deux heures durant, on ne lâche pas ces policiers d’une semelle, comprenant à chaque scène davantage à quel point leur tâche est lourde, délicate, parfois dangereuse, et toujours nécessaire.
Mais même si le film est inspiré de faits réels, et au demeurant largement crédible, l’œuvre de Maïwenn n’est pas pour autant un documentaire. La réalisatrice a pris le soin de construire de véritables personnages, membres de la brigade, commandant et grand chef. Les victimes et les criminels défilent, tous bien dessinés eux aussi. L’interrogation vient plutôt du rôle que Maïwenn s’est donné à soi-même, celle d’une photographe chargée d’un reportage pour une revue du ministère de l’Intérieur. Mutique, fantomatique bien que séduisante, elle n’apporte pas grand-chose au film.
Mais l’équipe de la BPM compense largement ce déficit. Vies privées faisant les frais d’une vie professionnelle hors norme, relations entre collègues fusionnelles et qui parfois débordent, rôle beau et parfois ingrat du chef de troupe protecteur, la géopolitique et la cartographie des sentiments d’une équipe de travail soudée et sous tension sont parfaitement restituées.
Avec sa mise en scène énergique, ses plans rapprochés et son casting en or, Polisse accroche le spectateur de bout et bout et, malgré son sujet, sans jamais tomber dans le misérabilisme.

Polisse
Un film de Maïwenn
Avec Karin Viard, Joey Starr, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Karine Rocher, Frédéric Pierrot, Emmanuelle Bercot, Maïwenn
Durée 2 h 07
Sorti en salle le 19 octobre 2011

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Drive. Nicolas Winding Refn

Ryan Gosling dans Drive

Le mot "chef d’oeuvre" ne vient pas si souvent au bout des lèvres lorsque s’affiche le générique de fin sur un écran de cinéma. Drive fait partie de ces films qui génèrent de bout en bout une joie intense dont on se demande toujours un peu de quoi elle est faite.

Commençons par l’histoire : un jeune homme solitaire et silencieux fait le jour cascadeur pour les productions hollywoodiennes et la nuit chauffeur pour braqueurs. "Je vous emmène où vous voulez quand vous voulez, et pendant 5 minutes, je serai à fond avec vous ; mais après, ne comptez plus sur moi". Voici en substance ce qu’il dit à ses clients particuliers. Ensuite, il se tait et conduit. Tout n’est qu’action et calme chez ce personnage, dont on ignore jusqu’au prénom. Même quand la caméra ne fixe que son visage d’ange, on le voit qui calcule. S’il est aussi bon, ce n’est pas seulement parce qu’il conduit bien, c’est aussi et surtout peut-être parce qu’il a toujours un coup d’avance. Sauf lorsqu’il rencontre sa voisine, la jolie Irène et son jeune garçon : là, il est dans le présent, sous le charme de l’instant. Ce qui apparaît comme une découverte de l’amour sera évidemment le point de bascule du film : pour elle et son fils, pour aider son mari racketté, il se retrouvera confronté à la violence des mafieux et devra se montrer plus violent encore que ses poursuivants.

L’énigme est limpide, dépourvue de méandres scénaristiques. D’ailleurs, c’est peut-être le "sans" qui fait aussi la splendeur de Drive : pas de bavardage, pas de psychologie, pas de sentimentalisme. Des silences.
L’utilisation de la musique (électro-rock) est nickel et épouse absolument une mise en scène au cordeau. La scène inaugurale est exemplaire de cette réussite, de l’ambiance et du rythme du film : un jeu de cache-cache nocturne et motorisé avec la police de Los Angeles, dont notre héros sort incognito donc vainqueur, se contentant de mettre une casquette et de retourner son blouson pour rentrer chez lui tranquillement. On passe de vues aériennes de L.A. époustouflantes à l’atmosphère froide et un peu trouble de zones sans charme. Et toujours le visage si beau, énigmatique de ce personnage incarné impeccablement par Ryan Gosling qui aurait sans doute mérité, malgré tout le talent de Jean Dujardin dans The artist, le prix du meilleur acteur à Cannes, comme son réalisateur a reçu celui de la mise en scène.

Sous la lumière tantôt métallique des néons, tantôt chaude du couchant californien, Nicolas Winding Refn nous offre des scène somptueuses, comme celle, inoubliable, d’un baiser dans un ascenseur… tant de douceur, presque du lyrisme, et puis la violence comme une évidence, tant elle fait partie, comme l’amour et l’amitié, du ressort même du personnage, à l’image de son blouson : double, avec du côté blanc un scorpion brodé.

Quand on arrive à la dernière scène, on ne peut s’empêcher de penser à ces héros de Clint Eastwood, comme un certain Impitoyable. Comme si l’ultra-moderne Drive relevait aussi d’une forme de classique, celle empruntée au western.

Drive
Un thriller de Nicolas Winding Refn
Avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Bryan Cranston
Durée 1 h 40
Sorti en salles le 5 octobre 2011

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I. et G. Kremer, héritiers de l'Âge d'or hollandais

Exposition Kremer à Pinacothèque, vieil homme au turban de RembrandtDeux ans après la magnifique exposition L’Âge d’or hollandais, la Pinacothèque de Paris revient sur cette période, en présentant près d’une soixantaine d’œuvres, essentiellement des tableaux mais aussi quelques gravures sur cuivre, issue de la collection entreprise par Ilone et George Kremer à partir de 1995.

Découpée en 5 séquences, l’exposition permet de faire le tour des différents registres abordés par les artistes du XVII° siècle : les gens, la vie quotidienne, les paysages et les animaux, le clair-obscur et les scènes religieuses.

Les Provinces du Nord, majoritairement protestantes, sont alors extrêmement riches grâce au commerce international. Une bourgeoisie aisée vient grossir les rangs des commanditaires privés pour orner leurs intérieurs, s’inscrivant dans une tradition très présente aux Pays-Bas, celle des collections, de tableaux bien sûr mais aussi d’objets d’art décoratif. Ils aiment se faire représenter pour mettre en valeur leur réussite. Frans Hals, qui s’est presque exclusivement voué à l’art du portrait, et Rembrandt, le portraitiste le plus en vue d’Amsterdam, connaissent un grand succès.
Du premier sont présentés deux portraits d’hommes, caractéristiques de son style vif, avec des coups de pinceau nets et des oppositions de blancs et de noirs. Du deuxième, l’on peut admirer un très beau Vieil homme en buste avec turban : Rembrandt fait du clair-obscur une utilisation d’une nuance extrême, comme pour mieux souligner la mélancolie de son personnage dont les yeux noirs, qui ne sont pas dirigés vers le spectateur, expriment une profonde tristesse.

Dans la même salle, L’allégorie de l’avarice attire immanquablement l’attention. Honthorst, après avoir séjourné à Rome, a ramené à Utrecht sa ville natale ce style très caravagesque, simple et fait de francs clairs-obscurs. Adapté à la peinture "morale" comme avec cette vieille femme examinant une pièce de monnaie à la lumière d’une lanterne, il fait des ravages…

Exposition Kremer à la Pinacothèque, Allégorie de l'avariceAutres genres très prisés, celui des scènes domestiques, très présent dans l’exposition avec notamment Metsu (Femme préparant des crêpes avec un jeune garçon) et Hooch (Homme lisant une lettre à une femme), ainsi que celui des paysages et des animaux. Admirez le soyeux des plumages des gallinacées des Volailles attaquées par un renard de Luyckx ou la douceur des pelages des animaux de ferme de Weenix dans ses Personnages et bétail parmi les ruines ! Les Hollandais se plaisaient à peindre les objets, les matières et leurs contrastes : leurs tableaux sont souvent très tactiles et peuvent dégager une sensualité bien indépendante de leurs sujets.

Douceur est aussi le mot qui vient à l’esprit face à certains paysages, par exemple celui de Ostade Paysage d’hiver près d’une auberge : dans une composition très réussie jouant sur la complémentarité entre la clarté du ciel et du lac gelé et le brun de la terre, de la végétation hivernale et de la chaumière, Ostade a peint personnages et animaux avec une grande minutie, en recourant à une lumière étonnamment chaude et un style naïf qui évoquent la joie d’être ensemble dans une atmosphère des plus charmantes.

Ilone et George Kremer, héritiers de l’Age d’or hollandais
Pinacothèque de Paris
8 rue Vignon – Paris 9°
TLJ de 10h30 à 18h30, les mer. et ven. jsq 21 h
Les dim. 25 déc. et 1er jan., de 14h à 18h30
Entrée 10 € (TR 8 €)
Jusqu’au 25 mars 2012

A voir aussi en ce moment à la Pinacothèque au 28 place de la Madeleine : Giacometti et les Etrusques ainsi qu’une exposition sur les expressionnistes allemands.

Images :
Vieil Homme en buste avec turban, c.1627/1628, huile sur bois 26,5 x 20 cm © photo : The Kremer Collection/Fondation Aetas Aurea
Gerrit van Honthorst (c.1590/1592 – 1656) Vieille Femme examinant une pièce de monnaie à la lumière d’une lanterne (Allégorie de l’Avarice) c. 1623, huile sur toile, 75 x 60 cm © photo : The Kremer Collection/Fondation Aetas Aurea

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L'Espagne entre deux siècles, 1890-1920. Musée de l'Orangerie

Casas, La Paresse, Espagne entre deux siècles, OrangeriePour le public parisien, l’exposition ouverte ce mois-ci au Musée de l’Orangerie relève en grande partie de la découverte.

Certes, Sorolla fit l’objet, avec Sargent, d’une magnifique exposition au Petit Palais en 2007, certes les tableaux sur lesquels le parcours s’achève – quatre Picasso – sont pour certains familiers. Mais en dehors de ces deux artistes, les peintres ibériques "de la modernité", c’est-à-dire de la période fin XIX°-début XX° si féconde où convergent vers Paris des artistes venus d’un peu partout en Europe, sont aujourd’hui bien peut connus en France.

Fruit de la collaboration initiée depuis trois ans entre le Musée d’Orsay et la Fundación MAPFRE madrilène (1) L’Espagne entre deux siècles, de Zuloaga à Picasso, 1890-1920 contribue, avec une soixantaine de tableaux, à combler ces manques. Et à démontrer que ces artistes sont représentatifs des novations picturales apparues au tournant du XXème siècle et au cours de ses deux premières décennies.

Ainsi, en premier regard, le plus évident est la proximité de nombre de ces œuvres avec celles des peintres français. La plupart des artistes exposés ont séjourné à Paris, certains durant de longues années, et s’y sont liés d’amitié avec Degas, Toulouse-Lautrec, Gauguin, Cézanne… Cela se voit !
Comment ne pas songer à Henri de Toulouse-Lautrec devant les peintures de Ramon Casas, croquant une vue de Montmartre ou une Madeleine assise seule face à son verre rempli, vêtue d’une blouse rouge et main à l’abandon sur un cigare ? Ou face à La buveuse d’absinthe de Picasso ? Comment ne pas évoquer Degas devant la si belle Paresse du même Casas, solitaire, à plat ventre sur son lit, songeuse au milieu du jour ? Et que dire de cette Mestiza desnuda de Juan de Echevarría, citation de Gauguin ? Ou d’un matissien Interior sevillano de Francisco Iturrino ?

Sorolla, La sieste, Espagne entre deux siècles, OrangerieMais l’approche la plus intéressante de l’exposition est celle faisant, au contraire, toute leur place aux spécificités de la peinture ibérique, où l’on voit tantôt comment ces artistes se sont approprié en le modernisant fondamentalement le riche héritage des grands maîtres espagnols, tantôt comment, continuateurs de la peinture moderne européenne, ils ont profondément inscrit celle-ci dans la tradition de leur culture nationale.
Appartiennent assurément à cette seconde catégorie les post-impressionnistes Santiago Rusiñol et Joaquín Sorolla, dont les tableaux déploient des couleurs claires et des effets de lumière éblouissants. A la modernité de la touche et du cadrage des compositions, Sorolla mêle deux thématiques bien hispaniques, celle du réalisme, avec la représentation des métiers du quotidien (Retour de pêche, Préparation des raisins secs), mais aussi l’inspiration "méditerranéenne", avec ses célèbres et non moins merveilleuses scènes de bord de mer.

Zuolaga, Barrès, Espagne entre deux siècles, OrangerieD’autres peintres apparaissent plus directement comme les héritiers de leurs aînés ibériques. La marque du Gréco et de Goya est très présente chez les artistes que l’exposition désigne comme révélateurs de "l’Espagne noire" (alors que les précédents appartiennent selon ce classement à "l’Espagne blanche", mais ce parti pris ne s’avère pas toujours évident au fil de la visite) : tableaux magnifiques et impressionnants, où domine une palette sombre parfois éclairée de rouge sang, tels le Portrait de Maurice Barrès devant Tolède de Ignacio Zuloaga, son Anachorète, aussi tordu par le vent sous un ciel tourmenté que les cyprès en arrière-plan, mais aussi la Paloma et les Deux gitanes au visage émacié de Isidre Nonell, ou encore les peintures de la période bleue de Picasso tel L’enterrement de Casagemas.
Impossible de citer toutes ces œuvres remarquables ! Mais il faut absolument aller découvrir ces peintres à l’Orangerie, tant leur place dans l’histoire de la peinture moderne, faite autant d’hommages que d’inventivité, est passionnante.

L’Espagne entre deux siècles, de Zuloaga à Picasso, 1890-1920
Jusqu’au 9 janvier 2012
Musée national de l’Orangerie – Jardin des Tuileries – Paris 1er
Métro Concorde
TLJ sf le mar. et le 25 déc., de 9 h à 18 h
Entrée 7,5 € (TR 5 €)

(1) On doit notamment à cette collaboration les expositions Oublier Rodin ? La sculpture à Paris 1905-1914 et Voir l’Italie et mourir, photographie et peinture dans l’Italie du XIX° siècle présentées au Musée d’Orsay à Paris et à Madrid.

Images :
Ramón Casas (1866-1932), La Pereza, 1898-1900, Huile sur toile, 64,5 x 54 cm, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya © MNAC – Museu Nacional d’Art de Catalunya, Barcelone / Photo : Calveras/Mérida/Sagristà © Droits réservés
Joaquin Sorolla y Bastida (1863-1923), La Siesta, 1911, Huile sur toile, 200 x 201 cm, Madrid, Museo Sorolla © Droits réservés
Ignacio Zuloaga y Zabaleta (1870-1945), Barrès devant Tolède, 1913, Huile sur toile, 203 x 240 cm, Nancy, Musée lorrain (dépôt de musée d’Orsay), © Collection Centre Pompidou, dist. RMN / Philippe Migeat © ADAGP, Paris 2011

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Pompéi, un art de vivre. Musée Maillol

Exposition Pompéi au Musée Maillo, tête de femmeDonner aux visiteurs l’impression de découvrir une domus pompeiana telle qu’elle était il y a 2000 ans, juste avant que l’éruption du Vésuve en 79 ne la fige pour l’éternité : tel est le propos de l’exposition du Musée Maillol, à voir jusqu’au 12 février prochain.
Salle après salle, y sont reconstitués les différents espaces de vie d’une maison aisée de Pompéi, ville "ordinaire" de l’Empire Romain.

Le visiteur commence par latrium où le maître des lieux accueillait ses hôtes et traitait ses affaires. Table de marbre, fresques aux murs, coffre-fort, fontaine sculptée, divinités de la maison : les éléments présentés donnent d’emblée une idée du statut social du propriétaire. Au fond, le triclinium est destiné aux banquets. Il est orné de fresques aux tons rouge-orangé représentant des épisodes de la vie des Dieux, quand à côté, dans le lararium, lieu de prière, un très beau panneau d’Iphigénie et Tauride réunit finesse, équilibre de la composition et puissance d’expression. Après avoir été saisi d’effroi, une fois de plus, devant les moulages des corps des victimes de l’éruption, l’on accède à la culina, où sont présentés de nombreux objets mobiliers servant à la préparation des repas et à la conservation des aliments : amphores, moules à gâteaux, louches, poêle, balance et poids, gril, four portatif, rien ne manque ! A l’étage, une galerie expose des pièces de vaisselle en argent, bronze, terre cuite et verre, ainsi que des lampes et des candélabres. Que ce soit sur bronze ou terre sigillée, la finesse des motifs mythologiques, animaliers ou végétaux et le raffinement des ornements sont tout autant admirables. Puis l’on passe aux objets associés aux thermes et aux soins cosmétiques, avec une baignoire, des miroirs, des fioles à parfum, des coupes, bouteilles et brocs en verre transparent, bleu ou vert, ainsi que des bijoux aussi simples que beaux. Une autre pièce nous donne une idée de l’importance de la sexualité et de ses représentations : c’est cru et sans détour, mais ce décorum reflétant les mœurs de l’époque était l’ordinaire de la ville ; même les murs extérieurs, dans les rues, donc à la vue de tous, en étaient ornés !
On finit avec une évocation du jardin et de ses péristyles, où la richesse des décors montre que cette partie de la villa était traitée avec autant de soin que les autres pièces: fresques splendides, bassins et tables en marbre sculptées, bouches de fontaine en forme de tortue, de dauphin ou de grenouille, sans compter la très belle fontaine en mosaïque, dont le motif lui-même reprend celui d’une fontaine ou les oiseaux viennent boire…

Exposition Pompéi au Musée Maillo, fresque tricliniumOn l’aura compris, la visite de l’exposition est un pur plaisir. Le principe d’évolution de pièce en pièce concilie la clarté d’une approche thématique à l’agrément d’une progression dynamique. La muséographie est belle, simple et efficace, avec ses couleurs délimitant les différents espaces de la maison. Enfin et surtout, les œuvres, presque toutes venue de Naples naturellement, sont extraordinaires.
L’absence d’accumulation (qui est le propre, l’intérêt, mais aussi l’inconvénient des musées archéologiques) permet au visiteur d’admirer tranquillement et isolément chaque objet, tandis que les explications générales lui permettent de les intégrer dans le mode de vie d’un riche Pompéien.
Une grande réussite, signée Valeria Sampaolo, Antonio Varone et Stefano De Caro, commissaires de l’exposition et respectivement directrice du Musée archéologique national de Naples, directeur des fouilles de Pompéi et professeur à l’Université de Naples, ainsi que Patrizia Nitti, directrice artistique du Musée Maillol, et Hubert le Gall à la scénographie.

Pompéi, un art de vivre
Jusqu’au 12 février 2012
Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle – Paris 7°
M° rue du Bac
TLJ de 10h30 à 19h, le ven. jusqu’à 21h30
Entrée 11 € (TR 9 €)

Images :
Œnochoé en forme de tête de femme Première moitié du Ier siècle après J.-C., Bronze incrusté d’argent et de cuivre H. 13,7 ; L. de 6 à 9 cm Fouilles d’Herculanum, réserves archéologiques Inv. 77839 © Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei
Murs du triclinium de la villa de Carmiano, Période flavienne, Enduit peint à la fresque, H. 265 ; murs est et ouest, L. 546 ; murs sud et nord, L. 482 cm, Fouilles de Castellammare di Stabia, réserves archéologiques Inv. 63683 ; 63684 ; 63685 ; 63686 ; 63687 © Soprintendenza Speciale per i Beni Archeologici di Napoli e Pompei/Fotografica Foglia

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René l'énervé au Théâtre du Rond-Point

René l'énervé, opéra bouffe de Jean-Michel RibesOpéra-bouffe, définition : opéra dont les personnages et le sujet sont empruntés à la comédie.
Illustration : René l’énervé ou comment Jean-Michel Ribes pris de malaise depuis plusieurs années "face à la gouvernance de notre pays et de la politique en général" écrit un spectacle enjoué pour dénoncer, rire et faire rire de l’univers politique actuel, bref produire, ainsi qu’il le déclare "une réponse drolatique à ce que j’ai souvent vécu comme une agression de la part de nos gouvernants".

Le spectacle ne fait en rien mentir l’intention du directeur du Théâtre du Rond-Point.

Vingt-et-un interprètes, comédiens-chanteurs plutôt brillants, y assument chacun trois rôles en moyenne, parfois plus, accompagnés par l’orchestre de Reinhardt Wagner, le tout mené avec entrain et bonne humeur.

René est l’épicier agité qu’un jour la majorité désigne homme providentiel pour gagner l’élection présidentielle et emporter tout et tous sur son passage.
Hurtzfuller est son conseiller de tous les instants, un peu excité par l’étranger et prompt à pousser toujours plus haut le ministère des hautes frontières. Ginette et Gaufrette sont les deux opposantes (et souvent opposées) du parti des Progressistes ; Caramella est l’épouse de René qui finit par craquer et se casser ; Bella Donna est la suivante, présentée par l’obséquieux, rusé et inoxydable Jessantout. Nous avons aussi trois nouveaux philosophes, plus préoccupés de télégénie que de pensée, des membres du parti aux noirs brassards Les Cons de la Nation, sans compter quelques écolos vite acquis, un humoriste du genre épais et un Ministre de la tête droite et du menton en l’air…

René l'énervé au Théâtre du Rond-PointIls y sont tous et toute ressemblance avec des personnages connus est parfaitement réussie. Le spectacle passe en revue tous les grands moments de l’actualité "politique" de ces cinq dernières années et n’épargne personne, à droite comme à gauche.

Certes, les ficelles sont parfois grosses et la tonalité assez potache, mais il n’empêche que c’est très bien vu. Les clins d’œil et les jeux de mots s’enchaînent, le rythme général est soutenu ; les idées de mise en scène, les décors et les costumes sont efficaces ; la musique est variée et très plaisante.
C’est donc un très bon moment de divertissement, mais qui n’exclut pas un léger malaise quand le rideau tombe et qu’une question nous assaillit : mais dans quel état de "misère" sommes-nous rendus pour avoir à ce point besoin d’un tel spectacle, pour rire de "ça" ?

René l’énervé
Écrit et mis en scène par Jean-Michel Ribes
Sur une musique de Reinhardt Wagner
Avec Sophie Angebault, Caroline Arrouas, Camille Blouet, Sinan Bertrand, Gilles Bugeaud, Claudine Charreyre, Benjamin Colin, Till Fechner, Emmanuelle Goizé, Sophie Haudebourg, Sébastien Lemoine, Jeanne-Marie Lévy, Thomas Morris, Antoine Philippot, Rachel Pignot, Alejandra Radano, Guillaume Severac-Schmitz, Fabrice Schillaci, Gilles Vajou, Jacques Verzier, Benjamin Wangermée
Théâtre du Rond-Point
Salle Renaud-Barrault – 2 bis, av. Franklin D. Roosevelt Paris 8°
A 21 h, le dim. à 15 h, durée 2 h 30 entracte compris
Places de 16 € à 34 €
Jusqu’au 29 octobre 2011

Photos © Giovanni Cittadini Cesi

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