Michel Onfray : le post anarchisme expliqué à ma grand-mère

Le post anarchisme expliqué à ma grand-mère par Michel Onfray au théâtre du Rond PointJeudi dernier, la salle Renaud-Barrault du théâtre du Rond-Point était pleine à craquer, où, à l’heure du déjeuner, Michel Onfray donnait une conférence intitulée "Le post anarchisme expliqué à ma grand-mère".
Derrière ce slogan, le philosophe se moquait des livres de vulgarisation de la pensée et de l’histoire des idées que les intellectuels commettent régulièrement à peu de frais, en s’adressant à leurs lecteurs adultes comme ils le feraient à des enfants.

Rejetant ce genre de démarche simpliste, Michel Onfray, dans l’esprit de l’Université Populaire de Caen, s’attache à revisiter l’histoire de la pensée anarchiste – très multiple et même contradictoire – en revendiquant un droit d’inventaire : retenir les idées qui lui semblent encore de valeur aujourd’hui et repousser les prises de position inacceptables et/ou considérablement datées.

En suivant cette logique du "prélèvement", l’auteur de la Contre histoire de la philosophie trace les contours du post anarchisme, un courant qui existe aussi de l’autre côté de l’Atlantique. Il commence par balayer sans ménagement un certain nombre de dogmes (une de ses grandes affaires) de la pensée anarchiste : le rejet de l’Etat ; le refus des élections ; l’idée selon laquelle le capitalisme ne serait qu’un moment dans le déroulement du monde. Au contraire, pour le philosophe, l’Etat est utile, voter permet de manifester un rapport de force et le capitalisme est une forme consubstantielle du monde – c’est le capitalisme libéral qui est à dénoncer.

Michel Onfray passe ensuite au crible les écrits des auteurs dits anarchistes pour y faire son tri : exit les positions bellicistes, homophobes et phallocrates de Proudhon, mais oui à son pragmatisme ; exit le christianisme de Tolstoï et la négativité de ceux qui sont devenus anarchistes par amertume ; oui à la positivité, à tout ce qui est susceptible de développer la pulsion de vie ; oui à la place de la Justice défendue par Louise Michel, à l’impératif catégorique de La Boétie – "Soyez résolu de ne plus servir et vous serez libre " – réactivé par Thoreau, aux phalanstères de Fourrier, à l’anarcho-syndicalisme d’Albert Camus de L’Homme révolté, à l’éducation, aux plaisirs du corps…

Si la pensée anarchiste a été saignée par la Commune puis par la Guerre de 14-18, avant d’être terrassée par le triomphe du marxisme, l’auteur du Traité d’athéologie pense que, tel le fleuve Alphée, l’anarchisme un temps disparu dans la mer est ensuite réapparu, citant Orwell, la philosophe Simone Weil, Jean Grenier, la French Theory avec Foucault, Deleuze, Bourdieu, Guattari, Lyotard, le Derrida de Politiques de l’amitié et du Droit à la philosophie, mais aussi Mai 68, qu’il considère comme une révolte nietzschéenne pour avoir mis fin à la Vérité "Une", révélée, en mettant en évidence la diversité de vérités, pour avoir fait disparaître les idéaux ascétiques chrétiens et fait surgir de nouvelles possibilités d’existence.

Suite et fin de la conférence en mai, même lieu et même heure : Michel Onfray y proposera un post anarchisme pour aujourd’hui et pour demain.

Calendrier des conférences de l’Université Populaire de Caen au Théâtre du Rond-Point
Théâtre du Rond-Point – 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris
M°Franklin D. Roosevelt, Champs-Élysées Clemenceau
Entrée libre sur réservation

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Rome et les Barbares au Palazzo Grassi

Rome et les Barbares, exposition VeniseEn finir avec le mythe d’une origine exclusivement romaine de l’Europe en montrant les apports des peuples dits Barbares, tel est le propos de la vaste exposition présentée jusqu’au 20 juillet au Palazzo Grassi de Venise.

Sur les trois niveaux du palais, mille sept cents oeuvres et objets, pour la plupart de toute beauté, étayés de commentaires éclairés sont réunis pour raconter près d’un millénaire d’histoire, du principat de l’empereur Marc-Aurèle (160-180) à l’an mil.
Soit une longue époque de transition, marquée en son début par la fameuse "paix romaine", en réalité une alternance de guerres et de périodes de pacification, qui verra en 476 la fin de l’Empire romain d’Occident lorsque Odoacre dépose Romulus Augustule et devient seigneur d’Italie, et s’achève sur une Europe morcelée en royaumes et seigneuries.
Siècles mouvementés de batailles mais aussi de politique d’intégration bien comprise (voir la table claudienne demandant qu’on accorde aux notables gaulois l’accès au sénat romain), de stratégie militaire (lorsque les Romains font appel à des Barbares pour en combattre d’autres plus menaçants), de fascination (des peuples du Nord et de l’Est pour l’Empire romain), et finalement d’effritement de la culture romaine, et avec elle ses sacro-saintes origines grecques, sous les vagues des invasions barbares.

Mais ce millénaire en Occident est surtout celui de la mise en place de ce qui allait en constituer le ciment : le christianisme, de l’édit de tolérance en 313 accordant la liberté de culte aux chrétiens au couronnement d’Etienne Ier, premier roi chrétien de Hongrie en l’an 1000, en passant par l’édit de Thessalonique en 380 instituant le christianisme religion d’Etat de l’Empire romain ou encore le baptême de Clovis à Reims en 508.
Autant de temps pendant lequel les peuples nomades se sont progressivement installés, ont assimilé des éléments de la culture romaine et ont apporté leur savoir-faire en matière d’armes et d’orfèvrerie, mais aussi leurs propres rites et croyances.

A Venise, l'exposition Rome et les BarbaresSarcophages, mosaïques, sculptures, textiles, statues, bijoux, manuscrits enluminés, armes, vaisselle, le tout magnifiquement mis en valeur témoignent de ce foisonnement et de ces interpénétrations, tenant toutefois éloignées les sources qui pourraient venir de l’autre rive de la Méditerranée, au demeurant vaguement qualifiées "d’éléments exogènes". Il s’agit de raconter l’histoire de la naissance de l’Europe, entre Italie, où est présentée l’exposition, France (par son commissaire d’exposition, Jean-Jacques Aillagon et son mécène) et Allemagne (manifestation organisée en association avec la Kunst und Ausstellungshalle de Bon). Le propos est on ne peut plus clair.

Rome et les Barbares
Jusqu’au 20 juillet 2008
Palazzo Grassi
Campo San Samuele 3231, Venise
TLJ de 9 h à 19 h
Entrée 15 € (TR 6 €)

Images : Taureau tricorne, II-IIIème siècles, Cutry (France) et Boucle de Saint-Césaire, première moitié du VIème siècle, Arles, Musée départemental antique

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La lettre, une aventure de haut vol

Une aventure de haut vol, les débuts de l'aéropostaleCe 23 septembre 1870, un immense ballon s’élève au dessus des toits de Paris. A son bord : Jules Duruof ; sa mission : escorter de pleines poignées de dépêches et de lettres. Le ballon s’appelle Neptune et n’a rien d’une invention de fantaisie. Il s’agit de rétablir les liaisons de la capitale assiégée par les Prussiens : voici quatre jours que les voitures postales ne peuvent plus sortir. Trois heures après son envol, immortalisé par le photographe et aéronaute Nadar, le Neptune se pose près d’Evreux.
C’est un succès. Le gouvernement décide alors de réaliser des ballons en série : jusqu’au 28 janvier 1871, pendant les quatre mois de siège, soixante-sept ballons quitteront Paris pour communiquer avec les armées et, pour les Parisiens, avec les proches de province.

Pour la suite de l’histoire, il faut bien sûr attendre l’invention de l’aviation grâce au toulousain Clément Ader. Près de trente ans après, en 1918, quelques mois avant la fin de la guerre, est mise en place la première ligne aéropostale ; elle est alors militaire. Dès cette époque, un jeune industriel, Latécoère, se lance dans le projet d’une folle ambition : créer une ligne aéropostale entre Paris et l’Amérique du Sud. L’avancée se fait par étapes : France-Maroc tout d’abord, puis Casablanca-Dakar en 1925. Les lieux traversés ne sont pas sans danger ; les pertes matérielles et humaines nombreuses. Aussi, pour porter secours aux avions égarés et négocier avec les populations locales, Antoine de Saint-Exupéry est nommé chef d’aérobase à Cap-Juby, un fortin en plein Sahara. Il y écrira Courrier sud.
Après bien des péripéties et de nouveaux exploits comme celui de survoler la Cordillère des Andes dû à Jean Mermoz notamment, le 7 janvier 1933, Buenos Aires est relié à Paris pour la première fois avec un seul et même avion, en seulement 14 heures de vol.

Telle est la belle aventure que le Musée des Lettres et Manuscrits fait revivre à travers une passionnante exposition consacrée aux débuts de l’aéropostale. Photos, cartes, lettres, manuscrits autographes, dessins (de Saint-Ex en particulier), affiches, carnets de vol et même menus dédicacés… entourent les beaux portraits de ces pionniers et héros que furent Montgolfier, Nadar, Ader, Blériot, Latécoère, Mermoz, Guillaumet… Aéronautes fous et obstinés qui en réalisant le vieux rêve de l’homme ont aussi fait voler les lignes, délivrant au plus vite aux êtres éloignés les mots qui ne pouvaient être entendus mais que la magie des lettres et de l’écriture permettait qu’ils soient dits et reçus.

La lettre, une aventure de haut vol
Les débuts de l’aéropostale
Musée des Lettres et Manuscrits
8, rue Nesle – Paris 6 (M° Odéon)
Jusqu’au 2 novembre 2008
TLJ sf le lun., de 10 h à 20 h (jsq 18 h sam. et dim.)

A lire : le dossier consacré aux débuts de l’aéropostale dans le magazine Plume
(n° 45 – juin/juillet/août 2008, 8 €)

Image : affiche Aéropostale, © Coll. Musée Air France

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Musée de l’Arles et de la Provence antiques

Musée de l’Arles et de la Provence antiques, danseuse romaineLorsque les habitants de l’Arles du deuxième siècle (Arelate) devaient aller assister aux courses de char, ils quittaient le haut de la ville pour cette zone de marais en bord de Rhône où venait d’être construit le cirque.
Quel cirque ! On a enfoncé 28 000 pieux de bois dans le marais pour stabiliser une piste qui faisait son kilomètre de boucle. 20 000 spectateurs s’entassaient pour hurler les noms de leurs favoris.

Le visiteur d’aujourd’hui fait le même chemin pour rejoindre le Musée, sans les marais, sans la foule (s’il s’agit d’un jour de février), mais avec quelques traces du cirque.
Le bâtiment qui protège les collections antiques est nettement moderne, et on aimerait que le lien avec la ville soit mieux dessiné par l’urbaniste. Mais l’intérieur est vaste, les grosses pierres y sont à l’aise, les grandes mosaïques s’y étalent sans complexe, on peut y flâner sans qu’aucune cloison ne vienne rompre l’errance.

On s’arrêtera ainsi au hasard de la séduction de l’objet : cette grande danseuse en bas relief dont le mouvement rappelle Botticelli, est-elle vraiment en pierre ? Les amours de Leda et de son cygne ne devraient-ils pas être plus discrets ? Quel drame nous crie cet acrotère en calcaire ? Quelle procession suivent ces pères qui tiennent leurs enfants par la main ou les portent sur les épaules ? Le colis que ces esclaves serrent sera-t-il assez bien ficelé ? Le Christ assis sous la galerie arrivera-t-il à convaincre ceux qui l’écoutent ? (le troisième à sa gauche semble nettement s’assoupir).

Musée de l’Arles et de la Provence antiques, donne la main petit romainOn peut apprendre aussi beaucoup de choses sur la vie dans une colonie romaine, en particulier par les maquettes, patiemment réalisées, qui nous montrent par exemple la façon dont le velum protégeait les 20 000 spectateurs du soleil, dans l’amphithéâtre. Ou celle de la meunerie hydraulique de Barbegal, véritable industrie minotière qui produisait jusqu’à quatre tonnes et demie de farine par jour.

Les monuments antiques ne sont pas morts avec la fin de l’empire romain. Une gravure nous montre d’ailleurs l’amphithéâtre au Moyen-Âge : il est devenu forteresse, les maisons ont été construites sur l’arène et les gradins, et des tours défensives ont surmonté le niveau d’origine. Ces Arlésiens d’alors n’hésitent pas à s’exposer à travers leurs œuvres, et nous semblent si proches.

Musée de l’Arles et de la Provence antiques
Presqu’île du cirque romain – Arles (13)
Tél. : 04 90 18 88 88
Du 1er avril au 31 octobre TLJ de 9 h à 19 h
Du 2 novembre au 31 mars TLJ de 10 h à 17 h
Entrée 5,5 € (TR 4 €)

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Babylone au Musée du Louvre

Exposition Babylone au Louvre, dragon passant à droiteCité mythique et tour de légende, Babylone et Babel n’ont cessé de nourrir l’imagination des Occidentaux au fil des siècles. Elles n’en finissent pas de fasciner, à voir les foules qui se pressent à l’exposition du Musée du Louvre.

Il n’empêche que Babylone a bel et bien existé, il en reste des traces, découvertes il est vrai tardivement, à la fin du XIXème siècle. Une double dimension – historique et mythique – que l’exposition se proposer de restituer.

Parcours savant, donc – on est bien au Louvre ! – pour présenter quelques quatre-cents pièces dont beaucoup ne sont pas très "parlantes". L’effort de vulgarisation n’est pas tout à fait tangible (textes denses avec phrases à tiroirs, polices de caractères peu lisibles) et l’on se demande ce que les visiteurs – au demeurant affublés d’écouteurs poussés au volume maximum ; ce qui peut-être change tout – en retiendront.

Mais finalement peu importe : voici de petites tablettes d’argile couvertes d’écriture cunéiforme, ; les plus anciennes ont quatre mille deux cents ans, certaines évoquent des rites qui semblent aussi vieux que le monde, comme l’interprétation des rêves ; à leur étrange manière, elles nous parlent de nous. Voici le fameux Code d’Hammurabi, trois mille huit cents ans d’âge (visible dans le plus grand calme toute l’année dans le même musée, tout comme un grand nombre d’objets présentés dans cette partie de l’exposition) : cette stèle en basalte nous dit les lois qui régissaient la société de la grande Babylone et notamment la célèbre loi du talion. Et ces stèles de calcaire ou de schiste, belles et finement gravées, véritables pages illustrées, nous montrent une représentation de la puissance du roi qui fera long feu : assis sur son trône, associé au disque solaire, autrement dit à la justice…
Ainsi se déroule sous nos yeux l’histoire de la cité mésopotamienne, du prince Gudéa de Lagash, modèle du souverain sage et pacifique à Alexandre le Grand qui y mourut en 323 av. J.-C. (en rêvant de rendre toute sa splendeur à la déjà vieille Babylone), en passant par Nabuchodonosor II, bâtisseur de la néo-Babylone, puis la conquête par Cyrus en 539 av. J.-C. et la fin de son indépendance.

Un saut de puce, et l’on passe des tablettes d’argile et de la culture cunéiforme (éteinte probablement en l’an 75 de notre ère) aux bons vieux volumen, la forme de livres que l’on connaît : c’est le moment où l’exposition s’intéresse à "la Babylone des récits". Parmi les premiers à s’être attaqués à la question : les Grecs de l’époque classique. Hérodote, qui ne s’y est probablement jamais rendu introduit des éléments de légende comme celle de Sémiramis. Puis naît la tradition des "merveilles du monde" : Babylone, avec ses murailles et ses jardins suspendus y occupe une belle place.
Evidemment, les écrits bibliques sur la conquête de Jérusalem et la déportation des Hébreux en Babylonie par Nabuchodonosor II ne sont pas pour rien dans la légende noire de la cité. Idem pour l’épisode de la Tour de Babel dans la Genèse, symbole de l’orgueil des hommes.
Plus tard, les peintures illustreront ces malédictions et l’on verra que, de forme carrée à l’origine, la fameuse tour à étages ou ziggourat de Babylone est devenue ronde sous le pinceau de Pierre Brueghel l’Ancien et de bien d’autres. L’on verra également la terrible gravure de Dürer montrant la cité sous les traits d’une prostituée…

Des récits bibliques au XXème siècle, le rapport à Babylone ne sera qu’ambivalence, passant tour à tour (et selon les points de vue plus ou moins dogmatiques) de la haine à l’émerveillement. L’on voit par là que l’histoire de Babylone relatée dans cette exposition est bien plus que celle d’une ville de l’Antiquité, elle est aussi une histoire de notre pensée, de nos croyances et de nos fantasmes.

Babylone
Jusqu’au 2 juin 2008
Musée du Louvre, Hall Napoléon
TLJ de 9h à 18h, sauf le mardi
Jusqu’à 22h les mercredi et vendredi, 20 h le samedi
Et du 22 mai au 1er juin : jusqu’à 22 h TLJ sauf le mardi et le 29 mai
Entrée 9.50 €
Gratuit le premier dimanche du mois.

L’exposition sera ensuite présentée au Pergamon Museum de Berlin du 26 juin au 5 octobre 2008, puis au British Museum du 13 novembre 2008 au 15 mars 2009

A visiter également : le mini-site de l’exposition

Image : Dragon passant à droite, panneau de briques en relief, terre cuite à glaçure de couleur, H. : 1,16 m ; L. : 1,67 m ; ép. : 8 cm. Règne de Nabuchodonosor II, début du VIe siècle av. J.-C (dernier état de la Porte d’Ishtar), Babylone, Porte d’Ishtar. Fouilles Koldewey 1902, Vorderasiatisches Museum Berlin, VA Bab 4431 – © Olaf M. Tessmer / SMB – Vorderasiatisches Museum Berlin

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Les soldats de l'éternité. Pinacothèque de Paris

Les soldats de l'éternité à la Pinacothèque de ParisMettez-vous à la place de ces archéologues qui, un jour de mars 1974 découvrirent dans la région du Shaanxi une nécropole remplie de soldats de terre cuite à échelle humaine !

La fastueuse tombe du premier empereur de Chine, Qin Shihuangdi, jusqu’alors légendaire, était enfin mise à jour, plus de deux mille ans après sa construction au cours du IIIème siècle avant notre ère.

Ces heureux archéologues pouvaient-ils soupçonner ce jour-là l’étendue de leur découverte ? Il s’est avéré par la suite que le mausolée était constitué de plusieurs fosses. L’une, la moins vaste, contenait soixante-hui statues en terre cuite. La deuxième, de plan irrégulier, recelait des chars et des cavaliers.

Enfin, la fosse n° 1, la plus spectaculaire, de 230 mètres de long sur 60 de large, abritait près de 7 000 soldats, soit une armée entière, du simple fantassin à l’officier supérieur.

Les fouilles les plus récentes ont révélé que ces militaires étaient accompagnés de civils, fonctionnaires ou encore artistes. Comme si le Premier Auguste Empereur avait conçu son mausolée tel un microcosme, ou un modèle idéal du monde sur lequel il avait exercé sa domination, et entendait ainsi continuer à régner après sa mort.

Jusqu’au 14 septembre, l’on peut admirer une vingtaine de ces fascinantes statues à la Pinacothèque de Paris, place de la Madeleine.
Le face-à-face avec ces guerriers de l’éternité, dans la douce pénombre où ils sont baignés, saisit d’une telle émotion que l’on ne peut s’empêcher de penser à celle qu’éprouvèrent certainement les chercheurs, il y a plus de trente ans, à des milliers de kilomètres d’ici.

Une belle sélection d’objets (vases, bassins, cloches, armes, ornements…), éclairée d’une solide présentation, met en lumière des éléments matériels et culturels du royaume Qin, y compris avant que celui-ci ne s’impose à cet ensemble de territoires qui deviendra l’immense Chine.

L’exposition permet ainsi de mieux comprendre comment en 221 avant J.C., l’Auguste Empereur Qin, à la tête d’une dynastie qui ne dura plus de quinze années, unifia le pays, ses routes, ses murailles, sa monnaie, son écriture, mit en place les institutions politiques qui perdurèrent jusqu’au XXème siècle et se fit édifier une nécropole dépassant toute mesure, afin d’assurer, par une armée d’argile, son éternité.

Les soldats de l’éternité
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Jusqu’au 14 septembre 2008
Tlj de 10 h 30 à 18 h
Le 1er mai et le 14 juillet de 14 h à 18 h
Nocturne jsq 21 h les lundi 12, 19, 26 mai et 2, 9, 16 juin 2008
Entrée 10 € (TR 8 €)

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Le musée Masséna à Nice

Le musée d'art et d'histoire Masséna à NiceAu lendemain de la première Guerre mondiale, André Masséna fait don à la ville de Nice du palais édifié pour le petit-fils du maréchal à la fin du XIXème siècle, à la double condition que le lieu soit dédié à l’histoire régionale et que ses jardins soient ouverts au public.
Le Musée Masséna est ainsi inauguré en 1921.

Le 1er mars dernier, après sept ans de travaux, le musée a rouvert ses portes au public. Ses ors soigneusement lustrés et ses murs blancs flambant neufs sont l’occasion d’aller se plonger un moment dans l’histoire du pays niçois.

D’emblée, un compliment et une réserve. La deuxième est de taille mais ne devrait qu’être provisoire (tel est le moins que l’on puisse souhaiter !) : l’absence totale de cartels ! Impossible de comprendre comment un musée, qui plus est historique, se permet d’accueillir ses visiteurs sans indiquer l’origine, la date, l’auteur des oeuvres (peintures, gravures, affiches, statues, meubles, vêtements et objets) exposées !
La perplexité vaguement évacuée par la promesse d’une mise en place des panneaux explicatifs « d’ici le 30 juin », l’on peut suivre avec plaisir le fil de l’histoire de la belle ville de Nice. Car le compliment est là : le musée fait preuve d’une simplicité et d’une clarté très agréables pour retracer les grandes lignes de l’histoire assez complexe de Nice, qui est passée de l’Italie à la France et de la France à l’Italie un certain nombre de fois.

Le flash-back présenté débute avec les guerres d’Italie et les prouesses, dûment récompensées (il est élevé au grade de maréchal en 1804) du commandant Masséna auprès de l’armée de Napoléon Bonaparte.
L’on apprendra que le département des Alpes-Maritimes fut créé deux fois : d’abord en 1793, après la prise de la ville (alors partie des états du roi de Sardaigne) par les révolutionnaires français ; occupation à laquelle il sera mis en fin en 1814 par le Traité de Paris. Puis en 1860, nouvelle création du département, lorsque le roi Victor-Emmanuel II restitue la localité à Napoléon III en remerciement de son aide militaire contre les Autrichiens qui occupaient le nord de l’Italie.

La belle région niçoise, grâce à son cadre, sa lumière et son climat séduira alors tout ce que le monde contient de riches oisifs : après les Anglais (qui y venaient dès le XVIIIème siècle), les Russes (quoique ceux-ci se raréfient après la révolution bolchévique), qui laisseront la place aux Américains dans l’entre-deux guerres et enfin les Européens du Nord.

A partir du XIXème siècle, la ville connaît donc une formidable expansion.
Chemin de fer (1864), Carnaval résuscité (1873), palaces face à la mer, le tout construit avec l’aide d’une immigration transalpine abondante, et auréolé de l’inspiration que les artistes, peintres et écrivains y trouvèrent : la réputation de la Riviera devenue peu à peu Côte d’Azur était faite.
Sa célèbre promenade était, elle, réalisée dès 1822 : au départ simple chemin de terre tracé à l’initiative de la communauté anglaise, la ville l’aménagea en 1844, y déplaçant dès lors le centre de la vie mondaine.

Musée d’Art et d’Histoire – Masséna
Palais Masséna
65, rue de France et 35, promenade des Anglais – Nice
Tél. (+33) 04 93 91 19 10
Fax (+33) 04 93 82 39 79
TLJ sauf le mardi de 10h à 18h
Entrée à tarif réduit jusqu’au 30 juin : 2,50 €

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Entrée libre au Musée National du Moyen-Age

La Dame à la Licorne, A mon seul désirLe Musée National du Moyen-Age fait partie des quatorze musées et monuments nationaux français pour lesquels la gratuité est expérimentée depuis le début de l’année et jusqu’au 30 juin prochain. (1)

Dès le premier week-end de janvier, Parisiens et touristes s’y sont pressés. Favorable a priori à l’accès le plus libre possible à la culture, l’on en sort en s’interrogeant sur le bien-fondé de la décision politique pour le musée du Moyen-Age en particulier.

La dimension modeste des salles, qui tient à l’architecture du bâtiment, la faiblesse de l’éclairage, l’entassement des oeuvres et le manque de lisibilité du parcours d’ensemble sont autant de facteurs d’embouteillage qui ne plaident pas en faveur de l’ouverture au plus grand nombre au même moment. Ajoutons à cela que les cartels sont tout petits (et vieillots), et que bien des fois l’on ne sait où se poser pour lire les fiches de salles, pourtant d’une grande qualité en matière d’explications.

Surtout, le manque d’espace sied particulièrement mal aux oeuvres médiévales, qui exigent souvent du recul, comme les statues ou les retables. Et que dire de la minuscule salle des vitraux, qui présente notamment des vitraux de la Sainte-Chapelle ? Le nez collé dessus, on balance entre rage et pitié.
Quant aux chapiteaux, ils mériteraient d’être isolés les uns des autres et de pouvoir être vus aisément sous leur quatre côtés.
Les frustrations qui en découlent, liées au lieu lui-même, deviennent plus aiguës lorsque le musée se remplit.
Mais le problème est le même pour les oeuvres plus petites dans les vitrines, telles ces petites châsses-reliquaires et autres objets liturgiques en ivoire sculpté au rez-de-chaussée. La finesse des décors mériterait tranquille observation…

Dans ces conditions, faut-il y aller ?
La réponse est oui, bien sûr, car le Moyen-Age est une période aussi longue (dix siècles !) que passionnante sur le plan artistique, qu’il s’agisse de l’architecture ou de de tout ce qui a trait à l’iconographie.
Donc, on y reviendra, ne serait-ce que pour admirer La Dame à la Licorne, chef d’oeuvre du XVème siècle, qui, elle, bénéficie d’une belle présentation, dans une salle semi-circulaire faite pour elle.
Mais l’on se rappellera aussi que la meilleure façon d’apprécier l’art médiéval est certainement d’aller le voir là où il est, à savoir dans les églises, les abbatiales et les cathédrales. La France (et pas seulement !) en déborde dans tous ses coins. On y admire in situ chapiteaux, vitraux, tympans, statues et trésors, dans l’ambiance pour laquelle ils ont été faits : celle de la déambulation pieuse ou rêveuse, du retrait et du recueillement.
Ce qui n’est pas forcément le programme réservé au Musée du Moyen-Age pour les six mois à venir.

Musée National du Moyen-Age
Thermes et hôtel de Cluny
6, place Paul Painlevé – Paris 5ème
M° Cluny-La Sorbonne / Saint-Michel / Odéon
Bus n° 21 – 27 – 38 – 63 – 85 – 86 – 87
RER C Saint-Michel / l B Cluny – La Sorbonne
TLJ sf le mardi, de 9 h 15 à 17 h 45
Entrée libre jusqu’au 30 juin 2008

(1) Participent à l’expérimentation :
A Paris et en région parisienne : le musée Guimet, le musée du Moyen-Age, le musée des Arts et Métiers, le musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), le musée national de la Renaissance d’Ecouen (Val-d’Oise) et le musée de l’Air et de l’Espace du Bourget (Seine-Saint-Denis).

En province : le musée de la Marine de Toulon, le musée national Adrien Dubouché à Limoges, le musée Magnin à Dijon, le palais du Tau à Reims, le palais Jacques Coeur à Bourges, le château d’Oiron, le musée national du château de Pau et le château de Pierrefonds.

Pour les 18-26 ans, accès gratuit dans quatre musées nationaux parisiens un soir par semaine entre 18h et 21h : le mercredi pour le musée d’art moderne du centre Pompidou, le jeudi pour le musée d’Orsay, le vendredi pour le Louvre et le samedi pour le quai Branly.

Image : Musée National du Moyen-Age, "La Dame à la Licorne, A mon seul désir", XVème siècle

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La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage

La Méditerranée des Phéniciens, Institut du monde arabeLes Phéniciens sont connus pour avoir été le peuple de marchands et de navigateurs qui, au cours du 1er millénaire avant J.-C., depuis la côte du Levant (actuel Liban) aux côtes italiennes et espagnoles en passant par le nord de l’Afrique, la Sardaine, les îles égéennes, Malte et Chypre… a essaimé sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Leur civilisation garde pourtant, aujourd’hui encore, une part de mystère.

Peut-être parce qu’elle n’a pas laissé d’architecture de taille, peut-être en raison de l’éclectisme de son art, les explorateurs qui ont redécouvert les civilisations de l’Antiquité au XIXème siècle se sont moins intéressés à la Phénicie qu’à l’Egypte, à la Mésopotamie et à la Grèce.
Il faut ajouter à cela que peu d’écrits ont été retrouvés : quelques inscriptions sur des objets mobiliers et des stèles, mais point de littérature.
Ce qui ferait presque oublier que les Phéniciens ont inventé l’alphabet qui est à l’origine, notamment, de l’alphabet araméen (dont sont issus l’hébreu et l’arabe) et de l’alphabet grec, lequel, par l’intermédiaire des Etrusques a donné naissance à notre alphabet latin.
Ce que l’on sait d’eux provient donc surtout des témoignages que nous ont laissés leurs voisins, rapportés dans la Bible et les récits d’Homère, mais aussi des objets d’art et d’artisanat qui ont été retrouvés.
L’exposition de l’Institut du Monde Arabe, en éclairant certains éléments de leur production, de leur rites et de leurs croyances permet d’appréhender l’aspect à la fois métissé et original de leur culture.
Ainsi par exemple, les Phéniciens ont emprunté aux Egyptiens la pratique d’enterrer les morts dans des sarcophages anthropoïdes. Si les premiers de ces étonnants sarcophages, souvent faits de marbre importé de Paros étaient de style égyptien, ils prirent ensuite une allure grecque très marquée.
Pour décorer les objets mobiliers, ils adaptent à leur manière les motifs égyptiens et proche-orientaux anciens, tels le griffon (corps de lion, tête et serres de rapace), mais aussi le scarabée, le sphinx, le lotus, le papyrus, la palmette…
De petits médaillons sont l’occasion d’admirer cette iconographie composite et singulière. Mais surtout, les très belles coupes en argent, argent doré ou bronze, finement ciselées, le plus souvent à usage de présents diplomatiques, révèlent le savoir-faire des Phéniciens en matière d’orfèvrerie.
Grâce à leur commerce à grande échelle, ce sont eux qui ont répandu l’usage de l’encens dans tout le bassin méditerranéen : les thymiatères, ou brûle-parfums, qui étaient réservés aux cérémonies religieuses, font en effet partie de leurs créations originales.
Plus anecdotiques mais charmants, les tridacnes, grands coquillages originaires des mers chaudes étaient décorés et gravés pour servir de palette à fards : l‘umbo (charnière fixant les deux valves du coquillage) était fréquemment travaillé en ronde-bosse en forme de tête féminine évoquant une sirène.

Les Phéniciens, rois du commerce, transportaient dans les soutes de leurs navires tant de marchandises et de toutes sortes que l’on ne peut se contenter du trait quelque peu méprisant d’Homère décrivant des "marins rapaces dont les noirs vaisseaux emportent mille camelotes". D’une part, parce qu’ils ont fait preuve d’un art parfois très raffiné. Et surtout parce que, de l’alphabet à l’encens en passant par épices et productions artisanales, ces "colporteurs" ont à travers ces mille objets contribué à l’enrichissement et à l’échange entre les civilisations du bassin méditerranéen.

La Méditerranée des Phéniciens, de Tyr à Carthage
Institut du Monde Arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, Paris 5ème
Jusqu’au 20 avril 2008
Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Les week-ends et jours fériés de 10h à 19h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
Entrée 10 € (TR 8 € et 6 €)
Visite conférence 13 € (TR 11 € et 9 €) Tous les jours sauf le lundi à 14h30 et 16h.
IMA PASS (Musée & Exposition) : 12 € (TR 10 € et 8 €)
Catalogue de l’exposition (IMA / Somogy), 408 p., 59 €

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Le château de Seix, Centre d'interprétation des vallées du Haut-Salat

Château de Seix, centre d'interprétation du patrimoineComment les hommes et les femmes vivaient autrefois dans le Haut-Couserans et plus largement dans les Pyrénées, à l’époque où n’existaient ni routes ni automobiles ?

En parcourant le passionnant Centre d’interprétation des vallées du Haut-Salat au château de Seix (Pyrénées ariégeoises), on réalise que pendant des siècles, les modes de vie pyrénéens n’ont pratiquement pas changé.

Il faut attendre l’avènement de la révolution industrielle pour que ce « modèle » stable vole en éclats, laissant la place à un milieu géographiquement et économiquement marginalisé, ne devant sa survie, pour une grande partie, qu’au tourisme.
Si des éleveurs sont toujours en activité (et mis régulièrement sur le devant de la scène depuis quelques années avec l’affaire de la réintroduction de l’ours), ils ne sont que la survivance d’un pastoralisme autrefois dominant et ne peuvent masquer une transformation économique et sociale profonde.

L’enseignement le plus frappant de ce voyage dans l’histoire est d’ordre géographique finalement.
A savoir que la chaîne pyrénéenne ne fut pas toujours une barrière géographique pour l’homme !
A l’époque où il ne se déplaçait qu’à pied ou à cheval, les communications étaient presque aussi lentes en plaine qu’en montagne. En outre, comme les abords des rivières étaient soumis aux crues et étaient peu habités, les hommes ont évité d’établir les routes au fond des vallées…

Aussi, pendant longtemps, la montagne fut un territoire unitaire où les hommes se partageaient une culture et une vie économique commune.
Et la naissance de la frontière pyrénéenne n’a eu à cet égard que peu d’impact : en empruntant les nombreux sentiers de montagne, qui traversaient champs et villages, il n’étaient pas plus compliqué pour les habitants de la montage de se rendre en Espagne que de gagner la plaine.
Les échanges commerciaux entre la France et l’Espagne – en partie réalisés par colportage – allaient de soi, les différentes productions des deux versants se complétant : bétail, grain et vin quittaient la France pour l’Espagne, quand huile, sel et laine faisaient le chemin inverse.
Ajoutons que certains sentiers peu surveillés permettaient à une contrebande active de faire circuler bétail français et tabac, monnaie et sel espagnol, en dehors de tout contrôle douanier…
Mais les déplacements ne se limitaient pas aux marchandises : le décalage dans l’année des travaux des champs entre le nord et le sud des Pyrénées conduisait les paysans à enchaîner les « saisons ».

Les liens entre les habitants, qui impliquaient également des solidarités traditionnelles entre les populations autour du pastoralisme, n’étaient pas uniquement d’ordre économique.
Les hommes et les femmes ont longtemps partagé une vie religieuse commune, se déplaçant et participant aux mêmes fêtes et manifestations.
L’art roman est le reflet de cette unité. Il s’est épanoui sur toute la chaîne et les édifices romans étaient souvent réalisés par les mêmes artistes qui circulaient de Toulouse à la Catalogne.

Quelle était la nourriture habituelle des montagnards ?
A quoi servaient les granges ?
Qu’appelle-t-on « estive » ?
Quelles tâches de travail incombaient aux femmes ?
Pourquoi les habitants ont-ils quitté la montagne ?

Le Centre d’interprétation répond à ces questions et à de nombreuses autres, mettant en lumière ce « jadis », qui a persisté jusqu’au XIXème siècle, héritier d’une société millénaire que le pastoralisme avait façonné de manière unitaire.

A côté des explications simples et claires, des photos anciennes, des films, des maquettes raviront toutes les générations.

Abrité dans le château de Seix joliment rénové pour l’occasion, le Centre d’interprétation des vallées du Haut-Salat, moderne et savant, fournit à tous les amoureux des Pyrénées une approche indispensable – et souvent émouvante – qui permet de mieux comprendre le monde montagnard d’aujourd’hui.

Centre d’interprétation des vallées du Haut-Salat
Château de Seix (Ariège)
Tél. : 05 34 14 02 11
Office du tourisme du Haut-Couserans
Tél. : 05 61 96 00 01 (Mlle Pauline Chaboussau)
Entrée libre
Visites guidées gratuites

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