Jacqueline Kiang. Sentiers insoupçonnés

Jacqueline Kiang à la galerie Frédéric Moisan, Paris

Frédéric Moisan est un galeriste parisien dont on aime suivre les choix, tant les artistes qu’il expose présentent dans leur diversité et celle de leurs supports une grande cohérence. L’on a pu admirer dans sa galerie par exemple les photos de François Sagne, les œuvres sur papier de Denis Polge, les photos retravaillées de Bernard Guillot… Des artistes reliés entre eux par un même fil, celui de la poésie et de la rêverie.

Jacqueline Kiang, que Frédéric Moisan présente pour la deuxième fois, appartient bien à cette lignée. Cette femme aux longs cheveux gris, élégante et naturelle, peau fine et attaches délicates, explique avec sa gentillesse et sa courtoisie extrêmes que si son âge ne lui permet plus de voyager comme autrefois, c’est à travers son art qu’elle le fait désormais et retrouve de beaux souvenirs.

Son accent new-yorkais natal semble s’être mâtiné au fil du temps d’autres influences. Avant même de lui demander lesquelles, ses œuvres nous mettent sur la voie de l’Italie, où elle a effectivement vécut de nombreuses années et qui l’on profondément marquée.
Ses œuvres sur papier – une quarantaine est actuellement visible sur les murs de la galerie – associent différentes techniques (éléments gravés, collages, aquarelle, gouache, encre…) pour former des compositions extrêmement équilibrées, solides malgré leur apparente légèreté et leur petit format de 40 cm x 30 cm.
Elles "installent" d’emblée le regard, sollicitant l’imagination tant par leurs splendides couleurs nuancées que par leurs formes, composant des ensembles aux approches multiples.

Si les titres ou les inscriptions de certaines œuvres sont des hommages directs à l’Italie, le pinceau de Jacqueline Kiang parle aussi de lui-même, choisissant une palette lumineuse d’ocres, de mauves, de bleus méditerranéens qui parfois autour d’espaces blancs font place à davantage de clarté encore, quand les formes évoquent tour à tour la densité architecturale, la légèreté du linge, la transparence de l’air et de l’eau.
Outre la palette impressionniste, l’on retrouve aussi la délicatesse orientale et la minutie ornementale des miniatures : nul doute que ce que Jacqueline Kiang, aujourd’hui installée à Paris, restitue sur le papier est une vie extraordinairement riche en observation, en rencontres, et en amour de la beauté.

Jacqueline Kiang
Sentiers insoupçonnés
Technique mixte sur papier
Galerie Frédéric Moisan
72, rue Mazarine – Paris 6ème
Du mardi au samedi de 11 h à 19 h
Ouvert exceptionnellement pendant l’exposition les dimanches de 15h30 à 19 h
Jusqu’au 3 mars 2012
Entrée libre

Durant l’exposition, Frédéric Moisan présente dans un espace de sa galerie un accrochage de ses artistes permanents.

Image : Secrets d’automne, 2010, technique mixte sur papier

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Marcel Storr. Bâtisseur visionnaire

Bâtisseur Visionnaire

Quel est cet inconnu dont on ne sort qu’aujourd’hui les superbes dessins merveilleusement colorés ?
Un bâtisseur un peu fou, maintenant mort depuis 30 ans, et dont on ne découvre l’œuvre que grâce à la passion d’un couple bombé amoureux de ses dessins. Par bonheur, ils sont dans leur totalité (une soixantaine s seulement, mais quel travail derrière chacun d’eux !) visibles jusqu’au 31 mars au Carré Baudouin dans le 20ème arrondissement de Paris.

L’exposition est un voyage dans un autre monde construit de toutes pièces par un "non-artiste", au sens où Marcel Storr s’est fait tout seul après une enfance digne des Misérables, orphelin devenu sourd après avoir été battu dans la ferme où il était placé, n’ayant jamais appris les techniques des beaux-arts, mais ayant passé sa vie à dessiner, totalement dans l’ombre après ses journées de travail physique – il a été tour à tour balayeur, empierreur aux parcs et jardins de la Ville de Paris…

Sa production artistique s’échelonne de 1930 (il n’avait alors pas 20 ans) à 1975. Le parcours, chronologique, montre une grande évolution sur cette longue durée. Si l’on y retrouve toujours un art du dessin extraordinaire (malgré un non-académisme donnant lieu à une interprétation parfois fantaisiste des règles de la perspective), un soin du détail obstiné, un goût exclusif pour le motif architectural monumental qui remplit tout le papier, en revanche plus Marcel Storr avance dans son œuvre, plus il élève et élargit ses représentations.
D’abord, ce ne sont que des cathédrales, puis des tours immenses – le conduisant parfois au polyptyque. Enfin, ce sont carrément des mégapoles sur grands formats où, dans une ambiance futuriste, la place laissée à l’humain est toujours aussi réduite – au plus, de minuscules traits noirs.

Marcel Storr, exposition au Carré BaudoinLes couleurs qu’il passait ensuite avec un soin toujours aussi poussé sur un papier buriné par la pointe de sa plume sur-appuyée sont splendides, chaudes, faites de jaunes, d’oranges, de rouges et de violines chatoyants.
Comme si par les couleurs Marcel Storr venait enchanter quelque peu un monde de constructions étouffant, écrasant, d’une effrayante modernité.

Marcel Storr
Bâtisseur visionnaire
Pavillon Carré Baudouin
121 rue de Ménilmontant – Paris 20°
Du mardi au samedi de 11 h à 18 h
Jusqu’au 31 mars 2012
Entrée libre

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Signé Dalí – La collection Sabater

Signé Dali, la collection SabaterVivante ! Tel est le mot qui qualifie le mieux l’exposition tout juste commencée à l’espace Dalí haut perché sur la butte Montmartre.
Après avoir été présentée durant deux ans au musée de Cadaquès, elle s’installe jusqu’au mois de mai dans le seul musée de France entièrement dédié à l’artiste surréaliste catalan.
L’on y découvre, autour des sculptures appartenant à l’espace Dalí, une centaine d’œuvres dédicacées par Salvador Dalí à son secrétaire particulier et ami Enrique Sabater – qui en possède quelque trois cents.

Pour l’histoire, les deux hommes font connaissance en 1968, alors que Sabater est un jeune journaliste venu l’interviewer à son atelier de Port Lligat en Catalogne. La conversation s’installe et Dalí lui dit de revenir le sur-lendemain pour poursuivre les échanges. Et ainsi de suite de jour en jour, si bien qu’une amitié se construit progressivement. Au bout de quelques années, Sabater devient non seulement le comptable, le conseiller, le chauffeur, le garde du corps et l’attaché de presse de Dalí, mais aussi le complice de la vie quotidienne du couple qu’il forme avec Gala. Ce lien durera jusqu’en 1981, soit plus de douze ans.

L’exposition témoigne pleinement de cette confiance. Y sont présentés pêle-mêle, dans une ambiance un peu foutraque absolument délicieuse, photos, livres, dessins, huiles, aquarelles, maquettes et gravures tous dédicacés de la main du maître à son ami.
A travers ces œuvres, c’est tout un univers qui s’ouvre au visiteur : celui d’un artiste brillant, profondément enraciné dans la culture littéraire classique et en même temps révolutionnaire, mais aussi d’un homme d’amour (quelle tendresse se lit sur les photos le montrant avec Gala !) et d’amitié, qui octroyait avec générosité les dédicaces aux personnes qu’il aimait – les œuvres exposées en sont la preuve matérielle.

Exposition Signé Dali à l'espace DaliL’image publique du mégalomane se pavanant tel un paon faisant la roue est remise à sa juste place derrière le témoignage d’Enrique Sabater qui révèle combien cette attitude était calculée : "Dalí et Gala étaient des gens simples. Leur vie à Port Lligat, c’était la routine : Dalí peignait durant de longues heures et Gala lui lisait ses textes préférés pour le relaxer. Dalí me demandait toujours de lui rappeler la visite d’un journaliste cinq minutes avant, pour qu’il mette son "costume d’interview". Dès qu’il était en présence d’un inconnu, son ton changeait, il se métamorphosait pour interpréter son rôle".

Il faut prendre le temps de déambuler au milieu des œuvres pour ressentir l’extraordinaire vitalité qui s’en dégage : liberté absolue, inventivité débridée, mais avec toujours un fini soigné, des couleurs qui font mouche, des lignes virtuoses – ses splendides dessins à l’encre de chine évoquent une calligraphie traditionnelle qui aurait pris ses aises…
On en ressort tout régénéré, avec l’avis que le charme du surréalisme a aujourd’hui encore de beaux jours devant lui, tant l’on a besoin de sa fantaisie et de sa légéreté, qui chez le Catalan s’épanouissent avec une grâce particulière.

Signé Dalí – La collection Sabater
Espace Dalí
11 rue Poubot – Paris 18ème
M° Anvers, Abbesses, bus 54, 80 et Monmartrobus
TLJ de 10 h à 18 h
Entrée plein tarif 11 €
Jusqu’au 10 mai 2012

Images :
A Sabater, Paysage de l’Empordà, huile sur cuivre – 18 x 23,7 cm – 1978 © Collection Enrique Sabater
A Sabater, une accolade sur le Quin Elisabet (sic) Encre sur papier – 28,5 x 44 cm – 1975 © Collection Enrique Sabater

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Calamity Jane. Théâtre de Paris

Calamity Jane au théâtre de ParisCalamity Jane exista bel et bien, elle vécut durant la seconde moitié du XIXème siècle dans l’Ouest américain, où elle mena une existence tellement hors normes pour une femme de son époque que son nom est rapidement entré dans le patrimoine commun. A tel point que celle qui est née Martha Jane Canary est avant tout devenue un personnage de légende : dans sa biographie se mêlent éléments historiques et fictions en tous genres. Même, selon certains experts, les fameuses lettres à sa fille auraient été inventées de toutes pièces !!

Loin de ces débats d’historiens, la Calamity Jane de Jean-Noël Fenwick, interprétée par Clémentine Célarié et mise en scène par Alain Sachs est parfaitement dans la tradition du personnage : une jeune femme livrée à elle-même dans le Grand Ouest qui pour travailler et par goût se fait « garçon », chevauchant sans peur ni reproche, tirant à la carabine, buvant, jurant et se gouvernant elle-même avec une incommensurable soif d’indépendance et un tempérament de tous les diables.
Elle rencontre Wild Bill Hickok, l’épouse clandestinement, a une fille de lui, divorce, abandonne la petite à des parents adoptifs, poursuit sa route en enchaînant les jobs de durs les plus variés, mais toujours le cœur sur la main, envoyant de l’argent à sa fille et aidant malades et nécessiteux.

Tous ces extrêmes se retrouvent bien sur la scène du théâtre de Paris, incarnés par une Clémentine Célarié toujours incroyable d’énergie et de force d’émotion, et une troupe de comédiens fort à l’aise autour d’elle, à commencer par Yvan Le Bolloc’h en Bill Hickok conforme lui aussi à sa légende.
De cabane en saloon sur fond de désert indien, changement de décor à l’appui de chaque scène, l’on passe en revue autant de tranches de vie qui mises bout à bout restituent l’existence dure, à la fois amusante et émouvante de cette chère Calamity, l’une des premières féministes de l’Histoire…
La mise en scène est de la belle ouvrage, huilée et sympathique, qui porte le spectateur sans dommage jusqu’au bout, mais sans le surprendre non plus, comme si Alain Sachs avait voulu restituer sur les planches l’imagerie la plus classique du Far West, véhiculée durant des décennies à travers films et bandes dessinées sur des ressorts qui semblent aujourd’hui presque désuets.

Calamity Jane
Théâtre de Paris
Pièce de Jean-Noël Fenwick
Mise en scène d’Alain Sachs
Avec Clémentine Célarié, Yvan Le Bolloc’h, Philippe Du Janerand, Isabelle Ferron, Pierre-Olivier Mornas, Tatiana Goussef, Gilles Nicoleau, Michel Lagueyrie, Fannie Outeiro, Patrick Delage, Cyril Romoli, Jordi le Bolloc’h, Cédric Tuffier et Satan le cheval
Du 24 janvier au 19 février 2012
Du mar. au sam. à 20h30, le sam. à 17h et le dim.à 15h30
Billets de 18 € à 65 €
M° Trinité d’Estienne d’Orves, Saint Lazare, Liège, Blanche
Bus: 26, 32, 43, 68, 74, 81 rn

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Les masques de jade mayas à la Pinacothèque

Masques de jade Mayas, PinacothèqueAprès l’or des Incas, la Pinacothèque de Paris poursuit son exploration des cultures pré-hispaniques, avec cette fois la découverte de la culture Maya et notamment ses fameux masques de jade.

Apparue aux alentours de -2000 ans en Amérique Centrale (au niveau des actuelles zones du Yucatan et du Chiapas au sud du Mexique, et du Honduras, du Salvador et du Guatemala), la civilisation Maya a connu son apogée à la période dite Classique, entre 250 et 900 de notre ère. L’essentiel des objets exposés proviennent de cette époque.

Le parcours est un ravissement tant sur le plan esthétique qu’historique. Masques, stèles, éléments de vaisselle, bijoux… permettent d’aborder les fonctions symboliques attribuées à ces objets et à travers elles le monde de croyance de cette brillante culture.

Autant chez les Incas, le divin était matérialisé à travers l’or, autant les Mayas attribuaient au jade le pouvoir sacré. Ces masques, découverts récemment au Mexique, faits de mosaïques de pierre verte à laquelle étaient ajoutés d’autres matériaux servaient à représenter les divinités, et notamment l’une des plus importantes du panthéon Maya, K’awill, le dieu du maïs garant de la continuité des cycles cosmiques. Lors des cérémonies rituelles, ils étaient portés par les dignitaires ainsi parés du pouvoir d’intercéder avec le divin. D’autres masques représentaient les visages des dirigeants mayas. Placés près de la dépouille, ils faisaient partie du "trousseau funéraire", avec colliers, bracelets, et autres ornements. L’exposition reconstitue des tombeaux, où l’on voit également, à côté du défunt, des récipients en céramiques, des vases tétrapodes, des petits tapis de coquillage… Tous ces éléments témoignaient de la transformation que les défunts subissaient lorsque leur essence spirituelle quittait leur dépouille mortelle.

Pinacothèque de Paris, MayasDes stèles en pierre permettent de découvrir la finesse et le style géométrique des sculptures, où règnes animal et végétal, comme sur les maques, se mêlent à l’humain. Les inscriptions révèlent la complexité et la beauté de leur système d’écriture, composé de glyphes plutôt circulaires. On trouve ces écrits sur des stèles de calcaire, mais aussi sur des objets funéraires, par exemple sur des hachettes de jade placées sous un pectoral et retrouvées dans une tombe sur le site de Calakmul.
L’utilisation des coquillages montre l’importance de l’océan pour les Mayas, qui avaient une vision tridimensionnelle du cosmos, céleste, souterrain et marin.
A côté des reliefs archéologiques (fabuleusement conservés et restaurés) la symbolique maya est décryptée : ainsi, les attributs du jaguar qui enrichissent la visage du défunt sur un masque renvoient à cette créature de la nuit censée accompagner le défunt et lui transmettre ses pouvoirs dans le monde souterrain, tandis que sur un autre, les crocs d’un reptile viennent figurer le serpent du souffle divin.
Passionnant !

Les masques de jade mayas
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – 75008 Paris
TLJ de 10h30 à 18h30, jsq 21h les mer. et ven.
Le 1er mai, ouverture de 14h à 18h30
Entrée 10 €
Jusqu’au 10 juin 2012

Images :
Masque funéraire en mosaïque de jade, Tombe 1, structure VII, Calakmul, Campeche, Classique tardif, 660-750 apr. J.-C., Mosaïque de jade, Spondylus princeps, Pinctada mazatlanica et obsidienne grise, 36,7 x 23 x 8 cm Musée d’Architecture maya, Fuerte de la Soledad, Campeche © Photo: Martirene Alcántara/INAH
Stèle avec le relief d’un personnage qui porte le sceptre de K’awiil, Structure 1, Calakmul, Campeche, Classique Haut-relief de calcaire, 99 x 69 cm, Musée Fuerte de San Miguel, Campeche © Photo: Martirene Alcántara/INAH

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Correspondance New Yorkaise. Depardon à l'Alcazar

Exposition Correspondance New-yorkaise à l'Alcazar, Raymond Depardon

L’Alcazar rue Mazarine à Paris, hier cabaret mythique, aujourd’hui élégant restaurant repensé par Terence Conran accueille jusqu’au 5 mars 2012 une courte mais exceptionnelle exposition de photos de Raymond Depardon.
Certes, ce n’est pas toujours pratique de se faufiler entre les tables pour les regarder, mais en y allant entre deux services, le matin ou l’après-midi, le champ y est assez dégagé pour profiter de chacune des 33 photographies.

Exposée pour la première fois hors les murs de l’agence Magnum, le reporter-photographe avait réalisé cette chronique new-yorkaise pour Libération au cours de l’été 1981.
Chaque jour, du 2 juillet au 7 août, il envoyait au journal une photo légendée de sa main. A l’époque, sans internet, il fallait s’organiser pour tirer et envoyer les photos quotidiennement. Sur place, il s’est appuyé sur l’aide logistique de la grande presse new-yorkaise. Quand il arrive dans les bureaux du New-York Times, personne ne connaît évidemment notre Libé français. Un jour il finit par trouver "le seul exemplaire de Libération de la ville" afin de le leur montrer. Mais assez vite, le picture director du journal lui dit qu’il ne peut continuer à travailler dans les bureaux… Le Times magazine prend alors le relais. Il se rend aussi au magazine américain Geo, où il photographie les lavabos des toilettes pour dames devant une grande baie vitrée donnant sur des gratte-ciels. Vertigineux. Le commentaire de Depardon l’est tout autant : "J’ai envie de faire des photos "à la chambre". J’ai envie de faire ma famille dans la Dombes. Je pense à la campagne… ça doit être la moisson maintenant !".
Depuis, on a vu le travail documentaire, les films de Raymond Depardon sur le monde paysan. Mais en 1981, il n’avait pas encore fait un tel "retour" et lire ces lignes écrites à cette époque et à New-York est extrêmement émouvant. Assurément, ces photos s’admirent (elles sont toutes superbes) autant qu’elles se lisent.

Correspondance New-Yorkaise, Depardon à l'AlcazarEn quelques lignes manuscrites, parfois deux, parfois dix, Depardon raconte l’atmosphère new-yorkaise : le 4 juillet, jour de l’Indépendance, il pleut, il n’y a presque personne. Visite de convenance à la Statue de la Liberté (atmosphère fort palpable sur le cliché pris sur le bateau pour s’y rendre).
Il y évoque sa solitude, les longs silences avec ses contacts locaux, car son anglais est bien pauvre. Alors qu’il indique "avoir dès le départ refusé de planifier comme un professionnel ou de visiter comme un touriste" et avoir "laissé les choses se faire au hasard des jours", le travail qu’il rend est remarquable : scènes ordinaires, mais ô combien typiques de New-York, cadrages à tomber, détails qui tuent, personnages qu’on a envie de connaître davantage…
Et toujours ce décalage immense. Il pense au Tchad, il pense à son film à poursuivre, il pense à un autre, qui serait tourné dans le désert, "un film épique, avec des châteaux forts et plein de figurants". En voyant les Unes des journaux locaux titrant sur les faits divers, il réfléchit à la violence, à l’image, au cinéma. Au Guggenheim, il pense au Guernica de Picasso, qui est (alors) encore au MoMA.
Surtout, ce qui revient le plus sous sa plume, c’est le vide, la tristesse de la ville en ce mois d’été, qui le renvoient à son isolement. Sentiment qui atteint son paroxysme sur les lieux de jeux, symboles du néant et de la misère humaine.

Après le 7 août, rentré en France, il retourne à la ferme du Garet de son enfance. Il fait du vélo avec sa petite-nièce, va voir les vaches. Va au cimetière sur la tombe de son père avec sa vieille mère. Ces photos font partie de l’exposition. On est à peine surpris, tellement Depardon est tout cela à la fois, grand reporter partout dans le monde et éternel enfant de sa terre.

« Correspondance New Yorkaise »
Raymond Depardon
L’Alcazar
62, rue Mazarine – 75006 Paris
Tel. : 01 53 10 19 99
Jusqu’au 5 mars 2012
Entrée libre

A lire aussi sur maglm, les chroniques sur :
Le film  »La vie moderne » de Raymond Depardon
L’exposition  »Terre natale » de Raymond Depardon et Paul Virilio
L’exposition "La France" de Raymond Depardon

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Diane Arbus au Jeu de Paume à Paris

Dame au chien et à la choucroute, Diane ArbusQuelle magnifique rétrospective ! Quelques 200 photographies, du jamais vu en France, de quoi retrouver les clichés les plus célèbres de Diane Arbus, mais surtout l’occasion d’en découvrir bien davantage.

Le parcours de l’exposition est simple et original : les photographies sont accrochées les unes à la suite des autres sans explication, section thématique ni ordre chronologique.
Puis deux salles présentent la vie, l’œuvre et les écrits de la photographe américaine née en 1923 et suicidée en 1971, sans qu’aucun éclaircissement sur cette fin tragique ne soit en définitive délivré. Cela étant, cette section finale est riche en enseignements et même ne laisse pas de surprendre.

Il faut commencer par quelques mots sur les photos elles-mêmes : Diane Arbus a photographié tout ce que les Etats-Unis des années 1950 et 1960 comptait de marginaux, incertains, curiosités : des géants et des lilliputiens, des jumeaux et des fœtus siamois, des travestis et des hermaphrodites, des bêtes de foire, des aveugles, des nudistes et des homosexuels… en un mot, tout ce qui de près ou de loin tenait de la "monstruosité" est passé sous l’œil sans concession, mais sans cruauté non plus de Diane Arbus.
Il y a aussi tous ceux qui portent des masques, véritables ou de circonstance, comme ces étranges lunettes en forme d’oiseaux ; ceux qui se "déguisent" dans de drôles de manteaux ou sous d’impressionnantes coiffes ; ceux et celles qui se fardent à l’excès, montent leur chevelure en haute choucroute…
Ce goût pour le travestissement, la photographe le trouve parfois dans une simple grimace, comme celle de l’enfant à la grenade que l’on a vu un peu partout ces derniers temps.
Quant aux veines de la différence et de l’anormalité, elle les poursuit jusqu’à la radicalité en réalisant une série sur les handicapés mentaux à la fin de sa vie.

Diane Arbus, exposition au Jeu de PaumeA la vue de tels sujets, on imagine chez cette femme qui s’est donné la mort à l’âge de 48 ans un tempérament fragile, voir un penchant morbide.
Les éléments biographiques présentés en fin de parcours rectifient ces a priori. Mariée deux fois, mère de famille, bosseuse, passionnée dans ses entreprises, reconnue dans son travail, Diane Arbus semble au contraire avoir mené une vie tonique, pleine d’allant et d’envies. Son propos, très social, parfois sociologique, éclaire merveilleusement son œuvre. Elle évoque les minorités avec beaucoup de simplicité. Loin du sentiment de compassion que l’on éprouve en regardant bien de ses clichés, Diane Arbus à l’inverse "dé-problématise" ses sujets. Sur les photos de concours de beauté ou de Monsieur Muscle, où elle nous place au niveau des spectateurs, en position de voyeur un peu gêné, elle tient un discours beaucoup plus large : elle inscrit en effet ces photos dans le cadre d’un inventaire de tout ce que la société américaine compte de rites et les appréhende de façon positive.
Le décalage entre ce que nous avons éprouvé en regardant son œuvre et ses propos apparemment tranquilles interdisent toute interprétation biographique de son travail, autant qu’il nous interroge sur notre propre perception et notre réception de ce que l’on appelle "la différence".

Diane Arbus
Jeu de Paume
1, place de la Concorde – Paris 8ème
Entrée 8,5 € (TR (5,5 €)
Consulter les nouveaux horaires sur le site du Jeu de Paume
Jusqu’au 5 février 2012

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Edvard Munch, l'Oeil moderne

Exposition Munch, l'Oeil Moderne à BeaubourgIl ne reste plus beaucoup de temps pour aller voir l’exceptionnelle exposition Munch (1863-1944) au centre Pompidou, qui fermera ses portes le 9 janvier prochain.

Exceptionnelle, elle l’est assurément puisqu’elle réunit à Paris des tableaux majeurs de la longue carrière du plus célèbre des peintres norvégiens, malgré tout bien peu connu en France en dehors du "Cri".

Au printemps 2010, le public français avait pu admirer à la Pinacothèque de Paris un bel ensemble de lithographies et de peintures. Ici, un programme différent permet de compléter à merveille la connaissance de la production de cet artiste passionnant.

Dans ses vastes espaces, le centre Beaubourg propose une fois de plus une exposition riche, lisible et très bien pensée, à travers 140 œuvres : des tableaux bien sûr, mais également des œuvres gravés et, ô surprise, des photos et même un bout de film, le tout réalisé par Munch. Grâce aux salles thématiques, préférées à un parcours chronologique, au terme de la visite on a l’agréable impression d’avoir "saisi" l’artiste.

Les deux premières salles sont formidables à tous points de vue. Elles présentent les mêmes sujets, traités à des périodes différentes, en commençant par celles du XIXème siècle. Toutes sont des chefs-d’œuvre : L’enfant malade, Puberté, Jeunes filles sur un pont, Baiser, Vampire, Les amants solitaires. La touche est douce, parfois marquée par l’impressionnisme, mais les sujets sont déjà totalement singuliers. Dès le début, Munch a exprimé des thématiques et des sentiments troubles et forts. On est à mille lieux de la peinture de paysage, d’histoire, de la scène de genre, de l’esthétisme.

Ce qui est sous nos yeux ce sont des personnages qui ne sont que souffrance, inquiétude, mélancolie, abandon. Même le tableau des jeunes filles, avec sa ligne de fuite caractéristique du style de Munch, semble plonger les calmes demoiselles dans une solitude infinie, dans un lointain vide et source de bien des questions.
Dans la salle suivante, les mêmes motifs se retrouvent, mais peints au XXème siècle. La touche a considérablement évolué. Entre temps, Munch a découvert Paul Gauguin et Vincent Van Gogh et cela se voit : coups de brosse détachés, formes simplifiées, parfois stylisées, impression d’inachevé : sa manière, synthétique, est bien celle de la pleine modernité. Il n’empêche que ses œuvres antérieures étaient déjà très modernes à bien des égards, que ce soit par le choix des sujets, par le cadrage (L’enfant malade vue du dessus) ou encore les compositions qui mêlent profondeur du regard et simplicité d’ensemble.

Ces deux salles sont l’occasion de souligner à quel point Munch a repris les mêmes thématiques tout au long de sa vie (six versions de L’enfant malade, une dizaine de Vampire, etc), animé par les mêmes problématiques existentielles mais sans doute épris aussi du besoin d’évolution. Or, quoi de mieux que de reprendre le même sujet pour constater comment on peut l’aborder différemment au fil du temps ?
Cette obsession se retrouve dans les salles consacrées aux autoportraits, qu’il s’agisse des peintures ou des photographies : Munch qui malgré ses problèmes de santé et ses souffrances morales a tout de même vécu jusqu’à 80 ans, n’a jamais cessé de se peindre ou de se photographier, réalisant ainsi une sorte de "journal" de soi-même, comme des écrivains l’ont fait à l’époque à leur manière.

L’importance que les nouveaux media ont eu pour Munch est également mise en évidence : le cinéma, la photo, le reportage de presse. Certains de ses tableaux montrant des "faits divers" (encore des scènes d’une folle gaité !) sont de véritables témoignages journalistiques. Cela étant, l’artiste va plus loin, grâce à son pinceau qui à la fois épure la forme et renforce les sentiments, montrant au fond des thèmes universels.
L’on découvre aussi un Munch "social", qui a peint de poignantes sorties d’usine, des groupes de travailleurs dans la neige…

Munch, l'Oeil moderne, expositions à PompidouLa neige, une autre voie magnifiquement exploitée par le peintre Norvégien, jamais en tant que sujet mais toujours au service du sujet. Voir par exemple sa scène inspirée de Van Gogh La nuit étoilée : une splendeur placée en face d’une autre Le Soleil, et dont, de l’une comme de l’autre, l’on est bien en peine de s’éloigner…

Edvard Munch, l’oeil moderne
Centre Pompidou – 75004 Paris
Métro Rambuteau
TLJ sauf le mardi, de 11h à 21h
Nocturne le jeudi jusqu’à 23h
Tarifs: 12 € plein tarif (9 € tarif réduit)
Jusqu’au 9 janvier 2011

Images : Puberté, Nasjonalmuseet et Le soleil, Munch Museet, Oslo © ADAGP

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Fra Angelico et les Maîtres de la lumière

Exposition Fra Angelico et les maîtres de la LumièreQuiconque a vu à Florence les fresques de Fra Angelico ornant le cloître, la salle capitulaire et les 44 cellules du couvent de San Marco n’a pu qu’en garder un souvenir ébloui. Près de 600 ans après leur exécution, elles imposent encore leur incroyable force, faite de sobriété, de sérénité et de douceur.

Fran Angelico, de son vivant Fra Giovanni était un frère Dominicain, un ordre prêcheur fondé en 1215 avec pour vocation de promouvoir un renouveau spirituel auprès des Chrétiens afin de contrer les superstitions et autres menaces d’hérésies.
Ce Toscan, né aux alentours de 1400 a mis tout son talent au service de la religion et de la prédication. Son succès à Florence fut tel que le Pape Eugène IV l’invita à travailler à Rome.

L’exposition du musée Jacquemart-André inscrit l’art du Frère des Anges dans le contexte pictural florentin, grâce à des œuvres de certains de ses contemporains : Strozzi, Balnovetti, Filippo Lii, Masolino di Panicale… mais aussi Gentile Fabriano dont un Saint-François recevant les stigmates capte immanquablement le regard. L’utilisation de la lumière – un or des plus chaleureux – et la précision des traits ont certainement marqué Fra Angelico, tout comme l’apparition de la perspective sous le pinceau de Masaccio.

Mais l’on voit surtout au fil du parcours l’affirmation d’un style propre (et évolutif bien sûr), fait de l’appropriation en une synthèse toute personnelle de l’état de l’art dans le premier quattrocento italien : un héritage gothique très fort, avec notamment l’utilisation des fonds et traits d’or de la lumière divine, une grand soin du détail venu sans doute de sa formation initiale à l’enluminure (l’exposition en montre de superbes exemplaires) auquel Fra Angelico mêle les apports de la Renaissance avec une grande maîtrise. Ainsi, son modelé des visages et des traits, ses expressions empruntent à l’humanisme renaissant, conférant à ses représentations religieuses une présence et une proximité nouvelles, dont la grâce qui s’en dégage dans le même temps est une autre marque du peintre.

Au delà des fonds d’or médiévaux, la lumière divine donne chez Fra Angelico des couleurs somptueuses, accrochant au manteau de la Vierge et aux vêtements des Saints de ses tempera sur bois d’ondoyants reflets. Aux teintes claires d’un magnifique Couronnement de la vierge (venu des Offices) inondé de lumière répondent la profondeur des bleus et des rouges de ses Vierge d’humilité, dont celle venue de Turin, daté de 1450, un véritable chef d’œuvre.
Moderne, Fra Angelico l’est aussi dans son utilisation de l’architecture et de la profondeur comme cette Vierge le prouve, mais aussi ses ensembles narratifs, telle que la prédelle Naissance et vocation de Saint-Nicolas, aumône aux trois jeunes filles pauvres.

En fin de parcours, prendre le temps de détailler les compartiments de l’Armoire des ex-voto d’argent, panneaux prêtés par le musée San Marco, où à travers 11 scènes bibliques partant de la Montée au calvaire et aboutissant à la Loi d’Amour, le peintre des Anges met une fois de plus son art au service de la foi sans renoncer à une merveilleuse simplicité.

Fra Angelico et les Maîtres de la lumière
Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann – 75008 Paris
TLJ de 10h à 18h
Nocturnes les lundis et samedis jusqu’à 21h30, sauf les 24 et 31 déc.
Nocturnes exceptionnelles les 27, 28, 29 et 30 déc., 8 et 15 janv.
Plein tarif 10 €, TR 8,5 €, audioguide 3 €
Jusqu’au 16 janvier 2012

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Golgota picnic au Théâtre du Rond Point

Golgota picnic, théâtre du Rond-Point

Golota picnic est la pièce écrite et mise en scène par l’Argentin installé à Madrid Rodrigo García, créée en Espagne cette année, et dont on a beaucoup parlé, sans trop évoquer précisément son contenu. Le « bruit » médiatique a en effet concerné essentiellement les réactions violentes qu’elle a suscitées de la part d’un groupe d’excités ultra-catholiques lorsqu’elle a été donnée pour la première fois en novembre en France, au théâtre Garonne à Toulouse.
Une fois constaté qu’il s’agit une fois de plus d’une chapelle d’extrême-droite qui profite de l’événement pour faire de la publicité pour sa propre boutique, et que le dispositif policier installé à Paris met le spectacle et ses spectateurs à l’abri de cette violence, le moment semble venu de parler de la pièce elle-même.

Pour tout dire, l’on en sort plutôt groggy. Et puis finalement, 48 h après, la profondeur de la pièce l’emporte sur ses aspects (très) désagréables.
Pour résumer, il s’agit d’un bon, voire à certains passages d’un très bon texte, mis en scène de façon outrancière et erratique, et suivi d’un long et merveilleux moment de musique.

Le texte est un discours de satire et de dénonciation poétique qui, loin de s’en tenir à la religion comme les manifestations le laissaient penser, concerne toute la société, ses mensonges et ses illusions, qu’il s’agisse du modèle économique inégalitaire, du consumérisme dépourvu de sens, du travail et même de la culture. Sur le christianisme, la charge, plutôt bien menée elle aussi, porte à la fois sur le mythe de Jésus, qui « fut le premier démagogue : il multiplia la nourriture pour le peuple au lieu de travailler coude à coude avec lui », et sur les représentations iconographiques sur lesquelles la chrétienté s’est enracinée, des scènes d’une grande violence. L’effet toxique que l’imagerie sanglante de la crucifixion a produit et continue de produire depuis deux mille ans amène d’ailleurs Rodrigo García à s’interroger, dans le même mouvement, sur les musées qui abritent les tableaux religieux et abreuvent notre culture aujourd’hui encore.

Les comédiens jouent le texte calmement (très bonne chose) mais rapidement, en castillan bien sûr et les non-hispaniques doivent lire vite pour ne pas perdre un mot de ce texte non dénué d’humour, au risque de louper un peu ce qui se passe sur scène. Cela n’est pas bien grave. Avec la caméra qui capte et retransmet tout en très gros plan sur l’immense écran, difficile de ne pas échapper aux « images » du spectacle, qui relèvent en grande partie de dispositifs excessifs. A la longue, l’excès a toujours tendance à tuer le propos. Faire prendre conscience de la violence des images par des effets violents, le procédé est classique et efficace, mais jusqu’à quel point ?
La scène est entièrement couverte de pains briochés pour hamburger, empestant la salle durant tout le spectacle de leur odeur fade et sucrée écœurante. Sinon, ce sont vers de terre, vomi, viande hachée sur la tête, sans compter les ébats mouillés de gel et de gouache de comédiens nus comme vers et exhibant tout le possible avec une conviction pas toujours partagée par le public. Inutile de s’appesantir davantage, on voit le genre : celui qui dégoûte, plus ou moins selon les sensibilités.

Puis tout se calme pour laisser la place à la musique pendant environ 45 mn, temps durant lequel l’Italien Marino Formenti interprète Les sept dernières paroles du Christ sur la croix de Haydn dans une réduction pour piano. C’est lent, très beau ; chacun des neuf mouvements est séparé d’un silence. Grande est l’envie, après cette foire visuelle, de fermer les yeux pour en profiter tranquillement. D’ailleurs, l’auteur de la pièce ne nous y a-t-il pas invité, faisant dire à l’un de ses comédiens : « sautez dans le vide du silence et de la solitude et profitez du recueillement ».
Mais un nombre certain d’individus sont incapables d’immobilité physique et mentale. Cela tousse et remue à qui mieux-mieux, quand cela ne quitte pas les lieux bruyamment. Quel dommage et quel oubli de l’Autre, celui qui est sur scène, et celui qui est dans la salle !
Les applaudissement sont ensuite faiblards : endormissement, agacement ? On l’ignore. Mais ce serait mentir que de dire que l’on n’est pas un peu sonné après plus de 2 h de spectacle si hauts en contrastes.

Golgota picnic
Texte, mise en scène et scénographie Rodrigo García
Au piano, Marino Formenti
Avec Gonzalo Cunill, Núria Lloansi, Juan Loriente, Juan Navarro, Jean-Benoît Ugeux
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt – Paris 8°
Salle Renaud-Barrault, à 20 h 30, dimanche à 15 h
En espagnol sur-titré, durée 2 h 10
Jusqu’au 17 décembre 2011

Production Centro Dramático Nacional / Madrid, production déléguée Théâtre Garonne / Toulouse, coproduction Festival d’Automne à Paris

Photo Golgota Picnic © Davir Ruano

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