
On lui en veut un peu, à Julie Brochen – et aussi à sa scénographe Julie Terrazzoni.
Pourquoi faire dire le texte à toute vitesse ? Pourquoi faire crier les comédiens ? Pourquoi couvrir parfois leur voix de musique, au point de rendre les mots inaudibles ?
Et non contente de nous troubler l’ouïe, pourquoi nous priver également de la vue ?
Julie Brochen fait courir les acteurs dans tous les sens sans que le procédé en ait toujours un, les dirige de façon outrancière (cris perçants des uns, minauderies de Jeanne Balibar dans le rôle de Lioubov) et, de surcroît, les conserve soigneusement dans une demi-pénombre, réservant sans doute le plaisir de les voir aux deux premiers rangs de l’orchestre.
C’est vraiment dommage. Le talent des comédiens n’est pas en cause, ni la beauté de la musique, encore moins celle des décors – les superbes volumes du plateau sont majestueusement occupés par d’anciennes verrières venant évoquer la splendeur révolue de la Cerisaie et les ravages du temps à travers des vitres brisées.
Le problème est que La Cerisaie est un texte magnifique, montrant des personnages passionnants, atypiques et attachants qui forment un ballet émouvant et amusant à la fois. Or, cette direction d’acteurs, qui sans doute se veut énergique et inventive, alors qu’elle n’est souvent que chichiteuse et ostentatoire, vient gâcher bien des passages, en particulier les longues tirades de Trofimov l’éternel étudiant, et de Lioubov la propriétaire, mais aussi les échanges avec et entre ses filles Ania et Varia. La pièce y perd donc beaucoup.
Deux personnages sont bien-heureusement tout à fait sauvés. Jean-Louis Coulloc’h interprète Lopakhine avec toute la netteté qui sied à ce personnage de fils de moujic devenu riche marchand, incarnant le triomphe de la vulgarité sur la poésie, du travail sur l’oisiveté, mais aussi de l’acquis sur le reçu. Il se trouble à merveille lorsqu’il se fait "bûcheron" (il était d’ailleurs déjà celui de Lady Chatterley dans le film de Pascale Ferran) et fossoyeur de la Cerisaie : la scène de retour de la vente aux enchères est sans doute la plus réussie de la soirée. Quant à André Pomarat, il fait de chacune des apparitions de Firs, le vieux serviteur, des moments d’humour et d’émotion souverains. Dans la scène finale – dont à nouveau l’on ne comprend guère le choix de mise en scène donnant à lire les didascalies au lieu de faire résonner pour de bon les coups de hache qu’elles indiquent -, il bouleverse en exprimant l’anéantissement de ce monde fait d’héritages, de splendeurs et d’asservissement.
La Cerisaie
Anton Tchekhov
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon – Paris 6e
Durée 2h10, sans entracte
Places 10 € à 32 €
Jusqu’au 24 Octobre 2010
Mise en scène Julie Brochen
Texte français André Markowicz & Françoise Morvan
Scénographie Julie Terrazzoni
Lumières Olivier Oudiou
Costumes Manon Gignoux
Musique Carjez Gerretsen & Secret Maker (Gérard Tempia Bondat & Martin Saccardy)
Avec Abdul Alafrez, Muriel Inès Amat, Jeanne Balibar, Fred Cacheux, Jean-Louis Coulloc’h, Bernard Gabay, Carjez Gerretsen, Vincent Macaigne, Gildas Milin, Judith Morisseau, Cécile Péricone, André Pomarat, Jean-Christophe Quenon, Hélène Schwaller
Créé le 27 avril 2010 au Théâtre national de Strasbourg
Production Théâtre National de Strasbourg
coréalisation Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris
Photo Franck Beloncle
Voici une exposition aussi inédite que fascinante.
C’est indéniablement le plus spectacle de théâtre vu depuis des mois et des mois. Il est donné à Paris jusqu’au 9 janvier prochain puis partira en tournée en 2011. Mais attention, le succès est au rendez-vous et il faut réserver longtemps à l’avance !
Avez-vous vu Laura ? Quelle que soit votre réponse, on ne sait qui envier le plus tant sa rencontre transforme ? Demandez à Waldo Lydecker, demandez à Mark McPherson, les protagonistes du film… demandez moi. Il y a tant à dire sur Laura, le film. Mais ce serait dévoiler l’intrigue. Alors je parlerai de Laura, la femme.
L’exposition qui ouvrira ses portes au public mardi 21 septembre entre en résonance avec l’actualité du moment – Journées du Patrimoine ce week-end, Biennale des Antiquaire au Grand Palais à Paris. Mais elle est en même temps tout à fait inédite.
Malgré tout, de grandes tendances se dessinent, résultant des choix des régimes politiques qui se sont succédé. Dans les premières années de 1800, apparaît le "Renouveau", où sont soulignés tous les symboles du savoir et de l’enrichissement, avec l’idée que du premier dépend le second. Voici donc le thème de l’Etude largement décliné, celui de l’eau, des motifs de blé, des cornes d’abondance, des fêtes de Bacchus et des quatre saisons. Les arts décoratifs – comme l’ensemble des arts – sont ainsi des vecteurs de propagande, où l’on voit les valeurs prônées par le régime symbolisées sur les objets.
Mais l’art des cultures andines ne se réduit pas à l’orfèvrerie : elles ont tout autant exprimé leur savoir-faire et leur talent créatif dans la céramique, comme en témoignent ces superbes vases et ces bouteilles à anse, ventrues, parfois très sculptées et le plus souvent richement colorées. La diversité stylistique des civilisations y est particulièrement visible. L’iconographie et la sculpture vont du symbolisme et du géométrique aux motifs zoomorphes et anthropomorphes (souvent hybrides d’ailleurs) – voire narratifs – les plus étonnants.
