Michel Orion. Ferré, Baudelaire et moi

Michel Orion, théâtre l'Ile saint Louis Tant que les poètes sont là… novembre ne nous aura pas, ni décembre, ni aucune autre nuit, si ce n’est la nuit étoilée qu’évoque Michel Orion lorsque, sur le col de Vence où il a passé son adolescence, il a écouté Léo Ferré et s’en est trouvé marqué à jamais.

Ce souffle poétique, celui-là même dont le grand Léo parlait peu de temps avant sa mort pour désigner ce qui resterait alors de lui, "comme un vent…", Michel Orion le ravive, le soir venu, dans l’adorable théâtre de l’ïle Saint-Louis, sur le quai d’Anjou, une salle "très baudelairienne" pour reprendre ses mots.
Une quarantaine de places, un accueil discret et charmant, puis c’est piano-voix, chanson et poésie, et cela pourrait durer toute la nuit.

Michel Orion chante Ferré, Baudelaire, mais aussi des textes et des notes de sa plume. Il a aimé Erik Satie, Boris Vian et cela se sent. De Satie, il raconte qu’à la fin de sa vie, retiré à Arcueil, il n’ouvrait plus les lettres qu’il recevait, mais qu’en revanche il y répondait toujours : "Anar, mais poli" remarque-t-il pour conclure.
Avec lui, l’on se sent si proche de ces artistes, si familier de la poésie, que l’on se dit que Baudelaire, Ferré et les autres sont hors le temps. Ils résonnent aujourd’hui comme ils résonnaient hier. Et ils vivront encore longtemps, à cette seule condition, que l’on sait infiniment gré à Michel Orion de faire respecter : qu’on dise la poésie, la chante, l’écoute. Encore et toujours, comme une grâce que l’on veut bien s’accorder à soi.

Michel Orion
Ferré, Baudelaire et moi
Théâtre de l’île Saint-Louis Paul Rey
39, quai d’Anjou – 75004 PARIS
M° Pont Marie ou Saint-Paul
Du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 17 h
Jusqu’au dimanche 28 novembre 2010
Places 15 € (étudiants de moins de 25 ans : 10 €)
Réservations au 01 46 33 48 65

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Hélène Ventoura. Le dernier numéro

Hélène Ventoura, Le dernier numéro, LucernaireCes femmes qui font les clowns, elles ont vraiment quelque chose de singulier… elles créent des univers décomplexés, où elles abordent sans détour tout ce qui dérange.

On a beaucoup aimé Michèle Guigon dans La vie va où ?…, découverte au Lucernaire en 2008, qui ose parler du temps qui passe et de la maladie avec autant de franchise que de délicatesse.
On peut d’ailleurs aller l’applaudir à nouveau puisqu’elle joue ce spectacle en ce moment même et jusqu’au 14 novembre 2010 au Théâtre du Rond-Point.

A découvrir aussi actuellement, au Lucernaire, Hélène Ventoura, clown 100 % pur jus qui, le temps de ce spectacle court et surprenant joue des numéros inspirés du cirque et du cabaret d’artistes dont c’est… le dernier numéro. Sur ce fond triste au possible – c’est la grâce des farceurs de son espèce – Hélène Ventoura nous fait rire, avec des tours dérisoires, quelques accessoires, trois notes de musique… Douée d’un talent comique irrésistible, auquel s’ajoute l’assurance tranquille d’une Valérie Lemercier, elle parle de la mort d’une façon si cruelle qu’on on redemanderait ! Ce doit être aussi à cela qu’elles servent, nos belles et courageuses clowns…

Hélène Ventoura
Le dernier numéro
Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs – 75006 Paris
A 21 h, durée 1 h
Places à 15 € et 22 €
Jusqu’au 4 décembre 2010

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Au revoir Pays. Manufacture des Abbesses

Au revoir pays, Manufacture des AbbessesDécouverte, création, émotion. Tel est le cocktail qui vous attend avec Au revoir Pays, un spectacle à voir jusqu’à demain 31 octobre à la Manufacture des Abbesses à Paris.

L’on y découvre une jeune auteur, metteur en scène et comédienne particulièrement douée, Thiane Khamvongsa, dont Au revoir Pays est la première création ; mais aussi une autre comédienne formidable, Na-Bi Shin, au milieu d’une distribution parfois inégale mais pleine de charme.
Le texte est marqué du sceau de la sincérité, puisqu’il s’agit de la propre histoire de la famille de Thiane Khamvongsa, d’origine laotienne, née en 1981 dans un camp de réfugiés en Thaïlande.

En 1975, au Laos, l’arrivée au pouvoir des communistes a bouleversé la vie de cette famille, faisant fuir le fils aîné, enrôlant le cadet de 14 ans dans l’armée révolutionnaire, menaçant de prendre aussi la fille adolescente et envoyant le père qui avait servi dans l’armée royale en camp de redressement. Quand la mère apprend qu’elle est enceinte, elle convainc son époux de fuir le pays pour ne pas donner leur nouvel enfant au régime.
Abandonnant leur pays dans la douleur, les parents, le fils, la fille et le bébé finissent par arriver en France, un pays dont ils ignorent tout, à commencer par la langue et la culture.

Cette pièce bien fichue malgré un didactisme un peu trop systématique saisit le spectateur dès le début et ne le lâche pas d’une heure et demie. L’on s’attache très vite aux membres de cette famille, tant les personnages sont incarnés. On croit à leur histoire et elle nous émeut.
La mise en scène très simple, faite avec peu de moyens, porte la pièce avec une grande efficacité. Le talent des comédiennes jouant la mère – Thiane Khamvongsa – et la fille – Na Bi Shin – participe pleinement de l’agréable sentiment de justesse qui se dégage de ce spectacle fort mais jamais larmoyant, à la portée universelle.

Au revoir Pays
Auteur & metteur en scène : Thiane Khamvongsa
Assistantes à la mise en scène : Sophie O’Byrne & Charlotte Brédy
Avec Mathias Mégard, Thiane Khamvongsa, Fred Aklan, Na Bi Shin, Martin Nikonoff, Hugo Richet, Charlotte Brédy, Sophie O’Byrne
Du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 17h
Durée 1 h 30
Places 13 et 24 €
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron 75018 Paris
Au revoir Pays a été récompensé du Prix Paris Jeunes Talents 2010

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La Cerisaie. Théâtre de l'Odéon

La Cerisaie, théâtre de l'Odéon, mise en scène J Brochen

On lui en veut un peu, à Julie Brochen – et aussi à sa scénographe Julie Terrazzoni.
Pourquoi faire dire le texte à toute vitesse ? Pourquoi faire crier les comédiens ? Pourquoi couvrir parfois leur voix de musique, au point de rendre les mots inaudibles ?
Et non contente de nous troubler l’ouïe, pourquoi nous priver également de la vue ?

Julie Brochen fait courir les acteurs dans tous les sens sans que le procédé en ait toujours un, les dirige de façon outrancière (cris perçants des uns, minauderies de Jeanne Balibar dans le rôle de Lioubov) et, de surcroît, les conserve soigneusement dans une demi-pénombre, réservant sans doute le plaisir de les voir aux deux premiers rangs de l’orchestre.

C’est vraiment dommage. Le talent des comédiens n’est pas en cause, ni la beauté de la musique, encore moins celle des décors – les superbes volumes du plateau sont majestueusement occupés par d’anciennes verrières venant évoquer la splendeur révolue de la Cerisaie et les ravages du temps à travers des vitres brisées.
Le problème est que La Cerisaie est un texte magnifique, montrant des personnages passionnants, atypiques et attachants qui forment un ballet émouvant et amusant à la fois. Or, cette direction d’acteurs, qui sans doute se veut énergique et inventive, alors qu’elle n’est souvent que chichiteuse et ostentatoire, vient gâcher bien des passages, en particulier les longues tirades de Trofimov l’éternel étudiant, et de Lioubov la propriétaire, mais aussi les échanges avec et entre ses filles Ania et Varia. La pièce y perd donc beaucoup.

Deux personnages sont bien-heureusement tout à fait sauvés. Jean-Louis Coulloc’h interprète Lopakhine avec toute la netteté qui sied à ce personnage de fils de moujic devenu riche marchand, incarnant le triomphe de la vulgarité sur la poésie, du travail sur l’oisiveté, mais aussi de l’acquis sur le reçu. Il se trouble à merveille lorsqu’il se fait "bûcheron" (il était d’ailleurs déjà celui de Lady Chatterley dans le film de Pascale Ferran) et fossoyeur de la Cerisaie : la scène de retour de la vente aux enchères est sans doute la plus réussie de la soirée. Quant à André Pomarat, il fait de chacune des apparitions de Firs, le vieux serviteur, des moments d’humour et d’émotion souverains. Dans la scène finale – dont à nouveau l’on ne comprend guère le choix de mise en scène donnant à lire les didascalies au lieu de faire résonner pour de bon les coups de hache qu’elles indiquent -, il bouleverse en exprimant l’anéantissement de ce monde fait d’héritages, de splendeurs et d’asservissement.

La Cerisaie
Anton Tchekhov
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon – Paris 6e
Durée 2h10, sans entracte
Places 10 € à 32 €
Jusqu’au 24 Octobre 2010

Mise en scène Julie Brochen
Texte français André Markowicz & Françoise Morvan
Scénographie Julie Terrazzoni
Lumières Olivier Oudiou
Costumes Manon Gignoux
Musique Carjez Gerretsen & Secret Maker (Gérard Tempia Bondat & Martin Saccardy)
Avec Abdul Alafrez, Muriel Inès Amat, Jeanne Balibar, Fred Cacheux, Jean-Louis Coulloc’h, Bernard Gabay, Carjez Gerretsen, Vincent Macaigne, Gildas Milin, Judith Morisseau, Cécile Péricone, André Pomarat, Jean-Christophe Quenon, Hélène Schwaller

Créé le 27 avril 2010 au Théâtre national de Strasbourg
Production Théâtre National de Strasbourg
coréalisation Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’Automne à Paris

Photo Franck Beloncle

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Le salon littéraire de Madame Récamier

Compagnie Cyclone, Dans le salon littéraire de Mme Récamier

Recréer l’atmosphère des salons littéraires tels qu’ils se sont tenus du XVIIème jusqu’au milieu du XIXème siècles, tel est le propos de la pièce-lecture qui sera donnée ce samedi 16 octobre à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris dans le Marais.

Accompagnées de deux musiciens, Agnès Valentin et Florence Carrique-Allaire interprèteront des textes de différentes époques, allant du Grand Siècle à la période Napoléonienne : récits de batailles, textes révolutionnaires mais aussi plus intimes comme « La France n’est plus qu’un vaste théâtre de carnage… », extrait des Mémoires particuliers de Madame Roland.

La Compagnie Cyclone a créé ce spectacle dans une version courte en 2009 lors de la Nuit des Musées à l’Hôtel National des Invalides à Paris, puis l’a repris avec beaucoup de succès lors des Journées du Patrimoine.
L’ambiance plus feutrée de la Bibiothèque historique, sans compter sa vocation même, sont l’occasion de l’enrichir, en nous faisant suivre la grande Histoire à travers ses auteurs illustres tels Racine, Corneille, Molière, Voltaire, Condorcet, Sieyès, Robespierre, Michelet, Napoléon, mais aussi à travers les plumes effilées de madame de Sévigné, Olympe de Gouges, la duchesse d’Abrantès ou encore Juliette Récamier.

Le salon littéraire de Madame Récamier
Lecture-spectacle mise en espace par Philippe Penguy
Avec Agnès Valentin et Florence Carrique-Allaire
Musiciens Jean-Michel Deliers et Denis Zaidman
Bibliothèque Historique de la Ville de Paris
24, rue Pavée – 4° – M° St-Paul
Samedi 16 octobre 2010 à 18 h 30
Durée 1 h
Places au tarif unique de 10 €
Compagnie Cyclone

Photo Stefania Iemmi

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Les naufragés du fol espoir. Théâtre du soleil

Les naufragés du Fol Espoir, théâtre du SoleilC’est indéniablement le plus spectacle de théâtre vu depuis des mois et des mois. Il est donné à Paris jusqu’au 9 janvier prochain puis partira en tournée en 2011. Mais attention, le succès est au rendez-vous et il faut réserver longtemps à l’avance !

Créé en février dernier, Les Naufragés du Fol Espoir est le dernier spectacle du Théâtre du soleil, la compagnie d’Ariane Mnouchkine qui fête cette année ses 45 ans d’existence.

Mise en abyme magnifique, il parle de création artistique, de construction, de passion, d’engagement politique, de travail et de vie ensemble : il parle du Théâtre du soleil sans le dire et, en détournant le théâtre au profit… du cinéma ! Mettre le cinéma au théâtre sans montrer une once de pellicule, d’image cinématographique au sens propre, il fallait le faire, et Ariane Mnouchkine et sa troupe l’ont fait. C’est un coup de maître.

Nous sommes en 1914, dans le grenier d’une guinguette des bords de Marne dont le patron, fou de cinéma a mis son espace sous les toits à la disposition d’une équipe de cinéma dont le directeur vient de rompre avec la Pathé. Ils tournent un film sur les suites de l’assassinat de l’archiduc Rodolphe de Habsbourg en Autriche en 1889. De ses conséquences politiques en Europe aux appétits colonialistes – notamment victoriens – à l’extrême Sud de l’Amérique Latine, le film nous emmène à bord d’un navire, le Fol Espoir où, après avoir subi les tempêtes du Cap Horn, il croise les quelques Indiens de Patagonie non encore exterminés et en état de sursis.

Au moment du tournage, dans la vie "réelle", l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche est assassiné à Sarajevo ; quelques semaines après, c’est Jaurès qui succombe ; la déclaration de guerre est imminente, il faut se dépêcher de finir le film. Le directeur propose d’arrêter le tournage, mais toute l’équipe, en grande partie constitué du personnel de la guinguette au dessous, invitée à voter la poursuite ou non, décide de continuer.

Tout est dit dans ce spectacle de la passion qui anime l’entreprise cinématographique du temps du muet, du temps des débuts du cinéma. Mais c’est aussi le temps des innovations technologiques et scientifiques source de progrès social, des idéaux politiques, de la fondation de l’idée d’Europe, de l’espoir d’une société égalitaire, d’un nouvel humanisme.
Ces élans magnifiques vont se trouver confrontés, fracassés à la réalité, la réalité historique de l’époque du film et la réalité des événements de 1914.

Que d’intelligence et de sensibilité, cela en est presque vertigineux. La mise en scène est une merveille de beauté et d’invention, l’humour délicieux, le jeu des comédiens fascinant, la musique de l’époque enjouée ; le tout débordant d’énergie.
Il faudrait aussi parler de la neige, du vent, de l’oiseau, de la poésie… ; et encore du plaisir partagé, entre les comédiens, avec les spectateurs, autant de manières de dire le plaisir du spectateur tout court.

Les Naufragés du Fol Espoir
Théâtre du Soleil
Une création collective mi-écrite par Hélène Cixous, librement inspirée des Naufragés de Jonathan de Jules Verne sur une proposition d’Ariane Mnouchkine
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre • 75012 Paris
M° Château-de-Vincennes, sortie nº 6 en tête de train vers la station d’autobus où une navette commence ses voyages 1 h 15 avant le début du spectacle et les termine 10 minutes avant – Desservi également par le bus 112
Réservations au n° 01 43 74 24 08 , TLJ de 11 h à 18 h
Mercredi, jeudi, vendredi à 19 h 30, samedi à 14 h et 20 h, dimanche 14 h
Durée : 3 h 50 avec entracte
Places : Individuels 27 € — Collectivités 22 € — Étudiants et scolaires 15 €
Jusqu’au 31 décembre 2010

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Tartuffe. Théâtre du Lucernaire

Tartuffe au théâtre du Lucernaire"Liberté incroyable et intacte : c’est ainsi qu’apparaît Molière près de 350 ans après sa mort" écrivait Philippe Sollers à l’occasion de la nouvelle édition des Oeuvres complètes du dramaturge dans la Pléiade (1). C’est tellement vrai : réécoutez Tartuffe, c’est un suc dont chaque vers vous délectera. Durant tout l’été, le Théâtre du Lucernaire en propose une représentation fort réjouissante.
La mise en scène de Philippe Ferran est adaptée à la salle du plateau : pas de décor spectaculaire ni d’amples mouvements tels que la grande scène de la Comédie-Française les autorise. Dans le Théâtre Rouge du Lucernaire, le spectacle repose sur la direction d’acteur et le talent des comédiens. Comme celle-là est habile et celui-ci au rendez-vous, deux heures durant on ne perd pas une miette de ce chef d’œuvre corrosif, au comique de tous les instants.

Tartuffe est, faut-il le rappeler, ce fieffé hypocrite, faux dévot et vrai séducteur qui s’introduit chez le naïf Orgon, le charme de ses doucereuses paroles et de ses pieuses poses, au point de recevoir de lui donation de tous ses biens, tout en cherchant, en coulisse, à obtenir les faveurs de son épouse…

Comme dans L’Avare, l’autoritarisme du père est rudement croqué, la fraîcheur et les élans spontanés venant des enfants. Mais c’est bien sûr la faux-culterie dans toute sa spendeur, que Molière applique ici à la dévotion, qui fait toute la saveur de la pièce.
Marc Chapiteau y fait un Tartuffe inattendu et un peu décalé, mais dont la suavité de la voix colle exactement au personnage. Jean-Paul Dubois est un Orgon parfait, calme, agaçant, attachant puis perdu. La scène de la dispute qu’il partage avec Dorine est un petit bijou, Patricia Varnay donnant à ce rôle de suivante tout le bagoût, l’aplomb et l’humour exigé par le personnage. Même bonheur avec Elmire l’épouse d’Orgon : Laurence Guillermaz va du grave au plus enjoué, mêlant les deux de façon très convaincante dans la scène des faux aveux avec Tartuffe.
L’on sort du spectacle enchanté, le rythme magnifique des vers de Molière résonnant encore en tête, mais aussi un brin songeur, car, pour citer à nouveau Philippe Sollers (1) "comment oublier les noms de ces merveilleuses marionnettes que vous retrouvez aujourd’hui dans la vie courante ?"

Tartuffe
De Molière
Mise en scène de Philippe Ferran assisté de Héloïse Martin
Avec Jean-Paul Dubois, Marc Chapiteau, Laurence Guillermaz, David Legras, Marine Segalen ou Patricia Varnay, Dominique Jayr, Hélène Gédilaghine, Cédrick Spinassou ou Bertrand Barré, Harold Girard, Walter Hotton
Le Lucernaire – Théâtre Rouge
53, rue Notre-Dame-des-Champs – 75006 Paris
Jusqu’au 11 septembre 2010
Du mardi au samedi à 21 h 30
Durée 2 h
Places de 15 à 30 €

(1) Le Nouvel Observateur du 27 mai 2010

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Nunzio. Spiro Scimone

Nunzio, de Spiro Scimone au LucernaireChaque fois que l’on monte tout en haut des marches du petit escalier pour accéder au Paradis, la surprise est la même : on a beau se souvenir que cette salle du Lucernaire est toute petite, on se demande, en y entrant, comment il est possible d’y faire cohabiter spectateurs et comédiens.
Et pourtant ! Les lumières s’éteignent, et la magie du théâtre s’allume. La pièce démarre et l’on oublie que nos pieds touchent la scène. Il y a le spectacle et, derrière une invisible frontière, il y a nous, public, et cela fait chaud au cœur de se trouver là ensemble ce samedi 3 juillet, jour où l’on apprend la mort de Laurent Terzieff. A l’entrée, une affiche annonce que le Théâtre est en deuil ; ouvreuses et spectateurs ne parlent que du disparu.
Mais the show must go on.
C’est donc parti pour 1 h 20 avec Nunzio, de l’Italien Spiro Scimone, dont on avait vu, en 2008 au Théâtre du Rond-Point, La Busta, une pièce sur les régimes totalitaires qui nous plongeait dans un univers kafkaïen.
Dans Nunzio, l’ambiance est tout à fait différente. Il s’agit d’un huis-clos entre deux hommes unis par un lien très fort. Nous sommes en Sicile, dans un pauvre appartement faiblement éclairé, où vit Nunzio, grand gaillard un peu efflanqué et assez imbécile, rêveur et fervent catholique. Un être désarmant et malade, que l’on a envie de protéger. Arrive Pino, un ami, lui pas naïf du tout, un bras armé de Cosa Nostra, dur d’apparence mais en réalité cœur fondant face à Nunzio.
Le spectacle, dont Scimone, avec Francesco Sframeli a tiré Due amici (qui a reçu le prix du meilleur premier film à la Biennale de Venise en 2002) est précisément une pièce sur l’amitié entre deux hommes. Ici le lien se teinte d’un rapport paternel très fort, Pino couvant Nunzio comme son fils, Nunzio faisant vibrer la fibre poétique de Pino.
Sur un décor qui va à la pièce comme le gant sur la main, la mise en scène de Thierry Lutz est parfaitement juste. Les deux comédiens se régalent et régalent le public, surtout Christian Lucas impeccable dans le rôle de Nunzio. On aimerait que Christian Abart joue de façon un peu moins conventionnelle à certains moments, en particulier dans les passages où il joue le "dur". Il est certainement plus difficile d’être original quand on doit incarner un cliché. Mais lorsqu’il se laisse étreindre par les sentiments, il nous montre un visage autrement plus singulier, émouvant, sur fond de ritournelle italienne délicieusement surannée…

Nunzio
Une pièce de Spiro Scimone
Mise en scène Thierry Lutz
Avec Christian Abart et Christian Lucas
Théâtre du Lucernaire – salle Le Paradis
53 rue Notre-Dame des champs – 75006 Paris
Places 22 € (TR 15 €)
Du mardi au samedi à 19 h, durée 1 h 20
Jusqu’au 11 septembre 2010

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Le soir, des lions… François Morel

Le soir des lions... François Morel au Rond-PointQue ce soit en suivant ses chroniques sur France Inter, les spectacles qu’il donne en chansons ou les souvenirs du temps des Deschiens sur Canal +, l’on se fait de François Morel, à tort ou à raison, l’idée d’un homme sincère et cohérent, dont le personnage artistique est l’écume bouillonnante d’une intimité pleine d’émotions pudiquement habillées.

Feinte ou réelle, sa relation au passé, à l’amitié, à l’amour et à la mort vient s’inscrire dans une tradition dont la source est proche de Trenet, Brassens et les frères Jacques. Ses airs et ses mots ont la vertu, en 2010, d’enchanter les cœurs en ranimant les temps révolus, tout en apaisant, tel un baume ancestral, d’incurables plaies devenues avec lui presque aimables.

Son souffle nostalgique, son lyrisme maquillé de pitrerie, il les présente fort joliment jusqu’au 27 juillet dans l’intimité de la salle Jean Tardieu du théâtre du Rond-Point.
Décor mi-guinguette (palissade et lampions) mi-brocante (mannequin articulé et bassines en zinc), complets pour les messieurs et robes à fleurs des années 1950 pour les dames, François Morel entouré de très sympathiques musiciens-choristes enchaîne chansons de son cru et micro sketches en alternant franche moquerie, poésie, calembours et mélancolie.

Sur des musiques d’Antoine Sahler et de Reinhardt Wagner et une mise en scène d’une Juliette jamais à court de fantaisie, l’ensemble fonctionne du feu de Dieu, porté par une complicité bien en place entre l’artiste, faux hâbleur et vrai ravi, et le public tout à sa joie. Il en redemande, nous compris.

Le soir, des lions…
Textes et interprétation des chansons François Morel
Mise en scène Juliette
Musique Antoine Sahler, Reinhardt Wagner
Musiciens Lisa Cat-Berro, Muriel Gastebois et Antoine Sahler
Jusqu’au 27 juin2010
Théâtre du Rond-Point
Salle Jean Tardieu
A 21 h – Dimanche à 15 h 30
Durée 1 h 30

Photo © Brigitte Enguerand

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L'Arracheuse de temps. Fred Pellerin

Fred Pellerin, L'Arracheuse de temps à l'EuropéenDécouvert hier soir sur la scène de L’Européen à Paris : Fred Pellerin, un Quebecois de 33 ans qui exerce le joli et singulier métier de conteur. Conteur pour adultes : chez Monsieur Pellerin, ça veut dire emporter, faire rire et émouvoir. Et Fred est aussi musicien et chanteur.
La disproportion entre le talent de l’artiste et l’exiguïté de la salle saute vite aux oreilles et aux yeux. Autant dire que l’ambiance était chaleureuse, avec sans doute quelques compatriotes attendris aux premiers rangs : cet ancien étudiant en littérature est devenu une star au Québec et on comprend pourquoi.
L’Arracheuse de temps est son quatrième spectacle ; il y conte une histoire fabuleuse tissée de légendes de son village, entendues depuis sa tendre enfance de la bouche de sa grand-mère, de son père et des vieux du coin. Dès la première phrase, on est suspendu à ses lèvres et à son sacré accent québécois, et, captivé, on ne lâche pas la corde pendant près d’une heure et demie. La pièce mélange personnages hauts en couleurs rudement bien croqués et fantastique des contes de fées, avec, pour le frisson, une Camarde qui ne manque pas de souffle… Le tout débordant d’humour (talent comique indéniable et jeux de mots en tout genre), d’inventions (néologismes adorables), de poésie et d’imagination.
Parfois ce très sympathique garçon pousse la chansonnette, empoigne la guitare ou la mandoline, si ce n’est l’harmonica, tandis que ses pieds battent le rythme avec éclat : là aussi, on sent que, justement, il en a "sous le pied". Il ne s’économise pas, et il n’en a pas besoin : du talent, il en a à revendre.

L’Arracheuse de temps
Fred Pellerin
L’Européen
5, rue Biot, Paris 17e
M°Place-de-Clichy. Tél. : 01-43-87-97-13
Du 1er au 6 juin samedi à 20 h 30 et dimanche à 17 heures
Places de 25 € à 30 €.

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